(Huit heures quarante-six minutes)
La Modératrice
:
Bonjour. Bienvenue à ce point de presse de Québec solidaire. Prendra la parole tout
d'abord Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de Québec solidaire, suivi de Ruba
Ghazal, responsable solidaire en matière d'économie. Vous pourrez poser vos
questions par la suite.
M. Nadeau-Dubois : Bonjour,
tout le monde. Impossible pour moi ce matin, bien sûr, de ne pas vous parler du
débat sur une éventuelle commission d'enquête sur la gestion de la pandémie de
COVID-19 au Québec. Moi, ce que je retiens des débats des derniers jours, c'est
que François Legault est isolé, François Legault fait diversion, François
Legault contre-attaque, pointe du doigt. Et, pendant ce temps-là, on est en
train de passer à côté de la question fondamentale que le Québec devrait se
poser : Comment ça se fait, collectivement, qu'on a échappé les aînés
comme ça au Québec? Comment ça se fait qu'on a le bilan qu'on a?
Ça, c'est une question qui appartient à
toute la société québécoise, et la manière de trouver les réponses, toutes les
réponses, c'est de déclencher une commission d'enquête publique sur la gestion
de la pandémie au Québec. C'est la responsabilité de François Legault. Il ne
peut pas se défiler de sa part de responsabilité à répondre à cette question-là,
et, pour ça, il doit déclencher une commission d'enquête publique sur la
gestion de la pandémie de COVID-19 au Québec.
Je vais également dire un mot sur la mise
à jour économique qui va être annoncée plus tôt aujourd'hui. Si on se fie à ce
qui a été annoncé dans les journaux ce matin, François Legault va nous
ressortir la plus vieille de toutes ses marottes, il y en a plusieurs,
c'est-à-dire l'écart de richesse avec l'Ontario. Moi, j'aimerais ça que
François Legault, une fois de temps en temps, s'inquiète de l'écart de richesse
entre les Québécois, Québécoises. Ça, il en parle pas mal moins.
En ce moment, le coût de la vie est en
train d'exploser, et c'est encore les mêmes, toujours les mêmes qui paient la
facture, qui passent au cash. C'est pour ça qu'à Québec solidaire on a, par la
voix de ma collègue Ruba, fait une proposition claire, pragmatique, concrète :
doubler le crédit d'impôt à la solidarité pour venir aider directement les
Québécois, les Québécoises qui, en ce moment, font les frais de la hausse
galopante du coût de la vie.
La première responsabilité du premier
ministre du Québec, là, ce n'est pas d'obséder sur l'écart entre le Québec et
l'Ontario, c'est de prendre soin des gens au Québec qui ont de la misère à
finir le mois, qui ont de la misère à finir la semaine. Moi, j'invite François
Legault à mettre de côté ses petites obsessions personnelles, aujourd'hui, puis
à penser aux Québécois puis aux Québécoises qui en arrachent en ce moment.
Mme Ghazal : Merci beaucoup,
Gabriel. Bonjour, tout le monde. Toute la semaine, le gouvernement nous a
démontré son manque de transparence. Et hier le rapport de la Vérificatrice
générale du Québec nous a montré qui est le champion du manque de transparence,
et c'est toujours le même ministre de l'Économie, Pierre Fitzgibbon.
Clairement, M. Fitzgibbon n'a pas perdu ses vieilles habitudes,
c'est-à-dire de gérer l'argent public comme si c'était l'argent privé de sa
firme de placement.
Vous savez, il y a plein d'entreprises qui
ont souffert de la pandémie, moi, j'en rencontre dans mon comté souvent, je
leur parle, et ils ont… certaines d'entre elles, ces entreprises-là, ont été
privées d'argent, alors que d'autres ont pu bénéficier, de façon injustifiable,
de cet argent-là. Pourquoi? Bien, parce que le ministre a préféré favoriser de
grosses entreprises qui avaient leurs entrées à son bureau ou dans les hautes
officines d'Investissement Québec chez son ami Guy LeBlanc.
Aujourd'hui, il faut que le ministre
change ses habitudes et il faut qu'il fasse, pour une fois, preuve de
transparence. Il doit nous donner la liste des 10 entreprises qui ont bénéficié
des 68 millions de dollars et qui ont privé d'autres entreprises qui en
auraient eu grandement besoin. Merci.
La Modératrice
: On va
prendre vos questions. Une question, une sous-question, s'il vous plaît.
Mme Côté (Claudie) : Est-ce
que vous demandez à ce que la liste soit rendue publique, comme vos collègues
de l'opposition?
