(Douze heures trente-et-une minutes)
Mme Massé : Alors, bien,
bonjour, tout le monde. Chose promise, chose faite. J'ai déposé ce matin, au
nom de Québec solidaire, notre projet de loi antipipeline. Ce projet de loi
antipipeline est nécessaire, essentiel, et il est désormais sur le menu
législatif.
Je demande donc à François Legault de
passer de la parole aux actes et fermer définitivement la porte à la
construction de nouveaux pipelines au Québec, en plus d'interdire
l'exploitation, l'exploration des hydrocarbures. En fait, c'est un test de
leadership pour François Legault dans cette ère d'urgence climatique.
Le projet de loi n° 894,
qui est le projet de loi antipipeline, le projet de loi n° 894
interdirait l'exploration et la production des hydrocarbures en sol québécois,
obligerait les compagnies titulaires de permis à fermer définitivement leurs
installations et à procéder à la restauration des sites. Et, en outre, il
empêcherait toute nouvelle construction de pipelines sur le territoire du Québec,
bien sûr, à l'exception des infrastructures de transport exclusif au gaz
naturel renouvelable.
Le régime actuel protège les intérêts des
pétrolières et des gazières. Nous proposons un nouveau régime qui protège le
territoire du Québec et les peuples qui l'habitent.
Vous le savez, le dernier rapport du GIEC
est clair comme de l'eau de roche : chaque nouveau projet, chaque nouvelle
infrastructure polluante mine la transition verte réclamée par l'écrasante
majorité des Québécois et des Québécoises.
François Legault, lui, il voit les élections
venir, puis là, bien, il essaie de récupérer une certaine crédibilité
environnementale. Bien, M. Legault, je vous le dis, la crédibilité
environnementale, là, ça se mérite. Cette fois-là, vous n'avez pas le droit à
l'erreur. C'est pour ça que je dis : C'est un réel test de leadership pour
le premier ministre François Legault.
La population du Québec a gagné plusieurs
victoires contre les pipelines, pensons à GNL Québec, tout dernièrement,
pensons à Énergie Est, mais malheureusement la classe politique a tardé à se
réveiller. Mais aujourd'hui, on le sent, il y a comme un consensus, on est en
2021, il y a comme un consensus qui semble se dessiner sur la question. Et c'est
pourquoi j'appelle vraiment tous les partis à mettre la main à la pâte, à
travailler ensemble pour améliorer le projet et faire en sorte qu'on soit fiers
ici, au Québec, de faire partie des premières nations à travers la planète qui
interdisent le développement de nouvelles infrastructures, l'exploration et
l'exploitation gazière et pétrolière.
Et, honnêtement, je vous dis que la
planète a besoin qu'un message clair soit entendu, c'est-à-dire : ici, au Québec,
des GNL Québec, plus jamais.
Je vais prendre vos questions.
M. Denis (Maxime) : C'est la
troisième fois que vous déposez une motion du genre à QS. Pourquoi, cette
fois-ci, ce serait la bonne?
Mme Massé : Bien, je pense que
Québec solidaire, hein, depuis 2010, on a parlé de moratoire, il y a les deux projets
de loi dont vous faites état, en 2014, 2017. Je pense que Québec solidaire, à
ce moment-là, a déposé des projets de loi qui étaient nécessaires. Celui qu'on
dépose aujourd'hui, il est nécessaire en 2021, c'est-à-dire qu'il n'y ait plus…
qu'il y ait une interdiction au niveau de l'exploitation, l'exploration gazière
et pétrolière. Ça fait longtemps qu'on le sait, mais là, le nouveau, c'est
qu'il faut arrêter de construire des infrastructures pour rendre disponibles
les énergies fossiles. Et…
Une voix
: …
Mme Massé : Bien, j'allais
dire… Et d'ailleurs, là-dessus, le ministre me répondait en Chambre : Il
n'y a pas de projet, il n'y a pas de projet. Aïe! Je ne sais pas où est-ce
qu'il est, le ministre, là, mais, au Québec, du tuyau pour transporter du gaz
naturel, il s'en construit à chaque année depuis des années. Et d'ailleurs,
qu'on pense par exemple à… il y a un projet à Thurso, il y en a eu un autre à
Richmond, il y en a à Montmagny, le Québec a investi plus de 60 millions
de dollars, dans les deux dernières années, pour soutenir l'expansion des
infrastructures de gaz. Alors, je ne sais pas pourquoi le ministre dit ça. C'est
parce qu'il ne veut pas… En fait, il veut avoir raison, là. Mais dans les
faits, là, il s'en construit, il y a des projets, et, plus que ça, on les
soutient financièrement avec notre argent public.
