(Neuf heures trente minutes)
Une voix : …
M. Julien : Pas du tout. Écoutez,
bien, j'ai lu l'article, ce matin, de Denis Lessard. Puis, si vous avez des
questions par rapport à l'exploitation, l'exploration des hydrocarbures, je
suis disposé à y répondre.
Des voix : …
M. Larin (Vincent) :
...ce n'est pas nécessaire d'être ici, si je peux dire. Mais on est en
période... Donc vous avez bien et bien l'intention de mettre un terme à tous
les projets, là, d'exploration et d'exploitation possibles d'hydrocarbures?
M. Julien : Bien, effectivement.
Écoutez, on regarde tout... tout est sur la table actuellement. Vous vous
souviendrez qu'en mars dernier je suis allé en cour, là, passer trois jours parce
qu'il y avait une contestation de la Loi et du règlement sur les hydrocarbures
par Galt.
Essentiellement, il est prévu, à
l'intérieur de la loi et du règlement sous-jacent, qu'en bas de
1 000 mètres d'un milieu hydrique, là, d'une rivière, d'un lac, c'est
interdit de faire de l'exploration ou de l'exploitation d'hydrocarbures. Sauf qu'il
y a un article qui mentionne que, si la démonstration est faite qu'on ne touche
pas l'intégrité et la conservation du milieu, le ministre peut donner l'autorisation.
Et moi, pour moi, ce que j'ai obtenu dans le cas précis ici, c'est au-dessus de
30 risques qui demeuraient malgré tout sur le milieu hydrique, et j'ai
pris la décision de ne pas donner l'autorisation. Et c'est la contestation en
réalité de la loi qu'on a et du règlement. C'est une loi qui est robuste, le règlement,
il est fort également. Ça a été adopté en 2018. Et je vais défendre la loi et
le règlement.
Maintenant, le dossier est judiciarisé, il
va y avoir des conclusions certainement au cours de l'année. Et ce que j'ai
demandé aux fonctionnaires du ministère, c'est regarder toutes les possibilités,
dépendant comment va tourner essentiellement ce jugement-là. Et effectivement
la possibilité, l'avenue d'interdire l'exploration et l'exploitation des
hydrocarbures au Québec et des conséquences de ça est actuellement analysée par
mon ministère.
Mme Sioui
(Marie-Michèle) : Vous le mentionnez, là, le dédommagement, c'est un
facteur très, très, très important, là, si vous allez de l'avant. Il y a une
poursuite de 200 millions. Comment vous allez faire pour dédommager les
entreprises? Combien ça va coûter?
M. Julien : Alors, il y a
des pratiques de dédommagement, en fin de compte, sur les montants investis. Alors,
il y a différents scénarios qui sont analysés. On ne prétend pas, aujourd'hui,
qu'il va y avoir des dédommagements. Mais, quand on regarde un risque
réglementaire, c'est-à-dire à partir du moment où est-ce qu'on change une loi
où certains droits ont été donnés, naturellement, il faut évaluer, le cas
échéant, quels pourraient être les dédommagements et d'évaluer, selon
différents critères, à quelle hauteur ça sera. Donc, c'est vraiment des
analyses préliminaires pour dire : Voici tout le terrain de jeu potentiel
à la modification et les impacts que ça pourrait avoir. Et, oui, on envisage
cette possibilité-là.
Mme Sioui
(Marie-Michèle) : Il y a 182 permis actifs, là, en ce moment, là.
C'est une trentaine de milliers de kilomètres carrés, là, si je ne me trompe
pas. On est dans quel genre de montants, là, pour les dédommagements? Ça doit
être gigantesque.
M. Julien : Alors, naturellement,
les dédommagements qui pourraient être évalués, c'est par rapport aux sommes
investies, au travail réalisé le cas échéant. Donc, chaque cas n'est pas un cas
de figure où plusieurs investissements avaient été faits. Je donne l'exemple
d'autres situations, Anticosti, par exemple, qui a eu lieu.
