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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Monday, August 26, 2019 - Vol. 45 N° 23

Order of initiative on the future of the news media


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions

Mme Marie-Ève Martel

M. Patrick White

Confédération des syndicats nationaux (CSN) et Fédération nationale
des communications-CSN (FNC-CSN)

Syndicat des travailleurs de l'information de La Presse (STIP)

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

Autres intervenants

M. Enrico Ciccone, président suppléant

M. Samuel Poulin

M. Louis Lemieux

Mme Marie-Louise Tardif

Mme Isabelle Melançon

Mme Marwah Rizqy

Mme Catherine Dorion

M. Harold LeBel

Mme Catherine Fournier

M. Jean-Bernard Émond

M. Sylvain Lévesque

M. Luc Provençal

*          M. Jacques Létourneau, CSN

*          M. Claude Dorion, idem

*          Mme Pascale St-Onge, FNC-CSN

*          Mme Violaine Ballivy, STIP

*          Mme Laura-Julie Perreault, idem

*          Mme Janie Gosselin, idem

*          M. Louis-Samuel Perron, idem

*          M. Daniel Boyer, FTQ

*          M. Denis Bolduc, idem

*          Mme Nathalie Blais, idem

*          M. Renaud Gagné, idem

*          M. Alain Goupil, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Quatorze heures six minutes)

Le Président (M. Ciccone) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques, s'il vous plaît.

La commission est réunie afin de procéder aux auditions publiques dans le cadre des consultations particulières concernant le mandat d'initiative portant sur l'avenir des médias d'information.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements pour ce mandat?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Labrie (Sherbrooke) sera remplacée par Mme Dorion (Taschereau) et Mme Hivon (Joliette), par M. LeBel (Rimouski).

Le Président (M. Ciccone) : Est-ce qu'il y a consentement pour les remplacements suivants?

La Secrétaire : M. Asselin (Vanier-Les Rivières) serait remplacé par Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice); M. Chassin (Saint-Jérôme), par M. Lévesque (Chauveau); Mme Grondin (Argenteuil), par M. Allaire (Maskinongé); et M. Skeete (Sainte-Rose), par M. Provençal (Beauce-Nord).

Le Président (M. Ciccone) : Y a-t-il consentement?

Des voix : Consentement.

Auditions

Le Président (M. Ciccone) : Consentement, merci. Aujourd'hui, nous entendrons Mme Marie-Ève Martel, M. Patrick White, la Confédération des syndicats nationaux conjointement avec la Fédération nationale des communications, le Syndicat des travailleurs de l'information de La Presse et la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Cependant, nous commencerons avec M. Patrick...

La Secrétaire : Elle est là, Mme Martel...

Le Président (M. Ciccone) : Elle est là? Ah! elle est là, elle est revenue. Formidable! Bon, je vous souhaite la bienvenue, Mme Martel. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé...

Une voix : ...

Le Président (M. Ciccone) : Non. O.K.? Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à procéder à votre exposé, la parole est à vous.

Mme Marie-Ève Martel

Mme Martel (Marie-Ève) : Bonjour, M. le Président, Mmes et MM. les parlementaires membres de la commission. Mon nom est Marie-Ève Martel, je suis journaliste à La Voix de l'Est et auteure d'Extinction de voix  Plaidoyer pour la sauvegarde de l'information régionale. Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner dans le cadre de ce mandat d'initiative sur l'avenir des médias.

Il va sans dire que l'urgence d'agir n'est plus à prouver. Au cours de la dernière décennie, au moins une cinquantaine de médias d'information, particulièrement dans la presse écrite régionale, ont disparu de l'écosystème médiatique québécois. On recense la perte de plus d'un emploi de journaliste sur 10 mais aussi de près de la moitié de tous les emplois dans les entreprises de presse. Il y a à peine une semaine, c'est mon monde qui a failli s'écrouler. Cette hémorragie n'est pas en voie de s'arrêter, bien au contraire. À l'heure actuelle, ce sont presque tous les médias d'information québécois qui risquent de disparaître, avec de lourdes et irréversibles conséquences pour la démocratie si rien n'est fait pour les soutenir. Le cas échéant, ce seront des villes, des MRC, des pans de vos circonscriptions qui deviendront des déserts médiatiques, des lieux où se dérouleront tout plein de choses dont personne ne parlera.

Aux prises avec une crise financière sans précédent, ces entreprises de presse cherchent à se réinventer, à trouver une manière de traverser la tempête avant de faire naufrage. Je peux personnellement témoigner des nombreux efforts effectués par les artisans de Groupe Capitales Médias mais aussi d'autres journaux pour garder la tête hors de l'eau. Mais la recette magique n'existe pas. Comme disait la célèbre publicité : Si ça existait, on l'aurait.

Si les médias se trouvent à un carrefour déterminant de leur avenir, leur pertinence, elle, n'a pas à être à nouveau établie, et ce, bien que leur vocation mercantile entre en contradiction avec leur mission de servir l'intérêt public. Dans les milieux respectifs, les médias jouent un rôle social, démocratique, économique et culturel de premier plan, le tout en étant les témoins de ce qui se déroule dans des centaines de communautés réparties dans plusieurs régions du Québec.

• (14 h 10) •

Les nouvelles technologies d'information ont permis l'avènement de ce qu'on appelle l'économie du savoir. Or, il est rarement question, grâce à celles-ci, d'une démocratie par le savoir. En ce sens, les médias d'information sont un rempart indispensable à la désinformation pour remettre les pendules à l'heure et pour permettre aux citoyens de faire un choix éclairé sur une pléthore d'enjeux publics. Surtout, afin d'obtenir un son de cloche équilibré, il est primordial que les citoyens aient accès à une diversité de sources d'information qui ne traitent pas toujours de ces enjeux de la même manière et qui font appel à des intervenants différents.

Les retombées locales des médias ne se mesurent pas toujours de manière tangible. Des études ont démontré que, dans les communautés où les médias se sont éteints, le coût des contrats publics octroyés et le salaire des fonctionnaires sont plus élevés qu'ailleurs, signe qu'il n'y a pas de chien de garde de la démocratie pour les surveiller ainsi que la gestion des deniers publics, que le débat politique est davantage polarisé et que moins de personnes s'impliquent activement dans la vie publique ou se portent candidates à des postes électifs.

En région, ce constat est encore plus frappant. Les grands médias n'ont pas les ressources et l'espace pour traiter de tout ce qui se déroule hors des grands centres, il faut donc qu'une nouvelle soit hors normes pour qu'elle se fraie un chemin jusqu'à eux. Pourtant, de nombreuses initiatives locales méritent d'être soulignées et de faire parler d'elles. Des injustices et des drames doivent aussi être dénoncés, et c'est plus souvent qu'autrement via les médias locaux que ces cris se font d'abord entendre. N'oublions pas non plus que les médias sont des acteurs de construction identitaire locale, des adjuvants à la cohésion sociale et une agora populaire où s'échangent les idées. En décrivant les initiatives locales et en laissant la place à des débats, en rappelant des moments et des personnages marquants de l'histoire locale et en usant de référents propres à la région, les médias posent les balises d'une identité et d'une culture qui caractérisent leur communauté d'ancrage.

À la suite de la publication de mon essai Extinction de voix,j'ai eu l'occasion de visiter plusieurs régions du Québec pour parler d'information locale non seulement avec des journalistes, mais aussi avec des citoyens qui se sentent concernés par l'avenir de leurs médias locaux. Plusieurs constats ont émergé de ces rencontres, démontrant des constantes d'une région à l'autre. En général, la population est certes attachée à ses médias d'information, mais elle ne comprend pas nécessairement qu'il y a péril en la demeure. Elle prend ses journaux et ses stations de radio et télévision communautaires pour acquis et ne comprend pas que ceux-ci sont pris avec une crise économique, et pour cause, les questions et les affirmations m'étant parvenues du public m'ont fait réaliser que celui-ci comprend très mal notre métier et ses objectifs. Il serait possible d'endiguer cette confusion grâce à des initiatives en éducation aux médias qui permettraient aux citoyens d'apprendre à mieux consommer ceux-ci. Une éducation aux médias doit aussi être offerte aux élus, dont certains ont, encore aujourd'hui, une mauvaise perception ou une méconnaissance du rôle du journaliste. Cela donne lieu à des entraves à la liberté de presse mais aussi au droit du public à l'information. La transparence, dans certains lieux, est hermétique et vise d'abord à maintenir une image plutôt que d'informer.

On pourrait se laver les mains et laisser la loi du marché dicter l'avenir des médias d'information, que les plus innovants et ceux ayant le plus de moyens survivent, tant pis pour les autres, mais l'entrée en jeu de nouveaux joueurs étrangers auxquels les règles ne semblent pas s'appliquer a créé un déséquilibre important dont il faut se préoccuper. Advenant la disparition des médias, dont les revenus publicitaires ont été vampirisés par les fameux GAFA, ce ne sont ni Google ni Facebook et compagnie qui enverront des journalistes professionnels couvrir les séances des conseils municipaux ou enquêter sur de nombreux sujets d'intérêt public. Ajoutons à cela le fait que moins d'une personne sur 10 paie pour s'informer, ce qui a effet d'occulter le fait que l'information a un coût à produire mais a aussi une valeur. Collectivement, nous avons oublié la valeur du journalisme et nous nous sommes détournés de sa mission première, croyant à tort qu'ici, au Québec, la liberté de presse et l'accès à l'information étaient acquis pour toujours.

Le coeur du problème est un peu là : tout le monde est pour la sauvegarde de l'information, mais personne ne veut payer pour. La situation se résume pourtant bien simplement : désormais, les médias d'information financent à grands frais la production de reportages d'intérêt public, mais ils ne peuvent plus compter sur les revenus publicitaires ou les revenus d'abonnement d'autrefois pour y parvenir. Connaissez-vous beaucoup d'entreprises qui parviendraient à survivre dans de telles circonstances? Le simple libre marché ne peut pas s'appliquer dans l'industrie de l'information, car celle-ci n'est pas un produit qui peut être sous-traité ailleurs pour moins cher. Le fruit du travail des journalistes n'est pas un simple produit de consommation qui pourrait être remplacé s'il disparaissait. L'information est un bien public dont bénéficie la société tout entière. S'il est donc une seule chose que vous devez retenir de mon témoignage, c'est que la pérennité de ce bien public dépend des efforts de la communauté tout entière pour le faire survivre. C'est donc pour vous demander, à titre d'élus, de préserver l'information régionale québécoise que je m'adresse à vous aujourd'hui.

Le débat entourant la survie des médias d'information s'est longuement attardé sur le virage numérique à entreprendre. Nous avons beaucoup entendu parler du contenant transportant les nouvelles, mais très peu du contenu lui-même. Je considère plutôt que le véhicule importe peu, en autant que les contenus qui s'y trouvent soient pertinents. Papier ou numérique, un média d'information trouvera sa pertinence dans la qualité de ses reportages, de ses enquêtes journalistiques et des analyses que ses artisans en tireront. Ainsi, je recommande à la commission d'étudier la possibilité d'établir des crédits d'impôt sur les masses salariales des médias, qui pourraient encourager ceux-ci à embaucher et investir dans leurs salles de rédaction plutôt que d'effectuer des compressions, avec pour impact direct une augmentation de la couverture journalistique, particulièrement au niveau local. La reconnaissance de l'information journalistique en tant que produit culturel pourrait également assujettir celle-ci aux différentes mesures fiscales qui existent déjà. Il ne suffirait que de bonifier les enveloppes existantes pour ne pas pénaliser les actuels bénéficiaires de ces programmes. Évidemment, j'encourage le gouvernement du Québec à poursuivre ses investissements publicitaires dans les médias d'information québécois afin de donner l'exemple aux entreprises privées qui les ont délaissés au profit des GAFA. Il m'apparaît contradictoire de prêcher pour l'achat local sans être conséquent à ce sujet.

Je lance aussi l'idée de créer un fonds dédié au financement de reportages d'information d'intérêt public, un fonds auquel auraient accès tous les médias généralistes québécois, tout en respectant leur indépendance journalistique. Je propose, par exemple, que l'accessibilité de l'aide financière issue de ce fonds soit proportionnelle au contenu original et local produit par chaque média sous forme de retour sur investissement. Le fonds pourrait aussi être géré par un comité indépendant et chapeauté par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec.

Membres de la commission, vous avez le pouvoir, le devoir, dis-je, de maintenir l'un des piliers de notre démocratie. Vous devez vous élever au-dessus du débat partisan à propos de la propriété de la presse et mettre en place des mesures qui soutiendront les médias d'information, peu importe à qui ceux-ci appartiennent et surtout peu importe leur taille, en autant qu'ils continuent leur mission de servir l'intérêt public, car qui, à l'heure actuelle, pourrait répondre à cette prérogative si les médias disparaissent? Vous devrez toutefois agir vite. Plus le temps passe et plus la précarité des médias s'accroît. Si rien n'est fait à court terme, cela représenterait une atteinte importante au droit du public à l'information, au droit du public à avoir accès à une pluralité de sources de points de vue. Ne laissez pas des régions sombrer dans le noir.

Je vous remercie à nouveau de m'avoir offert l'occasion de présenter ces quelques constats et je suis maintenant disposée à répondre à vos questions.

Le Président (M. Ciccone) : Je vous remercie beaucoup, Mme Martel. Nous sommes maintenant prêts à entendre la partie gouvernementale pour une durée de 15 minutes, et je reconnais le député de Beauce-Sud.

M. Poulin : Merci beaucoup, M. le Président. Vous me permettrez, Mme Martel, puisque nous sommes dans nos premiers échanges dans le cadre de cette commission parlementaire, avant qu'on puisse débuter notre discussion, de saluer mes collègues, évidemment, du gouvernement, qui... chacun et chacune a un fort intérêt pour l'avenir de nos médias, bien évidemment, saluer également l'opposition officielle, les gens également des autres oppositions.

Très content de vous retrouver, parce qu'on attendait, vous aussi et nous aussi, cette commission parlementaire là. On a beaucoup de journalistes qui sont dans la salle, alors ça démontre l'intérêt très prononcé envers cette question-là, qui est vitale pour notre démocratie, qui est vitale pour l'avenir de l'information que l'on donne à nos citoyens, que ce soit dans les grands centres ou encore en région. Un problème qui, vous l'avez exprimé dans votre livre, Extinction de voix, que j'ai eu un grand privilège de lire... qui dit très clairement que ça n'a pas commencé la semaine dernière puis qu'il y a une importance d'agir. Vous l'avez dit, si on avait la solution magique, probablement que les précédents gouvernements, le gouvernement actuel l'auraient mis en place, ça, c'est clair. Mais il y a des défis qui sont superimportants, et vous le relevez dans votre livre, et vous le relevez également dans votre mémoire de façon assez claire.

Avant de peut-être aller au fond des solutions, j'aimerais que vous me parliez un peu de vous puis peut-être de la perception qu'il y a, présentement, dans une salle des nouvelles au Québec, de la perception qu'il y a quand vous parlez avec les conseillers publicitaires, que vous parlez avec les patrons des différents médias. Ils sont rendus où? Comment ils se sentent? Comment ils ressentent l'avenir? Comment ils entrevoient l'avenir? Quel est l'état d'âme? Vous, ça vous a poussé à écrire un livre, à prendre la parole publiquement, à dire clairement ce qui va et ce qui ne va pas puis à coucher des solutions, mais il y a beaucoup de gens qui sont dans l'univers des médias qui n'ont pas la chance de venir s'exprimer devant nous aujourd'hui puis de nous dire comment ils entrevoient l'avenir, donc j'aimerais que vous nous dites, à l'interne, comment ça se passe et comment ça se vit.

• (14 h 20) •

Mme Martel (Marie-Ève) : Je porte un peu de vert aujourd'hui, c'est l'espoir, on a tous espoir qu'on va réussir. En fait, on se trouve devant une grande vague et on ne sait pas encore ce qui va arriver de l'autre côté de cette vague-là. Certains pensent que le salut va passer par un virage numérique, mais on a tous conscience... parce que, de la nature de notre travail, ça amène un certain idéalisme, on a tous confiance que la démocratie, le droit du public à l'information vont triompher. On est tous motivés par un certain idéal, qui passe par l'information. Je ne vous cacherai pas que, évidemment, on sent, par contre, une grande méconnaissance de notre travail au sein du grand public. Beaucoup de gens... Il y a encore des gens qui pensent qu'il faut payer pour faire un article dans le journal, pour passer dans le journal. Il y a beaucoup de gens aussi, et ça, ça a été d'abord mentionné par Éric-Pierre Champagne sur un billet de blogue qui était fort intéressant, que les gens nous associent beaucoup aussi aux propriétaires, hein? Jusqu'à la semaine dernière, moi, je travaillais pour les journaux à Cauchon, quelques années auparavant je travaillais pour les journaux à Desmarais, et j'ai certains collègues, ici même et au Québec, qui travaillent pour le journal à Péladeau. Pourtant, ce ne sont ni M. Desmarais, ni M. Cauchon, ni M. Péladeau qui font les articles de journal, ce sont des journalistes passionnés qui travaillent jour après jour à faire de leur mieux. Puis des fois il y a des articles qui sont moins intéressants, qui sont peut-être un peu plus divertissants, mais ça fait partie du produit qu'on a à offrir, hein, parce que nous, on ne peut pas créer de la nouvelle, on doit attendre qu'elle se présente à nous. Et je pense que, justement, c'est pour ça que c'est important d'éduquer aussi les Québécois à l'importance des médias, parce que c'est pour eux qu'on écrit, ce n'est pas pour M. Cauchon, M. Desmarais ou M. Péladeau, c'est pour la population. Et, si la population comprend mal à quoi on sert, si la population comprend mal comment interpréter et consommer un média, ça va mal les servir. Donc, je pense qu'il faut qu'on soit... à ce moment-là, donc, oui, c'est l'espoir.

M. Poulin : Oui, c'est l'espoir. Et, quand on voit également l'évolution du métier... puis j'aimerais vous entendre également là-dessus, parce que ça fait plusieurs années que vous êtes dans la profession, ça a bougé, ça a évolué. Moi, j'ai fait de la radio, j'ai été dans des journaux coopératifs, dans la radio privée, la radio communautaire, j'ai eu à congédier des gens parce que, justement, on devait faire certaines restructurations. Alors, tout ça ne date pas d'hier non plus. Donc, comment votre métier a si changé, si évolué avec le temps? Puis quelle est la meilleure façon de convaincre quelqu'un de faire du journalisme dans ces conditions-là? Vous en parlez, justement, comment le métier a évolué, comment on fait du numérique, comment on fait du Web, comment on doit faire du vidéo, Twitter, Facebook, être en ondes le plus rapidement possible pour livrer l'information, écrire le texte le plus tôt possible, tout en préservant une qualité à titre de journaliste aussi. Les salles de nouvelles fonctionnaient avec plusieurs journalistes il n'y a pas tellement longtemps, on les a restreintes à son maximum. C'est souvent le premier endroit où on coupe. On met plus de vendeurs sur la route en disant : Ils vont nous ramener plus de revenus publicitaires, mais, pendant ce temps-là, les journalistes, eux, doivent remplir les pages ou encore remplir le temps d'antenne. Alors, parlez-moi, un peu de l'évolution de ce métier-là puis à quel point... des exemples très précis que vous avez vécus dans des salles de nouvelles qui ont particulièrement affecté la profession journalistique.

Mme Martel (Marie-Ève) : Quand j'ai commencé mes études universitaires, c'était en 2006, on commençait à peine à parler de Facebook et de YouTube, on ne savait pas c'était quoi et on ne savait pas dans quelle mesure ces outils-là allaient révolutionner la manière de travailler. J'ai commencé ma carrière de journaliste en 2009‑2010, et, dans les hebdomadaires, en fait, on était deux, et j'ai même été toute seule pour alimenter un hebdomadaire chaque semaine. Je suis arrivée à La Voix de l'Est en fin février 2013. À ce moment-là, on était 21 dans la salle de nouvelles. On est aujourd'hui 14, dont la moitié n'ont pas de poste permanent, ce sont des surnuméraires. Donc, quand les employés sont moins nombreux, nous, on doit quand même publier un journal à tous les jours. On m'a élevée en me disant : Si tu n'as rien à dire, tu te tais. Malheureusement, dans un journal, ça ne fonctionne pas comme ça, on publie pareil, parce qu'on a une tombée, donc on doit mettre les bouchées doubles. Je peux écrire, des fois, quatre textes par jour avec des brèves, des faits divers. On peut aussi faire des «breaking news». On peut être amenés à faire autant un texte de sport que de culture, un texte municipal, un organisme communautaire. Ça resserre beaucoup les liens aussi entre collègues, parce qu'on a le syndrome du survivant, hein, c'est vraiment prouvé qu'on a ça, et on continue parce qu'on y croit. Des fois, on a des moments de découragement, mais il y a toujours un collègue qui dit : Ça va aller, on va passer à travers. C'est sûr que la charge de travail s'est décuplée. La mission reste la même, mais il y a des limites à faire plus avec moins, puis on est rendus là.

M. Poulin : Vous en avez abordé, différentes solutions, à l'intérieur du mémoire, qui sont super, superintéressantes. Vous avez parlé, entre autres, d'éducation, l'importance que nos jeunes comprennent le vrai du faux, de qu'est-ce que c'est, des médias d'information. Alors, je veux vous entendre peut-être... Je vais tout de suite venir à la question des annonceurs et le fait que des entreprises doivent prendre le réflexe davantage de se tourner vers les médias traditionnels pour investir de la publicité. Vous dites : «En 2005, les annonceurs canadiens avaient dépensé 562 millions de dollars en publicité en ligne et 2,7 milliards de dollars dans les journaux imprimés. 11 ans plus tard, la situation s'est inversée : le numérique représentait des investissements publicitaires de 5,6 milliards de dollars, une hausse annuelle et soutenue de plus ou moins 20 %, pendant que les publicités imprimées dans les médias écrits ont dégringolé de 48 % pour atteindre 1,4 milliard de dollars», et ça, vous le tirez d'un forum des politiques publiques qui a été dévoilé en 2017.

Quel est le meilleur outil, selon vous, pour convaincre le concessionnaire, pour convaincre l'entreprise qui est dans la municipalité ou est dans la région depuis plusieurs années d'investir dans son média local? Je crois également que plusieurs éditeurs n'ont pas manqué d'imagination dans les dernières années pour les convaincre. Je vous raconte une anecdote très rapidement. Chez nous, il y a une éditrice qui a dit : On ne publiera plus le journal dans cette municipalité-là parce qu'il n'y a plus d'annonceurs qui font affaire, et elle a reçu 700 messages de citoyens qui lui disaient : Pourquoi je ne reçois plus mon journal? Alors, elle est allée voir les annonceurs puis elle a dit : Voyez-vous? Je suis lue dans votre communauté, et elle a pu recommencer à imprimer à l'intérieur de la municipalité. Alors, c'est la solution qu'elle avait trouvée pour convaincre les gens que ça valait la peine d'investir à l'intérieur de médias écrits. Moi, j'en suis convaincu. On fait de la politique, on doit faire des choix publicitaires à l'occasion, et j'y crois foncièrement, à ce journal-là, en termes d'information puis en termes de communication avec le public. Alors, oui, il y a l'aspect financier, où on se doit de convaincre les gens d'investir dans nos médias locaux, et qu'est-ce qu'on peut encore faire de plus pour le faire? Il y a un volet éducatif, il y a un volet créatif également, mais qu'est-ce qu'on doit faire de plus?

Mme Martel (Marie-Ève) : Je pense que c'est une question de sensibilisation. C'est donnant-donnant, c'est l'achat local. C'est aussi simple que ça. Je veux dire, la plupart des gens qui travaillent dans un média, à l'heure actuelle, se font dire que, le papier, c'est fini, par exemple, qu'il faut aller sur Facebook parce que c'est là que les gens se trouvent. Ce n'est pas ça, la solution. C'est un peu hypocrite de dire : Achetez local, achetez à ma boutique, allez dans mon commerce parce que j'ai pignon sur rue, je crée des emplois, je paie mes impôts, je paie mes taxes, alors que ces mêmes personnes là ont choisi de ne plus annoncer dans leur média local pour aller donner leur argent à une multinationale américaine qui avale tout ce qu'il y a de revenus publicitaires au Canada en ce moment, là, on parle de 80 %. Un journal... À La Voix de l'Est, là, c'est presque une quarantaine d'employés, donc c'est 40 familles qui vivent grâce à ça, c'est 40 familles qui paient des taxes foncières, c'est 40 familles qui consomment localement, c'est 40 familles qui interagissent dans le milieu. Donc, si un annonceur choisit de ne plus s'annoncer dans un média, bien, ça fait aussi 40 familles qui n'iront peut-être pas dépenser chez lui. Donc, c'est une roue qui tourne, ça fait partie du réseau local. On est un acteur qui témoigne de la vitalité de cette localité-là, mais on doit aussi être alimentés par cette localité-là. C'est aussi simple que ça.

M. Poulin : Merci beaucoup. Je vais laisser la parole à mon collègue.

Le Président (M. Ciccone) : Je reconnais maintenant le député de Saint-Jean.

M. Lemieux : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Martel.

Mme Martel (Marie-Ève) : Bonjour.

M. Lemieux : Vous terminez votre mémoire — pas votre présentation, mais votre mémoire — en disant qu'«il importe d'agir avant que le Québec ne devienne un immense désert médiatique». Je pense que vous avez raison, et je voudrais vous entendre par rapport à l'urgence qui a pris toute la place sur la scène publique depuis une dizaine de jours, le groupe qui vous engage, Le Groupe Capitales Médias, qui a saisi un peu la place publique avec une urgence. Mais je voudrais vous entendre... je ne veux pas vous suggérer la réponse, mais je veux savoir, même si c'est de vous un peu dont il s'agit, comment vous voyez ça par rapport au reste du Québec. Vous avez dit le mot «local» et «régional» très souvent dans votre présentation, vous l'avez écrit énormément, c'est de la musique à mes oreilles. Mais maintenant qu'on est en train de réagir, on est en réaction à ce qui s'est passé, est-ce qu'on ferait une erreur si on ne lisait pas la dernière ligne de votre mémoire?

Mme Martel (Marie-Ève) : En fait, c'est ça, cette semaine, la semaine dernière, il y a une dizaine de jours, c'était l'entreprise qui m'emploie qui était sous les projecteurs, mais il y en a tellement d'autres, au Québec, qui sont dans la même situation puis qui n'ont pas nécessairement mis leurs problèmes sur la place publique, parce que, justement, d'aller sur la place publique puis de dire «ça ne va pas très bien», ça peut faire peur à des gens, qui décident de nous lâcher au lieu de nous soutenir. On a été très chanceux d'avoir une vague de soutien aussi forte, et j'espère que cette vague de soutien là va s'étirer dans le temps pour nous permettre d'arriver à une solution, là, pérenne sur la survie de l'entreprise Groupe Capitales Médias, peu importe la forme qu'elle aura. Mais cette vague-là doit aussi s'étendre aux autres médias, parce que nous, on est un groupe de six journaux, on a beaucoup, beaucoup de ressources, mais imaginez un hebdomadaire qui a un, peut-être deux journalistes, peut-être autant de représentants publicitaires, et des fois c'est dans des municipalités ou des régions où ils sont tout seuls pour couvrir une dizaine de municipalités, avec des maires pas toujours sympathiques et collaborants, on va dire. Donc, c'est important, parce qu'il n'y aura jamais assez de journalistes pour couvrir l'ensemble des municipalités du Québec alors qu'il y a des choses qui se passent qui doivent être mises au grand public. Et souvent, quand on entend parler des régions dans un média national, un média montréalais ou peut-être même des médias de la ville de Québec, c'est souvent parce que ça a eu écho localement avant. Donc, je pense qu'il faut prendre ça, là, en considération, c'est tout le monde qui a besoin d'aide en ce moment.

M. Lemieux : On a beaucoup entendu parler de tout plein de propositions de solutions. Dans votre livre, effectivement, il y en a encore plus. Bien, en fait, c'est les mêmes, mais vous les avez synthétisées là-dedans. Mais tout le monde a l'impression qu'il n'y a pas un coup de baguette magique, un levier qui va tout régler. Il y a énormément de travail et, au-delà de l'aide d'urgence et au-delà d'un programme d'aide, il y a beaucoup de ménage à faire, entre guillemets?

• (14 h 30) •

Mme Martel (Marie-Ève) : Tout à fait. La solution, ce n'est pas une recette magique, c'est un florilège de mesures. Effectivement, en tant qu'élus, vous avez votre rôle à jouer, parce que, comme je vous dis, je pense que l'information doit être reconnue comme un bien public, et, en tant qu'élus représentant les Québécois, c'est votre rôle de vous assurer que ce bien public là survit à la crise.

Néanmoins, comme citoyens, on a aussi un rôle à jouer, que ce soit en s'abonnant, il y a des dons des fois, il y a des médias aussi qui récoltent des dons, en continuant de consommer l'information mais en ayant aussi la volonté de vouloir devenir un meilleur consommateur d'information, donc en devenant un lecteur plus avisé, en faisant le tri dans les différentes informations qui nous sont présentées, donc, d'où l'importance de l'éducation aux médias, ne serait-ce que, justement, pour lutter contre la désinformation. Ça, c'est très important. Et on parlait, bon, beaucoup des jeunes, mais je pense aussi que les plus vieux doivent s'y mettre. D'ailleurs, il y a une étude qui disait que c'étaient les baby-boomers qui partageaient le plus de «fake news», mais... Et aussi, évidemment, en tant qu'annonceurs, bien, c'est de contribuer à la vitalité économique locale en annonçant. Il y a plusieurs manières, mais chaque Québécois, en ce moment, a le pouvoir de contribuer à la solution.

M. Lemieux : Je suis content de vous l'entendre dire... (Interruption)... Woups! C'est terminé, je pense.

Le Président (M. Ciccone) : Je suis prêt à reconnaître la députée de Laviolette—Saint-Maurice pour 30 secondes.

Mme Tardif : 30 secondes? Alors, rapidement, une question. Vous parlez de la création d'un fonds qui serait dédié à l'information, et je suspecte aussi, comme vous l'avez laissé sous-entendre ou comme vous l'avez dit, que ce ne serait pas géré par les patrons, mais que ça pourrait être géré par les journalistes. Pouvez-vous en dire un peu davantage par rapport à ça?

Le Président (M. Ciccone) : En cinq secondes.

Mme Martel (Marie-Ève) : En fait, le fonds ne devrait pas être géré par des journalistes, mais par une entité indépendante à la fois du gouvernement et des entreprises de presse.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup. Merci beaucoup. Nous sommes maintenant prêts à entendre un membre de l'opposition officielle pour une durée de 10 minutes, et je reconnais la députée de Verdun.