Mme Ghazal : Absolument. Moi,
j'ai… on a demandé à la Vérificatrice générale si c'était possible. Elle, dans
son mandat, ne peut pas le faire. Le seul qui peut le faire, c'est le ministre
Pierre Fitzgibbon ou Investissement Québec. Donc, il doit déposer cette
liste-là.
M. Lachance (Nicolas) : Les
libéraux vont déposer une motion. Est-ce que vous allez l'appuyer?
Mme Ghazal : Nous allons
l'appuyer. Mais je trouve ça ironique, parce que s'il y a quelqu'un qui ne peut
pas donner de leçons à la CAQ, c'est bien les libéraux. On se rappelle du
rapport de la Vérificatrice générale qui écorchait grandement Mme Anglade.
M. Bergeron (Patrice) :
Est-ce que la vérificatrice devrait poursuivre son investigation sur
l'ensemble, donc, des frais puis des aides financières qui ont été accordées?
Parce que, là, on un échantillonnage. Est-ce qu'ils ne devraient pas élargir
l'échantillonnage?
Mme Ghazal : Vous avez raison
que probablement il y a bien plus d'entreprises que les 10, parce qu'il y en a
eu énormément qui ont reçu des aides, des grosses sommes, importantes. Donc, on
se demande combien ils en ont eu plus, alors qu'elles faisaient faillite,
peut-être, comme celles des 10. Moi, je ne veux pas donner de mandat à la
Vérificatrice générale, elle, c'est à elle de faire son travail et d'avoir les
mandats qu'elle juge pertinents. Moi, ma question, maintenant, aujourd'hui,
s'adresse au ministre Pierre Fitzgibbon, de faire preuve de transparence.
M. Bergeron (Patrice) : Mais
les parlementaires peuvent quand même envoyer un message au VG aussi, là.
Mme Ghazal : Bien, si le
ministre refuse de faire preuve de transparence, ça va faire en sorte qu'on va
être encore plus inquiets et on va vouloir en savoir plus, tout à fait.
M. Lachance (Nicolas) : En
fait, vous demandez les 10. Là, M. Fitzgibbon dit qu'il y a à peu près, quoi,
20, 25 rapports qui sont tombés sur son bureau, là, est-ce que… puis il nous a
dit, en mêlée de presse, hier : Je connais tout le monde, de toute façon,
au Québec. Est-ce que vous voudriez avoir plus que les 10, là, la liste des 25
qui se sont retrouvés sur le bureau de M. Fitzgibbon.
Mme Ghazal : On veut avoir le
plus de transparence. Je répète, l'argent que ce ministre-là gère, ce n'est pas
son argent privé. Il va falloir qu'il change de registre ou de logiciel, il
n'est plus dans l'entreprise privée puis il ne peut pas juste dire : Ah!
je connais tout le monde puis j'aide mes amis. Il pouvait faire ça quand
c'était sa propre compagnie de firme d'investissement, il ne peut plus le
faire, il doit penser au bien commun. Et le bien commun, c'est gérer l'argent
des Québécois et des Québécoises de la façon la plus rigoureuse, la plus
diligente et la plus transparente possible. Mais on dirait qu'il en est
incapable.
M. Lacroix (Louis) : M.
Nadeau-Dubois, je veux vous ramener sur la mise à jour économique de cet
après-midi. Au Québec, bon, là, on comprend que le déficit appréhendé va être
un peu moins élevé que ce à quoi on s'attendait. On a distribué énormément
d'argent, au cours des derniers mois, pour essayer de rehausser les conditions
salariales des gens, qui le méritent, etc. Est-ce que l'économie du Québec peut
soutenir un rythme de dépenses comme celui-là sans hausser les impôts?
M. Nadeau-Dubois : Bien,
d'abord, il y a des dépenses dont vous parlez qui sont des dépenses
ponctuelles, hein, non récurrentes, donc qui creusent un déficit purement
conjoncturel. Ces dépenses-là, en bonne proportion, ne reviendront pas, là, je
pense qu'elles ne doivent pas nous inquiéter outre mesure.
Ceci étant dit, c'est quoi, la leçon de la
pandémie? Une des grandes leçons de la pandémie, c'est que l'austérité, là, le
fait d'être gratteux quand vient le temps d'investir dans nos services publics,
ça ne nous a pas rendus plus riches et plus forts. Ça nous a rendus plus
faibles. Et s'il faut appendre quelque chose de cette épouvantable tragédie, c'est
qu'il faut arrêter de compter nos cennes quand vient le temps d'investir pour
les aînés, pour la santé, pour l'éducation.
Si ça veut dire taxer plus les grandes entreprises,
les multinationales, si ça veut dire lutter enfin pour vrai contre l'évasion
fiscale, bien, faisons-le. On mérite ça au Québec.
M. Lacroix (Louis) :
Mais est-ce qu'il faut hausser les impôts?