M. Carabin (François) :
Comment vous l'interprétez, la sortie du ministre Julien hier?
Mme Massé : Pourriez-vous…
M. Carabin (François) :
Comment vous l'interprétez, la sortie du ministre Julien hier par rapport à
l'exploration et l'exploitation du gaz… Est-ce que vous sentez un changement de
paradigme au sein du gouvernement Legault?
Mme Massé : Bien, moi, ce que
j'entends, lorsque j'écoute le ministre, c'est... j'entends encore quelqu'un
qui tergiverse. Bien sûr, qu'il est allé défendre sous l'ancienne loi des hydrocarbures... — nous,
on veut la changer, vous comprenez bien — sous l'ancienne loi, il
défend les positions de cette loi-là, puis c'est ce qu'on s'attend d'un gouvernement.
Mais, ceci étant dit, ça ne concerne que les milieux hydriques. Tout le reste
du Québec n'est pas protégé. Et même celui-là, à preuve, on est en cour, il est
mal protégé.
L'État, l'Assemblée nationale a la possibilité
de clairement énoncer... c'est notre souveraineté de l'Assemblée nationale, clairement
énoncer les lois et de l'énoncer dans une perspective d'interdire. Ça fait
partie de notre possibilité, comme Assemblée nationale, et, je vous dirais, ça
fait aussi partie de notre responsabilité, comme pays du Nord, d'agir dès maintenant
pour la réduction des GES.
M. Carabin (François) : ...il
y a toujours un risque si, par exemple, Erin O'Toole était élu lundi prochain, qu'il
y ait des projets de pipeline qui passent sur les…
Mme Massé : Bien, bien sûr, bien
sûr, je pense que M. O'Toole ne s'en cache pas, le Canada est un État
pétrolier, et M. O'Toole veut continuer à être en dehors du défi collectif
qu'on a de diminuer l'utilisation des hydrocarbures.
Alors, c'est sûr que moi, quand je vois la
mollesse avec laquelle le gouvernement de la CAQ actuellement n'est pas prêt à
dire... Tu sais, lorsque le ministre me dit : Bien, vous savez, il n'y a
pas de projet, je ne sais pas pourquoi la députée voudrait faire ça, il n'y a
pas de projet sur la table, mais qu'un petit peu plus tard — bien, hier,
il vous l'a dit ici même — que, dans le fond, on évaluerait selon les
projets, c'est qu'il garde une porte ouverte. Et ça, ce n'est pas responsable
en matière d'urgence climatique dans laquelle nous sommes. Il faut fermer ces
portes-là.
Alors, un plus un égale deux. Quand je
vois le premier ministre qui dit aux Québécois : Vous savez, M. O'Toole,
comme dirait ma mère, c'est un bon parti — mais ce n'était pas pour
les mêmes raisons qu'elle disait ça — donc, quand je vois le premier
ministre qui dit ça, quand je vois le ministre responsable de l'Énergie qui dit :
On va évaluer ça, il n'y a pas de projet sur la table actuellement, mais on va
évaluer ça, c'est sûr que ça m'inquiète.
Mais moi, je pense, et c'est là qu'il faut
que le premier ministre affirme son leadership, s'il veut pouvoir aller au
concert des nations en se pétant les bretelles, c'est qu'il faut mettre un
point final à la question des hydrocarbures et à l'expansion des infrastructures
qui permettent... dans le fond, qui vont, je dirais, cadenasser le développement
de l'énergie... En fait, non, je vais le dire autrement. J'essayais de faire
une belle formule, mais ce n'est pas pour aujourd'hui, pas pour maintenant.
Donc : faire en sorte que, si on développe des nouvelles infrastructures,
bien, ça va rendre disponibles les hydrocarbures, et donc ça va être plus long
avant de nous détacher collectivement de notre dépendance aux hydrocarbures.
C'est épeurant.
M. Carabin (François) : Il y
a eu quelques tournants, si on veut, cet été, sur le plan environnemental, bon :
le projet de GNL; là, récemment, on vient d'apprendre pour Péribonka qu'il y a
une conclusion qui… la conclusion que vous favorisiez finalement. Hier, on
ouvre la porte à la fin de l'exploration gazière. Est-ce que c'est le nouveau
visage de la CAQ?