Mme Melançon : Merci. Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, je vais prendre quelques secondes, mais rapidement, parce qu'on n'aura pas beaucoup de temps ensemble, pour saluer l'ensemble des collègues qui sont là aujourd'hui, parce que, rappelons-le, c'est quand même un mandat d'initiative que nous nous sommes tous donné ensemble.

Alors, très heureuse de pouvoir vous accueillir, Mme Martel. Moi aussi, j'ai eu la chance de lire votre livre, et, je l'ai dit à quelques reprises dans les dernières semaines, tous ceux qui s'intéressent à la chose, actuellement, devraient lire votre livre. Moi, il y a différentes choses qui m'ont vraiment marquée. Je vais sortir même un peu de votre mémoire, si vous me le permettez d'entrée de jeu, parce qu'il y a des passages qui m'ont fait peur, je vais le dire comme ça, notamment toute la problématique que vivent actuellement des journalistes dans des régions pour entrer dans les conseils municipaux ou voire même de se voir bloquer l'accès à des conseils municipaux. J'aimerais ça juste que vous puissiez nous en parler, parce que je suis très d'accord avec le collègue de Beauce-Sud lorsqu'il dit que le métier a changé. Vous êtes devenue une femme-orchestre lorsque vous êtes journaliste : il faut faire de la vidéo, il faut écrire, il faut essayer de faire aussi la photo. Puis, pendant qu'on est là, on peut envoyer, sur les réseaux sociaux, des informations, mais encore faut-il que vous ayez accès à la source, accès à l'information. Juste vous entendre quelques minutes à peine là-dessus, parce que, par la suite, j'ai d'autres questions pour vous.

Mme Martel (Marie-Ève) : En fait, il y a certains maires — on va y aller au niveau municipal, parce que c'est là où le bât blesse — qui comprennent mal notre rôle de journaliste. Ils pensent qu'on est des empêcheurs de tourner en rond, des fauteurs de troubles, alors qu'on devrait plutôt être des courroies de transmission qui ne remettent pas en question le message. Évidemment, on n'est ni un ni l'autre.

Au Québec, à l'heure actuelle, il y a une cinquantaine de villes et municipalités qui ont des règlements adoptés en vigueur qui interdisent la captation d'images et de son lors des séances publiques. Je considère que c'est contraire à l'esprit de la Loi sur les cités et villes et au Code municipal. Il y a également parfois des maires qui expulsent des journalistes, avec l'argument qu'ils nuisent au décorum. Donc, ça, c'est un dossier qui est mené de front par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, et des changements législatifs pourraient s'appliquer, là, pour en venir à ça, parce qu'à l'heure actuelle un citoyen qui conteste les règlements qui empêchent l'enregistrement, parfois ça permet les journalistes, parfois pas, c'est vraiment au cas par cas. On peut faire une plainte au ministère, mais malheureusement le commissaire aux plaintes n'a aucun pouvoir pour forcer une ville à modifier son règlement. Ainsi, la ville a le libre arbitre, en fait, d'empêcher à des gens d'enregistrer les séances, il peut les sortir aussi pour cette raison-là.

Mme Melançon : On a vu, donc, à quelques reprises, là... je me rappelle d'avoir vu des articles, justement, où on en faisait mention. Je voulais vous entendre, parce que, bien entendu, on le sait, là, on fait de la sensibilisation aussi avec la commission qu'on est en train de tenir, tout le monde ensemble, là, auprès du public. On vous a entendue, tout à l'heure, parler de votre métier, qui a changé au fil des années. J'aimerais que vous puissiez me parler du lectorat, parce qu'on a vu un peu partout que le lectorat a augmenté, donc ce n'est pas un problème où vous devez aller vous battre pour dire aux gens : Voici, lisez l'information que nous venons de vous transmettre. Pouvez-vous parler un peu du lectorat, ce que vous sentez, actuellement, sur le terrain?

Mme Martel (Marie-Ève) : En fait, les médias québécois, je dirais, toutes catégories confondues, n'ont jamais été autant consommés. C'est grâce aux médias sociaux, aux médias sociaux que je suis venue pourfendre devant vous aujourd'hui. Ça permet le partage, là, des nouvelles plus que jamais. En fait, on est convaincus que, si on n'était pas sur les médias sociaux, on n'aurait pas la même situation qu'à l'heure actuelle. Le problème, c'est que ces partages sur les médias sociaux ne nous apportent aucun sou. Donc, on continue de financer l'information, et celle-ci est diffusée, mais on n'en fait pas de redevances. Mais effectivement, à travers toute cette situation-là, le positif, c'est que les gens sont encore au rendez-vous, les gens veulent savoir ce qui se passe chez eux.

Mme Melançon : Donc, le fruit de votre travail, où il y a des gens qui vous paient un salaire, est repris sur les plateformes, hein, numériques, disons-le, là, sur les Google, Facebook de ce monde, et eux ne versent pas un dollar en droits d'auteur, disons ça comme ça. Et souvent je fais le parallèle avec la musique, hein? Les gens de la musique ont vécu cette même problématique-là, en disant : On crée de la musique, malheureusement il n'y a comme plus de valeur, personne ne va payer, maintenant, pour obtenir notre musique, qui peut être téléchargée de façon illégale. Alors là, c'est fait en toute légalité parce que, finalement, il n'y a pas de législation. C'est ce que vous dites, n'est-ce pas?

Mme Martel (Marie-Ève) : Tout à fait.

Mme Melançon : Alors, si on va un petit peu plus loin, si on parle de la problématique de publicité, vous parliez de 80 %, actuellement, là, de l'argent de la publicité qui s'en va vers la Californie, vers les Google, Facebook de ce monde. Si on veut être dans l'exemplarité de l'État, est-ce que vous avez été en mesure de définir quel devrait être, dans le fond, le pourcentage qui provient, par exemple, de la publicité gouvernementale sur les médias traditionnels? Et est-ce qu'il y a une partie... Parce qu'on ne veut pas non plus se couper d'une génération, hein? On le sait, les jeunes sont beaucoup plus réseaux sociaux. Est-ce que vous avez regardé le pourcentage qui pourrait être intéressant ou qui pourrait faire basculer le tout?

Mme Martel (Marie-Ève) : En fait, je n'ai pas de pourcentage à suggérer, mais c'est sûr que le gouvernement du Québec doit donner l'exemple. Je vous cite des chiffres qui ont été rapportés par Le Devoir : pour l'année 2017‑2018, le gouvernement du Québec avait investi au moins 120... pardon, 6 millions de dollars en publicité chez GAFA, c'est une hausse de 120 % en un an; la SAQ, plus 600 % en un an; Emploi, Travail et Solidarité sociale, plus 566 % en un an; ministère de l'Éducation, plus 271 %; Revenu Québec, plus 272 % — et doit-on rappeler que Facebook et Google ne paient pas d'impôt au Québec; placements Québec, 44 % du budget destiné à l'achat de publicité en ligne est allé uniquement chez Google et Facebook. Donc, je pense que c'est à vous d'en tirer vos conclusions, mais je crois effectivement qu'un virage doit être fait pour revenir vers des sources d'information et des annonces plus traditionnelles.

Mme Melançon : Bien, d'ailleurs, en ce sens-là, on a proposé une motion, qui a été adoptée à l'unanimité le 2 mai dernier.

Mme Martel (Marie-Ève) : Qui a été appréciée.

Mme Melançon : Alors, c'est en ce sens-là où on veut, nous aussi, continuer, bien sûr, à travailler.

Rapidement, la diversité des voix, hein, on en parle beaucoup, actuellement, il y a des groupes de presse qui ont aussi levé la main. Moi, j'ai toujours dit qu'il fallait sauver les six journaux, là, parce qu'on parlait de quotidiens dans les régions, parce que d'en fermer un, ça voulait dire qu'on n'était pas capables de redémarrer les presses par la suite. Alors, c'était important de pouvoir sauver ces six journaux, pour la diversité des voix. Comme journaliste, qu'est-ce que vous en pensez?

• (14 h 40) •

Mme Martel (Marie-Ève) : C'est d'une importance capitale. En fait, on peut couvrir une nouvelle d'une façon, mais on peut être un autre journaliste et couvrir la nouvelle d'autre façon. On parle beaucoup de l'objectivité journalistique, qui, en fait, devrait être plus l'impartialité journalistique. Mon travail, comme journaliste, c'est de rapporter une situation sans prendre parti pour l'une ou l'autre des personnes que j'interroge. Cela étant dit, le choix du titre, le choix des citations, le choix des intervenants, tout ça, c'est très subjectif parce que ça représente ce que moi, j'ai trouvé le plus important, ce que moi, je pense que mes lecteurs devraient retenir de cette situation-là. Donc, si on avait une concentration de la presse, tous les médias rapporteraient la nouvelle de la même façon, et ça, ça peut poser un risque, je dirais, qu'on manque une certaine partie de la nouvelle. Parce que ce qui est merveilleux dans le monde de journalistes, c'est qu'on est des drôles de bibittes, et des fois on ne voit pas les choses de la même façon.

Mme Melançon : Je tiens à vous remercier beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Merci pour l'essai, qui est une réussite. Et pour moi... pour la suite des choses, je vais quand même laisser la parole à ma collègue. J'espère qu'on pourra, encore une fois, compter sur vous, parce que c'est des éclairages comme ceux-ci qui nous permettent d'avancer. Merci beaucoup.

Le Président (M. Ciccone) : Je reconnais maintenant la députée de Saint-Laurent pour 1 min 15 s.

Mme Rizqy : Mme Martel, je vais prendre mon 1 min 15 s pour aller directement vers les GAFA en matière d'impôt. Vous avez parlé d'un fonds. Si je vous dis que Facebook, par exemple, en 2016, quand je me suis penchée sur les recettes publicitaires de Facebook, c'était environ 1,2 milliard déjà qu'ils faisaient partout au Canada, qui ne sont pas imposés. Pensez-vous que, justement, on pourrait faire comme la France puis avoir une taxe GAFA, qui pourrait venir aider directement, entre autres, les journaux et la démocratie?

Mme Martel (Marie-Ève) : Tout à fait. En fait, s'il y avait une redevance qui pouvait être versée aux médias traditionnels à partir de ce que Facebook engrange comme revenus en raison de nos contenus, ça pourrait être une manière d'alimenter la roue, si on veut. Pour citer Jean-Hughes Roy, je pense que c'était...

Mme Rizqy : ...d'ailleurs, sur certaines études. J'aimerais vous poser une deuxième question, si vous permettez, parce que le temps file. En 2018, le gouvernement libéral avait instauré ce que les gens appellent communément la taxe Netflix. Vous êtes au courant qu'au niveau fédéral ils ne l'ont pas fait. En mars dernier, le Vérificateur général du Canada a annoncé une perte de 62 millions. Pensez-vous que, justement, le gouvernement fédéral — il y a aussi une campagne électorale qui se dessine devant nous — devrait justement agir immédiatement pour assurer l'équité fiscale pour tous les GAFA versus aussi les journaux?

Mme Martel (Marie-Ève) : Le gouvernement... En fait, on est ici pour... au niveau...

Le Président (M. Ciccone) : En terminant.

Mme Martel (Marie-Ève) : Oui. Bien, on est au niveau provincial aujourd'hui, donc je viens m'adresser à vous pour ces questions-là. Si le gouvernement fédéral est ouvert à m'entendre, j'irai me présenter.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, Mme la députée. Je reconnais maintenant un membre du deuxième groupe d'opposition pour une durée de 2 min 30 s. Je reconnais la députée de Taschereau.

Mme Dorion : Bonjour, tout le monde. Je vais y aller rapidement, j'ai 2 min 30 s. Je vais vous poser mes deux questions, puis vous répondrez selon ce qui vous stimule le plus.

Votre avis sur le fait que, dans cette commission, on ne pourra pas entendre des spécialistes, des experts de la question de l'imposition des GAFAM, qui aurait pu être une source de long terme pour financer les médias. Donc, ça, c'est la première question.

Deuxième question. Vous disiez tantôt, dans votre présentation, que le but mercantile des médias entrait en contradiction avec la qualité de l'information. Puis donc une deuxième question : votre avis sur l'idée que Québecor devienne propriétaire de la La Voix de l'Est, lui qui est déjà, avec ses journaux, dans la région de Granby. Votre avis là-dessus.

Mme Martel (Marie-Ève) : Bien, M. Péladeau n'a pas de journaux dans la région de Granby, là.

Mme Dorion : Non, effectivement, mais ses journaux se rendent là.

Mme Martel (Marie-Ève) : Bien, c'est sûr que, s'il y avait des représentants des GAFA qui s'étaient présentés devant vous, ils auraient peut-être été en désaccord avec ma position et peut-être celle d'autres témoins qui vont défiler après moi. C'est sûr que, quand on a le gros bout du bâton, c'est difficile de vouloir en laisser ne serait-ce qu'un pouce ou deux, mais je pense que ces entreprises-là, sur la place publique, se disent en faveur de l'information, se disent en faveur de la transparence. Leur collaboration sera la preuve que les bottines suivent les babines. Pour l'instant, on n'en a pas eu la preuve.

Par rapport à la possibilité que les journaux soient achetés par Québecor, pour l'instant, c'est une hypothèse. Je préfère attendre de voir les scénarios qui vont se dessiner. Il y a beaucoup de choses qui sont sur la table, beaucoup de projets, des acheteurs potentiels, aussi un projet de coop de travailleurs actionnaires. Donc, je serai ravie de commenter le scénario qui sera réalisé, mais pour l'instant, le reste, ce ne sont que des suppositions.

Mme Dorion : Parfait. Il reste 45 secondes. Dans le fond, ce que je vous demandais, ce n'était pas nécessairement qu'est-ce que vous pensez du fait que Facebook n'envoie pas de représentant ici, mais des gens, des experts de la taxation des GAFAM, par exemple, comme ceux qui ont conseillé le gouvernement français dans l'idée d'imposer une taxe Google à tous les GAFAM de 3 % sur leurs revenus en France. Ça, dans la plupart des mémoires, en fait, on fait mention de cette idée-là, de s'inspirer de ça pour faire ça ici. Et je voulais savoir, c'est ça, ce que vous pensiez par rapport au fait que, la commission, on ne va pas se pencher là-dessus, et il n'y aura pas d'experts en la matière qui vont venir nous parler de ça.

Mme Martel (Marie-Ève) : Bien, j'imagine qu'après coup vous allez pouvoir les solliciter pour complémenter l'information.

Mme Dorion : J'espère aussi.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, Mme la députée. Je reconnais maintenant un membre du troisième groupe d'opposition pour une durée de 2 min 30 s. M. le député de Rimouski, la parole est à vous.

M. LeBel : Merci, M. le Président. Bonjour. Je vais commencer par dire : Le mandat de la commission ici, c'est de trouver des pistes de solution. C'est un mandat qui est important, puis on l'entend, là, depuis un bout de temps, le monde attend après ce que la commission va dire, mais je veux juste réitérer que le gouvernement a toujours une responsabilité. Il y a encore un comité ministériel qui est là, qui devrait déposer des solutions aussi. J'espère que tout le monde n'est pas sur le neutre en regardant ce qui se passe dans la commission, qu'il y a d'autre monde aussi qui travaille à trouver des solutions, parce que sinon... Moi, je ne veux pas faire partie d'un jeu où on se dit : On attend, on attend ce que la commission va nous dire. Non, non, nous, on va accueillir les gens, mais il faut qu'il y ait du monde qui travaille aussi puis qui nous propose des choses, au gouvernement. Ce n'est pas le temps de se déresponsabiliser, surtout là, il y a des urgences.

Je réitère aussi la volonté d'aller en région. On a pris une décision ici ensemble, là. Ça retarde, mais il faut absolument aller en région. On ne peut pas parler de l'avenir des médias, notamment en région, sans aller voir ce qui se passe en région, et j'y tiens. Il faut absolument aller au moins deux ou trois fois en région, aller rencontrer les artisans de l'information dans les régions. Si vous demandez aux gens du Québec qu'est-ce qui s'est passé dans le Bas-du-Fleuve puis en Gaspésie la dernière année, ils vont vous dire : Vous avez des problèmes de traversier. Tout le monde sait que le traversier à Matane-Godbout, ça ne marchait pas, un peu tout le monde au Québec le sait. Mais ils ne savent pas bien, bien d'autres choses, parce qu'on n'a pas parlé de rien d'autre du Bas-du-Fleuve puis de la Gaspésie. C'est un gros problème. Si on n'est pas capables de dire qu'on existe puis dire qu'est-ce qui se passe dans nos régions dans le reste du Québec, bien, c'est la démocratie qui en souffre. C'est aussi les décideurs qui sont ici, à Québec, qui disent : Bon, il n'y a pas de problème dans le Bas-du-Fleuve puis en Gaspésie, on va régler leur problème de traversier, puis tout est beau. Ça fait qu'il y a un... C'est hyperimportant, là, qu'est-ce qui se passe avec la... les besoins de nos médias régionaux.

On a parlé beaucoup des quotidiens. J'aimerais ça que vous me parliez des hebdos. Les hebdos sont importants, et c'est encore des... beaucoup de choses que les gens consultent, les hebdos. Votre solution de la... crédit d'impôt sur la masse salariale, est-ce que ça pourrait être aussi une façon d'aider nos hebdos dans nos régions?

Le Président (M. Ciccone) : En 30 secondes, s'il vous plaît.

Mme Martel (Marie-Ève) : Tout à fait. En fait, les mesures que je suis venue vous proposer aujourd'hui devraient s'appliquer à tous les médias. On parle des quotidiens, des hebdos, radios, télés. L'important, c'est la production de nouvelles locales, la structure autour importe peu. Il faut soutenir la production d'information, c'est ce que j'ai à vous dire.

Le Président (M. Ciccone) : Merci, M. le député. Je reconnais maintenant la députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Merci beaucoup, Mme Martel, pour votre engagement et également pour votre travail de sensibilisation. Vous en avez fait état à de nombreuses reprises dans votre présentation, vous parlez d'une méconnaissance du travail des journalistes par le public. On sait aussi qu'il y a quand même un certain effritement de la confiance de la population à l'égard des médias de façon générale, puis j'ai cru comprendre que vous évoquiez l'éducation aux médias en guise de piste de solution. Je serais curieuse de voir comment est-ce que vous la voyez. Est-ce que c'est dans le cadre d'un cours d'éducation à la citoyenneté au secondaire? Est-ce que ça pourrait se déployer auprès de l'ensemble du grand public? Donc, comment, concrètement, on pourrait appliquer ça?

Mme Martel (Marie-Ève) : Actuellement, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec a développé la formation 30 secondes avant d'y croire, qui vagabonde d'une école secondaire à l'autre grâce à des journalistes bénévoles. Ça a un franc succès.

D'autres mesures seront à venir effectivement, là, pour une clientèle adulte, mais je crois que l'intégration d'un volet sur la consommation des médias, sur l'information au sein d'un cours en éducation civique pourrait être une piste de solution, et ça devrait se commencer dès le secondaire. Et puis, bien, en fait, intégrer aussi les médias dans le cursus scolaire, dans les cours, il y a déjà beaucoup de professeurs qui le font, mais c'est une manière de se familiariser avec cette bibitte-là qui est un journal papier, entre autres, ou sur Internet, peu importe. C'est une manière de prendre connaissance de son monde, de ce qui nous entoure, finalement.

Mme Fournier : Puis est-ce que vous le sentez sur le terrain, justement, cette baisse de la confiance de la population à l'égard du travail que vous exercez?

Mme Martel (Marie-Ève) : Bien, ça dépend, en fait. C'est sûr que les gens, normalement, qui prennent la peine de nous contacter sont soit très contents soit très mécontents, donc ça se situe un peu entre les deux. Mais je sens que, souvent, on ne pense pas à tout ce qu'il y a de travail derrière, ne serait-ce que le coût de production d'une nouvelle, parce qu'on ne paie plus pour la consommer, on oublie qu'elle coûte quelque chose puis on oublie sa valeur. Donc, je pense que c'est des choses qui sont prises pour acquis puis qui se sont un peu effacées au fil du temps.

Mme Fournier : Merci.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, Mme Martel, pour votre contribution aux travaux de cette commission.

Je suspends les travaux pour quelques instants pour permettre à M. White de prendre place.

(Suspension de la séance à 14 h 50)

(Reprise à 14 h 51)

Le Président (M. Ciccone) : Nous reprenons nos travaux, et je réitère, s'il vous plaît, le fait de fermer la sonnerie de vos appareils électroniques. Merci beaucoup.

Je souhaite maintenant la bienvenue à M. Patrick White. Je vous rappelle, M. White, que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à procéder à votre exposé. La parole est à vous.

M. Patrick White

M. White (Patrick) : Alors, j'ai apporté les deux journaux de Québec pour vous montrer à quel point c'est important de continuer à appuyer nos médias locaux ici, dans la capitale, et partout au Québec, dans la province.

Je tiens à remercier la commission de m'avoir invité pour exprimer mes opinions sur l'avenir des médias. Mon nom est Patrick White, je suis professeur de journalisme à l'École des médias de l'Université du Québec à Montréal depuis le 1er juillet. Auparavant, j'étais l'éditeur et le rédacteur en chef du Huffington Post Québec, et mon poste a été aboli pour des raisons budgétaires en octobre 2018. Et donc je suis à même de vous parler de la crise des médias de l'intérieur.

Je tiens à féliciter le gouvernement pour le sauvetage d'urgence de Groupe Capitales Médias la semaine dernière. C'était la bonne solution dans les circonstances, c'est-à-dire ne pas laisser fermer la moitié des quotidiens du Québec. On ne peut pas accepter ça, la démocratie et la diversité des voix en dépendent. Groupe Capitales Médias, ce qui est arrivé la semaine dernière, donc, la protection de la faillite, c'est le début de cette crise-là et ce n'est pas la fin, parce que la crise des médias n'est pas temporaire, elle est permanente. Ça touche tous les médias, les radios du Québec, les télévisions du Québec, les sites Internet, comme Vice Québec, qui vient de fermer il y a quelques mois, les hebdos, évidemment, et les agences de presse, comme La Presse canadienne et l'Agence QMI,et les pigistes, qu'il ne faut surtout pas oublier.

Il ne faut pas se leurrer, à chaque fois que le gouvernement, un député, un organisme, un ministère dépensent un sou sur Facebook, ou Google, ou une autre plateforme numérique internationale, ce sont des revenus qui sont enlevés aux médias québécois. Chaque dollar donné à Facebook contribue à précipiter la fermeture d'un média au Québec.

Mais je suis en mode solution aujourd'hui. Qu'est-ce que les médias peuvent faire? Premièrement, développer des contenus spécialisés. Je donne juste l'exemple de New York Times. Ce qui marche très fort au New York Times... oui, c'est un journal avec 1 400 journalistes et 150 ans d'histoire, mais ce qui marche très fort de leur côté en ce moment, c'est l'application des mots croisés et les recettes. Bon, alors, eux, ils se sont beaucoup diversifiés au fil des années, et les revenus numériques, c'est l'essentiel de leurs revenus, donc ils ont compris quand même que c'est important de faire un virage, mais un virage complet.

Le sociofinancement aussi est très important, à travers les diverses applications, comme La Ruche, par exemple, qui existent au Québec, la philanthropie. Et je pense beaucoup... je pense que les médias québécois, les journaux en particulier, doivent en arriver à offrir des contenus payants, c'est-à-dire d'avoir un mur payant, ce qu'on appelle un «paywall», pour que les gens paient 3,99 $ par mois, ou 5,99 $, ou 12 $, parce qu'évidemment c'est important que ce contenu-là soit monétisé.

Ensuite, l'avenir pour les médias, c'est les nouveaux formats, les balados, qu'on appelle les podcasts en anglais, la vidéo sur les téléphones, TikTok, WhatsApp, et la réalité immersive, la vidéo en réalité virtuelle, le journalisme de données, le journalisme d'enquête, les infographies et les infolettres, qui font un grand retour en force en ce moment, les alertes transmises sur les téléphones cellulaires. Il ne faut pas oublier les progrès de l'intelligence artificielle, qui font des bonds incroyables en ce moment. Mais je demeure convaincu que les citoyens, plus que jamais, ont besoin des journalistes pour comprendre le monde, faire le tri des grands événements du jour et aider les citoyens à prendre des décisions éclairées.

Du côté des gouvernements, qu'est-ce qu'on peut faire ici, à Québec? Bien, l'idée fédérale existe déjà, c'est l'idée de la création d'un crédit d'impôt de 35 % sur la masse salariale de tous les journalistes et producteurs de contenu de tous les médias québécois sans exception, afin d'être équitable envers tous, avec, évidemment, probablement, une collaboration de la FPJQ pour la reconnaissance du statut officiel de journaliste. La fin des aides ponctuelles, et des subventions, et des prêts sur mesure pour des groupes de presse et des médias précis en particulier, la même aide doit être offerte à tous et à toutes sous la même forme. Donc, pas d'aide en particulier pour un groupe mais pour tous, même les petits médias, même les médias communautaires.

On pourrait penser à des idées comme une participation financière du gouvernement du Québec au Fonds québécois du journalisme international, qui existe déjà depuis deux ans, je crois. Peut-être une réflexion du côté de Revenu Québec, avec l'Agence de revenu du Canada également, pour regarder qu'est-ce qu'on peut faire, quelles sont les options de l'Agence de revenu du Québec concernant le fait que les multinationales Google, Netflix, Apple, Amazon, Facebook et Spotify ne paient pas d'impôt au Québec et ne paient pas d'impôt au Canada.

Dans les autres réflexions, je crois qu'on pourrait envisager de permettre aux médias d'émettre des reçus de charité pour tous les dons reçus, cesser ou limiter les dépenses gouvernementales publicitaires au Québec sur Facebook et Google, on pourrait limiter peut-être à 25 % de chaque ministère. Chaque dollar remis à Facebook ou à Google est un dollar qui ne va pas à nos médias.

Revenu Québec, on en a parlé. Revenu Québec, donc, va devoir statuer, éventuellement, sur cette assiette fiscale là en collaboration avec l'Agence de revenu du Canada pour que des éventuelles redevances aux médias québécois soient distribuées pour assurer l'équilibre des choses. En ce moment, Facebook fait 35 millions de dollars par année avec le contenu des médias québécois, c'est un calcul scientifique qui a été établi par Jean-Hugues Roy, professeur à l'École des médias de l'UQAM. On pourrait penser à ce que le gouvernement du Québec double son aide aux médias communautaires. Moi-même, j'ai été longtemps à CKRL, à CHYZ-FM et d'autres radios communautaires à Montréal, et je pense que nos médias communautaires méritent beaucoup plus d'attention. Est-ce qu'on pourrait bonifier le Programme d'aide aux médias du ministère de la Culture et des Communications du Québec, qui est limité à 400 000 $ en ce moment? Pourquoi ne pas augmenter le cap à 1 million de dollars?

Quelque chose qui a été demandé à de nombreuses reprises, éliminer la taxe sur le recyclage pour les magazines, les hebdos, les journaux. En ce moment, c'est des subventions temporaires qui règlent le problème en raison des coûts élevés. Donc, si ça pourrait être permanent, ça serait très, très bien.

Est-ce qu'on pourrait également, je crois... Je propose qu'on redonne un nouveau mandat d'information à Télé-Québec, créer une division d'informations régionales au sein de Télé-Québec. Ça pourrait être en regroupant les bureaux régionaux, qui existent déjà depuis la fin des années 60, des bureaux qui seraient amenés à produire du contenu quotidien pour le site telequebec.tv. Évidemment, on ne veut pas que Télé-Québec vampirise ce que fait déjà Radio-Canada en région, et TVA, et d'autres médias, donc il faudrait que ce soit éducatif également et dans le cadre de diverses émissions d'affaires publiques, et le budget de Télé-Québec pourrait être bonifié d'environ 15 millions par année.

Le gouvernement pourrait contribuer également à un fameux fonds, un fonds annuel pour les grands reportages locaux des hebdos régionaux, qui en ont bien besoin, pour les sites Web d'information hyperlocale. Il y en a d'ailleurs deux à Montréal qui ont fermé récemment. Donc, il faut endiguer la dégradation des contenus en région et partout.

Le ministère de l'Éducation pourrait augmenter l'éducation civique, effectivement, pour informer les jeunes dans les écoles primaires et secondaires sur l'importance de combattre les fausses nouvelles, comprendre comment les médias fonctionnent et peut-être financer mieux les facultés de communication et de journalisme à l'extérieur de Montréal et de Québec.

Également, peut-être confier éventuellement un mandat régional à La Presse canadienne pour l'ouverture de minibureaux dans les 14 régions administratives hors de Montréal et de Québec afin de faire mieux circuler les informations régionales partout au Québec avec, évidemment, contributions gouvernementales.

La viabilité des modèles d'affaires à l'ère du numérique. Moi, je pense que le gouvernement pourrait allouer au moins 50 % de ses dépenses en publicité aux sites d'information numériques québécois qui sont actifs, peu importe la plateforme. Un crédit d'impôt pourrait être également mis sur pied pour les initiatives numériques des médias dans les secteurs importants de la «blockchain» : recherche et développement, l'intelligence artificielle, la vidéo en réalité virtuelle, la réalité immersive et la production vidéo de plus de 30 minutes, donc l'équivalent de minidocumentaires. Et possiblement, en concertation avec l'Agence de revenu du Québec, faire comme en France, une baisse des impôts temporaire pour les médias québécois dans un contexte de crise sans précédent.

L'objectif de tout ça, en gros, c'est d'assurer le droit du public à l'information. La démocratie québécoise est directement menacée par la faiblesse des médias, et leur disparition éventuelle serait un déni de démocratie. Le gouvernement doit agir cet automne, parce que je crois qu'il sera peut-être trop tard en 2020 ou en 2021. Merci d'avoir pris la peine de me recevoir, et je suis très heureux de répondre à vos questions.

• (15 heures) •

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup pour votre exposé, M. White. Je suis maintenant prêt à reconnaître un membre du parti gouvernemental. M. le député de Beauce-Sud.

M. Poulin : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, M. White, pour votre exposé, un mémoire, encore une fois, hyperintéressant, dans des mots simples, clairs, directs, qui nous permet de bien saisir certaines problématiques. Merci de parler des médias communautaires aussi, qui sont très importants pour le Québec. J'ai été, moi, dans les médias communautaires pendant trois ans. J'ai même animé un bingo le mardi soir pour financer les salaires des journalistes, mais je lisais les boules trop vite, ça fait que, là, les gens se plaignaient, ça fait qu'il a fallu que je ralentisse mon débit de voix. Mais ça a été hyperrentable et ça l'est encore aujourd'hui, de moyens créatifs pour financer nos médias communautaires qui sont très, très importants.