M. Nadeau-Dubois : De la
classe moyenne, non. Mais des grandes entreprises, des multinationales? Est-ce
qu'il faut lutter enfin pour vrai contre l'évasion fiscale? Est-ce qu'il faut
utiliser l'écofiscalité pour faire payer davantage les gros pollueurs? Oui, oui
et oui, on peut. Il faut sortir du modèle économique libéral et caquiste, où on
est gratteux quand vient le temps d'investir dans les aînés, dans la santé et
dans l'éducation.
M. Lacroix (Louis) : Mais
chez les individus, est-ce qu'il faut... Là, vous avez... Parce que vous dites
dans la classe moyenne, non, mais chez les grandes entreprises, oui. Moi, je
vous parle des individus, là. L'impôt du citoyen, l'impôt individuel. Est-ce
qu'il faut hausser, jouer avec les tables d'impôt, hausser les impôts?
M. Nadeau-Dubois : Dans
la grande... Pour la grande majorité des familles, pour la grande majorité des
individus, non. Est-ce que les plus riches de notre société peuvent et doivent
en faire davantage? Oui. Les gouvernements des dernières décennies ont baissé
les impôts des très riches au Québec. C'était une erreur. La pandémie nous l'a
montré. Si on veut réinvestir en santé puis en éducation, l'argent ne tombera
pas du ciel. Il faut aller le chercher là où il est. Il est dans les coffres
des très grandes entreprises et dans les comptes de banque des plus riches au Québec.
M. Lacroix (Louis) : Et
puis on est riche à partir de quel salaire au Québec, d'après vous?
M. Nadeau-Dubois : Je
pense que les médecins spécialistes sont des gens très riches. Je pense que les
dirigeants des grandes entreprises sont des gens très riches.
M. Lacroix (Louis) :
Mais vous, êtes-vous riche? Par exemple, vous, êtes-vous riche? Selon vos
standards, est-ce que vous êtes riche?
M. Nadeau-Dubois : Bien,
en toute proportion, là, quand on fait le salaire d'un député, on fait partie,
je ne dirais pas des très riches, mais on fait partie des gens les plus riches
au Québec. Et je pense que les gens qui font autour du salaire d'un député
pourraient contribuer davantage.
M. Lavallée (Hugo) : Est-ce
que la marge de manoeuvre additionnelle qu'on comprend qu'il va y avoir dans la
mise à jour économique et budgétaire, est-ce qu'à votre avis on doit dépenser
tout cet argent additionnel là pour, justement, bonifier des crédits d'impôt et
des choses de cette nature-là ou est-ce qu'on ne devrait pas hâter le
remboursement, en fait, le retour à l'équilibre budgétaire?
M. Nadeau-Dubois :
Pouvez-vous répéter votre question?
M. Lavallée (Hugo) : La
marge de manoeuvre additionnelle qui va être dégagée vraisemblablement dans la
mise à jour, est-ce qu'on doit la dépenser immédiatement ou est-ce qu'on doit
essayer d'anticiper le retour à l'équilibre budgétaire?
M. Nadeau-Dubois : La
religion du déficit zéro, là, l'obsession dogmatique pour l'équilibre
budgétaire, c'est ce qui nous a menés dans la crise actuelle dans nos services
publics. C'est ce qui explique, en partie, pourquoi nos écoles tombent en
ruine, pourquoi il manque d'infirmières, pourquoi le TSO est devenu une
pandémie dans la pandémie. Il faut sortir de cette religion économique là. Il
faut aller chercher l'argent là où il est puis réinvestir dans les familles, dans
les services publics.
M. Lavallée (Hugo) :
Donc, il faudrait...
M. Nadeau-Dubois : Bien
là, écoutez, les chiffres, je ne les ai pas, ça fait que c'est dur pour moi de
dire : Il faut-u repousser d'un an ou deux ou de trois? Je ne les ai pas,
les chiffres, on va attendre de les voir. Mais, de manière générale,
l'obsession dogmatique, là, la religion du déficit zéro, dont François Legault
est un des fervents pratiquants, là, ça a été une erreur historique au Québec.
Allez demander aux infirmières ce qu'elles en pensent du déficit zéro. Allez
demander aux profs dans nos écoles, allez demander aux parents qui voient leurs
enfants rentrer dans des écoles qui tombent en ruines, si la priorité, là,
c'est de faire balancer les colonnes le plus vite possible, à tout prix, je
pense qu'ils vont vous dire : Non, on veut des meilleurs services, on veut
une meilleure vie.