Donc, je réitère, je demande à mon ministère
de bien faire cette analyse-là. On veut aller avec une lampe frontale. Clairement,
là, c'est : Qu'est-ce qui nous attend si on fait ces choix réglementaires
là par rapport à différentes possibilités? Tout est sur la table.
Mme
Sioui (Marie-Michèle) : …ils ne vont pas faire valoir combien ils ont
payé pour un peigne, là.
M. Julien : Bien, ça sera
exactement, en fin de compte, le genre de discussion qu'on aura et ça pourrait
être judiciarisé, le cas échéant. Mais pour nous, le potentiel, ce n'est pas ce
qu'on a vu dans le passé.
M. Chouinard (Tommy) : Mais,
pour bien comprendre, est-ce qu'il y aura dédommagement pour un détenteur de claim
de permis qui n'a fait aucun travail d'exploration?
M. Julien : Alors, à l'heure
actuelle, la question que vous me posez est intéressante, ce que je demande au
ministère, c'est différents scénarios, différentes analyses avec les
évaluations potentielles de coût du risque réglementaire. Donc, ce cas de
figure là spécifique, on le regarde actuellement puis on n'a pas de conclusion.
Mais tout est sur la table, je vous le dis, là. Actuellement, on a une cause
qui est judiciarisée, on attend les conclusions du jugement pour justement,
après ça, prendre des décisions dépendant de la nature du jugement, et ça
pourrait aller jusqu'à interdire potentiellement l'exploitation et
l'exploration du gaz.
M. Chouinard (Tommy) : Mais
le coût, donc, lié à ces dédommagements-là, vous estimez que c'est justifié,
pour les Québécois, de défrayer pour ça au nom de la lutte aux changements
climatiques, le virage vert?
M. Julien : Pour l'instant, je
ne justifie pas le coût ou la justification du coût. Parce que, dans les
scénarios qui sont analysés par mon ministère, par les juristes de mon ministère
également, c'est de dire : Voici, vous pourrez avoir, sans compensation,
avec différents niveaux de compensation, les risques juridiques de ces choix-là
et les impacts que ça aurait. Donc, quand on aura tout le terrain de jeux, on
prendra la décision la plus éclairée avec tous les avis du ministère et des
affaires juridiques.
Mme
Sioui (Marie-Michèle) : Pour la restauration des sites d'exploration,
c'est quoi, votre vision là-dessus? Qui va payer pour ça?
M. Julien : Habituellement, la
restauration des sites, elles sont à la charge, naturellement, du promoteur. On
a eu certains sites orphelins qui sont à la charge du MERN, mais c'est déjà
prévu que la restauration des sites d'exploration sont à la charge du
promoteur. Et, pour ceux qui sont existants, là, les mesures sont prises pour
qu'ils les restaurent avec les moyens appropriés.
Mme
Sioui (Marie-Michèle) : Qu'est-ce qu'on fait avec les puits, quand il
est fermé temporairement puis qu'ils appartiennent encore aux entreprises?
J'imagine que vous y aviez pensé aussi.
M. Julien : Bien, certainement
qu'on y pense. On fait un suivi annuel avec un taux de réalisation de fermeture
des puits. Puis actuellement il n'y a pas d'enjeu ni de risque lié aux puits
non fermés.
M. Larin (Vincent) :
…qu'est-ce qu'on envoie comme message aux investisseurs, aux gens du domaine du
gaz, que le Québec considère de… C'est des opportunités d'investissements qui
disparaîtraient, là.
M. Julien : Bien, il faut
faire attention, depuis l'adoption de la loi et du règlement, en 2018, il n'y a
eu aucune demande de licence ni en exploration ni en exploitation. Donc, depuis
les trois dernières années, là, un peu plus de trois ans, aucune nouvelle
demande. Parce que la loi et le règlement qu'on a devant nous est très robuste,
en termes d'exigence, à la fois pour la protection du milieu hydrique, les lacs
et les rivières, la fracturation, etc. Donc là, actuellement, il n'y a pas
d'appétit.