Je veux vous amener sur la confiance, parce que vous nous avez parlé de la confiance envers les médias. Vous dites : «On aime bien se moquer du président américain, qui adore qualifier à peu près tous les médias de "fake news". Mais force est de constater que son discours rejoint bien des gens, même de ce côté-ci de la frontière. Seulement 37 % des Canadiens feraient confiance aux médias, selon les résultats d'un sondage Léger publié en mars 2019 dans [Le Huffington Post].

«Le Québec est la province où les gens accordent le plus leur confiance aux médias, 49 %. À l'opposé, en Saskatchewan et au Manitoba, ce nombre chute à 26 %.»

Donc, une bonne nouvelle quand on se compare, mais, somme toute, ça commence à être moins là. Quand on parle de la confiance, c'est aussi la confiance des annonceurs, c'est la confiance des publicitaires, c'est la confiance des gens qui consomment les médias. Si on a un investissement à faire, comme gouvernement, comme Assemblée nationale, pour redonner cette confiance-là aux citoyens envers les médias, ce serait lequel?

M. White (Patrick) : Bien, de bien faire fonctionner la loi d'accès à l'information, ça, c'est sûr, et puis de remettre très rapidement les avis publics dans les hebdos et les journaux pour vraiment s'assurer une base de financement stable temporaire pour les médias. C'est sûr que les médias... c'est un grand enjeu quand tu penses qu'il y a uniquement 49 % des Québécois qui font confiance à nos institutions médiatiques. Le chiffre que j'avais vu quand j'étais à l'Université Laval, à la fin des années 80, je pense que c'était proche de 75 % de confiance envers le métier de journaliste. Donc, il y a eu un grand revirement de situation. Et effectivement ce que j'explique, c'est que, peut-être avec un programme conjoint FPJQ-gouvernement du Québec, on pourrait, avec l'éducation civique, soit à l'école primaire, ou secondaire, ou même dans les cégeps, aller quand même aider les jeunes à mieux comprendre les médias et à combattre le phénomène des fausses nouvelles, qui n'est pas un nouveau phénomène, évidemment.

M. Poulin : Merci.

Le Président (M. Ciccone) : Je reconnais maintenant le député de Richelieu.

M. Émond : Merci, M. le Président. Merci pour votre présence, M. White, un mémoire étoffé, vous apportez de nombreuses recommandations ou suggestions. Moi, j'aimerais m'adresser au professeur. Mme Martel, tantôt, a évoqué... et, comme adjoint parlementaire au ministre de l'Éducation, c'est quelque chose qui m'interpelle, d'investir dans des initiatives en éducation aux médias. J'aimerais que vous puissiez nous éclairer, vous qui les côtoyez au quotidien, les jeunes étudiants. Quelle est la perception de vos étudiants face à la crise actuelle, eux qui ont grandi un peu à cheval entre les médias traditionnels et les nouveaux médias d'information? Est-ce qu'ils pensent qu'ils ont un rôle à jouer dans la survie des médias?

M. White (Patrick) : Bien, l'information est prise pour acquis parce qu'elle vient gratuitement sur les téléphones, les petites vidéos «cute» sur TikTok, sur WhatsApp, sur Instagram, Facebook, évidemment. Donc, il y a une culture qui est un peu perverse, qui fait que ce contenu-là est gratuit et que les jeunes le prennent pour acquis. Ça, c'est une réalité. Également, je pense que la réflexion des médias qu'on doit avoir en ce moment, c'est de rejoindre ces jeunes-là où ils sont, c'est-à-dire, à 99 % des cas, sur leur téléphone. Donc, la production de contenu pour les jeunes sur les téléphones, sur la chaîne YouTube, ou d'autres chaînes québécoises, ou que ce soit Vimeo, je pense que ça devrait faire partie de la priorité des médias. Donc, ces jeunes-là ne sont pas prêts à payer. Il y a 85 % des Québécois qui ne sont pas prêts à payer pour du contenu local au Québec, donc, c'est une réalité, pas juste les jeunes, en fait.

M. Émond : Merci.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, M. le député. Je reconnais maintenant le député de Saint-Jean.

M. Lemieux : Merci, M. le Président. Bonjour, M. White. Vous avez beaucoup de suggestions, de propositions. On pourrait dire que vous avez un bouquet de mesures que vous mettez de l'avant, mais il y a des fleurs, dans votre bouquet, qu'on ne retrouve pas dans les autres bouquets des autres mémoires, je vais m'attarder à ceux-là pour les comprendre. Parce que je vous avoue que le crédit d'impôt à l'emploi, là, je pense qu'il n'y a pas personne qui ne l'a pas mis dans la liste quelque part. On s'entend, je ne sais pas ce qu'on fera avec ça, mais tout le monde comprend ce qu'on dit. Par contre, vous, vous arrivez avec quelques mesures qu'on entend moins, puis je les ai tous lus, les mémoires. Entre autres, commençons... Il y a Télé-Québec puis il y a La Presse canadienne aussi, ça se ressemble, mais ce n'est pas la même chose. Parlez-moi de ces deux fleurs-là, puisqu'on parle d'un bouquet de mesures. Qu'est-ce que ça ferait pour vous? Puis vous chiffrez même combien ça coûterait.

M. White (Patrick) : Oui, bien, alors, si on regarde La Presse canadienne, c'est une agence de presse qui est là depuis quasiment 100 ans, qui est la seule agence de presse nationale au Canada et au Québec avec l'Agence QMI — donc, il y a deux agences de presse — c'est un rôle superimportant pour les nouvelles nationales qui viennent des collines parlementaires. Et La Presse canadienne est le distributeur exclusif de l'Associated Press au Canada en français et en anglais, donc ce serait une énorme perte pour tous les journaux au Québec si on arrivait un jour à la disparition de La Presse canadienne. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut accepter, en fait. Et, juste pour les journaux au Québec, de perdre l'Associated Press, ce serait énorme parce qu'on perdrait la couverture des faits divers américains, de l'actualité internationale et de tous les grands événements sportifs couverts par AP depuis une centaine d'années.

Dans le cas de Télé-Québec, bien, Télé-Québec a toujours eu un rôle éducatif, a déjà eu beaucoup d'émissions parlementaires, des émissions d'affaires publiques, et je pense qu'avec telequebec.tv, qui est une structure assez souple, on serait capables. On a déjà des bureaux régionaux un peu partout, on pourrait embaucher davantage de producteurs de contenu, de journalistes pour en arriver à une couverture qui serait axée sur les régions, en fait, une vitrine qui serait excellente pour le Bas-Saint-Laurent, par exemple, la Gaspésie, où enfin on entendrait parler des régions et non juste du trafic sur le pont Jacques-Cartier.

M. Lemieux : La montréalisation des ondes, ça, on pourrait en parler longtemps. La commission n'a pas ce mandat-là, mais je pense que ça fait partie du décor, il faut se l'avouer. Dans les régions, on entend parler de Montréal beaucoup plus et, à Québec, de Québec que de tout le reste. Et d'ailleurs, en parlant du reste, vous dites même : Pour La Presse canadienne, ça coûterait 1 million pour avoir 14... je ne sais pas si c'est 14, mais des minibureaux dans les 14 régions administratives.

M. White (Patrick) : Ça pourrait être un superpigiste à temps plein qui pourrait, de façon quotidienne, alimenter de l'information qui nous vient de ces régions-là. En général, quand on reçoit des nouvelles de l'Abitibi-Témiscamingue, c'est uniquement des faits divers, comme l'incendie qui a eu hier ou avant-hier, je crois. Donc, ce serait bien d'aller au-delà des faits divers et d'avoir des couvertures régionales qui pourraient être assurées via une contribution gouvernementale, soit du fédéral ou du provincial, pour, en tout cas, au moins assurer l'avenir du service français de La Presse canadienne, qui est plus qu'un... Ce n'est pas juste un service de traduction des dépêches de Canadian Press, là, on parle de journalistes parlementaires à l'Assemblée nationale, à Ottawa, à Montréal, et sans compter la couverture qu'ils font lors des Jeux olympiques et les grands événements internationaux. Donc, je pense que, pour La Presse canadienne, ça pourrait être une idée viable. Et, pour Télé-Québec, bien, c'est un projet en gestation. Je pense qu'il faudrait entrer dans les détails plus tard, mais, si Télé-Québec peut être un élément de solution, tant mieux.

M. Lemieux : Ce n'était pas exhaustif, ces deux points-là. Il y en a plein d'autres, suggestions de votre part, qui diffèrent de ce que l'ensemble des mémoires nous proposent. Est-ce que, pour vous, la dimension... puis vous en parlez bien, les «fake news» et le reste des mauvais côtés de ce qu'on vit en ce moment, avec un appauvrissement, je pense... en tout cas, vous me le dites si je me trompe, mais la peau de chagrin commence à ne plus être épaisse pantoute, là, un peu partout sur le territoire, et il y a donc des conséquences à ça, dont, entre autres, les «fake news», qui prennent plus d'ampleur, disons le comme ça. Est-ce que, pour vous, ça fait partie du... pas des solutions, mais du problème?

M. White (Patrick) : Bien, c'est un immense problème. Si on pourrait juste parler 30 secondes des «deepfake» vidéos, donc, des fausses vidéos faites avec des déclarations coupées, l'intelligence artificielle permet, en fait, aujourd'hui de faire diffuser un faux discours de Barack Obama, et les gens ne verront pas la différence entre un vrai et un faux discours. Donc, on est rendus là. Ça va être un énorme problème pour l'élection présidentielle américaine de l'an prochain. Je n'ai pas vu de ces vidéos-là pour l'élection fédérale du 21 octobre, mais on peut imaginer que les médias vont devoir développer, à l'interne, davantage de vérificateurs de faits pour en arriver à stopper ce genre de vidéo là très, très rapidement dès qu'ils sont mis en ligne sur Facebook ou YouTube. Donc, les fausses vidéos vont devenir encore plus problématiques que les fausses nouvelles à certains égards.

M. Lemieux : On tient peut-être trop pour acquis les appels d'à peu près tous les mémoires, y compris le vôtre, à l'importance que la presse a pour la démocratie. Et je rajoute, et je vous demande, à plus forte raison, dans les régions — je parlais de peau de chagrin — où on est dans un gruyère, à la limite, pour ne pas dire un désert médiatique. La démocratie, ce n'est pas seulement un beau principe, c'est la raison pour laquelle on fait ça, là.

• (15 h 10) •

M. White (Patrick) : Les déserts médiatiques existent déjà aux États-Unis, et c'est dramatique, parce qu'on parle de grandes villes américaines où il n'y a plus de journaux maintenant. Et, même en Ohio, c'est arrivé récemment et c'est un choc pour les gens. Donc, les fermetures d'hebdos se sont précipitées dans les régions, même à Montréal, en ce moment, c'est un gros problème. Donc, effectivement, les mesures du gouvernement vont devoir inclure un plan de sauvetage pour les hebdos régionaux également parce que, sinon, tout ce qui va rester dans deux ou trois ans, c'est Radio-Canada télé, radio et TVA Nouvelles.

M. Lemieux : Vous venez de rajouter les hebdos régionaux. Est-ce que, dans votre tête, il y a un plan d'urgence pour les quotidiens puis ça en prend un autre, éventuellement, pour le reste ou il faut que ça soit la même chose pour tout le monde?

M. White (Patrick) : Non, c'est un seul plan d'urgence pour tous les médias, en n'oubliant pas les pigistes, les agences de presse, les télés, les radios. Et là peut-être décliner, lorsqu'on donne une aide, si on donne un montant x à Québecor Média, par exemple, bien, il y a peut-être des critères pour les stations régionales, par exemple, pour s'assurer que certains emplois sont préservés, que de nouveaux emplois soient créés en région, pas uniquement à la Tribune de la presse au Parlement ou à Montréal.

Le Président (M. Ciccone) : Merci, M. le député. Je reconnais maintenant le député de Beauce-Sud. Il vous reste quatre minutes.

M. Poulin : Merci, M. le Président. Vous dites quelque chose d'assez intéressant concernant le numérique. Parce qu'on dit beaucoup, depuis des années : Les médias doivent prendre le virage du numérique, mais le mot «numérique», là, il est très large. Et là vous nous rappelez que «83 % des adultes québécois ont utilisé au moins un réseau social dans le cadre de leur utilisation personnelle d'Internet, [...]une hausse de 16 points», quand même, depuis 2016, alors ça ne fait pas tellement longtemps. Et vous dites : «La consommation des nouvelles sur les téléphones mobiles a également eu un impact majeur sur la lecture des journaux québécois, qui ont été nombreux à rater le virage numérique dans les années 2000. Dans les années 2010, il était déjà presque trop tard pour rattraper ce retard.»

Et qu'est-ce que c'est, avec votre expertise, vos études et votre travail, un bon virage numérique? Qu'est-ce qui fonctionne sur le Web? Quelle est la meilleure façon de pouvoir rejoindre les gens? Parce que, comme gouvernement, il y en a déjà, des programmes, qui existent depuis un certain temps pour appuyer les médias vers le virage numérique, mais ça peut être très vaste. On ne fait pas un virage numérique, par exemple, pour un journal local dans un quartier x de Montréal, que dans la région de l'Estrie, par exemple, pour rejoindre nos gens. Alors, c'est parfois très différent. Et toute cette relation-là, que moi, j'appelle d'amour-haine avec les réseaux sociaux... dans le sens où, par moments, Facebook a bien servi à relayer des informations, qui nous a amenés au site d'un journal, mais, à d'autres moments, on sait très bien, également, que ce n'était pas toujours la bonne information et/ou que les revenus publicitaires ne revenaient pas aux journaux comme tels. Alors, c'est de l'amour puis de la haine. Donc, cette relation-là avec les réseaux sociaux, ce virage numérique là, qu'est-ce qui fonctionne, avec votre expérience, et qu'est-ce qui fonctionne le moins?

M. White (Patrick) : Bien, il faut que les contenus soient adaptés aux téléphones, ça, c'est clair. On a vu qu'avec les tablettes on pensait que ça allait être la panacée, ça n'a pas été le cas. Donc l'avenir est dans la vidéo mobile, ça, c'est clair. On veut continuer à favoriser les contenus sur des enjeux publics importants, comme les couvertures parlementaires. Selon moi, c'est très, très important pour protéger la démocratie. La couverture en région, est-ce qu'on est capables de développer encore plus de journalisme d'enquête au Québec, tant mieux, de journalisme régional, tant mieux. Et puis, avec l'intelligence artificielle, on va pouvoir donner certaines tâches fastidieuses à des robots, qui vont produire des comptes rendus des cotes de la bourse, par exemple, ou des résultats de matchs de baseball entre Dolbeau puis Mistassini, mais le journaliste, il va être affecté à d'autres choses pendant ce temps-là, il va faire de la valeur ajoutée. Donc, l'avenir du journalisme passe par le contenu à valeur ajoutée, surtout la vidéo, évidemment, des textes. Les gens apprécient beaucoup les documentaires, également, de plus de 50 minutes, c'est très consommé sur les médias sociaux, et les gens veulent du contenu sérieux également, du journalisme qui explique la société, qui décortique les choses, qui met les choses en contexte, qui donne du background.

M. Poulin : Ça me fait penser, M. le Président, également à tout ce qui... bon, les longues entrevues, avec les podcasts, tout ça, on est dans une mouvance intéressante. Donc, dans un futur programme — et je «brainstorme» avec vous, M. White — qui pourrait être mis en place, on pourrait supporter ça. Donc, ce qui est dans l'air du temps, c'est ce souhait-là, d'avoir des contenus exclusifs, d'encourager chaque média, exemple, à développer x nombre de contenus exclusifs puis de faire en sorte qu'on puisse le retrouver, bien évidemment, au niveau numérique. Donc, tout ça fait partie d'alignements qu'on devrait supporter.

M. White (Patrick) : Oui, c'est ce que je disais au début, donc être superdiversifiés du côté des balados, du contenu mobile, du contenu vidéo et du contenu texte, qui est encore très, très important aujourd'hui.

Le Président (M. Ciccone) : Il reste 20 secondes, M. le député.

M. Poulin : Bien, merci, M. White. Puis ce que je souhaite également dans... bien, quand vous nous parlez de l'avenir des niches, là, qui sont superimportantes, c'est qu'on puisse inciter, également, la formation des journalistes sur le journalisme d'enquête, sur comment trouver de l'information, sur comment la fouiller. Vous avez parlé de la loi d'accès à l'information, c'est hyperimportant, mais nos procès-verbaux de municipalités sont remplis d'informations pour nos journalistes.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, M. le député. Je suis prêt maintenant à entendre un membre de l'opposition officielle pour une période de 10 minutes. Je reconnais la députée de Verdun.

Mme Melançon : Bonjour, M. White. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Rapidement, je veux revenir sur une partie de discussion qui a eu lieu il y a quelques instants. On parle beaucoup des hebdos régionaux. On ne doit pas oublier les hebdos, aussi, qui font partie de notre vie de quartier. Moi, je le vis à Verdun, là, comme députée de Verdun, je le vis. Moi, mon journal, qui était Le messager de Verdun, puis j'avais aussi un hebdo du côté de L'Île-des-Soeurs, bien, a fusionné pour ne former qu'un seul journal. On en voit beaucoup, oui, dans les régions, là. Je peux vous le dire, j'ai habité sur la Côte-Nord pendant plusieurs années, et je peux vous parler de l'information et de l'importance de l'information régionale, mais c'est aussi vrai à Montréal, et je tenais quand même à le souligner. Vous en parlez à l'intérieur de votre mémoire, mais je voulais quand même le soulever.

Bien qu'on ait parlé... et le collègue, ici, de Saint-Jean le mentionnait tout à l'heure, il y a... dans plusieurs mémoires où on répète la possibilité de mettre un crédit d'impôt sur la masse salariale de 25 % à 35 %, là, ça oscille selon différents mémoires. Moi, je veux quand même vous parler, vous, comme spécialiste... vous avez été et dans la chaise du journaliste, aujourd'hui dans la chaise de Pr White, j'ai besoin de connaître qui, dans la masse salariale, doit entrer. Parce qu'à un moment donné on va devoir définir qui fait partie ou non de la masse salariale, que nous souhaitons ou pas, là, on verra à la suite de cette commission, voir défini clairement c'est à qui on s'adresse dans le 35 % ou dans le 25 %, parce qu'actuellement le gouvernement fédéral a posé le geste, maintenant il manque un peu de contenu pour, justement, définir. Moi, je voudrais qu'on le fasse peut-être préalablement, je pense que ce serait juste de le faire.

M. White (Patrick) : Oui, le fédéral a fait ça, mais ce n'est pas réglé, puis on n'a pas les détails, puis c'est supposé être rétroactif au 1er janvier 2019, et l'élection s'en vient, donc le temps tarde. Donc, pour le statut de journaliste, ça pourra être journaliste qui a une carte de l'AJIQ ou de la FPJQ, donc des journalistes professionnels qui sont à l'intérieur de médias reconnus, qui ont plus de peut-être deux à trois journalistes ou plus de cinq journalistes. Est-ce qu'ils ont une carte professionnelle? Quelles sont les tâches dans la salle de nouvelles? Est-ce qu'ils font de la mise en pages, journalistes, photographes, vidéastes? Donc, ce sont tous des critères qui pourraient être établis assez facilement avec la Fédération professionnelle des journalistes du Québec et l'AJIQ pour en arriver, justement, à... pas décider qui est journaliste, qui ne l'est pas, mais, dans une salle de rédaction, bon, est-ce qu'on exclut les postes de secrétaire, les postes de... quelqu'un qui répond au téléphone, par exemple, qui ne fait pas des tâches journalistiques? Donc, ça, on va pouvoir entrer dans le détail, éventuellement, mais je pense que les critères d'avoir une carte de membre de la Fédération professionnelle des journalistes ou d'être reconnu comme un journaliste professionnel par son employeur et puis par l'AJIQ ou la FPJQ, ce serait déjà un bon début.

Mme Melançon : Parce que rappelons-nous qu'il y a une partie de la discussion que nous avons, actuellement, qui avait été entamée au tournant de 2011‑2012 et où, justement, avec la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, il y avait, même à l'intérieur des membres, une certaine division — et là je regarde le député de Saint-Jean, qui fait signe, oui, de la tête. Donc, déjà à l'intérieur de la Fédération professionnelle des journalistes, on n'est pas nécessairement d'accord sur la définition même. Est-ce que vous pouvez nous éclairer quand même un peu, comme professeur?

• (15 h 20) •

M. White (Patrick) : Bien, dans une entreprise de presse, tu regardes qui sont les gens qui font du contenu journalistique pur et dur — et ça doit être, en général, plus de trois quarts du personnel — et on exclut les gens qui ont des tâches administratives, qui ne sont pas impliqués dans la confection au quotidien du journal ou du média, là. Donc, en général, les chefs de pupitre, les gens qui font la mise en ligne, la mise en pages, ce sont des journalistes professionnels, les journalistes, les vidéastes, les photographes, les recherchistes, les réalisateurs, les documentalistes, ce sont des journalistes, les archivistes aussi. Donc, si tu contribues à la production quotidienne de ton média, ça devrait être le critère automatique pour être reconnu pour le crédit d'impôt qui existe au fédéral mais qui n'a pas été mis en place officiellement, rétroactif au 1er janvier 2019. Et, si vous le mettez en place pour le Québec, ce serait bien que ce soit rétroactif au 1er janvier 2019 également.

Mais, oui, évidemment, il va y avoir des discussions philosophiques avec la FPJQ, et l'AJIQ, et peut-être L'Association canadienne des journalistes, mais, à la fin de la journée, ce sera un comité indépendant qui va décider, selon les critères des médias et des fédérations et les critères du gouvernement également.

Mme Melançon : Bien, d'ailleurs, on va recevoir la fédération des journalistes mercredi, si ma mémoire m'est fidèle, alors on pourra poser les questions.

Très rapidement, parce que je veux quand même laisser du temps à ma collègue, sur l'effet domino pour La Presse canadienne, je veux quand même y venir, parce que c'est important, et je vais soulever quand même auprès des membres de la commission, actuellement... Avec les six hebdos, là, parce que l'actualité nous a quand même rattrapés au courant de l'été... Je sais que la La Presse canadienne avait déposé un mémoire, mais pas à la lumière de ce qui s'est passé il y a deux semaines à peine. Je sais que La Presse canadienne va vouloir, sans doute, faire une demande auprès de la commission pour être entendue. La Presse canadienne, ça représente quoi, au Québec, en quelques mots?

M. White (Patrick) : Bien, moi, j'ai été patron de La Presse canadienne de 2004 à 2006.

Mme Melançon : Je le sais.

M. White (Patrick) : Bien, c'est un média national, une agence de presse, c'est comme Reuters ou l'AFP, Bloomberg, anciennement UPI, dans les années 70-80. C'est le nerf de la guerre, une agence de presse, qui alimente en temps réel, 24 heures sur 24, les médias au Québec, en Ontario et en Acadie. Donc, La Presse canadienne, le service français, c'est basé à Montréal, avec un petit peu plus qu'une vingtaine de journalistes. Il y avait un service radio, qui a été aboli en février, qui s'appelait NTR, les nouvelles télé-radio. Maintenant, il n'y a plus de bulletin de nouvelles, mais il y a encore des clips qui sont envoyés aux stations.

Donc, le rôle de La Presse canadienne, c'est aussi, donc, de couvrir le pays, les élections fédérales, provinciales, et c'est aussi de redistribuer de façon exclusive toutes les nouvelles américaines et internationales de l'Associated Press, qui est la plus grande agence de presse au monde, avec Reuters et l'AFP. Alors, s'il arrive quelque chose à La Presse canadienne... je ne parle pas de fermeture, mais on est quand même rendus à un niveau très critique du côté de la PC puis du côté anglais également, qui alimente tous les journaux, tous les sites Web du pays. Donc, on ne peut pas imaginer le Québec sans La Presse canadienne, et c'est pareil du côté anglais, là, donc, avec Canadian Press.

Donc, il faut appuyer La Presse canadienne. C'est peut-être davantage de juridiction fédérale, comme, je crois, ils ont une charte fédérale, mais je sais qu'eux, ils font partie des médias qui veulent avoir de l'aide et ils ont déjà été exclus du programme provincial, je crois, il y a deux ans. Il faudrait que les critères soient élargis pour protéger les agences de presse et même les agences de presse régionales. Ça pourrait être une agence de presse locale pour le Bas-Saint-Laurent, le Lac-Saint-Jean, affiliées à La Presse canadienne ou à d'autres agences, parce que l'Agence QMI aussi a eu des problèmes financiers dans les dernières années, ce n'est pas juste La Presse canadienne, là, mais la PC est un élément fondateur de la démocratie au Québec et au Canada anglais.

Mme Melançon : Merci beaucoup. Je voudrais simplement continuer sur un autre aspect, parce que, sinon, je vais me le faire dire, je le sens. Lorsque j'ai fait la tournée des médias pour qu'on puisse parler, bien sûr, de la commission sur laquelle nous siégeons aujourd'hui, dans nombreuses radios et télévisions, on m'a dit : Vous ne parlez que de la presse écrite, il faut aussi parler de la télévision, il faut aussi parler de la radio, parce qu'on a perdu quand même... de mémoire, c'est le quart des radios au Québec, là, qui ont disparu.

En télévision, comment est-ce qu'on peut expliquer... moi, j'ai mon explication à moi, mais l'importance d'avoir le bulletin régional, là? Lorsque je suis à Baie-Comeau, j'ai envie d'ouvrir le poste et d'entendre parler de ce qui se passe chez nous puis, bien sûr, peut-être, à un moment donné, parler du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, que je ne verrai pas de sitôt si je suis sur la Côte-Nord, à moins que j'aie un déplacement. Mais, cela étant dit, comment est-ce que vous expliquez que nous parlions plus de la presse écrite que des radios et des télévisions?

M. White (Patrick) : Bien, d'abord, l'aide aux médias devrait vraiment aller beaucoup aux régions, là, tu sais, je pense que ça, on revient là-dessus. La crise des médias, les revenus publicitaires, de plus en plus, maintenant, c'est programmé par des robots, ça s'appelle la programmatique, ce qui a fait baisser énormément le coût de la publicité. Mais, si tu regardes à la télévision régionale... on pourrait envisager que l'aide gouvernementale du Québec est conditionnelle à une amélioration de la couverture de ces médias-là dans les régions puis exiger, peut-être sept jours sur sept, un bulletin régional pour... si ça n'existe pas en Gaspésie ou sur la Côte-Nord, sur la Basse-Côte-Nord, donc que l'aide soit conditionnelle à une amélioration continue, l'augmentation du nombre de journalistes affectés le jour, le soir, la fin de semaine, sept jours sur sept, 365 jours par année, pour éviter, justement, trop forte concentration à Montréal et à Québec.

Mme Melançon : Et la question...

Le Président (M. Ciccone) : Deux secondes, Mme la députée.

Mme Melançon : Bon, bien, la question qui tue, je vous la poserai hors micro tout à l'heure.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, Mme la députée. Je suis prêt maintenant à entendre la députée de Taschereau pour une durée de 2 min 30 s.

Mme Dorion : Merci, M. le Président. Bonjour, M. White. À mon bureau de comté, on fait beaucoup de dépenses dans les médias locaux, donc on... de publicités pour nos événements, radios, journaux, on tient à les faire vivre, puis on en fait un peu aussi sur Facebook. Quand on demande aux gens qui viennent à nos événements comment ils ont entendu parler de notre événement, c'est la grande majorité, sinon la totalité des gens, qui ont vu la publicité sur Facebook. Dans ce contexte-là, je pense aux petites PME qui naissent autour de chez nous puis qui n'ont pas tant d'argent à mettre dans la pub, qui veulent que ça marche, quelle attitude est-ce qu'on devrait avoir? Est-ce que vous pensez que la tendance de la fuite des revenus publicitaires vers les GAFAM est réversible d'une façon ou d'une autre? Et, si non, quelle attitude ou quelle option les pouvoirs publics devraient, finalement, avoir face aux géants du numérique?

M. White (Patrick) : Bien, ce n'est pas réversible pour le moment. On n'exclut pas un éventuel démantèlement de Facebook et de Google par les autorités antitrusts américaines. Je pense, ça pourrait peut-être arriver d'ici cinq à 10 ans, comme c'est arrivé avec les grandes pétrolières dans les années 20.

Mais les gestes concrets, j'en ai parlé tout à l'heure, c'est que chaque député limite peut-être à 25 % ou un pourcentage entendu avec le gouvernement la publicité sur Facebook, qu'on recommence le plus rapidement possible, peut-être d'ici le 1er septembre s'il faut, les avis publics dans les hebdos régionaux, demander aux municipalités de recommencer à publier les avis publics dans Le Devoir et tous les autres journaux régionaux à Montréal et un peu partout et, après ça, bien, prêcher par l'exemple, et vous êtes vraiment les personnes concernées au plus haut point.

Après ça, oui, on a toujours besoin des Facebook de ce monde. C'est le tiers du trafic des sites d'information au Québec avec 0 % de revenus. Il n'y a pas de revenus qui viennent de Facebook en ce moment, mais c'est le tiers du trafic, donc il ne faut pas l'oublier, et c'est là qu'on rejoint les gens sur les téléphones, comme vous le disiez.

Donc, l'équilibre, c'est peut-être augmenter les budgets auprès des médias régionaux, les médias communautaires, surtout du côté papier, ne pas oublier les radios, les télés, les pigistes, les agences de presse, et tout le tralala, oui.

Mme Dorion : Dans ce contexte-là, donc, comme c'est beaucoup de fonds, finalement, qui doivent être investis, qui doivent être redonnés, retournés aux régions, quelle attitude, dans ce contexte-là, est-ce que les pouvoirs publics devraient avoir face aux GAFAM? Je ne dis pas eux, chaque député, chaque ministère, mais comme législateurs, là, par rapport aux géants du numérique.

M. White (Patrick) : Les forcer à payer des impôts au Québec et au Canada — ils collectent déjà la TPS et la TVQ, c'est un début mais ce n'est pas assez — et puis vraiment s'assurer qu'il y ait éventuellement des redevances, soit, là, un pourcentage fixe des revenus de Google ou Facebook au Québec ou au Canada qui sont envoyés directement aux médias.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, M. White. Je suis prêt maintenant à reconnaître la... le député de Rimouski. Excusez-moi. Vous êtes entouré de femmes, M. le député, oui.

M. LeBel : Je suis le seul gars dans l'opposition. Quand le monde disent : L'Assemblée nationale n'a pas changé, ce n'est pas vrai, ça a changé.