Mme Massé : Bien, c'est parce
que ce que la CAQ va devoir faire, c'est de passer de la parole aux gestes.
Pour moi, d'entendre que Péribonka va être protégée, comme aire protégée, mais
qu'il n'y aura pas de coupe pour un an, hein, le ministre des Forestières est
rapidement venu nous dire que c'était juste pour un an, ce n'est pas rassurant.
Quand je vois le ministre de l'Énergie qui vient et qui nous dit :
Inquiétez-vous pas, on pense comme vous autres, on n'a pas… bien, il n'y a pas
de projet, je ne sais pas pourquoi il faudrait légiférer, il n'y a pas de
projet, puis on évaluera ça au cas par cas... Bien, moi, pour moi, la seule
action en matière d'interdiction des hydrocarbures sur le territoire québécois
et des infrastructures comme telles, ce serait que le gouvernement accepte
d'appeler mon projet de loi et qu'on pourrait travailler ensemble pour voir
vraiment jusqu'où ce gouvernement-là est prêt à aller.
Mais, pour le moment, je ne suis pas
rassurée, mais je sens, tu sais, je sens qu'il y a une espèce de volonté, et
ça, bien, entre vous et moi, c'est grâce aux citoyens et citoyennes qui, depuis
des années, se battent pour que le gouvernement du Québec entende raison.
M. Denis (Maxime) : Vous
voyez quoi, comme échéancier?
Mme Massé : Pour le projet de
loi, pour qu'il l'appelle? Pour moi, il devrait l'appeler demain matin. Il y a
une urgence d'agir. On a encore des projets d'infrastructure qui font circuler...
qui vont chercher le gaz de schiste de l'Ouest, le gaz sale, qui les fait
circuler dans la canalisation d'Énergir, et le Québec soutient financièrement
l'expansion de ces canalisations-là, de ces pipelines-là. Ça n'a pas de bon
sens.
D'ailleurs, aujourd'hui même, ce matin
même, le Costa Rica… en fait, les ministres de l'Énergie du Costa Rica et du
Danemark se sont mis ensemble pour faire un appel à tous les États de mettre un
cadenas sur les hydrocarbures, et la coalition s'appelle le BOGA. Et, bien,
c'est pour ça que, ce matin, j'interpellais le ministre en disant : Bien,
pourquoi pas le Québec? On veut être en avant. Il y a des pays… Le Danemark,
là, je pense, c'est le principal producteur européen, et ils ont décidé
d'adopter une loi qui, justement, va les mener, même si c'est la base de leur économie,
dans une éventuelle interdiction d'exploration et d'exploitation.
Alors, ici, au Québec, on n'a jamais été
un État pétrolier, c'est le temps de faire les actions, et ça veut dire adopter
une loi d'interdiction, notre loi anti-pipeline.
M. Carabin (François) :
Rapidement, Mme Massé, comment on se sent de ne pas devoir poser des questions quotidiennement
au premier ministre?
Mme Massé : De ne pas…
M. Carabin (François) : De ne
pas devoir de poser de questions quotidiennement au premier ministre...
Mme Massé : Écoutez, bien,
c'est un changement de place, je veux dire, c'est un grand privilège que j'ai
eu de poser, à chaque jour ou presque, des questions au premier ministre depuis
les deux dernières années et demie. Mais, pour moi, le plus important, honnêtement,
c'est d'avoir des réponses à nos questions. Et, quand je vois comment le premier
ministre réagit à mon co-porte-parole, je me dis : Eh! il y a quelque
chose qui… Tu sais, attaquer quelqu'un comme ça, là, il faut, à quelque part,
que tu te sentes menacé. Et voilà.
Moi, je n'ai pas terminé mon travail, vous
le saviez, je vous l'avais dit. Que je revienne, et j'en suis très fière, sur
la question des hydrocarbures, projet de loi à peu près similaire que j'ai
déposé voilà quatre ans maintenant, ça parle de la constance, de la cohérence
de Québec solidaire, puis ça, ça me rend très, très fière.
M. Carabin (François) : Vous
lui donnez quelle note, pour sa première semaine, à M. Nadeau-Dubois?
Mme Massé : Sincèrement? Sur
10?
M. Carabin (François) : Sur
10.
Mme Massé : Je lui donne un
10. Il m'impressionne.
La Modératrice
: Merci
beaucoup.
(Fin à 12 h 46)