Quand je travaille avec mon collègue Benoit
Charrette, puisque je suis responsable de la transition énergétique au Québec,
on dit qu'en 2035 il n'y aura plus de véhicules à essence qui vont être vendus,
on va avoir 1 million de véhicules électriques en 2030, on veut être
carboneutres en 2050, on voit bien que l'avenir, au Québec, n'est certainement
pas, à moyen terme, sur l'exploitation du gaz et de l'huile. Alors, pour nous,
quel message on envoie, c'est un message qui est conséquent avec la réalité
2021.
M. Larin (Vincent) : Dans ce
cas-là, pourquoi…
M. Lavallée (Hugo) : ...
M. Larin (Vincent) : Hugo, juste
une petite précision. S'il n'y en a pas, de projet, pourquoi interdire
l'exploitation, l'exploration d'hydrocarbures?
M. Julien : C'est-à-dire, il
n'y a pas de nouvelle demande, mais, avant l'adoption de la loi, il y avait déjà
des permis et des licences qui avaient été octroyés qui, actuellement,
comptaient, judiciairement, la loi de 2018 et le règlement de 2018. Je réitère :
dépendant de la conclusion du juge, quand il va donner sa décision, à la
lumière de cette décision-là, on va voir quelle décision on doit prendre pour
la suite des choses. Si cette décision-là est à l'effet que la loi et le règlement
n'est pas bien adapté, on va devoir réagir. Donc, on se prémunit actuellement
par des analyses concrètes. Et ce qui est sorti hier, c'est vrai, on regarde
tous les scénarios, tout est sur la table, dont interdire l'exploitation et
l'exploration gazières.
M. Lavallée (Hugo) : …pour
vous, dans ce cas-ci, c'est qu'il y a comme une crainte par rapport à la loi
actuelle, c'est ça, qu'elle ne soit peut-être pas… justement, que le résultat
judiciaire ne soit pas celui que vous escomptiez? C'est ça un peu qui vous
amène à être… Parce que ce n'est pas le fait qu'il y ait des demandes de permis.
Vous le dites vous-même, il n'y en a pas eu.
M. Julien : Définitivement, en
réalité, qu'on pense que notre défense est la bonne, sinon on n'y serait pas
allé. On pense qu'on va gagner parce qu'il y a le mérite de ce qu'on a plaidé
sur le risque résiduel. Mais, à terme, on voit bien qu'elle est contestée.
Donc, ce ne serait pas responsable d'attendre le jugement et les conclusions du
jugement pour réagir. Je pense qu'on doit analyser la situation dans son
ensemble, avec les données qu'on, a pour dire, le jour du jugement, dépendant
la nature du jugement, quelle est notre action qu'on pose, le cas échéant.
M. Lavallée (Hugo) : …de
positionner le Québec politiquement, d'envoyer un message, est-ce qu'il y a un
peu de ça aussi par rapport aux entreprises?
M. Julien : Bien, je pense que
la notion d'acceptabilité sociale, la notion, en fin de compte, d'exploitation
d'énergie fossile, au Québec... On a encore 55 % de notre énergie, plus de
50 % de notre énergie qui vient d'énergie fossile. Donc, oui, on en a
encore besoin au Québec. Mais clairement on va être, excusez-moi le terme, en
«phasing out», avec les ambitions qu'on a de transition énergétique. Alors,
effectivement qu'on ne le regarde, aujourd'hui, pas avec les mêmes yeux qu'il y
a 10 ans, ni de ceux d'il y a 20 ans. Et, dans cinq ans, on va avoir un regard
aussi qui va être différent. Mais clairement l'énergie fossile, au Québec, on
veut s'en départir le plus possible, on veut être carboneutre en 2050. Donc,
oui, il faut réfléchir à des gestes qu'on va poser à cet égard-là.