Le numérique, moi, c'est bien O.K., là, tout ça est bien correct, mais juste rappeler au monde que la couverture Internet n'est pas encore partout au Québec, rappeler aussi aux gens — puis c'est des chiffres de 2013 — que 19 % des Québécois sont analphabètes, 34 % des Québécois éprouvent de grandes difficultés de lecture. Il y a de plus en plus une cassure, là, entre ceux qui sont capables d'utiliser ça puis s'informer puis ceux qui ne sont pas capables, qui prennent du retard. Ça fait que les hebdos, la radio, c'est encore bien important pour rejoindre ces gens-là, la télé aussi.

Radio-Canada, c'est quand même... on est encore dans ce pays-là, ils ont un mandat de couvrir les régions puis ils sont subventionnés, c'est dans leur mandat. Est-ce que vous pensez que Radio-Canada pourrait faire plus pour parler des régions, puis être présent en région, puis parler des régions au national?

• (15 h 30) •

M. White (Patrick) : Oui, absolument. C'est vrai qu'on peut constater, à l'occasion, qu'on entend peu parler du reste du Canada aux nouvelles de Radio-Canada et on entend peu parler souvent des régions du Québec. Donc, oui, c'est un point d'interrogation. Radio-Canada est partout, mais souvent on ne le voit pas nécessairement à RDI ou dans Le téléjournal. Donc, il y a peut-être du travail à faire de ce côté-là, mais Radio-Canada, c'est une instance fédérale et c'est géré par le gouvernement fédéral. Mais, en tant que députés ou en tant qu'observateurs, si Radio-Canada peut en faire davantage, tant mieux, mais ils sont déjà très, très présents dans leurs milieux un peu partout. On voit des textes d'ICI Radio-Canada Témiscamingue, ce qu'on ne voyait pas avant, sur radiocanada.ca, les balados qui viennent un peu de partout, donc ils font un travail exceptionnel en région. Est-ce qu'il pourrait y en avoir plus? Bien, j'aimerais ça d'avoir plus de nouvelles des régions au Téléjournal national de Radio-Canada, autant du Québec que du reste du pays.

M. LeBel : Je reviens aussi aux hebdos. Les hebdos, c'est encore... À Rimouski, il y avait trois hebdos il n'y a pas très longtemps, là il y en a un. C'est encore... ça traîne partout sur les tables, ça traîne... Les gens consultent encore ça, c'est encore ça qui est disponible, c'est ça qui parle à nos communautés. Et moi, je suis très d'accord avec vous quand vous écrivez, là... c'est vrai qu'il faut trouver des façons pour les grands quotidiens pour les sauver, mais il faut absolument intervenir auprès des hebdos. Il faut s'assurer qu'il y ait encore des hebdos dans chacune de nos communautés.

M. White (Patrick) : Il ne faut pas que les hebdos soient oubliés dans le plan de sauvetage, un plan de sauvetage qui doit focaliser sur tous les médias sans exception et ne pas laisser tomber les hebdos, ça, c'est très, très clair, ça doit être au coeur de la stratégie gouvernementale.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, M. White. Merci, M. le député. Je reconnais maintenant la députée de Marie-Victorin pour une durée de deux minutes.

Mme Fournier : Merci, M. White. Je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il y a une certaine ironie quand même dans le fait qu'on cite souvent, notamment, le virage numérique comme étant une solution à la crise des médias, mais pourtant vous avez été vous-même victime de cette même crise dans une entreprise médiatique qui était pourtant 100 % numérique, donc comme quoi personne ne fait exception dans le milieu, actuellement, puis ça touche vraiment tout le monde.

Donc, cela dit, tantôt vous avez fait référence au contenu payant, comme quoi c'était une des pistes d'avenir pour les différents médias, qu'on devait aller vers là. De mémoire, je crois qu'il y a seulement Le Devoir et L'Actualité,dans le domaine politique au Québec, là, qui demandent un contenu payant. Donc, j'ai trois petites questions en rafale pour vous. D'abord, est-ce que ça a suscité une baisse du lectorat de ces deux médias-là, en termes de proportion, par rapport aux autres médias? Deuxièmement, est-ce qu'il faudrait une solidarité de l'ensemble du monde médiatique au Québec? Est-ce que tout le monde devrait faire payer les utilisateurs pour le contenu en même temps? Et, troisièmement, le cas échéant, est-ce que ça ne risque pas de provoquer une fuite, justement, du lectorat, qui sont 85 % à ne pas vouloir payer pour du contenu, vers des médias étrangers?

M. White (Patrick) : Bien, il pourrait y avoir une fuite de trafic, comme vous dites, vers des sites qui vont demeurer gratuits, là, comme radiocanada.ca, qui est entièrement payé par les contribuables, bien qu'il y ait des annonceurs à Radio-Canada.

Au niveau des murs payants, ce qu'on appelle les «paywalls» en anglais, effectivement, LeJournal de Montréal, LeJournal de Québec, ils ont abandonné ça dans les dernières années parce qu'il y avait eu une baisse du trafic et qu'on voyait, là, que ce n'était pas le bon modèle. Je pense que, dans des cas comme La Presse+ et Groupe Capitales Médias, dans leur cas à eux, ce serait l'idéal, d'avoir un mur payant pour valoriser l'information qui mérite d'être payée puis mettre en valeur ce contenu à valeur ajoutée là, que ce soient les enquêtes, ou les chroniques, ou les scoops, en fait, qui pourraient être derrière le mur payant. Mais un des problèmes, c'est que ça peut amener une baisse de trafic s'il y a uniquement 10 % ou 15 % du lectorat qui s'abonne.

Solidarité, oui, ça pourrait être tous les médias en même temps, mais je crois que ça va être difficile à appliquer, en fait.

Le Président (M. Ciccone) : M. White, je vous remercie grandement de votre témoignage et de votre contribution à cette commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants de la Confédération des syndicats nationaux, conjointement avec la Fédération nationale des communications, de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 33)

(Reprise à 15 h 35)

Le Président (M. Ciccone) : Nous reprenons maintenant nos travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Confédération des syndicats nationaux, conjointement avec la Fédération nationale des communications. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent et à procéder à votre exposé. La parole est à vous.

Confédération des syndicats nationaux (CSN) et Fédération
nationale des communications-CSN (FNC-CSN)

M. Létourneau (Jacques) : Bien. Alors, merci infiniment pour cet accueil, messieurs dames les députés. Jacques Létourneau, président de la Confédération des syndicats nationaux, accompagné de Pascale St-Onge, qui est présidente de la Fédération nationale des communications, et M. Claude Dorion, qui est directeur du groupe-conseil MCE Conseils, qui est un groupe-conseil indépendant avec lequel la CSN et la fédération travaillent sur une multitude de sujets, dont notamment la question de l'avenir de la presse, la presse écrite au Québec.

Alors, je vais prendre, là, les cinq premières minutes puis je vais laisser les cinq dernières à Pascale, parce qu'on pense que, de façon générale, nous partageons tous et toutes le même niveau de préoccupation par rapport à l'avenir de la presse écrite au Québec. Je le disais tantôt aux journalistes qui nous posaient la question, disons que la commission tombe au bon moment, parce qu'avec ce qu'on a vécu récemment dans le dossier de Capitales Médias on nous a entendus, on a entendu l'ensemble de la classe politique manifester son inquiétude par rapport à l'avenir de la presse écrite. Et, quand une organisation syndicale comme la CSN se présente devant une commission comme celle-là, bien sûr, elle représente des travailleuses et des travailleurs dans l'industrie du monde des communications et de la presse écrite, mais nous représentons aussi des travailleuses, des travailleurs — c'est 300 000 membres à la CSN — donc, dans toutes les catégories d'emploi, dans tous les secteurs d'activité, dans toutes les régions du Québec, qui sont, bien sûr, des travailleuses et des travailleurs mais aussi des citoyennes et des citoyens qui comprennent, je pense, l'importance et la nécessité d'avoir une presse libre, accessible pour, justement, être capables d'avoir, dans une société démocratique comme la nôtre, accès à une information de qualité.

Donc, la commission tombe à point dans un contexte où nous pensons, comme organisation syndicale, qu'il faut prendre carrément le taureau par les cornes. Nous, ça fait peut-être une dizaine d'années qu'on tire la sonnette d'alarme en rappelant aux politiciens, aux politiciennes, pas juste à Québec mais aussi à Ottawa, la responsabilité que nous avons collectivement puis la responsabilité première qui relève, justement, des pouvoirs politiques, parce que, dans une démocratie, je le disais encore récemment, si un journal ferme, bien, c'est la démocratie qui recule, et, quand un journal ferme, bien, c'est assez difficile de le voir renaître de ses cendres, surtout dans un contexte où la classe capitaliste en général ne trouve pas qu'il y a de l'argent à faire avec la presse écrite au Québec. Donc, nous, on pense qu'on doit se mettre à pied d'oeuvre dès aujourd'hui pour, justement, trouver des solutions qui sont à portée de main. On va vous les présenter et échanger avec vous, là, sur des choses qui sont extrêmement concrètes. Mais je tiens quand même à mentionner que, si la classe politique a une responsabilité, le gouvernement a aussi une responsabilité, et, nous, ça fait longtemps qu'on dit : Il faut que le gouvernement réinvestisse dans la publicité gouvernementale dans nos médias québécois. On a entendu le premier ministre dire : Oui, mais maintenant les gens vont chercher l'information ailleurs. C'est vrai, c'est une nouvelle réalité, mais en même temps, si on ne prêche pas par l'exemple, si on n'est pas capables de se donner des objectifs puis des quotas pour être capables, justement, de soutenir par la publicité la presse écrite... parce qu'on sait que ça a chuté drastiquement, alors que la publicité sur les sites des grands des Webs, des Facebook et compagnie de ce monde a augmenté de façon considérable, je pense, à la hauteur de 120 % au cours des quatre, cinq dernières années. Donc, premier geste politique, il faut que le gouvernement annonce sa volonté, là, d'investir dans la publicité.

Nous, on pense aussi, dans un contexte où le gouvernement fédéral tarde à agir devant les GAFA... on l'a vu encore récemment, là, cette timidité à vouloir prendre le problème de front en disant : Ce n'est pas vrai que Netflix, Facebook et les Google de ce monde vont faire la pluie et le beau temps à partir d'ailleurs. J'entendais des gens dire : C'est le G7 qui se réunit en ce moment, là, il faudrait que la classe politique se responsabilise. Bien, si le gouvernement canadien n'est pas capable de le faire, nous, on pense que le gouvernement du Québec devrait réclamer le rapatriement de ces pouvoirs-là par rapport, justement, aux GAFA pour être capable de dire : Au Québec, on va mettre en place... pas des barrières mais des mesures qui vont être tout à fait équitables et qui sont appliquées déjà pour les entreprises qui ont pignon sur rue au Québec, au même titre que les entreprises qui veulent vendre des services à la population, donc revendiquer auprès du gouvernement fédéral cette juridiction.

Un autre phénomène qui a une dimension, aussi, politique, c'est celui des municipalités. Avec Mme St-Onge, on avait eu la chance, dans le passé, dans la foulée de l'adoption de la loi n° 122, où les municipalités ont décidé de se désengager avec leurs avis publics, notamment, de ce qui était annoncé dans les quotidiens... Nous, on pense que les municipalités doivent prendre aussi leurs responsabilités. J'étais très heureux d'entendre le maire Labeaume dire : Il ne faut pas que Le Soleil ferme, j'étais très heureux d'entendre le maire de Granby dire : La Voix de l'Est, il faut la sauver, le maire d'Outaouais puis probablement d'autres qui se sont prononcés là-dessus, mais il ne faut pas juste le dire, il faut prendre les moyens puis il faut se donner les outils, justement, pour permettre d'assurer la pérennité puis le développement de la presse écrite.

Donc, sur le plan syndical, sur le plan politique, oui, bien sûr, on représente les intérêts des travailleuses, des travailleurs dans ce secteur d'activité important, puis on parle de l'avenir de centaines et de centaines d'emplois — déjà qu'on en a perdu pas mal dans les salles de nouvelles au cours des dernières années — mais c'est aussi et surtout, je dirais, pour l'ensemble des citoyens et des citoyennes que nous sommes puis la société civile en général, une responsabilité collective par rapport au droit à l'information. Donc, je vais laisser la parole à Pascale pour la suite de la présentation.

• (15 h 40) •

Mme St-Onge (Pascale) : D'entrée de jeu, j'aimerais démystifier peut-être une idée préconçue, on l'entend souvent répéter, de dire qu'il faut que les médias prennent le virage numérique. Alors, je dirais que c'est chose faite dans tous les médias, et ce, depuis longtemps. Ils ont tous des sites Web, de multiples applications sont disponibles, même sur les réseaux sociaux et partout. Alors, ça, c'est un mythe, de dire qu'il faut que les entreprises de presse prennent le virage numérique. Je dirais plutôt que c'est au gouvernement aujourd'hui à prendre le virage numérique, c'est-à-dire qu'il est temps d'adapter nos lois, nos règlements à l'univers dans lequel on vit et qu'il y a des impacts nombreux non seulement sur les médias, mais toutes sortes d'autres secteurs d'activité, pensons à l'industrie du taxi ou autre. Alors, il est temps que nos lois et nos règles soient adaptées à cette nouvelle réalité là. Et je dirais que, dans le contexte actuel, on doit prendre la situation des médias à courte et à longue durée. Donc, à court terme, on doit absolument prendre des mesures qui vont permettre à nos médias de perdurer, parce que, quand une salle de nouvelles ferme ses portes, c'est très difficile de la remettre sur pied. On a vu de nombreux médias numériques tenter leur chance également, et c'est très difficile pour eux aussi.

Donc, en ce sens-là, on insiste pour dire qu'il faut mettre en place, et le plus rapidement possible, un fonds qui irait à soutenir le journalisme. Ce fonds-là, on suggère de le financer de différentes façons. Il pourrait y avoir, par exemple, une partie des taxes de la TVQ qu'on va chercher aujourd'hui auprès des produits numériques, justement. Donc, pourquoi ne pas rediriger une partie de cette taxe-là dans un fonds qui irait à soutenir la production de contenu d'information journalistique? Une autre façon — je sais qu'elle est moins populaire — ça pourrait être de mettre une taxe de 1 % sur l'achat d'outils électroniques comme les téléphones, les tablettes et tout. Pourquoi? Parce que la raison principale pour laquelle on fait ces achats-là, c'est pour avoir accès à du contenu. Or, le contenu, il n'est pas gratuit. Et, moi, depuis des jours, on entend les gens se renvoyer la balle : Est-ce que c'est aux annonceurs à payer? Est-ce que c'est à la population à payer? Est-ce que c'est au gouvernement? Est-ce qu'on doit mettre des taxes? Tout le monde dit non à chacune de ces mesures-là, comme si l'information devait être gratuite. Alors, malheureusement, ce n'est pas le cas. Il faut qu'on arrête de se renvoyer la balle et que tout le monde prenne leurs responsabilités, et ce, de différentes façons. Donc, on parlait de la publicité, on parlait peut-être aussi de revoir la taxe au recyclage, parce que ça devient un poids qui est de plus en plus grand pour les médias de la presse écrite, ils sont de moins en moins nombreux à publier sur papier. Donc, ceux qui continuent à distribuer le journal dans les foyers québécois paient de plus en plus, et c'est un fardeau qui est très lourd.

Ensuite de ça, on parle de revoir les exemptions fiscales sur les investissements aux publicités des entreprises afin de favoriser la publicité dans nos médias, parce qu'en effet les entreprises peuvent bénéficier des mêmes déductions fiscales qu'ils annoncent sur Facebook ou qu'ils annoncent dans nos médias québécois, alors que nos médias québécois paient leurs impôts et leurs taxes, ce qui n'est pas le cas des géants du Web. Donc, pour bénéficier d'exemptions, encore faut-il qu'ils participent à notre fiscalité.

Ensuite, devant... Bon, M. Létourneau l'a dit, le Québec a toujours été un champion pour défendre et protéger sa souveraineté culturelle et sa souveraineté linguistique, et c'est de ça dont il est question présentement. Et malheureusement, le fédéral, il n'y a aucun parti qui s'est engagé de façon assez claire, aucun parti qui, à l'heure actuelle, aspire au pouvoir qui s'est engagé de façon claire pour protéger notre spécificité culturelle dans l'univers du numérique. Alors, le gouvernement du Québec a un rôle à jouer en ce sens pour réclamer que le gouvernement fédéral prenne ses responsabilités ou qu'il les cède.

Et enfin pourquoi ne pas se servir de notre diffuseur public, Télé-Québec, pour appuyer les médias d'information de différentes façons? C'est important pour nous de dire qu'on ne souhaite pas que Télé-Québec développe des médias ou des salles de nouvelles dans les endroits où il y a déjà des médias.

Le Président (M. Ciccone) : En terminant, s'il vous plaît.

Mme St-Onge (Pascale) : C'est terminé? Parfait.

Le Président (M. Ciccone) : En terminant.

Mme St-Onge (Pascale) : En terminant? Donc, ce n'est pas une question d'avoir plus de concurrence dans différentes régions, que Télé-Québec concurrence, mais plutôt qu'il soit en support avec l'information et peut-être présent là où il y a des déserts médiatiques.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup. Je suis maintenant prêt à reconnaître un membre de la partie gouvernementale pour une période de 15 minutes. M. le député de Beauce-Sud, la parole est à vous.

M. Poulin : Merci beaucoup, M. le Président, que je pourrai partager avec des collègues, là, tout dépendant si on se fait signe. Merci pour votre mémoire extrêmement complet et très bien au niveau politique également, lorsque vous nous parlez de rapatrier des pouvoirs. C'est fort intéressant que votre fédération l'amène dans ce mémoire-là. Sujet très simple, conditions de travail des journalistes au Québec, avez-vous une idée? Parce que je lisais, dans le prochain mémoire du Syndicat des travailleurs de l'information de La Presse... Avez-vous une idée de combien gagne, en moyenne, un journaliste au Québec, tout dépendant, dans les régions, télés, radios, journaux? Pouvez-vous nous dresser peut-être un portrait de la rémunération? Parce qu'on sait que c'est important pour l'avenir de la profession.

Mme St-Onge (Pascale) : Ça varie énormément. Par exemple, en région, on voit, dans les régions, le salaire est moins élevé, en général, que dans les grands centres, et c'est normal parce que le coût de la vie est plus élevé dans les grands centres. Et également on voit une grande différence entre, par exemple, des journalistes qui travaillent à la pige, où là, on tente... il y a beaucoup de difficultés, disons, à joindre les deux bouts, et des journalistes des quotidiens. Donc, je dirais, pour les hebdomadaires, ça peut varier entre 40 000 $... aux alentours de 40 000 $ à 45 000 $, 50 000 $; pour les quotidiens, aux alentours de 65 000 $, 70 000 $. Mais, de façon générale, là, je dirais qu'au cours des cinq à 10 dernières années les journalistes et l'ensemble des travailleurs des médias ont consenti jusqu'à 30 % de leurs avantages, que ce soit en termes de salaire ou que ce soit en termes de conditions de travail. Les employés eux-mêmes font grandement leur part pour maintenir ces journaux-là et ces salles de nouvelle là ouverts, et malheureusement ça ne suffit plus, je crois qu'il faut regarder ailleurs.

M. Poulin : Puis vous avez entièrement raison, effectivement. Puis même 40 000 $ en région, à certains endroits, vous avez été généreux, là. Moi, j'en connais qui commencent à 12,30 $ de l'heure, là, 12,50 $, puis, si tu fais des «remotes», donc, des reportages en direct, tu es bien chanceux parce que ça te permet de pouvoir avoir une paie qui est plus grosse. Donc, ça, c'est extrêmement difficile. Sans compter qu'également les conseillers publicitaires ont énormément de pression pour vendre des revenus, et la cote qu'ils ont sur le 30 secondes, le 15 secondes à la radio, sur la page ou la demi-page dans les médias a extrêmement diminué. Alors, être conseiller publicitaire aujourd'hui, là, prendre son auto, aller sur la route, vendre de la pub, là, c'est extrêmement difficile, puis il faut se battre, justement, comme on l'a signifié tout à l'heure, avec d'autres joueurs.

Je veux revenir sur votre fonds du journalisme, puis je fais un lien avec le salaire comme tel, parce que vous nous avez donné des exemples de comment on pourrait financer ce fonds-là sur le journalisme, mais de quelle façon on pourrait l'attribuer? Parce que, si on dit que l'équité doit nous guider, qu'avoir une solution durable doit nous guider, de quelle façon on peut facilement l'appliquer auprès d'un média de presse, de dire : Vous pouvez aller chercher des sommes dans ce fonds sur le journalisme là pour équiper votre salle de rédaction, votre salle des nouvelles? De quelle façon on pourrait bien l'attribuer, bien le faire, selon vous, en maintenant, effectivement, une certaine équité dans la façon dont on peut avoir une bonne information dans la salle des nouvelles puis une bonne source d'information également?

• (15 h 50) •

Mme St-Onge (Pascale) : Bien, la redistribution va toujours être un défi en soi parce que... ne serait-ce que pour ces questions d'équité là. Puis, pour avoir participé au comité d'experts du côté fédéral, pour le crédit d'impôt de 25 %, il y a toujours des gens ou des entreprises qui vont être ou qui vont se sentir laissés-pour-compte. Donc, ça fait en effet partie du défi, de bien redistribuer les sommes, mais je crois qu'il faut d'abord et avant tout s'appuyer sur des critères qui sont le plus objectifs possible et peut-être regarder sur la question de la quantité de contenu d'information originale qui est produit et, évidemment, déterminer quel type de contenu on veut soutenir. Donc, toutes ces questions-là vont mériter d'être largement débattues, puis il va falloir y réfléchir amplement. Mais déjà, si on peut mettre sur pied ces fonds-là puis se donner une période de temps, par la suite, pour la réflexion, je crois qu'on va y arriver. On y est parvenus, du côté fédéral. Puis il y a déjà des programmes aussi, du côté du Québec, qui ont été mis sur pied pour soutenir les entreprises de presse, puis on réussit à établir des critères. Donc, l'important, c'est que ce soient des mesures universelles, dont les critères sont le plus objectif et le plus large possible.

M. Poulin : Merci beaucoup.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup. Je reconnais maintenant le député de Chauveau.

M. Lévesque (Chauveau) : Merci beaucoup, M. le Président. Messieurs dames, merci beaucoup pour votre présentation très intéressante. Je voudrais vous parler davantage du crédit d'impôt que vous proposez. Tout à l'heure, un autre intervenant nous parlait, lui, plutôt d'un fonds, un crédit d'impôt de 35 %. Là, vous, vous proposez l'ensemble des travailleurs dans... On a entendu, un peu plus tôt, aussi que ça pouvait être une catégorie, seulement les journalistes. Comment faites-vous pour en arriver à cette proposition-là, premièrement, du montant, du 25 % au détriment du 35 %? Quel est votre rationnel, votre logique derrière ça?

Et est-ce que la... bien, en sous-question également, j'aimerais en savoir davantage sur votre perception. Est-ce que c'est seulement des types de médias qui devraient être ciblés pour le crédit d'impôt ou l'ensemble des médias du Québec qui devraient être ciblés? Tout à l'heure, on nous proposait... le Pr White nous proposait que ce soit l'ensemble des médias sans distinction, mais on sait qu'il y a certains médias, malgré tout, qui sont assez rentables, et c'est tant mieux, souhaitons-le. Et comment on peut vraiment vous aider davantage avec cette logique-là? J'aimerais entendre votre rationnel à ce niveau-là.

M. Dorion (Claude) : À cet égard, il y a un certain nombre d'éléments qui sont importants. Comme disait Pascale, afin d'assurer le caractère indépendant de la presse, on estime que le périmètre qui doit être touché par ces mesures-là doit être très bien défini, tant au niveau de la qualité et du professionnalisme du contenu. Et, d'autre part, une fois à l'intérieur du périmètre, il faut que la mesure soit universelle, de façon à ce qu'il n'y ait aucune espèce d'enjeu d'influence politique sur l'attribution des sources. Ça, c'est des éléments très importants.

Nous, on a estimé notre mesure de crédit d'impôt avec une fonction assez claire. On regarde depuis 15 ans le déclin progressif des revenus publicitaires, malgré que le lectorat est relativement stable, quoiqu'avec des méthodes diversifiées d'avoir accès aux informations provenant de nos médias écrits. Et on estime que nous avons environ une masse salariale de 180 millions de dollars parmi les journaux ou les éditeurs de presse écrite au Québec. Ce n'est pas tout à fait facile d'arriver à ce chiffre-là, dans la mesure où, évidemment, tous les journaux ne sont pas publiés uniquement par des organisations qui ne font que ça. Si on prend le groupe Québecor, par exemple, les journaux ne sont qu'une petite partie de l'ensemble de l'organisation. Donc, on a fait cette estimation-là à partir des données de Statistique Canada sur le profil des éditeurs de journaux au Québec, d'une part, et on a croisé ça avec les données provenant de 19 des principaux journaux au Québec, à partir des données provenant directement des cotisations syndicales, donc le réel très précis de la réalité des journaux qui sont représentés par la CSN. C'est en croisant ces deux éléments-là que nous sommes arrivés à une masse salariale de 180 millions. On estime à peu près à 650 millions de dollars les dépenses et les revenus, parce qu'on est rendus, soit globalement, à un seuil de rentabilité extrêmement précaire pour le secteur et qui est en déclin rapide. Depuis deux ans seulement, on a une chute de 15 % des dépenses liées aux éditeurs de journaux. Et donc en prenant les chiffres de Statistique Canada et imputant une tendance au déclin progressif et la réalité des masses salariales qu'on a connues, on arrive à 180 millions.

Pour nous, la question d'est-ce que ça ne doit être vraiment que les journalistes qui bénéficient d'un crédit d'impôt ou l'ensemble de la masse salariale, l'important, c'est que la somme du pourcentage des personnes qui sont touchées et le taux du crédit d'impôt permet d'avoir un impact sur la réalité économique des journaux. Alors, pour nous, on estime qu'une mesure qui va environner quelque chose comme 40 millions va avoir un impact qui tourne alentour de 10 % du chiffre d'affaires des journaux, et on est à un niveau qui nous permet de stabiliser la grande majorité des publications dans l'environnement actuel. Évidemment, la situation en 2019 est en net retrait par rapport à ce qu'on connaissait en 2005. Alors, on a perdu la moitié de la main-d'oeuvre en 14 ans dans ce secteur. En 2022, la masse salariale va être inférieure à ce que nous observons aujourd'hui, et, si on veut stabiliser la situation, on a besoin d'une mesure qui est à peu près de cette ampleur-là.

Le Président (M. Ciccone) : Merci, M. le député. Je reconnais maintenant le député de Saint-Jean.

M. Lemieux : Une courte sous-question par rapport à ce que vous venez de dire, juste pour m'assurer que j'ai bien compris, avec une courte réponse, s'il vous plaît, parce que je voudrais qu'on passe à autre chose, mais vous parlez toujours d'écrit, là. Dans tous les chiffres que vous venez de nous donner, on n'est que dans l'écrit.

Mme St-Onge (Pascale) : Sur la question des crédits d'impôt sur la masse salariale, pour nous, on l'a toujours vu comme étant une mesure d'urgence qui devait s'appliquer aujourd'hui pour les médias de la presse écrite. Cependant, le fonds québécois pour le journalisme, peu importe la façon dont il sera soutenu, à ce moment-là, on pourra l'ouvrir à un plus large éventail de médias d'information, mais là on est dans l'urgence, il y a l'urgence, le moyen terme et le long terme.

M. Lemieux : Et est-ce qu'à quelque part il n'y a pas nécessité de s'arrimer aux règles fédérales pour ne pas que ça devienne une maison de fous, là, en termes de crédit d'impôt sur la masse salariale? Est-ce que ce ne serait pas souhaitable ou est-ce qu'on est tous suffisamment intelligents pour être capables de vivre avec nos règles, nos contraintes et nos propres critères?

Mme St-Onge (Pascale) : Dans un monde idéal, je dirais qu'il faudrait qu'on s'arrime avec le fédéral, mais en même temps le fédéral, bon, s'en va en période électorale, ce qui veut dire que le prochain gouvernement, véritablement, ne légiférera pas et n'aidera pas à... n'arrivera pas avec de nouvelles mesures avant 2020, et, en 2020, il va y avoir d'autres médias qui vont avoir fermé leurs portes. Donc, je pense que le gouvernement du Québec a une responsabilité d'agir maintenant.

M. Lemieux : Mme St-Onge, vous aviez tout à fait raison au sujet du virage, tellement qu'on n'a pas fini de virer. Ça s'accélère puis, à quelque part, ça devient un cercle vicieux, si je comprends bien l'état de la situation, là. Par contre, modèle d'affaires, ça, on ne l'a pas encore trouvé, parce que, si ça existait, on l'aurait, hein?

Mme St-Onge (Pascale) : Effectivement, je pense qu'il va falloir continuer d'explorer de nouveaux modèles d'affaires. La Presse en explore un, actuellement, avec l'OBNL. Pour Le Groupe Capitales Médias, véritablement, il va falloir qu'on trouve une autre solution. Présentement, nous, on explore l'idée de la coopérative de travailleurs actionnaires, qui pourrait être jumelée avec des coopératives locales puis également des partenariats avec le privé. Une chose est sûre, ça se renvoie toujours le même concept, c'est-à-dire qu'il faut qu'on arrête de se renvoyer la balle. L'information n'est pas gratuite. Ça prend de l'argent pour soutenir les salles d'information puis il faudra que tout le monde mette la main à la pâte, y compris dans notre imagination pour se projeter dans l'avenir avec des nouveaux modèles d'affaires.

M. Lemieux : Quand j'ai dit à M. White, tout à l'heure, que, dans son bouquet, il y avait des fleurs que pas beaucoup de monde avait apportées, vous aviez aussi une fleur Télé-Québec dans votre bouquet de recommandations, mais ce n'est pas tout à fait comme ce que lui nous disait. Vous, vous entrevoyez quoi pour Télé-Québec?

Mme St-Onge (Pascale) : Bien, Télé-Québec a une large expertise déjà en termes numériques, avec La Fabrique culturelle, notamment, avec une forte présence régionale. Donc, d'un côté, est-ce qu'on pourrait explorer la possibilité que Télé-Québec vienne en appui avec les médias existants? Une des problématiques qu'on a avec la plupart des médias, notamment de la presse écrite, là, mais c'est une dichotomie entre le fait que le principe et la raison d'être de ces organisations-là, c'est de produire de l'information journalistique et de vendre de la publicité. Là, on se retrouve à devenir des entreprises technologiques, il y a beaucoup d'argent qui est investi à développer des nouvelles plateformes, et tout ça. Alors, pourquoi ne pas se servir de l'expertise de Télé-Québec, d'une part? Et, d'autre part, de par leur ancrage dans les régions, là où il n'y a plus d'hebdomadaire, là où il n'y a pas de radio communautaire, où, finalement, ce sont des déserts démocratiques, bien sûr, et médiatiques, pourquoi est-ce que Télé-Québec ne pourrait pas jouer un rôle à cet effet-là?