M. Bergeron (Patrice) : Il y
a un mandat de grève illimitée qui a été adopté dans le domaine des CPE, il
semble y avoir des litiges donc à la table de négociation, notamment sur la
hausse des salaires de tout le personnel de soutien. Est-ce que, selon vous, le
personnel de soutien devrait avoir exactement les mêmes hausses ou à peu près
les mêmes hausses de salaire que, par exemple, les éducatrices, parce que ça
semble être vraiment le point de litige relié à la négo?
M. Nadeau-Dubois : Moi, je
constate que le gouvernement du Québec a été capable de s'entendre avec les syndicats
dans à peu près tous les secteurs et les hausses n'étaient pas mur à mur. Bon.
Moi, je prends pour acquis que le gouvernement est capable de négocier avec les
syndicats puis de s'entendre, je ne le ferai pas sur la place publique ce
matin. Ce que je sais par contre, c'est que, pour un CPE fonctionne, il a
besoin de toutes sortes de monde, puis tous ces gens-là sont importants, puis
le gouvernement a la responsabilité de négocier de bonne foi avec l'ensemble
des gens qui travaillent dans nos CPE.
La Modératrice
:
Dernière question…
M. Lachance (Nicolas) : M.
Nadeau-Dubois, en Ontario, là, la loi n° 21, qui est enseignée comme un
exemple d'islamophobie. Est-ce que, pour Québec solidaire, la loi n° 21
est raciste?
M. Nadeau-Dubois : Je pense
qu'il n'y a pas d'intention raciste derrière la loi n° 21, par contre,
c'est une conception de la laïcité qui empêche certaines personnes de
travailler dans nos écoles. Selon nous, c'est une mauvaise conception de la
laïcité et c'est pour ça qu'on est contre la loi n° 21.
La Modératrice
: On va
passer en anglais.
Mme Senay (Cathy) : I was watching your piece… well, good morning, first of all…
M. Nadeau-Dubois :
Good morning.
Mme Senay (Cathy) : …I was watching your piece yesterday from Radio-Canada, Sylvain
Desjardins depicting a family, there are two salaries, things are going well,
but they are having problems just to look at their expenses, gas is costing
more, energy is costing more, groceries are costing more. So, it's just not
about vulnerable people, it's everybody. So, what… No, no, I mean, a lot of
families…
M. Nadeau-Dubois :
It is everybody, everybody is impacted by the actual inflation rate, but some
are more impacted than others. And vulnerable families are impacted more than
others. That's why Mr. Legault asked to stop obsessing about the wealth gap
between Ontario and Québec, and he needs to care a little bit, just a little
bit about the wealth gap inside Québec between Quebeckers.
Mme Senay (Cathy) : What do you see as consequences with the inflation rates, if it continues?
M. Nadeau-Dubois : People are getting poorer, people are getting poorer, and it's the
poorer people that are getting poorer. There is an actual risk that economic
injustice in Québec will grow.
It's a problem and it needs to be address. Mr. Legault has to stop
obsessing with one of his personal obsessions, he has to think about Quebeckers first.
Mme Senay (Cathy) : And you know that
the inflation rate… what are the causes? It's because of the pandemic, people
were not having lots of expenses, there was the lockdown, and then you had…
people, like, started to buy more stuff again in a very fast pace. So, what if
it becomes a permanent… more permanent with this 5% or 4% inflation rate? …the Government responsibilities.
M. Nadeau-Dubois : Well, yes, well, there is actually a debate between economists in
order to know what portion of that inflation is from the conjuncture, what
portion of that inflation rate is permanent. Economists are still debating
this. But while they're debating this, François Legault has a responsibility,
he needs to take care of Quebeckers and stop obsessing with Ontario.
La Modératrice
: Dernière question.
M. Grillo (Matthew) : …there might be cutbacks in the next year? I mean, even though
where going into an election, but given the inflation and what… or spending
that happened during the pandemic, do you feel that there could be cutbacks
from the Government?
M. Nadeau-Dubois : I think that a lot of Quebeckers, and I am part of them, fear that the deficit created by the
pandemic will be instrumentalized to say : Ho! Now, we need to make
difficult choices. Quebeckers
know that song, they've heard it tens of times. And a lot of people are afraid,
and they are legitimately afraid, that we will see eventually a new wave of
austerity measures in Québec.
That's why, in Québec solidaire,
we will keep fighting to say : Let's not make the same mistake twice.
Mme Senay (Cathy) : …about this, austerity measures?
M. Nadeau-Dubois : Well, historically, historically, not only in Québec but around the world, crisis like
that have been instrumentalized by Governments to say : Ho! Now, we need to make difficult choices. We spent
to much, we need to cut. That discourse has been the mainstream discourse in Québec politics for decades. So, yes, a lot
of times I fear that this discourse will come back.
Le Modérateur
: Merci beaucoup.
(Fin de la séance à
9 h 3)