M. Lemieux : Et ma dernière question, c'est au sujet des exemptions fiscales, parce qu'à la lecture du mémoire je fais : Bien oui, regarde donc ça, toi, parce que les entreprises déduisent de leur rapport d'impôt les frais de publicité, et vous, vous dites : Oui, mais on devrait s'organiser pour déduire les bonnes affaires puis ne pas déduire ce qu'on ne voudrait pas déduire.

Mme St-Onge (Pascale) : Bien, exactement. D'un côté, en fait, c'est que les entreprises peuvent déduire leurs dépenses publicitaires, même quand ils annoncent sur Facebook et Google, parce qu'on prend pour acquis que les médias, de toute façon, vont payer des impôts à la fin de l'année, et ce qui n'est pas le cas de Facebook et Google, et pourtant c'est les entreprises les mieux capitalisées de la planète. Alors, il y a là une contradiction qui est insoutenable en termes de fiscalité puis en termes de souveraineté économique. Donc, il faut absolument revoir et adapter nos règles fiscales, donc ceux qui paient de l'impôt, qu'ils bénéficient des avantages. Mais sinon je ne vois pas pourquoi on continuerait dans cette voie-là. Je ne sais pas si, Claude, tu voulais rajouter quelque chose.

• (16 heures) •

M. Dorion (Claude) : Bien, c'est une question d'équité, et ce problème dépasse largement la question de la presse écrite. Mais toute la question de la fiscalité du commerce électronique qui passe avec des entreprises hors frontières a un impact de concurrence déloyale dans la mesure où, lorsque les annonceurs, les entreprises achetaient de la publicité dans les journaux québécois, ils pouvaient déduire ces dépenses de leur impôt, mais en contrepartie les entreprises de médias, eux, étaient imposées sur ces revenus. Alors, ce qu'on essaie de... ce qu'on souhaite proposer, c'est que, lorsque des dépenses ne sont pas intégrées dans la fiscalité de l'entreprise qui vend le service, ça ne devrait pas être sujet à une déduction pour l'acheteur de cette publicité.

M. Lemieux : Merci.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, M. le député. Je suis prêt, maintenant, à reconnaître un membre de l'opposition officielle. Mme la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour et bienvenue. Contente de vous retrouver, M. Létourneau, Mme St-Onge. Bonjour, M. Dorion. Il y a déjà maintenant plus d'un an, on s'était vus à l'UQAM avec plusieurs journalistes. Moi, je me rappelle d'avoir vu une salle comble de... peu importe la bannière, tout le monde était présent, parce que la seule bannière qui comptait, c'était la démocratie et de s'assurer que le quatrième pilier de cette démocratie soit sauvé.

La maison, elle est en péril, et, clairement, on connaît le problème, on va le nommer, ce sont les géants du Web, les GAFAM. On peut chercher de midi à quatorze heures de l'appui du fédéral, je peux vous garantir que le gouvernement précédent, libéral, du Québec le cherchait avec la taxe Netflix, on ne l'a pas trouvé. Alors, moi, je vous dis tout de suite, on n'a pas envie d'attendre après le fédéral, je pense que c'est le temps que nous, le gouvernement du Québec, on agisse.

Je vous amène tout de suite... On a l'occasion d'avoir avec nous un économiste. M. Dorion, on va avoir besoin de votre éclairage. Je me suis déjà penchée, avec le Pr Jean-Hugues Roy, sur les revenus publicitaires de Facebook. J'ai sorti leurs chiffres de 2018. Vous savez que c'est une entreprise, là, milliardaire. En 2006, la première entreprise la plus capitalisée à la bourse, c'était Exxon Mobil, une entreprise pétrolière; aujourd'hui, depuis 2016, Apple, suivie d'Alphabet, qui appartient à Google, suivie de Facebook. Prenons juste Facebook. Facebook, dans le quartier de 2018 — c'est loin, hein, mon tableau, mais inquiétez-vous pas, j'en ai préparé un plus beau — alors, revenus mondiaux : 71 milliards de dollars, juste pour l'année 2018. C'est une croissance, à chaque année, importante. Pour le Canada, mes estimations à moi, Marwah Rizqy : 2,9 milliards. Si on a eu le courage politique de faire ce que la France a fait, d'instaurer la taxe GAFA de 3 %, au niveau fédéral, ça aurait été 86 millions d'entrées d'argent dans la dernière année, puis au niveau du Québec, 20 millions de dollars. Et là comprenez-moi bien, c'est seulement Facebook, je n'ai pas fait Alphabet et je n'ai pas fait non plus Twitter ni Instagram. Pensez-vous que, justement, là, c'est la première des priorités qu'on devrait avoir? Et, oui, là, je vous dis «première priorité», parce que je veux vraiment mettre l'emphase, hein?

Mme St-Onge (Pascale) : C'est la première priorité, assurément, il va falloir restaurer l'équité. Je veux dire, tout le monde le sait, que c'est vers ça qu'on s'en va, c'est inévitable. Il va falloir y arriver à un moment donné. Je dirais, par contre, mon seul bémol, c'est que c'est peut-être des mesures qui vont être un petit peu plus lentes et longues à implanter, et, par conséquent, en attendant, il va falloir quand même amener des mesures d'urgence, là, pour nos médias.

Mme Rizqy : Absolument, puis je tiens à vous rassurer, puis je vais remettre mon petit chapeau de fiscaliste, parce que cet argument-là, je l'ai tellement entendu souvent des lobbyistes de ces grandes entreprises : C'est tellement long, faire bouger les choses, mais, je vous dis, la France, lorsqu'ils ont décidé d'y aller, ils ont dit : Mais nous, on n'attendra pas après l'OCDE, on n'attendra pas après 100 autres pays. Au Québec, on a été capables de le faire avec le dossier Netflix, on est capables aussi de le faire en matière d'impôt. Nous sommes souverains, nous détenons notre propre loi de l'impôt et, en plus, nous sommes autonomes, avec Revenu Québec, on n'a pas besoin d'attendre. Alors, là-dessus, si vous nous faites confiance puis que le gouvernement entend agir rapidement, ma collègue et moi, on croit sincèrement que c'est une avenue qui doit être considérée en marge de nos travaux ici, que ça doit être instauré assez rapidement.

Je continue. Jean-Hugues Roy et moi, on s'est parlé énormément sur le contenu, parce qu'effectivement on sait que c'est important, que l'information voyage et qu'effectivement il y a un impact lorsqu'un article de presse est sur Facebook, il est plus vu. Mais toutefois, en matière de redevances, du propre aveu de M. Zuckerberg, qui est à la tête de Facebook, il sait très bien que, là-dessus, il ne remet absolument rien à ceux qui sont les créateurs de contenu. Pensez-vous qu'en plus d'une taxe GAFA, dans un deuxième temps, on pourrait aller de l'avant avec une demande de redevances pour le contenu préparé et créé par nos journalistes d'ici?

Mme St-Onge (Pascale) : Tout à fait. Quand on parlait du fonds québécois pour le journalisme, il pourrait très bien être financé à partir d'une redevance qu'on percevrait aux GAFA, qui, dans le fond, bénéficient des contenus. En fait, il faut toujours se baser sur un principe, qui est... en tout cas, qui devrait être celui que ceux qui bénéficient de la production de nos contenus, ils participent à leur financement. Il y a des problèmes du côté du droit d'auteur, il y a des problèmes du côté de participer au fonctionnement, aussi, télévisuel et cinématographique canadien par le fonds canadien des médias mais aussi par toute la réglementation du CRTC. Donc, effectivement, quand je disais que le... les gouvernements, pas seulement le gouvernement du Québec, mais, quand je dis que les gouvernements doivent faire le virage numérique, ça veut dire tout ça.

Mme Rizqy : Merci beaucoup, Mme St-Onge. Je vais passer la suite de la parole à ma collègue.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, Mme la députée. Je reconnais maintenant la députée de Verdun.

Mme Melançon : Merci. Bien, vous venez de parler du Fonds des médias, par exemple, on le sait, là, ces fonds-là sont en train de fondre comme neige au soleil. C'est pourquoi, il y a un certain bout de temps — moi, je veux être en proposition, je veux être très constructive — j'ai parlé, justement, d'un fonds dédié, ne serait-ce qu'avec l'argent de Netflix, qui est nouvellement... qui entre, là, dans les coffres du gouvernement du Québec depuis le 1er janvier dernier. Je pense qu'on doit pouvoir investir, justement, dans les contenus québécois. Je le disais un peu, tout à l'heure, en introduction, on a vécu ça aussi avec la musique, la problématique de la musique, hein, avec... Les gens ne voyaient plus... ils pensaient que c'était la gratuité, puis on pouvait utiliser et télécharger de façon illégale la musique. Bien, on a encore cette problématique-là. Cette fois-ci, c'est avec les médias et c'est là où on doit complètement revoir nos modèles d'affaires mais aussi les modèles de gestion. Et souvent ça va tellement vite, actuellement, que le législatif ne suit pas. Et ça, c'est vraiment une critique que je nous fais à toutes et à tous, parce qu'il faut appuyer sur l'accélérateur, législativement parlant, parce qu'on n'y arrivera jamais, on ne va jamais retrouver le rythme.

Vous parliez de souveraineté culturelle. Ce matin, j'ai eu la chance de rencontrer les médias ici, à l'Assemblée nationale, on en a parlé. Il est vrai que, s'il y a des... si le gouvernement fédéral décide de laisser sur la table un pan complet, et c'est celui de la culture, actuellement, dont il est question, et où on est en train de parler de notre identité à nous, comme Québécois, comme Québécoises, bien, il faut aller chercher ce pan-là, il faut appliquer ici, au Québec, comme on l'a fait pour Netflix, comme le disait ma collègue députée de Saint-Laurent.

Je voulais venir rapidement sur deux choses. La bonne recette, lorsque l'on parle du pourcentage dans l'exemplarité de l'État, est-ce que c'est 80 %-20 %, est-ce que c'est 70 %-20 %? Le gouvernement, là, du Québec, lorsqu'il investit à l'intérieur des médias régionaux, locaux, la publicité gouvernementale, parce qu'on ne peut pas faire fi complètement, on l'a dit, là, on est quand même en 2019, est-ce que vous avez mesuré où est-ce que ça devrait commencer, où est-ce que ça devrait finir?

Mme St-Onge (Pascale) : Bien, on n'a pas de pourcentage à vous proposer. Le plus haut pourcentage sera le mieux pour les médias, parce qu'avant c'était 100 % de la publicité gouvernementale qui était dans les médias québécois, et maintenant elle se retrouve... pour le gouvernement du Québec, là, les chiffres qu'on a ici, c'est qu'elle a augmenté de 120 %, donc, alors le plus haut pourcentage sera le mieux. Et je dirais qu'on va peut-être devenir moins choqués de voir la part de publicités gouvernementales et autres, là, qui va vers les GAFA la journée où les GAFA participeront à notre système, donc... Puis on n'est pas antitechnologie, là, je pense que c'est important de le dire, on profite tous de ces réseaux sociaux là. Le problème, il n'est pas là. Le problème, c'est de faire participer ces géants-là, qui se posent à l'extérieur d'un système, et de les faire entrer dans le système pour qu'ils en fassent partie et qu'ils participent à la même hauteur que tous les autres citoyens corporatifs du Québec et du Canada.

• (16 h 10) •

Mme Melançon : C'est intéressant que vous puissiez le dire, parce que moi, j'ai participé au mouvement qui a été mis sur place par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, alors, Sauvons l'information régionale, J'appuie mon journal, et je l'ai fait sur les médias sociaux, c'était gratuit, je n'ai pas mis d'argent en publicité là-dessus, il y a eu beaucoup, beaucoup de partage de cette information-là. Il faut vivre quand même en 2019, donc, ça, je pense que, pour tout le monde, c'est clair, puis il fallait faire le point. Cependant, je veux me pencher sur une chose. Il y a urgence d'agir, ça fait des mois que l'on parlait de la situation d'un groupe, du Groupe Capitales Médias. Certains semblent l'avoir ignorée, mais, bref, on est arrivés avec une aide d'urgence de 5 millions il y a deux semaines de cela.

Quand on parle d'urgence et quand on dit : On peut mettre des choses en place, mais ça va être long, moi, ce qui m'inquiète dans tout ça, c'est d'arriver à savoir, dans votre 25 % pour le crédit d'impôt, qui va être inclus, qui ne le sera pas. Je sens qu'on va avoir une certaine petite bataille entre nous, à l'interne, qui devra être faite. Est-ce que, vous, de votre côté, c'est très clair, c'est pour les journalistes reconnus ou les journalistes... pas indépendants, mais... Est-ce que vous avez défini comment... à qui on s'adresse exactement? Pour la salle de presse, là, est-ce qu'un chroniqueur, pour vous, c'est un journaliste? Est-ce qu'il fait partie de la... C'est ça, ma question, dans le fond, je veux vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Ciccone) : En 20 secondes, s'il vous plaît.

Mme St-Onge (Pascale) : C'est très large, hein, parce qu'en fait ce ne sont pas tous les chroniqueurs qui sont journalistes, par contre plusieurs journalistes sont chroniqueurs. Je crois que tout est dans le travail et dans la façon de le faire. Cependant, à mon avis, quand on parle d'une mesure fiscale comme le crédit d'impôt de 25 %, on ne peut pas commencer à y aller sur uniquement des critères qualitatifs, au contraire, ce serait une erreur, et...

Le Président (M. Ciccone) : En terminant, s'il vous plaît.

Mme St-Onge (Pascale) : ... — oui — de dire 25 % sur l'ensemble de la masse salariale, ça règle un peu cette problématique-là aussi.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup. Je reconnais maintenant la députée de Taschereau pour une durée de 2 min 30 s.

Mme Dorion : Merci, M. le Président. Pour 2 min 30 s? On parle beaucoup de l'action des GAFAM, de ce que ça a créé comme révolution et comme pertes au Québec, mais j'aimerais vous entendre sur les grands groupes de presse, sur la concentration de la presse qui a eu lieu, dans les dernières décennies, de façon assez radicale. Et par rapport, notamment, au sauvetage de Capitales Médias, on vous a entendu parler de coopérative de travailleurs. Dans ce contexte-là, là, après les décennies de concentration de la presse, pourriez-vous m'expliquer en quoi le modèle de coop pourra être un avantage par rapport à un rachat par un grand groupe de presse des journaux de Capitales Médias qui sont en difficulté en ce moment?

Mme St-Onge (Pascale) : Bien, premièrement, je pense qu'au cours des 10 ou 15 dernières années on a assisté, effectivement, à un phénomène de concentration et de convergence. Maintenant, on assiste à un phénomène de désinvestissement de l'entreprise privée dans les entreprises de presse parce qu'il n'y a plus autant d'argent à faire que par le passé. Par conséquent, à ce moment-là, un modèle qui serait basé sur la coopération et également un partenariat avec l'entreprise privée peut devenir un modèle qui est équilibré puis adapté à notre époque, donc je pense que c'est une alternative qu'il faut absolument explorer. Puis on voit, de toute façon, avec la situation du Groupe Capitales Médias, les communautés locales qui se lèvent et qui veulent participer à la relance, donc pourquoi ne pas trouver une façon de les impliquer? Je pense que le moment est bien choisi.

Mme Dorion : Est-ce que ça pourrait avoir un impact positif sur la qualité de l'information, sur la façon dont... J'ai entendu beaucoup de journalistes parler de la dictature du profit. Dans leurs mots, c'est la dictature du clic, c'est-à-dire il faut absolument vendre de la publicité. Est-ce que, dans ce sens-là, ça pourrait avoir un impact positif si c'était une coopérative?

Mme St-Onge (Pascale) : Bien, oui, définitivement. Mais ce qu'il faut savoir, c'est que, dans l'univers des médias, quand on fait du journalisme, il y a toutes sortes de pressions auxquelles on doit faire face, et les syndicats, notamment, servent de pare-feu pour les journalistes, par le biais des conventions collectives, des clauses professionnelles, pour que, justement, les journalistes puissent travailler en toute indépendance. Cependant, on ne se le cachera pas, les difficultés financières des médias, récemment, ont mis à mal cette indépendance-là, et c'est pourquoi il faut assurer la santé économique de nos médias pour protéger cette indépendance, et la liberté de presse, et également la diversité et la pluralité des lois.

Mme Dorion : Merci.

Le Président (M. Ciccone) : Il vous reste 20 secondes, c'est beau?

Mme Dorion : Bien... Ah! il me reste 20 secondes? Qu'est-ce qu'on peut dire en 20 secondes?

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Dorion : Ah! je n'aurai pas le temps.

Le Président (M. Ciccone) : Bien, merci beaucoup.

Mme St-Onge (Pascale) : Bien, Claude, est-ce que tu voulais ajouter quelque chose pour 20 secondes?

Mme Dorion : Bien, voulez-vous ajouter quelque chose? Il vous reste 15 secondes.

M. Dorion (Claude) : Oui, je peux occuper 20 secondes facilement.

Le Président (M. Ciccone) : On est rendus à 10.

M. Dorion (Claude) : Le modèle coopératif est un modèle qui est largement utilisé au Québec dans toutes sortes de secteurs. Notre vision est que, pendant 200 ans, il y avait une convergence entre une utilité sociale, qui était de donner de l'information à la population, et une capacité de vendre ce service-là à travers la publicité qui était acquise par les entreprises, donc il y avait une entreprise privée rentable qui donnait un service essentiel à la population.

Le Président (M. Ciccone) : En terminant, s'il vous plaît.

M. Dorion (Claude) : Aujourd'hui, on est de moins en moins là-dedans, et le modèle coopératif peut nous amener à regrouper et les travailleurs, qui, évidemment, sont particulièrement impliqués et qui sont...

Le Président (M. Ciccone) : Merci. Merci. Je dois vous arrêter, on est rendus à 40 secondes de plus. Merci beaucoup.

M. Dorion (Claude) : ...et les annonceurs et les lecteurs.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup. Je reconnais maintenant le député de Rimouski.

M. LeBel : Bonjour. Taxer les GAFAM, tu sais, on taponne encore avec le fédéral, puis on met à risque l'info, la démocratie, la culture québécoise, puis on taponne avec le fédéral. Moi, je ne crois pas qu'on pourrait réussir à rapatrier du fédéral le pouvoir de taxer ces affaires-là. Moi, je pense qu'il y a une solution, c'est l'indépendance, mais ce n'est pas le sujet de la commission.

Je voulais parler de Télé-Québec. Télé-Québec, ce que vous proposez là, c'est bien intéressant. J'aimerais ça mieux comprendre, par exemple, la... Vous dites : Il faudrait aller dans les régions où est-ce qu'il n'y a pas de quotidiens ou d'hebdomadaires. Il n'en reste plus bien, bien, de ces régions-là, il y a souvent un hebdomadaire ou un quotidien. Mais j'aimais l'autre formule que vous avez, c'est-à-dire mettre en place des mutuelles de services. J'aimerais ça que vous m'expliquiez qu'est-ce que ça pourrait être, parce qu'il y a quelque chose, peut-être, à faire avec ça, c'est certain.

Mme St-Onge (Pascale) : Bien, premièrement, il y a quand même une centaine d'hebdomadaires qui ont fermé leurs portes au cours des dernières années, et il y a malheureusement des endroits où il n'y a plus de journalistes qui couvrent les mairies, les assemblées publiques, etc. Donc, oui, malheureusement, on voit qu'il y a de plus en plus de déserts médiatiques au Québec.

Maintenant, comme je le disais, normalement, les entreprises de presse, et ça a toujours été le cas, se sont concentrées sur faire du journalisme et également vendre de la publicité. Or, aujourd'hui, on leur demande aussi d'être des champions de la technologie. Ce n'est peut-être pas naturel pour eux, puis peut-être que, non plus, ils ne devraient pas investir tant d'argent là-dedans. Est-ce que c'est possible, à ce moment-là, que Télé-Québec, qui possède déjà une expertise, en leur donnant les moyens... puis ça, c'est très important, parce que Télé-Québec, on le sait, a eu quand même une stagnation de son budget de fonctionnement depuis les années 90, donc on ne dit pas que, présentement, ils sont à même de le faire avec leur budget existant, il faut leur allouer les moyens, mais est-ce qu'ils peuvent devenir un soutien pour les autres entreprises de presse puis être un vecteur de diffusion? Ils le font avec La Fabrique culturelle. Donc, l'idée, ce n'est pas de déshabiller Jacques pour habiller Paul, je ne sais pas si c'est ça, la bonne expression, mais donc ce n'est pas de rajouter un fardeau à Télé-Québec, à l'heure actuelle, mais on peut faire le choix de le faire tout en leur donnant les moyens d'être un soutien.

M. LeBel : Puis est-ce qu'il pourrait y avoir un lien aussi avec les médias communautaires? Télé-Québec et...

Mme St-Onge (Pascale) : Bien, pourquoi pas? Je pense que toutes les avenues sont bonnes, puis est-ce qu'il faut... prendre conscience aussi, c'est que ce n'est pas une seule mesure qui va réussir à sauver l'ensemble de l'industrie. Il faut vraiment se mettre à réfléchir en termes aussi de longévité. Et pourquoi ne pas aider aussi les communautaires par le biais de Télé-Québec?

Le Président (M. Ciccone) : Merci, M. le député, je suis vraiment désolé. Je reconnais maintenant la députée de Marie-Victorin pour une période de deux minutes.

Mme Fournier : Merci à vous trois pour la présentation. Moi, je vais tout de suite faire du pouce sur les propos de la collègue de Taschereau. Mme St-Onge, j'aimerais vous entendre. Vous avez parlé, donc, de la pression dans le contexte de difficultés budgétaires pour produire peut-être un certain contenu dans le contexte de la nécessité d'avoir des clics, par exemple, sur le Web. Est-ce que c'est quelque chose que vous entendez dans la réalité du terrain chez les journalistes que vous représentez?

Mme St-Onge (Pascale) : Bien, on parle de la dictature du clic. Ce n'est jamais fait de cette façon-là aussi claire, mais je dirais qu'il y a beaucoup d'incitatifs et de valorisation d'articles et de publications qui vont chercher le plus d'attention du public, puis ce n'est pas toujours des contenus qui ont la plus grande valeur, disons, pour l'ensemble de la société, là. Je dirais qu'il n'y a jamais, en tout cas, à ma connaissance, de pression aussi directe, de dire : Couvre tel sujet de cette façon-là parce que ça va aller chercher plus de clics. Par contre, on valorise beaucoup, évidemment, les contenus qui attirent le lectorat. Puis c'est compréhensible dans la situation économique des médias, actuellement, on veut aller chercher des revenus publicitaires, puis pour ça, ça prend du lectorat.

Mme Fournier : Merci. Ma deuxième question concerne, évidemment, la taxation. On sait, bon, le gouvernement du Québec aura beau taxer les GAFA de ce monde, ça va rester de la concurrence déloyale tant et aussi longtemps que le gouvernement fédéral ne fera pas non plus la même chose. Cela dit, moi aussi, comme le collègue de Rimouski, je pense que l'indépendance du Québec, c'est une belle solution, mais le Québec peut, dans la situation actuelle, occuper ce champ fiscal. Et j'ai d'ailleurs déposé une motion, en juin dernier, qui demandait au gouvernement de prendre ses responsabilités et d'occuper le champ fiscal laissé visiblement vacant par le gouvernement fédéral. Est-ce que vous considérez que ça pourrait être également une solution?

Le Président (M. Ciccone) : Rapidement, s'il vous plaît.

Mme St-Onge (Pascale) : Oui, bien, tout à fait. Je pense que, de toute façon, c'est un concept qui est de plus en plus admis dans la population générale aussi. Alors, le gouvernement du Québec a tout à fait la légitimité d'être le porte-étendard de ce discours-là et de le porter haut et fort du côté d'Ottawa. Il y a un consensus qui commence à émerger autour de ces questions-là, puis on s'aperçoit que c'est impossible, de toute façon, d'avoir un secteur qui est équilibré économiquement, à l'heure actuelle. Donc, il faut absolument prendre les mesures qu'il faut pour donner les moyens à nos médias de continuer d'exister puis de remplir le service à la population.

Le Président (M. Ciccone) : Je vous remercie grandement, à vous trois, pour votre contribution à cette commission.

Je vais suspendre les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants du Syndicat des travailleurs de l'information de La Presse de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 20)

(Reprise à 16 h 23)

Le Président (M. Ciccone) : Silence, s'il vous plaît! Nous reprenons maintenant nos travaux.

Je souhaite la bienvenue aux représentants du Syndicat des travailleurs de l'information de La Presse. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent et à procéder à votre exposé. Vous avez la parole.

Syndicat des travailleurs de l'information de La Presse (STIP)

Mme Ballivy (Violaine) : M. le Président, Mmes et MM. les parlementaires, bonjour. Je suis Violaine Ballivy, journaliste à La Presse et présidente par intérim du Syndicat des travailleurs de l'information de La Presse. Je suis accompagnée aujourd'hui de Laura-Julie Perreault, journaliste à l'international, autrice du mémoire qui vous a été déposé, cofondatrice du Fonds québécois en journalisme international et présidente sortante du Syndicat des travailleurs de l'information de La Presse. Il y a aussi Louis-Samuel Perron, qui est trésorier du STIP et journaliste aux affaires judiciaires, et Janie Gosselin, secrétaire du STIP et journaliste aux actualités générales. Je cède tout de suite la parole à Laura-Julie Perreault.

Mme Perreault (Laura-Julie) : Bonjour, et merci de nous donner l'occasion de vous parler aujourd'hui. Premièrement, nous tenons à saluer ceux qui ont témoigné avant nous et qui ont commencé à brosser le portrait de notre industrie, qui est dans un moment difficile. Et on veut particulièrement commencer tout ça en saluant nos collègues du Groupe Capitales Médias, on est de tout coeur avec eux. D'ailleurs, Violaine et moi avons toutes les deux travaillé au Soleil avant de travailler à La Presse. Donc, on les salue. Ils sont ici, donc on leur dit bonjour.

Nous sommes atterrés de ce qui leur arrive, c'est très difficile à vivre, je pense, pour tous les journalistes au Québec. Mais on ne peut pas dire qu'on est surpris, ça fait 10 ans que la presse écrite est au bord du précipice. Et c'est intéressant de voir que maintenant on est tous là, ici, assis pour trouver une manière d'agir et trouver des solutions. C'est vrai pour les médias régionaux, mais c'est tout aussi vrai pour les médias nationaux. Et aujourd'hui, c'est de ces médias nationaux dont on veut vous parler. On pense qu'on est dans une situation privilégiée pour le faire.

Le STIP représente 200 journalistes et artisans de la salle de rédaction. C'est la plus grande salle de nouvelles au Québec. Les grandes salles de rédaction comme celle de La Presse jouent un rôle vraiment unique et crucial au sein de la société québécoise. Depuis 135 ans, les artisans de La Presse ont couvert tous les grands événements qui ont façonné Montréal mais aussi le Québec, le Canada et le monde. Et en plus de couvrir les événements, les journalistes de La Presse et des grandes salles de rédaction ont aussi un impact sur ce qui se passe au Québec. Les enquêtes, les reportages, les grands dossiers produits par les grandes salles de rédaction sont, depuis 135 ans, à l'origine de commissions d'enquête, de projets de loi, de politiques gouvernementales et peuvent faire et défaire des carrières publiques, politiques. Sans le travail des journalistes d'enquête, il n'y aurait pas eu de commission Charbonneau. Aussi, le mouvement #moiaussi n'aurait jamais eu la résonnance qu'il a eue sans le travail de journalistes consciencieux qui ont permis à des victimes de témoigner. Les grandes salles de nouvelles animent aussi les débats nationaux, et tous les jours on voit donc ces questions qui atterrissent devant vous à l'Assemblée nationale.

Peut-on seulement s'imaginer une campagne électorale sans journalistes professionnels? Peut-on seulement imaginer si les seules sources de nouvelles étaient les communiqués de presse des partis politiques, des multinationales et les communications préparées par des blogueurs dans leur sous-sol? Malheureusement, c'est ce qui nous guette collectivement si on ne met pas en place des mesures pour aider nos médias d'information régionaux et nationaux à garder la tête hors de l'eau. Le public est plus que conscient de l'importance des médias. La Presse, notre média, n'a jamais eu autant de lecteurs de son histoire, et c'est vrai de tous les médias, au Québec, professionnels et des médias au Canada. Ce n'est quand même pas rien, et c'est la bonne nouvelle. À l'ère de la montée des populismes, de la désinformation qui se répand comme une traînée de poudre, les citoyens se tournent de plus en plus vers les journalistes professionnels pour avoir l'heure juste.

La crise des médias n'en est pas une, donc, d'utilité ou de popularité des médias, c'en est vraiment une de revenus, et tous ceux qui sont venus avant nous vous l'ont dit, des revenus qui échappent à ceux qui trouvent, rédigent et dictent les contenus journalistiques, des revenus qui ont migré vers les courroies de transmission, qui font de l'argent en distribuant le contenu journalistique produit par des journalistes sans y investir un sou. Nous sommes convaincus que, plus que jamais, l'information produite par les membres de notre syndicat tout comme par les autres grandes salles de rédaction est un bien public essentiel qu'il faut protéger et rendre accessible au plus grand nombre possible.

• (16 h 30) •

Mme Gosselin (Janie) : Merci, Laura-Julie. Dès les premiers signes de la crise, La Presse et ses artisans ne sont pas restés les bras croisés. En 2009, on voyait déjà une baisse des revenus à cause de la crise économique aux États-Unis. La Presse a arrêté de produire son numéro du dimanche et a rétréci un petit peu son format pour économiser du papier. Les syndiqués ont accepté une augmentation de leurs heures de travail sans compensation financière. À l'époque, toutes les concessions salariales des syndiqués de La Presse ont atteint plusieurs millions de dollars d'économies par année.

La Presse a décidé de faire un virage numérique audacieux en passant sur la tablette en 2013 pour réduire les coûts d'impression et de distribution. Les syndicats ont soutenu cette décision. Ça n'a pas été suffisant, malheureusement, et les employés ont accepté d'autres compromis. On a vécu plusieurs vagues de licenciements, de départs volontaires, de départs anticipés à la retraite durant les 10 dernières années. Malgré tout, on continue à produire un contenu important dans tous les sens du terme. Pour les employés, c'est un miracle quotidien, et la pression est grande. Ce n'est pas toujours sans conséquence pour la santé des travailleurs, qui se donnent à fond, conscients de leurs responsabilités envers la population et passionnés par l'information.

L'an dernier, La Presse s'est restructurée et est maintenant détenue par une fiducie d'utilité sociale. Notre syndicat a soutenu cette transformation. Lors de notre dernière négociation, terminée en décembre 2018, on a accepté la réduction de près de 1 million annuellement dans nos conditions de travail, notamment avec la modification de notre régime de retraite. En 12 ans, le salaire horaire des journalistes et des photographes a augmenté de 0,1 % seulement. Pendant ce temps-là, l'IPC augmentait de plus de 22 %.

Malgré tout, les employés de La Presse s'adaptent aux changements. Les journalistes continuent de produire environ 500 articles par semaine en moyenne. On a une importante équipe de photographes, même si elle a diminué au cours des dernières années, qui s'assure d'immortaliser la nouvelle. On a aussi une équipe de production durement touchée également, depuis quelques années, par les départs et les coupes. Ce sont des journalistes dans différentes fonctions, qui travaillent à communiquer la nouvelle de façon visuelle, à réviser et à éditer les textes, à vérifier les faits. Ça nous semble important pour la qualité du français et de l'information au Québec de ne pas sous-traiter cette partie du travail à l'extérieur, comme ça se fait dans certains quotidiens du Canada anglais puis des États-Unis.

Selon nous, tous nos syndiqués devraient être inclus dans d'éventuels crédits d'impôt, peu importe leur tâche pour participer à transmettre l'information — ce qui inclut les nouvelles, les sujets d'intérêt, et les sujets plus socioculturels, et les textes d'opinion — pour participer aux débats de société. Le problème n'est pas un manque de pertinence des journaux ou d'intérêt des lecteurs. Les différentes plateformes de La Presse sont un succès grâce auquel on joint environ 63 % de la population adulte francophone au Québec. En moyenne, plus d'un quart de million de personnes téléchargent La Presse+ chaque jour, c'est énorme.

L'avenir des médias est une question importante. En presse écrite, par contre, si on veut avoir un avenir, c'est maintenant qu'il faut agir. C'est important pour les travailleurs et leurs familles, mais surtout pour la démocratie québécoise. Notre syndicat privilégie la piste des crédits d'impôt sur la masse salariale — quand on dit ça, on parle de nos salaires véritables — puis un retour des annonces publicitaires gouvernementales dans les journaux. On appuie les solutions qui ont été présentées par la FNC, juste avant nous. Je cède la parole à mon collègue Louis-Samuel Perron.

M. Perron (Louis-Samuel) : Merci, Janie. L'indépendance des médias est d'une importance cruciale. Sans cette indépendance, c'est impossible de faire notre travail de chien de garde de la démocratie, c'est impossible de critiquer les élus et les décideurs, donc c'est impossible de rester crédibles auprès du public. On le dit et on va le répéter aujourd'hui, notre indépendance est primordiale.

Maintenant, est-ce qu'une aide publique pour les médias mettrait nécessairement en péril notre indépendance? Selon nous, ces craintes sont peu fondées. On pense qu'une aide publique ne va acheter notre intégrité, peu importe le montant. Un programme universel et permanent de crédits d'impôt sur la masse salariale pourrait facilement être mis en place, selon nous, tout en conservant l'indépendance des salles de presse. Regardez en France et dans le reste de l'Europe, c'est mis en place, on subventionne la presse écrite sans aucune intervention politique, c'est un service public, tout simplement. Ici même, au Québec, il y a des dizaines de journalistes, à Radio-Canada, qui sont payés par une société d'État, par nos taxes, eh bien, il n'y a personne qui peut sérieusement les accuser d'être à la solde des élus, donc ça se fait. Évidemment, il faut des balises très claires. Les élus ne doivent avoir aucun droit de regard sur le contenu journalistique des salles de presse. Ça doit être très clair et aussi extrêmement clair dans la population, qu'il n'y a aucune interférence politique dans notre contenu.

Le Président (M. Ciccone) : En terminant, s'il vous plaît.

M. Perron (Louis-Samuel) : Comme syndicat, on croit que, pour maintenir aussi notre indépendance, il faut maintenir nos conditions de travail. Merci.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup. Je vous remercie beaucoup pour votre exposé. Je suis maintenant prêt à entendre un membre de la partie gouvernementale, le député de Beauce-Sud.

M. Poulin : Merci beaucoup, M. le Président. Je tiens à vous saluer, chacun et chacune d'entre vous. Très content de vous retrouver, dans certains cas, également. Très content d'entendre parler de La Presse à nouveau et de voir que, somme toute, ça se passe bien, quand on parle surtout du lectorat. Je me souviens, il y a à peu près deux ans, lors du projet de loi qui concernait la transformation en OBNL, à quel point c'était important et à quel point on a réussi à traverser tout ça. Mais ma première question va être très, très simple : Comment ça va, à La Presse, au moment où on se parle? Puis comment vous voyez la prochaine année?

Mme Perreault (Laura-Julie) : Comment ça va, à La Presse? Premièrement, comme syndicat, après quatre ans de négociations, on a une convention collective qui nous amène jusqu'en 2021, où on a fait des concessions importantes mais qui faisaient partie, donc, d'un plan beaucoup plus global de l'entreprise, et on va laisser nos patrons vous répondre plus en profondeur quand ils vont venir vous voir mercredi.

M. Poulin : Si je peux me permettre une relance : En attendant les patrons, comment ça va? Quel est le feeling dans la salle des nouvelles, avec les conseillers publicitaires, la collaboration avec La Presse canadienne, et tout ça? Donc, est-ce que cette transformation-là en OBNL, pour vous, elle est salutaire et elle vous permet d'avoir un optimisme beaucoup plus grand, surtout en vue de l'année prochaine?

Mme Perreault (Laura-Julie) : Mais, si je peux... j'allais compléter ma réponse. Jusqu'à maintenant, ce que nous, on voit, comme journalistes, c'est qu'on est capables de faire notre travail, qu'on continue à couvrir tous les sujets d'intérêt public et que l'entreprise a un plan auquel nous, on souscrit pour amener des nouveaux revenus aussi à La Presse. Ça inclut notamment des dons de nos lecteurs, et ça, ça fonctionne bien. Il y a aussi une fondation qui a été mise sur pied et qui va bientôt parler de ses résultats. Il y a aussi, en plus de ça, des nouvelles mesures qui ont été prises pour la publicité, pour rendre tout ça plus... Donc, ça nous a été présenté, comme employés, il y a un plan, justement, pour diversifier les revenus. Et on pense aussi que l'aide gouvernementale est absolument cruciale dans les prochaines années.

Mais, pour ce qui est de comment ça se passe dans la salle de rédaction, oui, on a beaucoup de travail, oui, on est moins pour le faire qu'on l'était avant, mais par contre, quand on regarde les résultats, les grandes enquêtes qui sont produites par La Presse, les reportages qu'on fait toujours, on voit qu'on est capables de maintenir le cap sur la qualité de journalisme qu'on fait.

M. Poulin : Vous m'avez dit : C'est assez important, l'aide va être cruciale dans les prochaines années.

Mme Perreault (Laura-Julie) : Bien, c'est ce qu'on pense, oui, puis je pense que c'est ce qu'on dit depuis des années, et on continue de le dire, et nos patrons, ils vont pas mal dans le même sens que nous.

M. Poulin : Parfait. Vous nous parlez, bien entendu, parce que vous êtes le syndicat... donc, j'aimerais reparler des conditions de travail des journalistes, parce qu'on sait que c'est important si on souhaite attirer des gens dans la profession journalistique. On aura les gens d'ATM, un peu plus tard cette semaine, qui a formé de nombreux journalistes à travers le Québec. Vous avez également, à La Presse, pondu des reportages d'enquête exceptionnels, au cours des dernières semaines, des derniers mois, qui ont nécessité énormément de travail, et on le ressent à la lecture de chacune des phrases lorsque... ce reportage d'enquête là, donc, toutes mes félicitations, et vous pouvez en être très fiers, donc transmettez-les à vos collègues. Puis je sais qu'on ne le fait pas toujours avec les moyens les plus faciles non plus. Souvent, on le fait simplement avec un cellulaire puis un bon carnet de contacts, ça nous aide à bâtir un bon reportage d'enquête.

Et puis juste pour faire du pouce sur ce que M. Perron disait, l'indépendance des médias, je pense que tout élu qui se retrouve ici, autour de cette table, reconnaît l'indépendance importante des journalistes. Et jamais, dans aucun cas, il n'y aura l'implication des élus et il y aura l'implication du politique dans la rédaction d'un article et/ou encore dans le positionnement d'un article, parce que la rédaction, c'est une chose, mais le positionnement, la photo, le titre, c'est aussi une totale indépendance des journalistes, et je pense qu'on en est tous, autour de cette table, et on le réitérera, si vous voulez bien, chers collègues, dans le rapport que nous aurons à émettre sur cette importante indépendance.

Vous nous dites, par exemple : «Petit aparté. Aujourd'hui, les journalistes sont loin d'être les bébés gâtés que certains laissent entendre. À ses débuts, un journaliste reçoit un salaire de 50 000 $. Après 10 ans de carrière, ce salaire atteint 88 000 $, la cime de l'échelon salarial. Ces salaires sont comparables à ceux des enseignants du secondaire au Québec. Par ailleurs, à titre indicatif, le salaire [honoraire] des journalistes et photographes de La Presse, représentés par [votre syndicat], a augmenté de 0,1 % entre 2017 et 2019», vous nous l'avez bien exprimé.

Est-ce que ça devient, un, difficile de recruter des journalistes pour faire ces reportages d'enquête là qui sont si importants, si majeurs? Et, deuxièmement, comment vous faites, au quotidien, pour avoir cette relation-là avec les agences de presse également? Parce que c'est toujours : Toi, tu écris sur quoi, moi, j'écris sur quoi, puis qu'est-ce qu'on priorise, puis qu'est-ce qu'on met en place, parce qu'on sait qu'on s'alimente également d'agences de presse. Donc, comment vous faites, à titre de journalistes et comme syndicat, pour travailler en collaboration avec les agences de presse et que chacun puisse avoir sa part du gâteau, si vous me passez l'expression?

Mme Perreault (Laura-Julie) : Je pense que, pour ce qui est des agences de presse, puis mes collègues vont peut-être compléter, le travail de coordination, s'il y en a un, est fait avec La Presse canadienne. La Presse canadienne publie tous les jours son budget, donc on regarde ce qu'ils vont couvrir ce jour-là. Parfois, on y va nous-mêmes parce qu'on considère que l'événement doit être couvert, parfois on prend les textes qu'ils vont préparer ou parfois on bonifie nos textes de leur travail, mais c'est une relation qui est assez saine. Pour ce qui est de ce que fait l'Agence France-Presse, Reuters, Bloomberg, dans ce cas-là, il y a beaucoup moins de coordination, donc, souvent, ils vont amener d'autres choses à la table. Mais en général, donc, c'est vraiment avec La Presse canadienne où il y a vraiment un lien plus fort.

M. Perron (Louis-Samuel) : Et, pour ajouter à Laura-Julie, l'existence de La Presse canadienne, qui couvre de façon... très bien les conférences de presse et d'autres événements, ça nous permet, bien, nous, les journalistes, de se consacrer à des enquêtes, à des reportages exclusifs sur d'autres angles de la société qu'on n'aurait pas pu couvrir si on devait aller, bien, à ces conférences de presse là quand même importantes pour couvrir l'actualité politique et sociale.

• (16 h 40) •

M. Poulin : Et, pour faire du pouce, à ce salaire-là, quand on dit 88 000 $ puis un départ autour, là, de 50 000 $, est-ce que ça devient difficile de recruter des journalistes?

Mme Perreault (Laura-Julie) : Mais, je veux dire, nos salaires ont pas mal stagné depuis presque 12 ans, mais on n'a pas eu de diminution de salaire notamment parce que, quand on a négocié nos conventions collectives, on a choisi d'autres options que de couper dans nos salaires parce que, justement, on ne voulait pas encore plus dégrader le pouvoir d'achat de nos membres. Donc, on a accepté plus d'heures pour un salaire équivalent, on a accepté de changer nos régimes de retraite. Donc, un des grands points de notre dernière négociation, c'est qu'on a réussi à s'entendre sur un régime à prestations cibles qui, on pense, on espère, va être mis sur pied bientôt grâce à votre aide et qui permet à l'entreprise vraiment d'économiser des sommes importantes. Donc, ce qu'on a essayé, comme syndicat, de faire, c'est d'être le plus créatifs possible pour maintenir nos conditions de travail mais tout en faisant des concessions importantes. Donc, c'est vraiment toujours de trouver cet équilibre-là.

Et on voit... les jeunes viennent... encore cet été, on a eu des stagiaires pour la première fois à La Presse depuis plusieurs années, un programme de stages. Donc, on voit qu'il y a encore de la relève dans le métier, même si les pronostics ne sont pas particulièrement brillants, mais donc il y a des gens qui sont là. Moi, j'enseigne à l'Université de Montréal aussi, et je vois plein de jeunes avec des étoiles dans les yeux, qui espèrent un jour faire du reportage à l'international, et je suis contente de leur dire qu'on espère que ça va vraiment avoir lieu, qu'il va y avoir de la place et qu'on va trouver une solution à cette crise qui perdure depuis longtemps.

M. Poulin : Merci beaucoup. Je vais céder la parole à un collègue, je pense, qui a levé la main, oui.

Le Président (M. Ciccone) : Merci, M. le député. Oui, je cède la parole maintenant au député de Richelieu.

M. Émond : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour à vous tous. D'entrée de jeu, je vous dirais que c'est avec un... on a tous eu, les collègues et moi, un petit pincement au coeur quand vous avez évoqué, dans votre introduction, une campagne électorale sans journalistes professionnels. Ce n'est pas quelque chose qui doit arriver, hein?

Le fils d'imprimeur en moi a toujours un petit quelque chose de ne plus avoir La Presse dans sa version papier, mais je tiens tout de même à vous féliciter pour le passage au tout numérique avec La Presse+, transition pour laquelle vos membres ont assurément collaboré, puis ma question va être dans ce sens-là. Vous avez évoqué que vous avez fait beaucoup de sacrifices dans les derniers mois, les dernières années. Comment vos membres ont-ils dû s'adapter lors de ce passage vers le tout numérique? Et est-ce que vous avez l'impression de devoir en faire plus avec moins depuis ce passage-là?

Mme Gosselin (Janie) : Oui, je dirais que c'est surtout pour l'équipe de la production que le changement a été le plus flagrant, parce qu'à un moment donné on roulait avec les deux systèmes, donc le papier et le numérique, donc c'était très lourd, c'est une machine qui était lourde, qui était difficile à apprivoiser au début. Pour ce qui est du contenu, je pense qu'il y a différentes façons d'écrire une histoire. C'est sûr que, visuellement, La Presse+ est différente d'un journal, donc il faut s'adapter un petit peu, comment on va présenter ça, comment on va l'écrire pour que ce soit aussi accrocheur, que ce soit lu jusqu'au bout.

Sinon, comment les gens se sont adaptés? Je pense que le travail en tant que tel, le fond du travail n'a pas changé. On continue à poser les questions, à trouver les sujets, à faire le travail un peu de la même façon. C'est plus la livraison qui a changé, je dirais, puis il y a plus de photos qui sont prises aussi, parce que c'est un média qui est plus visuel, forcément.

M. Émond : O.K. Merci.

M. Perron (Louis-Samuel) : Et, pour compléter ce que ma collègue Janie a dit, on s'est battus, comme syndicat, pour ne pas que nos membres deviennent des hommes et des femmes-orchestres, parce qu'on pense que, pour faire notre travail avec diligence, ça prend quand même du temps, puis ce n'est pas vrai qu'on peut tout faire, être sur le Web, à la télé, prendre des photos, tweeter en même temps. C'est quand même très, très exigeant, donc nous, comme syndicat, bien, on s'est battus pour ça.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, M. le député. Je reconnais maintenant le député de Saint-Jean.

M. Lemieux : Je voudrais vous entendre sur le fait que tout le monde — et vous l'avez exprimé, vous aussi — avait de la sympathie pour les gens du Groupe Capitales Médias. Il y avait comme des astres qui étaient alignés là-dedans par rapport à notre semaine d'audiences. À quelque part, c'est comme si les projecteurs étaient encore plus gros, plus forts, et il y a quelque chose de bon à ça. Ma mère dirait : À toute chose, malheur est bon, là. Mais avez-vous peur que ça occulte, à quelque part, bien, les recommandations de cette commission et les décisions du gouvernement? Parce que, là, on est dans la hâte, éventuellement ça va se mettre à rouler assez vite pour être capable d'intervenir au bon moment, là.

Mme Perreault (Laura-Julie) : Bien, au contraire, on a un sentiment d'urgence, nous, depuis 10 ans puis on est très content que, maintenant, ce sentiment d'urgence là soit transmis à toute la population québécoise. Je pense que ça, c'est... Je veux dire, on a...

Une voix : ...

Mme Perreault (Laura-Julie) : Oui, comme vous dites, à tout malheur, il y a quelque chose qui vient avec. Mais en même temps c'est un problème qu'on connaissait depuis très longtemps et c'est quelque chose qui nous préoccupait depuis très longtemps. Donc, maintenant, que ça soit sur la place publique et qu'on va, je pense, collectivement trouver des solutions, au bout du compte, on va tous en sortir plus forts.

M. Lemieux : Venons-en aux crédits d'impôt, puisque ça semble être la solution universelle, en tout cas, de la part de tous les témoins, puis c'est vrai pour la plupart de ce que j'ai lu. D'abord, est-ce que vous incluez tous les médias ou vous coupez à l'écrit, vous autres?

M. Perron (Louis-Samuel) : Nous, on se penche davantage sur la presse écrite, mais un programme universel qui serait juste pour tous les médias écrits.

M. Lemieux : Et pas les médias, les médias écrits?

M. Perron (Louis-Samuel) : Oui, pour les médias écrits, mais on est ouverts à d'autres formes d'aide pour les autres médias, évidemment, parce qu'on est pour la...

M. Lemieux : O.K. Bon, on s'entend que le contenu journalistique, on pourrait passer une soirée complète là-dessus puis on serait encore à l'article 1, à quelque part. Bien, il y a d'ailleurs des commissions qui se sont cassé le nez, en tout cas, ça n'a pas bien abouti, justement, sur ces concepts-là, d'où commence et où finit la partie journalistique du contenu. Comment vous allez régler ça ou comment vous voulez qu'on règle ça?

M. Perron (Louis-Samuel) : Je pense qu'avec la création d'un comité indépendant... serait très en mesure, comme au fédéral, d'établir des critères simples de création de contenu journalistique, savoir qui est journaliste, avec des médias qui respectent des codes de déontologie, en particulier création de contenus originaux faits avec des règles de déontologie.

M. Lemieux : Ce à quoi je pensais plus précisément, ce n'est pas tellement qui est journaliste, qui ne l'est pas, là — je veux dire, on peut s'entendre assez vite sur les postes éditoriaux, n'importe quelle salle de rédaction, même à la télé, là — mais c'est par rapport à la production du contenu. C'est du contenu... Je ne veux pas... Je n'en ai pas contre les chroniqueurs automobiles, mais hier j'assistais à une exposition de vieilles voitures, alors je vais reprendre cet exemple-là. Est-ce qu'on est dans l'information journalistique que moi, j'appellerais civique et d'intérêt public? On va couper les lignes où, au juste?

Mme Perreault (Laura-Julie) : Bien, pour nous, 100 % du contenu qui est dans La Presse est du contenu journalistique, il est produit par des journalistes professionnels. Je vais laisser Violaine...

Mme Ballivy (Violaine) : Alors, moi, je suis journaliste à ce qu'on appelle... au «soft», donc aux cahiers hebdomadaires, les voyages, l'alimentation. Mon travail, je le fais avec la même rigueur que tout journaliste, qu'il couvre la politique, qu'il couvre les affaires judiciaires, les faits divers, peu importe. Donc, il y a une façon de bien traiter les journaux, avec une grande éthique. Donc, oui, c'est des sujets qui intéressent la population, et la population a droit et a besoin aussi d'avoir des informations de qualité, donc.

M. Lemieux : Tout à fait, tout à fait, et on le voit dans les clics aussi, c'est souvent plus populaire que bien d'autres choses. Mais, par rapport au droit du public à l'information?

Le Président (M. Ciccone) : 15 secondes, M. le député.

Mme Ballivy (Violaine) : Oui, le public a le droit à une information de qualité qui est faite par des journalistes professionnels, qui ont une éthique, qui n'acceptent pas de cadeaux, qui respectent les codes. Peu importe le sujet, je pense qu'on a besoin d'un journalisme de qualité.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup. Je suis prêt maintenant à reconnaître un membre de l'opposition officielle. Mme la députée de Verdun.

• (16 h 50) •

Mme Melançon : Merci. Merci, M. le Président. Alors, bonjour, bienvenue. Vous savez, je me rappelle qu'il y a eu une commission un peu dans ce genre-là pour mettre sur pied un OBNL, et aujourd'hui, bien, vous êtes encore là, vous nous en parlez encore avec beaucoup de fierté, je vais le dire comme ça, parce que je pense que tout le monde y croyait, à l'interne. Bien sûr qu'il y a les patrons, là, on les verra cette semaine. Mais, du côté syndical, du côté des employés, je pense que c'était nécessaire qu'on puisse faire un virage.

Moi, je veux vous amener sur l'indépendance des médias. Vous en parliez tout à l'heure, de cette importance-là de démontrer l'indépendance des médias. Parce que, depuis plusieurs semaines, je me penche sur le dossier, et je pensais que nous, les politiciens, on était insultés sur les réseaux sociaux, je vois qu'on n'est pas les seuls, parce que les gens se posent beaucoup de questions. Et vous faites un passage rapide, mais quand même il est là, là, pour parler de la Norvège, pour parler de la France, justement, où il y a un soutien gouvernemental qui est fait. Comment est-ce que vous croyez qu'il est possible que l'on puisse expliquer rapidement, facilement — parce qu'on est dans de la sensibilisation, hein, auprès de la population — que cette indépendance-là va être là malgré le fait qu'il y ait des sommes d'un gouvernement?

M. Perron (Louis-Samuel) : Très bonne question. Je pense que les élus comme les médias ont leur rôle à jouer dans ce travail-là de sensibilisation, voire d'éducation. Je pense que, comme médias, on doit marteler qu'on est indépendants, parce que c'est remis en question parfois par certaines critiques, et les élus, je pense, aussi doivent marteler ce message-là assez primordial.

Mme Melançon : Donc, vous donnez l'exemple... pour ceux et celles qui nous écoutent, actuellement, et qui n'ont pas nécessairement pris le temps de lire, mais vous donnez l'exemple de la Norvège. Et, pour moi, la Norvège est un exemple qui peut, en tout cas, assez facilement ressembler à l'exemple du Québec, où ils sont 5 millions d'habitants, où on donne de l'aide. Est-ce que vous pouvez peut-être dire... parce que je ne veux pas que ça vienne de moi, mais est-ce que vous pouvez quand même donner... le fait que ça fait plusieurs années, quand même, qu'il y a de l'aide gouvernementale dans différents pays, en Europe principalement?

Mme Perreault (Laura-Julie) : Oui, puis je pense que juste ici, au Canada, les gens connaissent Radio-Canada, ils ne se lèvent pas le matin en se disant que Radio-Canada est télécommandée par le gouvernement. Les gens ne se lèvent pas le matin en se disant que la BBC est télécommandée par le gouvernement. On connaît peut-être un peu moins les journaux norvégiens, mais pour, moi, avoir couvert des crises internationales avec eux, de voir les moyens dont ils disposaient, justement, même si c'est un petit pays, pour faire du reportage de qualité, je pense que la plupart des Québécois auraient vu leur travail et auraient fait : Oui, ça aussi, on veut ça chez nous. Et on l'a déjà, mais il faut le garder.

Donc, je pense qu'en effet ce qu'on voit dans ce qui s'est fait ailleurs dans le monde, il n'y a rien eu d'inquiétant qui nous est... Par contre, ce qu'on a vu, c'est les endroits où les gouvernements se sont complètement désintéressés des médias, où le financement des médias s'est effondré, comme la Russie, où, en fait, du jour au lendemain, des médias qui étaient... donc les médias étatiques sont devenus à la solde de qui était prêt à payer pour avoir un article dans le journal, et on est passé... donc on se rend compte qu'aujourd'hui la Russie n'est pas une grande démocratie comme plusieurs l'avaient souhaité après la chute de l'URSS. Donc, on voit aussi ce que ça donne quand il n'y a pas d'investissement ou quand il manque d'argent dans les médias, ça a un impact immédiat sur l'éthique et sur l'indépendance du travail.

Mme Melançon : Vous parlez de sensibilisation. Moi, j'ai voulu, bien sûr, joindre le mouvement qui a été lancé par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec pour sauver, hein, l'information locale. D'ailleurs, j'invite tous les collègues qui ne l'ont pas fait à le faire, parce qu'il faut le dire haut et fort, qu'on doit sauver l'information locale et régionale. Alors, j'invite l'ensemble des collègues qui sont aujourd'hui avec nous et ceux qui nous écoutent... j'espère que tout le monde écoute attentivement nos propos aujourd'hui.

D'ailleurs, depuis plusieurs mois, je tente de faire des propositions, je veux être constructive, parce qu'il est urgent d'agir, là. On n'a pas appris que Le Groupe Capitales Médias n'allait pas bien en juillet dernier, là, ça fait plusieurs mois qu'on est au courant de ça, c'est une crise qui était annoncée. Et moi aussi, j'ai une pensée pour les 350 employés, donc, de ce groupe-là, mais qui sont en partout en région. Et, pour moi, ce n'était pas une question de garrocher de l'argent que de les aider financièrement, en tout cas, à finir l'année, parce que, si on en ferme un seul, on ne sera pas capables de redémarrer les presses, et ça, ce serait un drame.

Cela étant dit, on a une motion qui a été votée à l'Assemblée nationale concernant l'exemplarité de l'État dans la publicité gouvernementale. Vous, comme syndicat, est-ce que vous avez tenté de trouver il était où, le juste équilibre? Parce que bien sûr qu'on ne peut pas complètement ignorer les réseaux sociaux, là, mais est-ce que vous avez mesuré quand même... parce que je pose la question à tout le monde, puis tout le monde me dit : Non, pas vraiment. Moi, je veux quand même essayer de me faire une tête avec des chiffres que vous pourriez avoir à l'interne.

Mme Perreault (Laura-Julie) : Mesurer l'impact de...

Mme Melançon : Bien, de savoir à quel pourcentage. Est-ce qu'on fait du 80 % de publicités gouvernementales directement dans les médias traditionnels? Parce que, là, on a vu, là, on a retourné la machine complètement de côté. Moi, je veux savoir est-ce que vous savez à quel moment, là, il y a un point de rupture, peut-être. Je pense que le point de rupture, il est fatal, actuellement. Mais, si on le revoit, là, est-ce que vous avez une idée du pourcentage?

Mme Perreault (Laura-Julie) : On ne s'est pas posé la question. Et, pour être franche, pour une salle de rédaction de journalistes, vous savez qu'il y a comme un mur de Chine entre nous et la publicité, donc on va laisser nos patrons répondre à ça.

Mme Melançon : Parfait, extraordinaire. Peut-être que je pourrais demander, M. le Président...

Le Président (M. Ciccone) : Merci, Mme la présidente... pardon, Mme la députée. Je reconnais maintenant la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : Merci beaucoup. Bien, d'ailleurs, à cet effet, Maxime Bergeron, alors qu'il était journaliste, avait fait l'exercice de voir comment que le gouvernement fédéral avait commencé à investir davantage sur Facebook au détriment de toutes les autres presses et radios locales.

Et tantôt j'écoutais M. Perron, puis ça me rappelait, justement, quand on était avec Mme St-Onge à la salle UQAM avec tout plein de journalistes pour discuter de cette question. Et, moi, c'est le sentiment que j'ai eu, que j'ai partagé à l'époque, j'ai l'impression qu'on est gênés, du côté de la presse écrite, de dire que le gouvernement doit le financer, alors que, dans les quatre piliers, l'exécutif, le législatif et le judiciaire est financé. Il n'y a personne qui, aujourd'hui, pense que le judiciaire, nos juges sont dépendants de nous. Pourquoi que le quatrième pilier, qui est un vecteur de démocratie... et ce n'est pas moi qui le dis, c'est la Cour suprême qui parle de : «La liberté de [...] presse a depuis toujours incarné la liberté d'expression. [La presse est] le principal vecteur d'information [auprès] du public», leur permettant ainsi de participer aux divers débats sociaux de façon informée. «L'accès à de l'information vérifiée est essentielle à la participation du public aux enjeux sociaux significatifs et d'émettre des opinions, des critiques éclairées. Cependant, il est difficile de prétendre s'exprimer librement de manière pertinente sur des questions d'intérêt public ou politique sans avoir accès à de l'information.»

Ça, ça ne vient pas de moi, ça vient quand même du plus haut tribunal du pays. Alors, je suis zéro gênée, aujourd'hui, de dire qu'effectivement les gouvernements doivent financer, effectivement, la presse écrite. Et j'espère que vous aussi, vous ne serez jamais gênés. Et je comprends quand vous dites : L'indépendance... Sincèrement, moi, je ne me lève pas le matin en pensant sincèrement que j'ai des gens qui vont m'appeler pour savoir comment que je vais aujourd'hui, là. Ils font leur travail puis, quand je rentre ici, je peux vous assurer qu'ils font tout un travail, la meute journalistique. Je le sens très bien depuis que je suis élue. Et, quand on pense à Radio-Canada, il n'y a personne qui doute de ça.

Tantôt, on a parlé de chiffres, puis j'ai fait ce tableau-là, j'aimerais vous le présenter. Ici, c'est clairement Facebook. Il y a d'autres, hein, je pourrais parler d'Alphabet, qui est détenu par Google. Mais, quand on regarde à l'international, les revenus mondiaux, c'est 71 milliards. Quand on arrive, là... si jamais, nous, là, on allait de l'avant une taxe GAFA de 3 % seulement pour Facebook, c'est quand même 20 millions de dollars qui pourraient être injectés dans un fonds qui pourrait venir aider.

Pensez-vous que, justement, le Québec, étant donné qu'on a notre propre loi de l'impôt du Québec et notre propre agence de recouvrement, qui s'appelle Revenu Québec, on devrait y aller de l'avant en marge de tous nos travaux? Parce que c'est bien beau entendre dans cette commission, mais peut-être que ça nous prendrait un projet de loi assez actif pour commencer à financer le fonds.

Mme Perreault (Laura-Julie) : On a entendu la réponse de la Fédération nationale des communications, juste avant, et on trouvait que c'était pas mal approprié, c'est-à-dire...

Mme Ballivy (Violaine) : C'est du long terme.

Mme Perreault (Laura-Julie) : ...oui, c'est du long terme. Il faut s'en aller vers ça, en effet, il faut que le G20 travaille là-dessus. Le G7, on le voit, que c'est déjà, en plus, à l'agenda. On voit que les gouvernements doivent travailler là-dessus, mais entretemps ça va prendre de l'aide avant tout ça.

Mme Rizqy : Oui, évidemment, on comprend que ça va prendre de l'aide, mais, à un moment donné, il faut aussi qu'on le finance. Et, d'autre part, nous, les députés, on gère nos propres budgets de fonctionnement et, évidemment, le gouvernement, les partis politiques. Nous, quand on rentre, on nous explique un peu qu'on est comme, au fond, une mini-PME, avec notre propre budget de fonctionnement. Chaque député n'a-t-il pas la responsabilité de s'assurer que l'argent investi en matière de publicité ne va pas dans un paradis fiscal...

Le Président (M. Ciccone) : En terminant, Mme la députée.

Mme Rizqy : ...puis d'abord de faire des financements auprès de ses médias locaux avant de faire des financements sur Facebook, qui ne paie pas d'impôt?

M. Ciccone : Rapidement, s'il vous plaît. Non?

M. Perron (Louis-Samuel) : Quelle est la question?

Mme Perreault (Laura-Julie) : Je pense que c'était plus un commentaire qu'une question, oui.

Mme Ballivy (Violaine) : On ne peut que vous encourager à faire de la publicité dans nos médias.

Mme Rizqy : Bien, je vais vous rephraser ma question : Pensez-vous qu'un député, qui gère son propre budget, devrait d'abord financer... faire des publicités locales avant de faire des publicités sur Facebook sponsorisées, alors qu'ils ne paient même pas d'impôt, qu'ils ne financent absolument rien à notre démocratie?

Mme Perreault (Laura-Julie) : Tous les syndicats de journalisme étaient contents quand il y a eu une motion pour proposer que la publicité gouvernementale soit dans les médias, absolument.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup. Merci. Je reconnais maintenant la députée de Taschereau pour un temps de 2 min 30 s.

Mme Dorion : Merci. Bonjour, bonjour à vous. On est à la recherche de nouveaux modèles qui pourraient soutenir les médias à long terme dans l'avenir. Vous en essayez un, vous êtes un peu le fer de lance là-dedans, vous vous êtes transformés en OBNL. Je comprends que c'était en partie pour recevoir des subventions qui vous permettraient de survivre, mais est-ce que vous avez remarqué, vécu, expérimenté d'autres avantages que celui d'avoir la subvention qui était reliée au statut d'OBNL?

• (17 heures) •

Mme Perreault (Laura-Julie) : Un autre avantage, c'est que tout l'argent qui va venir à La Presse va dans la mission de La Presse. Je pense que, ça, on en est tous très fiers, là. L'idée que c'est une organisation sans but lucratif qui a une vocation sociale, tout ça, pour nous, ça veut dire quelque chose aussi, comme journalistes, dans notre travail au jour le jour. Et on connaît des modèles comme celui du Guardian,qu'on a regardé de très, très proche, à La Presse, et qui, justement, a lui aussi fait le pari de garder son information gratuite et de demander à ses lecteurs de contribuer, et l'an dernier, pour la première fois de leur histoire, ils ont fait de l'argent. Donc, on le sait, que c'est, donc, un modèle... ce n'est pas le modèle qui va être pour tout le monde, mais, nous, c'est un modèle qui nous intéresse. Quand nos patrons ont décidé de faire ce changement-là, le syndicat était derrière eux. Puis je vais laisser...

Mme Ballivy (Violaine) : Oui. En fait, je dirais, il faut comprendre qu'à La Presse il y a un mélange d'inquiétude, évidemment, vu la situation des médias, mais aussi d'excitation ou de motivation. On voit que nos patrons derrière essaient des choses. On est motivés, on essaie de s'en sortir. Puis effectivement la transformation en OBNL fait en sorte que, bien, si ça marche, l'argent qu'on va avoir va être réinvesti dans la salle de rédaction pour continuer à produire du contenu d'information. Donc, c'est un peu entre les deux sentiments qu'on navigue, en ce moment, dans La Presse.

Mme Dorion : Et est-ce que vous avez expérimenté une pression moins grande, depuis la transformation, face à ce que votre syndicat a appelé la dictature du clic — que j'aime bien l'expression? Quand on dit non à la dictature du clic, c'est quelque chose qui n'est pas une intrusion du privé dans votre travail, mais qui est une pression latente, informelle. Avez-vous senti un changement?

Le Président (M. Ciccone) : En 15 secondes, s'il vous plaît.

Mme Dorion : En 20 secondes.

Le Président (M. Ciccone) : En 15 secondes.

M. Perron (Louis-Samuel) : À La Presse, il n'y a jamais eu une telle dictature du clic, donc ce n'est pas une préoccupation qu'on avait auparavant, je dois dire.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup. Je reconnais maintenant le député de Rimouski pour un temps de 2 min 30 s.

M. LeBel : O.K. Deux volets... Bien, bonjour. Je m'adresse au syndicat de La Presse, c'est important de le dire. Moi, je pense qu'il faut aller chercher de l'argent dans les Google et compagnie avant d'aller chercher de l'argent dans les poches des contribuables. Mais, s'il faut le faire par des crédits d'impôt à masse salariale ou autrement, je suis très ouvert à ça. Je pense qu'il y en a plusieurs qui le proposent, qu'il faudra le faire, puis je ne pense pas que ça vienne nuire à l'indépendance des médias.

D'ailleurs, j'aurais peut-être une petite question. Est-ce que vous pensez que La Presse va appuyer un parti politique aux prochaines élections fédérales?

Mme Ballivy (Violaine) : Ce n'est pas les journalistes, de toute façon, qui vont le faire. Il y a une ligne éditoriale qui concerne quatre éditorialistes, mais nous, on est les syndicats des travailleurs de l'information, qui faisons un travail objectif.

M. LeBel : O.K., mais ils vont appuyer un parti politique, mais, bon, c'est l'indépendance des médias. C'est juste que... Ma question, par exemple, c'est... un bout de...

Mme Perreault (Laura-Julie) : Mais, si je peux permettre, vous avez quand même vu que, depuis que l'OBNL... en fait, il y a eu une campagne, et le journal a décidé quand même de changer sa manière de faire et d'appréhender la campagne, donc il y a eu quand même... pour les pages éditoriales. C'est ça, comme disait Violaine, pour ce qui est du reste, la ligne éditoriale ne touche que les pages débats, dont nous, on représente certains des membres.

M. LeBel : Bien, c'est pour ça qu'au début j'ai dit : Je parle au syndicat, là, c'était important, ça faisait partie de...

Mais quelque chose que... puis je n'ai plus beaucoup de temps, mais vous avez parlé des nouvelles internationales. Ça, vraiment, ça vient me chercher. Vous dites qu'il y a 1 % à 4 % de l'espace-temps médiatique pour l'international, ça n'a pas de sens. Avec tout ce qui se passe sur la planète, la crise climatique, que les Québécois ne seraient pas informés de ce qui se passe sur la planète, ça n'a comme pas d'allure. Vous parliez qu'il y avait un fonds qui est comme sous-financé. J'aimerais ça... C'est-u une des solutions, de refinancer ce fonds-là?

Mme Perreault (Laura-Julie) : Bien oui. Bien, ce n'est pas sous-financé, dans le fond. On l'a mis sur pied puis on a quand même réussi à aller chercher 250 000 $ de fonds pour financer des reportages à l'international pendant trois ans. Il n'y a jamais eu, pour tous les médias du Québec, là, un fonds comme celui-là avant. Il y a aussi celui du Devoir qui a été mis sur pied, mais qui ne concerne que Le Devoir. Mais l'autre fonds concerne tous les journalistes du Québec, sauf ceux qui l'ont fondé, donc moi et mes deux collègues. Mais donc l'idée, c'est vraiment... on s'est dit : Il manque de fonds en ce moment, les médias ont à faire le choix entre garder des journalistes ou financer parfois des reportages. Nous, notre journal continue de le faire, puis on est contents de ça...

Le Président (M. Ciccone) : S'il vous plaît, en terminant.

Mme Perreault (Laura-Julie) : ...mais il y a plusieurs journaux pour lesquels c'est difficile de le faire. Donc, le fonds vient permettre aux journalistes de présenter des projets de reportage, et on est allés chercher les fonds auprès de compagnies, d'organismes parapublics et d'organismes syndicaux, là où... mais on a eu zéro fonds gouvernementaux, même si on a essayé de le faire. Mais c'est vraiment un projet indépendant, là, qui est complètement à l'extérieur de La Presse.

M. LeBel : On va vous appuyer.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup. Je reconnais maintenant la députée de Marie-Victorin pour deux minutes.

Mme Fournier : Merci beaucoup pour votre présentation. Mme Ballivy, j'aurais voulu vous entendre sur la question, justement, de la députée de Taschereau, parce que j'avais exactement la même question, compte tenu de la fameuse guerre aux clics et de la pression que vous pouvez ressentir comme journalistes, puis peut-être dans le contexte, justement, où La Presse a changé de modèle d'affaires, avec un OBNL, donc une logique qui ne devrait pas être la logique mercantile comme on peut retrouver dans d'autres médias d'information. Donc, je voyais que vous vouliez répondre, et c'est pour ça que j'aimerais vous entendre.

Mme Ballivy (Violaine) : Bien, en fait, la députée demandait aussi si je trouvais que la pression avait changé depuis la création de l'OBNL.

Mme Fournier : Oui, exact.

Mme Ballivy (Violaine) : Je dirais non, parce qu'on sait que notre situation est quand même assez précaire encore. On a beaucoup de contenu à produire. La dictature du clic, on ne la sent pas tellement. Ce qu'on veut, c'est produire du contenu qui va intéresser notre lecteur puis qui va être fidèle à notre code d'éthique. Donc, moins de pression, non, parce qu'on a beaucoup de choses à couvrir. Même si on est nombreux, on n'est pas si nombreux que ça pour produire le journal de qualité qu'on veut produire. Donc, voilà, en fait.

Mme Fournier : O.K. Donc, vous ne sentez pas cette pression-là quant à la nature du contenu que vous devez produire?

Mme Ballivy (Violaine) : Non. On sent une pression à produire un contenu qui va plaire à notre lecteur, mais on veut des nouvelles qui sont dignes d'être publiées puis intéressantes. On ne veut pas faire du sensationnalisme pour faire du sensationnalisme...

Mme Perreault (Laura-Julie) : Et du contenu original aussi.

Mme Ballivy (Violaine) : ...et du contenu original aussi, là.

Mme Fournier : O.K. Merci beaucoup.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup. Je vous remercie beaucoup pour votre contribution à ces travaux de la commission.

Je vais suspendre quelques minutes afin de permettre aux représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec de prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 7)

(Reprise à 17 h 9)

Le Président (M. Ciccone) : S'il vous plaît, veuillez prendre place. Merci beaucoup. Avant d'accueillir le prochain groupe, je crois comprendre que nous avons le consentement pour dépasser de cinq, 10 minutes?

Des voix : Consentement.

(17 h 10)

Le Président (M. Ciccone) : Oui? Merci beaucoup.

Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent et à procéder à votre exposé. La parole est à vous.

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

M. Boyer (Daniel) : Merci. Alors, Daniel Boyer, je suis le président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, la FTQ, qui représente 600 000 membres, dont plusieurs travaillent dans le domaine de l'information et de la culture, et je suis accompagné de Denis Bolduc, président du SCFP-Québec et vice-président de la FTQ, et également de Nathalie Blais, du SCFP-Québec — le SCFP représente 7 300 travailleuses, travailleurs dans le secteur de la presse écrite, des médias électroniques et des télécommunications — à ma droite, Renaud Gagné, directeur québécois d'Unifor et également vice-président de la FTQ, avec Alain Goupil, également d'Unifor — Unifor représente 7 000 travailleurs, travailleuses du secteur des communications au Canada, dont, bien sûr, les travailleuses et travailleurs de La Tribune, du Quotidien, du Progrès-Dimanche et de La Voix de l'Est — et de Pierrick Choinière, directeur du SEPB-Québec, qui représente, entre autres, les travailleurs et travailleuses de La Presse, et également vice-président de la FTQ.

D'abord, j'aimerais remercier la Commission de la culture et de l'éducation de nous accueillir afin que nous puissions présenter notre point de vue sur l'avenir des médias d'information. Nous le savons tous, les médias, la presse écrite en particulier, sont en crise, une crise qui dure depuis plusieurs années. Ce qui se passe actuellement avec Groupe Capitales Médias est un exemple, et ce n'est que la pointe de l'iceberg. Il faut malheureusement craindre d'autres situations du genre si nous restons les bras croisés.

Jusqu'à présent, il faut se dire franchement, les propriétaires de ces médias ont utilisé presque uniquement une logique comptable pour tenter de sortir de cette crise. Résultat : rationalisation, mises à pied de travailleuses et travailleurs, réduction des conditions de travail et salariales, fermetures en région. Pourtant, les travailleuses et travailleurs et les organisations syndicales méritent d'être mis à contribution afin de trouver de véritables pistes de sortie de crise, et c'est pour ça qu'on est là aujourd'hui, bien évidemment. Résultat de la course, on se retrouve face à un mur. Cela dit, nous devons nous mettre en mode solution. Notre société ne peut se permettre le luxe de laisser cette industrie se désagréger morceau par morceau aux dépens de la qualité de l'information, et c'est justement ce qui risque de se produire si on ne fait rien, particulièrement en ce qui a trait à la presse écrite.

Nous sommes à un point tournant. Ce qu'il faut craindre maintenant, c'est l'accessibilité à de l'information de qualité et de graves répercussions sur notre démocratie et le maintien et la création d'emplois. Presque chaque semaine, on nous annonce des fermetures de journaux, des réductions de services ou des coupures de postes dans nos médias. Au cours des 10 dernières années, le nombre de quotidiens et le nombre de travailleurs et travailleuses de cette industrie ont chuté de façon draconienne. Les revenus publicitaires ont suivi à peu près la même courbe. Une des causes de tout cela, on le sait, la révolution numérique et les géants du Web. On parle ici des Google, Amazon, Facebook et Apple de ce monde, ce qu'on appelle les GAFA. Ces géants du Web captent plus de 80 % des revenus de la publicité sur Internet, des revenus qui ne sont plus disponibles pour les médias du Québec, mais encore, sur le plan fédéral, ils ne paient, dans certains cas, aucun impôt, ne perçoivent pas la taxe sur les produits et services et ne sont pas tenus de contribuer à la création de contenu canadien.

Ici, la FTQ salue l'initiative du gouvernement du Québec d'obliger les plateformes numériques étrangères à percevoir et à verser la taxe de vente du Québec sur les services offerts sur le territoire, et ce, pour des raisons d'équité envers les entreprises québécoises. Faire des affaires au Canada, au Québec, cela implique de respecter les règles et de payer les impôts et ses taxes, point à la ligne. Mais cela n'est pas suffisant, pour ajouter l'insulte à l'injure, ces mêmes géants, qui ne produisent aucun contenu journalistique, vampirisent les médias traditionnels, empochent les revenus publicitaires et ne paient aucune redevance pour la production de ce même contenu, et en plus ils ne sont pas tenus de contribuer à la création de contenu canadien. À sa face même, cela est injuste et doit faire l'objet d'une intervention rapide du législateur. Ici, il faut applaudir la décision de la France, qui n'a pas eu peur d'imposer une taxe de 3 % non pas sur les bénéfices, mais bien sur le chiffre d'affaires des GAFA.

Revenons à la publicité dans les médias, vous venez d'en parler, à ce chapitre, les gouvernements doivent endosser une partie du blâme. Les budgets publicitaires des gouvernements du Québec et du Canada sur le Web ont explosé sur une période d'un an. Ces fonds publics sont investis principalement chez Facebook, Google, Amazon ou Twitter, toutes des entreprises américaines et qui, de surcroît, rappelons-le, ne paient pas d'impôt au Québec. Ces dépenses publicitaires des deux paliers de gouvernement pourraient offrir une marge de manoeuvre enviable aux médias le temps qu'ils transitent vers un nouveau modèle d'affaires, donc une première solution. Ainsi, il en coûte moins cher aux gouvernements d'acheter des publicités sur les plateformes américaines qu'auprès des médias nationaux, qui, eux, doivent percevoir les deux taxes de vente. C'est le principe inversé de la saucisse Hygrade : plus les gouvernements investissent l'argent publicitaire dans le Web étranger, plus ils nuisent à l'industrie médiatique canadienne et québécoise en contribuant aux pertes d'emploi tout en enrichissant les multinationales américaines, dont les revenus ne font l'objet d'aucun impôt, rappelons-le. C'est désolant. Nos gouvernements fédéral, et provincial, et aussi municipal doivent amorcer une sérieuse réflexion sur les enjeux de ces achats publicitaires de façon à trouver un équilibre juste pour tous les joueurs de cette industrie.

Ici, il faut tout de même souligner le geste de l'Assemblée nationale, qui a adopté à l'unanimité, le 2 mai dernier, une motion d'appui aux médias québécois en demandant de transférer les investissements publicitaires du gouvernement du Web étranger vers les médias québécois. Cela dit, nous attendons toujours un engagement formel, une directive claire et contraignante de la part du gouvernement. Le gouvernement du Québec a le devoir de prêcher par l'exemple. Cela doit dépasser le stade des voeux pieux, le gouvernement doit prendre cet engagement maintenant. Au fédéral, le gouvernement a accouché d'une idée intéressante, qui devrait être imitée par Québec, soit un crédit d'impôt sur la masse salariale avec entre autres conditions l'exigence que chaque travailleur consacre les trois quarts de son temps à la production de contenu d'information. Autre piste de solution, les crédits d'impôt pour dons et philanthropie accessibles à tous les médias québécois.

Mmes, MM. les députés, dans le peu de temps qui nous est accordé, nous avons fait état de la situation, parlé d'inéquité fiscale et exploré quelques pistes de solution. Vous en avez... Il y a sept recommandations dans notre mémoire pour venir en aide à nos médias, mais il y a plus encore. En avril dernier, la FTQ a convié ses syndicats affiliés à une journée de réflexion sur la crise des médias. Conclusion : le statu quo est intenable. Et le statu quo est intenable, et il ne faut pas penser à une seule et unique solution, il faut penser à plusieurs solutions mises en place simultanément si on veut penser sauver nos médias. Ici, il y a un enjeu pour rien de moins que la préservation de notre démocratie. Les décisions que vous prendrez dans les prochaines semaines, les prochains mois seront déterminantes pour la survie des médias d'information et pour le maintien et le développement d'emplois dans ce secteur. C'est une grande responsabilité que vous avez entre vos mains, sachez en faire bon usage et prendre les bonnes décisions. Bien sûr, la plupart des lois et règlements qui encadrent ce secteur sont de compétence fédérale. Ne cédez pas à la tentation de pelleter tout cela dans la cour du voisin. Vous vous devez d'agir et aussi de faire pression pour qu'Ottawa intervienne rapidement et efficacement.

Et, dans cette même veine, parlons de l'information locale et régionale, qui est en grand danger. La fermeture ou la réduction de personnel dans certains journaux, radios et antennes télévisuelles jumelées à la centralisation du traitement de l'information dans les grands centres comme Montréal font que les gens ne se reconnaissent plus dans l'information qui leur est présentée. C'est ce qu'on appelle la montréalisation de l'information, et cela, au détriment de la nouvelle locale. Une communauté se voit exister par ce qu'elle peut lire, entendre et voir dans ses médias, journaux, radios et télévisions.

Enfin, on ne peut conclure sans évoquer la crise que traversent les quotidiens de Groupe Capitales Médias, qui couvrent six régions du Québec en information, entre autres, locale et régionale. Ici, le gouvernement, qui est le principal créancier de l'entreprise, devra porter une attention particulière aux enjeux d'un possible démantèlement du groupe, de sa vente ou, encore pire, de la fermeture de certains journaux. En tant qu'élus vous devrez être attentifs aux offres de sauvetage, particulièrement en ce qui a trait à l'enjeu de la concentration de la presse. On me disait qu'il serait bien triste de voir un encart de 12 pages dans La Tribune, dans LeJournal de Montréal ou dans LeJournal de Québec. Je pense que ce n'est pas le genre de presse qu'on souhaite.

L'information, ne l'oublions pas, c'est aussi un bien culturel. L'accès à une information diversifiée et de qualité, c'est un gage de santé démocratique d'une société. Il en va également de l'accessibilité à une formation de qualité et fiable pour tous les citoyens et citoyennes. Je disais tantôt : Ce n'est pas avec une seule solution qu'on y arrivera, il y a deux éléments importants, vous avez sept recommandations. Il y a bien d'autres propositions aussi qu'on a entendues qui nous semblent fort intéressantes. Il y en a une... il faut à tout prix que le fédéral... il faut mettre la pression nécessaire sur le gouvernement fédéral pour que le gouvernement fédéral oblige ces entreprises, ces géants du Web américains à payer leurs impôts et à percevoir les taxes, puis, deux, bien, ce qu'on souhaite, bien évidemment, c'est un crédit d'impôt sur la masse salariale, concernant la masse salariale de tous les employés des équipes journalistiques. Je disais...

Le Président (M. Ciccone) : En terminant, s'il vous plaît.

M. Boyer (Daniel) : Oui. Je disais... ce n'est même pas à la blague, mais, quand on permet aux géants du Web de ne pas percevoir la taxe, c'est comme si on acceptait du travail au noir : Je vais te faire ça sur la «slide», paie-moi cash, puis je ne te fais pas payer d'impôt. C'est inacceptable.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup. Merci pour votre exposé. Je reconnais maintenant un membre de la partie gouvernementale. Je reconnais le député de Beauce-Sud.

• (17 h 20) •

M. Poulin : Merci, M. le Président. Merci également pour votre mémoire et le travail que vous nous présentez aujourd'hui. Je veux parler de télés, de radios et de journaux. Est-ce que vous pouvez simplement nous dire... Votre fédération syndicale représente des gens, est-ce que c'est plus d'un secteur en particulier ou on se retrouve dans différents secteurs des médias? J'imagine, dans différents secteurs?

M. Boyer (Daniel) : Dans différents secteurs, oui, dans différents secteurs.

M. Poulin : Parfait. Alors, vous pourrez nous indiquer davantage... Parce que, quand on parle d'aide aux médias, ma collègue la députée de Verdun l'a bien souligné tout à l'heure, qu'on parle beaucoup de la presse écrite, mais il ne faut pas oublier la télé, il ne faut pas oublier la radio, qui vivent également des crises, qui vivent des enjeux extrêmement importants. On ne consomme plus la télé comme on la consommait à une certaine époque. Avec l'arrivée des podcasts, le monde de la radio a changé. Au niveau des conditions de travail, quelle est la plus grande observation que vous faites entre celles et ceux qui travaillent à la télé, par exemple, versus ceux qui travaillent dans les médias écrits?

M. Bolduc (Denis) : Oui, bien, en fait, les médias... Bien, en fait, la FTQ est présente, on l'a dit tout à l'heure, là, dans les quotidiens qui sont du Groupe Capitales Médias, également au Journal de Québec, d'où je viens, d'ailleurs — j'ai commencé ma carrière de journaliste à CKCV ici, la petite soeur de CKAC à Montréal, mais pas longtemps après, en 1986, j'ai été embauché au Journal de Québec — et on est à TVA, alors présents à TVA dans toutes les régions, TVA Montréal, TVA Québec et toutes les régions du Québec. Évidemment, c'est des milieux syndiqués, avec des conditions de travail intéressantes. On parlait de la moyenne des revenus des journalistes, en 2016, à 50 000 $ par année environ. Mais il y a un phénomène qui existe beaucoup, c'est concernant les pigistes, les pigistes qui sont embauchés en «cheap labor», je dirais ça comme ça, à l'unité, si on parle de photos, si on parle de textes, longueur du texte, ou encore... alors, avec des tarifs qui sont vraiment inférieurs par rapport au salaire qui est versé aux journalistes, aux photographes, etc.

M. Poulin : Mais remarquez-vous qu'à la télé les salaires sont probablement meilleurs, par exemple, que dans la presse écrite?

Mme Blais (Nathalie) : Je pense qu'on peut dire ça de façon générale. Si vous incluez, dans la presse écrite, les hebdomadaires et tous les journaux qui ne sont pas des journaux nationaux, définitivement. Même chose si vous incluez, pour la radio, des stations de radio régionales. Pour vous donner un exemple qui est probablement encore vrai aujourd'hui, en 1996, je suis passée de La Presse canadienne, où je gagnais 22 $ de l'heure, à une station de radio régionale à Saint-Hyacinthe, où je gagnais 12,50 $ de l'heure. Donc, c'est à peu près ça, là, la différence entre un poste en ville, si on veut, puis un poste en région.

M. Boyer (Daniel) : Je pense qu'on peut constater le même phénomène, c'est-à-dire coupures d'emplois dans le milieu journalistique, diminution des conditions de travail, pas juste salariales, mais également des conditions d'exercice d'emploi. Que ce soit dans les médias écrits, que ce soit radio, que ce soit télévision, je pense qu'on peut constater une diminution des conditions de travail et une réduction du personnel dans ces médias, dans l'ensemble des médias.

M. Poulin : Puis en terminant, avant de céder la parole à mon collègue le député de Beauce-Nord, c'est que, si on arrive avec une aide, effectivement, au niveau du journalistique, au niveau des médias, au niveau des salles de nouvelles, il faut faire un vrai état de la situation, de la façon dont on se retrouve dans différents médias, exemple, dans une salle de nouvelles à la télé ou, comme vous venez de donner l'exemple, dans une salle de nouvelles à Saint-Hyacinthe, dans une station de radio où on gagne 12,50 $. Puis c'est encore le cas aujourd'hui quand on se parle en 2019, là, j'ai bien des amis qui ne font pas des gros salaires.

Alors, si on arrive avec une aide spécifique, l'objectif, c'est de monter la condition de travail du journaliste. C'est d'arriver avec de meilleures conditions qui vont faire en sorte qu'on puisse réellement rehausser la qualité de l'information et rehausser tout ce qu'on réussit à faire, et ce qu'on souhaite faire également. Quand on a des stations de radio, par exemple, qui ont 15 animateurs mais un seul journaliste, il faut se dire : Est-ce qu'on supporte toute l'animation mais on ne supporte pas le volet de la salle des nouvelles et de l'information? Même si je crois que, comme animateur radio, puis je l'ai été, on donne de l'information et on fait de l'information mais on ne la fait pas au même titre qu'un journaliste le fait aussi. Alors, il va être important, je pense, de faire une bonne réflexion, au Québec, de la façon dont on se comporte présentement dans nos salles de rédaction puis quelles sont ces professions-là, et je pense que, comme syndicat, vous êtes bien placés pour pouvoir nous le signifier.

M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez, je fais du pouce un peu sur ce que vous dites, parce que, vous savez, à la FTQ, on n'a jamais été contre l'aide des gouvernements à l'entreprise privée. On n'a jamais été contre, mais ce qu'on déplore, c'est quand on aide l'entreprise privée puis qu'on n'exige rien en retour. Donc, effectivement, s'il y a une aide gouvernementale, une aide de certains ministères, bien, il faut qu'il y ait des conditions associées à ça et il faut que les médias remplissent ces conditions-là. C'est bien sûr que, si on aide des médias, que ce soit la radio, la télé, la presse écrite, et qu'on favorise l'embauche de pigistes puis de sous-traitants, je veux dire, on ne règle pas le cas, là, veux veux pas, on va amplifier le problème. Donc, il faut associer ça à certaines conditions, effectivement.

Le Président (M. Ciccone) : Je reconnais maintenant le député de Beauce-Nord. À vous la parole.

M. Provençal : Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup de votre présentation. Et, dans l'ordre que vous venez de mentionner, je pense que c'est vraiment ce qui consolide, que vous voulez qu'il y ait vraiment une équité fiscale entre les géants du Web et les entreprises canadiennes et québécoises. Alors, ça, c'est très clair pour moi.

Maintenant, vous conviendrez avec moi qu'il y a eu quand même une mutation des habitudes au niveau de gens qui consomment les différents médias. Et, selon vous, là, quel serait le modèle d'affaires idéal à développer pour prendre en compte les nouvelles réalités de consommation de l'information, qui permettrait en même temps de consolider la base des médias que nous avons, particulièrement en région? Parce que, quand je lisais votre mémoire, vous avez quand même émis de grands principes en lien avec l'aide gouvernementale, mais je sais que vous êtes quand même des gens créatifs, et, dans votre esprit, il doit certainement y avoir les bases d'un modèle sans tenir compte, au départ, là, de l'aide gouvernementale. Je suis sûr que vous avez déjà des pistes de solution que vous pourriez peut-être nous émettre ici, en commission.

M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez, moi, je peux vous dire qu'on est ouverts. Je l'ai dit d'entrée de jeu tantôt, on a entendu d'autres propositions, entre autres nos amis de la CSN, qui favorisaient le modèle coopératif. Mais il y a effectivement... si on ne s'en tient qu'au modèle traditionnel des médias au moment où on se parle, on risque de perdre des gens. Mais en même temps, puis on faisait un reproche, là, aux deux paliers de gouvernement qui achètent de la publicité sur les géants du Web, on peut se sentir coupable, nous aussi, parce qu'on le fait aussi, là, parce qu'on n'a comme pas le choix de le faire. Mais en même temps moi, je pense qu'il faut développer d'autres synergies au niveau local et au niveau régional dans le but, justement, de mettre les acteurs à contribution dans le but de rejoindre tout le monde. Bon, on peut bien se parler, là, d'un journal, une presse écrite, là, on ne rejoindra peut-être pas beaucoup de jeunes avec ça, mais comment on peut faire pour développer d'autres genres de médias? Bien, peut-être, peut-être aussi les géants du Web, mais, s'il y a une certaine équité fiscale et que tout le monde paie sa juste part, on va au moins jouer tous sur le même terrain, là.

M. Provençal : Merci beaucoup. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, M. le député. Je reconnais maintenant M. le député de Saint-Jean.

M. Lemieux : Merci beaucoup, M. le Président. M. Boyer, je suis d'accord avec vous, M. Boyer, ça va prendre plusieurs solutions, et c'est ce que je veux regarder avec vous, certaines solutions en particulier. Et je pense qu'il n'y en a pas une qui va tout régler, là. Le «silver bullet» du cinéma, on ne l'a pas, là, bon.

Mais avant je veux vous ramener sur la montréalisation des ondes, parce que vous ne pouvez pas savoir jusqu'à quel point ça me fait du bien à mon oreille quand vous chantez cette chanson-là. Vous avez écrit, dans votre mémoire : «Plusieurs observateurs et observatrices ont fait ressortir les disparités en matière d'accès à une information locale et régionale diversifiée entre les centres urbains et les régions, ainsi qu'au sein même des régions.» La montréalisation des ondes, elle fait mal à tout le monde, là, mais, même sans la montréalisation des ondes, on est mal pris dans les régions, là.

M. Boyer (Daniel) : Bien, évidemment, parce qu'il y a aussi une centralisation de l'information en région. Parce qu'on peut bien se parler des six médias de Groupe Capitales Médias, là, mais, si Le Nouvelliste publie juste des nouvelles de la grande ville de Trois-Rivières, là, on n'est pas plus avancés, démocratiquement, là. Donc, il faut que Le Nouvelliste couvre l'ensemble de la Mauricie. Il faut que Le Quotidien couvre l'ensemble du Saguenay—Lac-Saint-Jean et non pas juste la ville du Saguenay. Bien, c'est ça, la démocratisation de l'information. Donc, on se doit de... Là, je dis «montréalisation» parce qu'effectivement tout s'en vient centralisé à Montréal, mais on le constate aussi en région, c'est les grandes villes qui monopolisent l'attention. Donc, il faut tenter de démocratiser davantage.

M. Lemieux : Maintenant, vous m'avez fait plaisir là-dessus, expliquez-moi deux choses par rapport à vos recommandations. Comme vous le dites, c'est plusieurs solutions. Elles sont toutes différentes les unes des autres, mais on espère qu'imbriquées ensemble ça va avoir l'effet voulu.

Je vous amène à votre recommandation n° 3. Je veux juste que vous m'expliquiez la partie quand vous parlez de «taxables» : «La FTQ et ses syndicats affiliés demandent que le gouvernement du Québec réclame officiellement au gouvernement fédéral de modifier la loi afin que les publicités dans les médias de propriété étrangère soient taxables.» Là, on va... En tout cas, moi, je suis loin d'être fiscaliste, là. Il y a l'impôt puis il y a les taxes, mais, tout à l'heure, on nous avait parlé d'exemptions fiscales pour quelqu'un qui achète de la pub canadienne, qu'on ne devrait pas donner si on achète de la pub à l'extérieur. Est-ce que c'est ça que vous dites, vous aussi?

Une voix : ...

M. Lemieux : Même chose. Bon, on a des amis pour vous qu'on a rencontrés tantôt, vous allez faire une bonne équipe. Et je voulais aussi vous parler...

M. Boyer (Daniel) : Je vous l'ai dit, qu'on avait des amis qui sont passés tantôt.

• (17 h 30) •

M. Lemieux : Oui. Vous, vous venez de rajouter quelque chose de nouveau dans le bouquet, là, une nouvelle fleur dans le bouquet, c'est les crédits d'impôt ou l'incitatif pour les abonnements, puis vous avez élargi à la philanthropie puis les dons — remarquez que c'est à la mode en ce moment, là — mais les abonnements, ça m'intéresse, ça. Pensez-vous vraiment qu'il y a du chemin à faire là-dessus?

M. Boyer (Daniel) : Bien, pourquoi pas? Nous, ce qu'on se dit... Quand on dit qu'il faut essayer plusieurs solutions, on pense que celle-là, elle peut être intéressante. On peut bien favoriser, on peut bien inciter les gens à s'abonner, je ne suis pas sûr que, s'il n'y a pas un retour, en quelque part, fiscal, les gens vont quand même s'abonner. Donc, je pense qu'il faut y trouver un certain intérêt au niveau fiscal dans le but de solliciter les gens puis d'inciter les gens à s'abonner.

M. Lemieux : Élargissons maintenant à la philanthropie...

M. Boyer (Daniel) : C'est comme les crédits d'impôt pour les enfants. Ce n'est jamais suffisant, le crédit d'impôt, pour avoir un enfant, mais ça nous incite quand même peut-être à en faire.

M. Lemieux : Et, pour ce qui est de la philanthropie, bon, évidemment, vous allez dire, on a volé le modèle de l'OBNL, là, bon, mais, s'il y avait des grandes compagnes pour aider les quotidiens de Groupe Capitales Médias ou d'autres dans les régions et que le... Est-ce que vous êtes en train de nous dire qu'il faudrait que le gouvernement aide ceux qui veulent aider, aide ceux qui veulent aider les médias à les aider avec des incitatifs au-delà de l'abonnement?

M. Boyer (Daniel) : Je ne sais pas, peut-être. Probablement, oui, pourquoi pas?

M. Lemieux : Bien, je veux dire, genre, comme on fait avec la Croix-Rouge en cas de séisme, là, quelqu'un donne une piastre puis le gouvernement en donne une deuxième.

M. Boyer (Daniel) : Oui, pourquoi pas? Pourquoi pas?

M. Lemieux : O.K. Mon camarade... mon collègue...

Le Président (M. Ciccone) : Merci. Merci, M. le député. M. le député de Chauveau, vous êtes reconnu.

M. Lévesque (Chauveau) : Merci beaucoup, M. le Président. M. Boyer et votre équipe, bonjour. On a beaucoup parlé des seuils aujourd'hui, des seuils de crédits d'impôt. Il y a des groupes qui ont proposé 35 %, d'autres, 25 %. Avez-vous une réflexion là-dessus? Parce que ça tourne beaucoup autour de cette proposition-là aujourd'hui, quelle serait la nature de l'aide qu'on devrait fournir. Avez-vous une réflexion? Et, si oui, si vous avez un chiffre en tête, est-ce que vous avez un rationnel qui soutient votre chiffre?

M. Boyer (Daniel) : 35 % sur un maximum de 85 000 $, oui.

M. Lévesque (Chauveau) : 35 % sur la masse salariale, sur 85 000 $.

M. Boyer (Daniel) : Oui, oui, oui.

M. Lévesque (Chauveau) : Et est-ce qu'à l'intérieur de votre réflexion vous y voyez sur la masse globale, la masse salariale globale ou vous ciblez des catégories d'emploi?

M. Boyer (Daniel) : Tous les employés de l'équipe journalistique. Là, il faudrait se parler davantage, là, parce que, bien évidemment, dans une presse écrite, c'est peut-être plus simple, l'équipe journalistique. Quand on est rendus à la... oui, là, je vois, mais, si on parle de la télé puis de la radio, là, on est dans une autre dimension. Il faudrait y réfléchir, mais, nous, ce qu'on voit, c'est toute l'équipe journalistique.

M. Lévesque (Chauveau) : Parce qu'à l'intérieur d'une équipe de presse écrite, par contre, il peut y avoir, justement, des blogueurs. Ce ne sont des journalistes proprement dits, mais ils font partie de la masse salariale. Il y a un montant qui est... Non? Je vois un signe de tête?

Une voix : Pas pour eux autres.

M. Lévesque (Chauveau) : Oui, mais j'aimerais... Il y a des gens qui...

M. Bolduc (Denis) : En fait, c'est pour la production de matériel, de nouvelles. Alors, un chroniqueur, un blogueur, et on est plus dans l'opinion, on ne vient pas donner davantage de nouvelles. D'autant plus qu'on dit que la nouvelle locale est importante, et il faut bonifier les nouvelles locales en région, il faut que... On parle de... Si on parle du Groupe Capitales Médias, on parle de six villes à l'extérieur de Montréal et Québec, bien, c'est important, si on les soutient, que, dans le soutien, ils trouvent de l'oxygène pour apporter de la nouvelle locale, pour aller couvrir autre chose que le conseil municipal de Trois-Rivières, mais aller dans la ville voisine, puis dans la deuxième, puis dans la troisième ville voisine.

M. Lévesque (Chauveau) : Et il est vrai qu'à l'intérieur des... que c'est de l'opinion, effectivement, il y a eu un versement, dans les dernières années, de plus en plus vers l'opinion. Mais je me permets ce commentaire, que, même à l'intérieur de certaines salles de presse, à l'intérieur de groupes où il y a des journalistes, il y a des journalistes que leur mandat a changé, et leur mandat est maintenant très, très orienté vers l'opinion également. Est-ce que, dans ce cas-là... Parce que, là, c'est un débat, j'en conviens, mais ce n'est pas simple, là, d'être capable de tracer la ligne qu'est-ce que du journalisme, qu'est-ce que de l'opinion. Il y a de plus en plus de journalistes qui donnent leur opinion. Je ne dis pas que c'est mal, je ne dis pas que c'est bien, mais je dis que ça existe de plus en plus. J'ai eu le rôle de chroniqueur, chroniqueur-blogueur pendant quasiment deux ans...

Le Président (M. Ciccone) : En terminant, s'il vous plaît.

M. Lévesque (Chauveau) : ...et je peux vous en parler. Alors, je ne sais pas comment vous êtes capables de dresser la ligne à l'intérieur de ça.

M. Boyer (Daniel) : Jeudi dernier, on s'en est parlé...

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup.

M. Boyer (Daniel) : ...on a essayé de tracer une ligne...

Le Président (M. Ciccone) : En 10 secondes.

M. Boyer (Daniel) : ...on a essayé de tracer une ligne, c'était un peu compliqué. On met Martineau, on met Lagacé où? On met qui où? Ce n'est pas simple. Ce n'est pas simple, mais il faut y réfléchir.

Le Président (M. Ciccone) : Merci. Merci beaucoup. Je reconnais maintenant un membre de l'opposition officielle pour une durée de 10 minutes. Je reconnais la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, et bienvenue parmi nous. Je me permets de reprendre mon chapeau d'avocate fiscaliste, si vous le permettez bien. Le budget, on le sait, va sortir en mars 2020. Tantôt, vous avez mentionné que ça prend, oui, des solutions de façon simultanée, qu'on parle du crédit de 35 %, mais je pense, c'est aussi important de parler de l'autre affaire, c'est de Facebook, qui, vraiment, en ce moment, draine tous ou pratiquement tous les revenus publicitaires sans payer d'impôt. J'ai fait la lutte aux paradis fiscaux avant mon entrée en politique, je la fais toujours, d'ailleurs je l'ai même faite avec des gens de la FTQ. Alors, tantôt, j'avais mon tableau. Avec une taxe GAFA de 3 % juste pour Facebook, en 2018, on aurait collecté 20 millions de dollars. Je ne l'ai pas fait avec Alphabet, qui appartient à Google. Pensez-vous qu'aujourd'hui, là... une de vos demandes pour un budget de 2020, est-ce qu'on pourrait demander au gouvernement d'inscrire déjà, là, en tête qu'en 2020, au budget de 2020, on s'attend à ce qu'il y ait une taxe GAFA, à l'instar de la France?

M. Boyer (Daniel) : Bien, oui, on s'attend à ça, mais je vous dirais que... puis, quand on parle de plusieurs solutions, on comprend que, dans le temps, il y a des solutions qui ne peuvent pas être instantanées et arriver du jour au lendemain, mais on souhaite que d'autres solutions que celles-là arrivent avant le prochain budget. On souhaite que, déjà... Écoutez, l'aide à Groupe Capitales Médias, là, elle est jusqu'en novembre, là, donc il faut être proactifs, il faut aller de l'avant le plus rapidement possible pour trouver d'autres solutions. Et bien sûr qu'on souhaite que, dans le prochain budget, on impose davantage, on impose, là, les Facebook, les Google de ce monde, là.

Mme Rizqy : Le gouvernement précédent, libéral, est allé de l'avant avec ce qu'on appelle communément la taxe Netflix, même si le gouvernement fédéral n'a pas voulu agir. Pensez-vous qu'aujourd'hui... toujours dans l'optique qu'il y aura un budget qui va être inscrit prochainement, dans les prochains mois quand même, est-ce qu'on devrait occuper le champ de taxation fédéral laissé vacant, les cinq points de TPS que, clairement, là, ni le fédéral libéral ni le fédéral conservateur veut, là, on va s'entendre?

M. Boyer (Daniel) : C'est vrai qu'ils ne veulent pas, mais il faut continuer à pousser sur ce gouvernement-là pour qu'il aille de l'avant.

Mme Rizqy : Monsieur, j'ai poussé.

M. Boyer (Daniel) : Est-ce que la solution, c'est de le faire à leur place? Je sais que votre collègue le ministre Leitão, quand il était ministre des Finances, avait cette ambition. Peut-être que c'est ça, la solution, je ne le sais pas. Mais une chose est sûre, c'est qu'il ne faut pas arrêter de mettre de la pression sur le gouvernement fédéral, parce que, si on arrête... On n'y est pas arrivé encore, là, bien, il ne faut pas dire : Le gouvernement ne veut pas, il faut continuer à pousser pour que... Puis là ça tombe bien, on est en période électorale, là, bien, je pense qu'on pourrait avoir des engagements dans ce sens-là de la part des partis politiques qui sont en campagne électorale.

Mme Rizqy : Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Ciccone) : Je reconnais maintenant la députée de Verdun.

Mme Melançon : Clairement, nous autres, on a fait le travail avec Netflix, alors là, c'est le temps à d'autres de faire le travail avec Facebook. Mais vous pouvez être sûrs d'une chose, nous, on va continuer à se battre parce que, clairement, il faut aller chercher l'argent qui revient ici, au Québec, pour les médias, et là-dessus... je pense qu'on a été très clairs sur le sujet.

D'ailleurs, je veux vous ramener très rapidement... parce que vous parliez, tout à l'heure, de la logique comptable des différents groupes de presse, qui ont géré ça comme une business normale, alors que l'information, ça va beaucoup plus loin que ça, et on le sait. Pour la sortie de crise, là, où est-ce que nous sommes actuellement, j'imagine que vous vous attendez, comme moi peut-être je m'attendais, à ce qu'on ait, déjà cet été, là, quelques pistes dans l'urgence d'agir. Parce que, si on attend uniquement la fin de la commission, plus le rapport, plus des discussions, plus le gouvernement, on ne s'en sortira pas. Là, on a une mise à jour économique déjà, habituellement, prévue à la fin novembre, début décembre, il va falloir qu'on y voie. À l'intérieur de votre crédit d'impôt, est-ce que vous incluez les magazines lorsque vous parlez, vous, de la presse écrite?

Des voix : ...

Mme Melançon : Oh! c'est une bonne question. Moi, j'aime ça, quand... O.K., parce que je veux qu'on réfléchisse ensemble.

Mme Blais (Nathalie) : C'est ça, c'est-à-dire que nous, on ne représente personne dans les magazines, donc on l'a pensé dans l'optique des médias généralistes, radios, télés, journaux, autant les hebdos que les quotidiens. Mais pourquoi pas les magazines? S'il y a des magazines qui apportent de l'information, pourquoi pas...

Mme Melançon : Il y a des magazines de niche.

Mme Blais (Nathalie) : ...et qui embauchent des journalistes et qui font de l'information factuelle. C'est une question de qualité de l'information partout au Québec.

• (17 h 40) •

Mme Melançon : Parfait. Moi, c'est important, là, quand même, qu'on puisse échanger là-dessus, parce qu'on a des médias de niche, quand même, sous forme de soit journal ou encore de magazine sur lesquels on va devoir se pencher, on va devoir réfléchir, tout le monde ensemble, donc je voulais quand même vous entendre sur le sujet.

Mme Blais (Nathalie) : ...le gouvernement fédéral a exclu tout ce qui est journal ou magazine thématique, donc il faut que ce soit de l'information générale pour que le crédit d'impôt fédéral s'applique. Alors, si vous voulez qu'il y ait une certaine symétrie...

M. Boyer (Daniel) : Donc, L'Actualité pourrait être un bon exemple, mais Vélo Québec, mettons, bon, moins.

Mme Melançon : Oui, tout à fait, d'accord, je vous entends bien. Je voulais voir avec vous, parce que vous en avez parlé puis vous faites plusieurs recommandations à l'intérieur de votre mémoire, on parle de 9 % seulement de Canadiens, là — c'est vraiment des répondants du Canada — qui paient, actuellement, pour avoir un abonnement, 9 %, alors que l'information a déjà été beaucoup plus élevée que ça, là. Je ne sais pas quel était le chiffre de départ... bien, de départ... disons, médian, est-ce que vous avez une idée? Parce que... et je vais vous expliquer où est-ce que je veux en venir, là, c'est qu'actuellement on a des hebdos, partout dans le Québec, qui sont gratuits. Moi, je veux bien, là, pouvoir aider, par exemple, ou pouvoir m'abonner là où je peux, mais ce n'est pas vrai qu'on peut aider ou on peut prendre des abonnements dans nos hebdos, vous le savez, on en a dans chacune de nos régions. C'est pour ça que j'aurais aimé connaître où on est partis ou, en tout cas, un chiffre de départ pour savoir à quel point on a diminué. Est-ce que vous avez ça dans vos chiffres?

Mme Blais (Nathalie) : On n'a pas ce chiffre-là. Par contre, historiquement, à ma connaissance, les hebdos ont toujours été gratuits, du moins, donc le 9 %, si on voulait avoir le chiffre de départ, il faudrait regarder ce que les quotidiens allaient chercher comme abonnements.

Mme Melançon : Voilà.

Mme Blais (Nathalie) : Parce que la télévision... on ne paie pas non plus directement pour l'information à la télé ou à la radio.

Mme Melançon : Bien, il y a le Fonds des médias, là, quand même, là, où on pouvait quand même aller chercher pour faire du contenu, pas tant en information, mais, quand même, qui permettait à certaines stations, là, disons-le, là, de pouvoir respirer un peu plus que présentement, parce que le Fonds des médias est malheureusement en train de fondre comme neige au soleil. Je finis avec... Je ne sais pas, M. le Président, combien de temps il me reste.

Le Président (M. Ciccone) : 2 min 40 s.

Mme Melançon : D'accord. Je veux terminer quand même en rappelant que le noeud du problème, on en parle, ce sont les Google, Facebook et Amazon de ce monde, principalement, là, quand on parle de 0,80 $ dans le dollar en publicité qui s'en va vers ces géants-là, c'est là où ça fait mal. Moi, ce que je veux voir avec vous : Est-ce que vous autres, vous avez eu des échanges avec ces grands groupes comme Facebook, comme Amazon? Est-ce qu'il y a eu des échanges, de votre côté, avec ces gens-là? Parce que, malheureusement, ils ne viendront pas devant la commission, et on va devoir leur parler... je ne sais pas si ça va être par voix interposée, à quel point on va pouvoir leur parler, mais moi, je veux savoir est-ce que vous, vous leur avez parlé.

M. Boyer (Daniel) : Non.

Mme Melançon : Non?

M. Boyer (Daniel) : Non, puis, écoutez, ce n'est pas simple parce que, bon, les employés de ces entreprises-là ne sont, bien sûr, pas syndiqués, la plupart, donc c'est difficile d'avoir un contact. Je ne sais pas s'ils sont intéressés à nous parler non plus, là, je ne sais pas.

Mme Melançon : Bien, clairement, je ne pense pas, là. Puis on va se projeter dans le temps, tout à l'heure, mon collègue de Beauce-Sud disait «si on doit faire une intervention», moi, je dis «il faudra faire une intervention». Je pense que, là-dessus, on est d'accord, parce que, là, on le voit, là, et à la lecture de tout ce qu'on a fait, on va devoir bouger, et ce, rapidement, et je le dis, là, rapidement. J'ai une critique à faire, et je le disais un peu plus tôt, malheureusement, le législatif est très, très long à arriver. Avec le rythme auquel eux sont en train de se transformer et transforment aussi notre paysage, donc au quotidien, très rapidement, là, si on veut passer, là, première action, parce qu'on le disait tout à l'heure, là, ça va être compliqué, d'arriver à une définition du journalisme, la première chose qu'on doit faire?

M. Boyer (Daniel) : Écoutez, effectivement, la première chose qu'on doit faire, là, je l'ai mentionné : faire pression sur le gouvernement fédéral et faire pression sur ces géants. Moi, je pense que c'est d'abord là qu'il faut interpeler. Et, dans notre cour à nous, il y a des solutions, on en a parlé, bon, des crédits d'impôt sur la masse salariale, des...

Une voix : ...

M. Boyer (Daniel) : Bien, c'est plus long, mais, au moins, ça nous appartient, on a le levier pour aller de l'avant. Les autres, bien, il faut continuer à pousser, là, il faut continuer à pousser.

Mme Melançon : Je vous remercie beaucoup d'avoir été avec nous aujourd'hui. Merci.

Le Président (M. Ciccone) : Merci, Mme la députée. Je reconnais maintenant la députée de Taschereau pour un temps de 2 min 30 s.

Mme Dorion : Merci. Bonjour, merci beaucoup, c'est superintéressant de vous entendre. C'est une question un peu personnelle, on pose la question à tout le monde depuis le début de la journée, depuis le début de la commission, par rapport à imposer les géants du numérique, est-ce que c'est une bonne idée. La majorité dit : Oui, oui, il faut le faire, oui, il faut absolument le faire. Bien sûr, on ne peut pas le faire demain, mais, comme on sait à quel point c'est compliqué, si on veut que ça se passe, il faut commencer à se battre tout de suite pour que ça arrive. Malheureusement, du côté fédéral, on voit qu'il y a absolument une volonté très, très, très molle de faire quoi que ce soit, on a un sentiment un peu d'aplaventrisme devant les géants du numérique.

Et au provincial, avec la Coalition avenir Québec, autant dans les questions que j'ai posées à la ministre que dans les questions qu'aujourd'hui les députés de la CAQ posent, ça n'a pas l'air d'être un enjeu qui les passionne ou un enjeu dans lequel ils ont envie de plonger — ceci dit, ça reste à voir, puis moi, je garde espoir — mais même chose par rapport à leur demander... demander au gouvernement Legault, finalement, de faire pression sur le fédéral. Donc, qu'est-ce qu'on peut faire, dans l'opposition, pour faire avancer ce dossier primordial là, selon vous, de façon à ce que ça ne prenne pas encore 20 ans avant que quelque chose puisse débloquer puis qu'on puisse avoir une solution à long terme avec des revenus à long terme?

M. Boyer (Daniel) : Bien, moi, je pense, je le dis et je le dis, pour le gouvernement, de pousser sur le gouvernement fédéral et d'interpeler les géants du Web, mais je le dis aussi à l'opposition : Si le gouvernement ne pousse pas assez fort, bien, il faut les inviter à pousser davantage. Écoutez, c'est vrai que les partis fédéraux qui sont en campagne électorale... c'est vrai qu'il n'y en a pas un qui a levé la main, à date... bien, oui, peut-être qu'il y en a quelques-uns, là, mais, en tout cas, ceux qui sont peut-être susceptibles de prendre le pouvoir, en tout cas, ils n'ont pas l'intention de faire quelque chose. Bien, ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas l'intention de faire quelque chose qu'il faut arrêter de pousser. Moi, je pense qu'il faut continuer. Puis, vous savez, du côté syndical, si on avait arrêté de faire les choses à toutes les fois qu'on nous dit non, bien, on ne serait pas arrivés à grand-chose, puis pourtant on est perspicaces, on tient notre bout, puis finalement on réussit à avoir des gains. Donc, moi, je pense qu'il faut continuer à faire ça.

Puis, écoutez, à notre initiative, à l'initiative du SCFP, on a formé la Coalition culture et médias, la première revendication, c'était de taxer Netflix, là. Bon, bien, bravo! il y a un bout qui est fait, bien, continuons, on a encore de l'ouvrage à faire, là, il faut continuer.

Le Président (M. Ciccone) : En terminant, s'il vous plaît. En terminant.

Mme Dorion : Je vais suivre votre conseil.

Le Président (M. Ciccone) : Merci. Merci beaucoup. Je reconnais maintenant le député de Rimouski pour 2 min 30 s.

M. LeBel : Un peu dans le même sens, moi, je comprends, par exemple, ce que vous dites par rapport à la pression sur le fédéral, ce n'est pas juste de taxer les grands, là, mais c'est de se servir de tout ce qu'ils ont comme pouvoirs pour améliorer, là, vous pensiez... La Loi sur le droit d'auteur, la Loi sur la radiodiffusion, la Loi sur les télécommunications, ils ont plein de leviers qui peuvent nous amener à avoir un plan qui a de l'allure pour sauver nos médias puis sauvegarder notre culture, notre langue, au Québec, là. Mais là vous dites : Bon, le gouvernement du Québec y veille. Mais il fait des... Mais là, on est tannés de veiller, il va falloir passer à autre chose. Moi, j'ai... Puis vous dites, à un moment donné, «exercer sans relâche une pression sur le gouvernement fédéral». Là, vous dites : Il faut faire pression sur le gouvernement qu'il fasse pression sur un autre gouvernement, ça fait... Moi, là, je suis un peu comme ma collègue, là, à un moment donné, les élections fédérales arrivent, il faudrait que la société civile, tout le monde, les partis politiques, l'ensemble de l'Assemblée nationale revendiquent que le gouvernement fédéral bouge, qu'il participe à un vrai plan de sauvetage. Est-ce qu'on peut faire ça? Puis vous dites : Il faut faire des pressions. Vous connaissez ça, des pressions, vous autres, ça fait que vous pouvez peut-être nous dire un peu, effectivement, ensemble, comment on pourrait faire, comme Assemblée nationale.

M. Boyer (Daniel) : Bien, moi, je vous dirais que, si on n'était pas dans un moment aussi propice qu'actuellement, c'est-à-dire une période électorale, ça serait peut-être un peu compliqué, mais on est dans une période électorale. Nous, ça fait partie de notre plateforme de revendications dans le cadre de la prochaine campagne électorale fédérale, là, c'est une de nos sept revendications, donc on va continuer à pousser sur ce dossier-là. On va continuer, de toute façon, à pousser sur tous vous autres si vous ne poussez pas assez. Donc, on va continuer, nous, à faire notre job. Ça, c'est bien sûr, qu'on va continuer à le faire.

Mais vous avez raison, la plupart des leviers, c'est de juridiction fédérale. On ne les a pas, ces leviers-là, mais les leviers qu'on a, utilisons-les, par contre, pour aller assez rapidement, parce qu'on a des solutions à mettre en place rapidement. Puis ceux qu'on n'a pas, bien, poussons sur le gouvernement fédéral, on va tous pousser ensemble, là.

M. LeBel : Les leviers — vous me voyez venir — ...

M. Boyer (Daniel) : Oui, oui.

• (17 h 50) •

M. LeBel : ...si on les avait tous au Québec, dans un Québec indépendant, ces leviers-là, on serait capables de faire quelque chose. Puis je trouve aussi que ce que vous avez dit tantôt par rapport aux régions, c'était vraiment bon, le fait qu'ici, au Québec on ne sait pas ce qui se passe dans les régions. Si les luttes qui se passent dans les régions, on ne le sait pas, les luttes du monde rural, là, dans le Bas-du-Fleuve, on ne le sait pas, ce qui se passe, mais ce n'est pas dans nos grands médias nationaux, puis pourtant c'est un enjeu majeur pour l'avenir du Québec, puis on ne le sait pas, ce qui se passe là.

Le Président (M. Ciccone) : En terminant, s'il vous plaît.

M. LeBel : Moi, ça, vous avez bien raison là-dessus.

Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup. Je reconnais maintenant la députée de Marie-Victorin pour deux minutes.

Mme Fournier : Merci beaucoup pour la présentation. Je dirais que je partage l'exaspération de mes collègues. On s'entend qu'on est dans un contexte, justement, vous l'avez dit vous-même, un contexte électoral, le gouvernement nationaliste a plusieurs revendications face au gouvernement fédéral. Il y a cet enjeu-là, qui est vraiment criant, et pourtant, vous l'avez dit, encore une fois, les grands partis fédéraux n'ont pas encore répondu à l'appel, restent de glace devant l'appel du milieu médiatique. Donc, c'est là qu'on se dit à quel point c'est difficile, même si on pousse, d'obtenir des concessions du gouvernement fédéral. Alors, c'est pour ça, notamment, qu'on est souverainistes, qu'on est indépendantistes.

Mais, pour ce qui est de la question de la pression qui peut être exercée sur les membres que vous représentez dans le contexte difficile qu'on connaît dans les médias, est-ce que vous avez des échos, en tant que syndicat, de ce qu'on peut entendre sur le terrain?

M. Gagné (Renaud) : Bien, comme mentionné, Unifor, on représente 7 000 à travers le pays. Donc, c'est sûr qu'il y a des pressions un peu partout, principalement faites à Ottawa, de notre syndicat, là. Donc, c'est sûr qu'on a des revendications, c'est dans la plateforme.

Mais, particulièrement dans le cas de Groupe Capitales, en tout cas, en ce qui nous concerne, Unifor, on représente le tiers de ces employés-là, là, donc c'est sûr que tout ça, c'est... Le futur, moi, je suis vraiment préoccupé pour demain matin. Qu'est-ce qu'on fait? Quelles sont les mesures pour vraiment sauver ces quotidiens-là, qui sont fondamentaux pour la démocratie dans les régions en termes de priorité? Puis je suis accompagné d'un journaliste de La Tribune, là, il sait exactement comment ça se vit dans son milieu de travail.

M. Goupil (Alain) : Vous savez, juste l'automne passé, on a fait une campagne de lobbying à Ottawa, justement, où un des points, une des revendications qu'on avait, c'était à l'égard de l'article 19 de la loi sur l'impôt. Il y a une espèce d'incongruité ou, en tout cas, nous, ce qu'on appelle colmater la brèche de l'article 19, là, c'est-à-dire de faire en sorte que, quand une entreprise canadienne décide d'acheter de la publicité sur les grandes plateformes que sont les GAFA, bien, cette dépense-là ne puisse pas être déductible, comme les gouvernements ont eu le courage de le faire, dans les années 90, dans la fameuse affaire du Time Magazine, là, ou Maclean's.

Le Président (M. Ciccone) : En terminant, s'il vous plaît.

M. Goupil (Alain) : Ne serait-ce que de colmater cette brèche-là, là, quand vous nous posez la question : Qu'est-ce qu'on peut faire dans l'immédiat?, O.K., ça, ça serait un combat à mener. Et on a évalué, nous, chez Unifor, que, si on arrivait à colmater cette brèche-là, on irait chercher plus de 1 milliard de dollars d'ici 2021, ce n'est pas rien.

Le Président (M. Ciccone) : Merci. Merci beaucoup. Merci beaucoup. Je tiens à vous mentionner, pour avoir oeuvré 18 ans dans les médias, que ce dossier, cette réalité m'interpelle énormément, et c'est un privilège pour moi d'être président de cette commission. Votre contribution est essentielle et même inestimable. Et, vous, chers collègues, merci beaucoup aussi pour votre temps, votre travail et surtout votre professionnalisme.

Sur ce, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, mardi le 27 août 2019, 9 h 30. Merci. Bonne soirée, tout le monde.

(Fin de la séance à 17 h 53)

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