Mme
Sioui (Marie-Michèle) : Mais, même à plus court terme, là, il y a quelques
mois à peine, le ministre Charette nous disait qu'il avait eu un préjugé favorable
pour GNL Québec. Comment s'est opéré ce changement-là? On est passé d'un
extrême à l'autre, là.
M. Julien : Non, mais GNL Québec,
si on veut y aller, on avait un préjugé favorable par rapport à des critères
qui avaient été mentionnés par le promoteur. Il y avait trois critères, essentiellement,
il y avait, en réalité, l'acceptabilité sociale, participer activement à la
transition énergétique au Québec et réduction nette des GES. Il n'y a pas eu de
démonstration à cet effet-là. Donc, on peut avoir un préjugé favorable par
rapport à une intention qui est nommée, mais, à la force du rapport du BAPE et
de l'analyse subséquente, on n'a pas été en mesure de démontrer que ces
critères-là étaient rencontrés. Donc, entre un préjugé favorable et la
démonstration claire, il y avait un pas. C'est ce qui a fait que GNL ne se
poursuit pas.
M. Lavallée (Hugo) :
Concernant l'interdiction potentielle de tout projet d'oléoduc ou de gazoduc,
est-ce que, ça aussi, ça fait partie de votre réflexion, là? Je le sais que...
M. Julien : C'est également
sur la table, naturellement. Je réitère qu'actuellement, au Québec, c'est plus
de 50 %, je dirais même 55 % d'énergie fossile. Donc, on doit avoir
une voie d'amenée pour l'énergie fossile. Alors, je vous dirais, entre choisir
camion, bateau ou pipeline, je serais prudent de dire que le pipeline n'est pas
la meilleure façon de faire. Mais actuellement, en rajouter, au Québec... Il
n'y a aucun projet qui existe. En tout cas, moi, je n'en suis pas au courant
puis je devrais l'être, s'il y en avait, alors... Mais c'est quand même sur la
table, dans l'analyse, puisque la Loi sur les hydrocarbures, c'est elle également
qui régit la présence de nouveaux pipelines au Québec.
M. Chouinard (Tommy) :
...déposé cet automne, donc?
M. Julien : Ah! encore là, je
réitère qu'actuellement tout ce qu'on fait, c'est d'analyser les différents scénarios
pour voir si on doit, en fin de compte, modifier la loi. Je vous le dis que c'est
sur la table, actuellement, puis qu'on a certaines intentions d'aller vers là. Mais
on va quand même entendre le jugement par rapport à la cause qui a été entendue
en mars dernier, qui va nous éclairer sur les gestes qu'on souhaitera poser par
la suite.
M. Bossé (Olivier) : Est-ce
que vous recommandez aux gens de Charlesbourg de voter pour Pierre Paul-Hus?
M. Julien : Pierre Paul-Hus?
Bien, je recommande aux gens de Charlesbourg, en fin de compte, de voter selon
leurs intentions propres à eux. Mais je réitère quand même que l'analyse qu'en
fait mon patron, M. le premier ministre, M. Legault, j'y adhère fortement. Il y
a trois partis qui ne sont pas nationalistes, qui veulent empiéter clairement
dans les champs de compétence du Québec, et. moi aussi, ça m'interpelle
fortement.
Mme
Sioui (Marie-Michèle) : Mais qu'est-ce que vous pensez de la vision
environnementale du Parti conservateur?
M. Julien : Encore là, on est
premiers, au Québec, puis on a nos compétences propres, là, 61 milliards
qu'on veut investir, 6 point quelques milliards à l'intérieur du PEV. On est premiers
puis on s'attend à ce que le gouvernement fédéral nous appuie également dans
cette transition énergétique. Maintenant, de venir faire le procès spécifique
de chacun des programmes... Nous, on a nos compétences, on va travailler très
fort puis on va s'attendre à ce que le fédéral contribue avec nous dans la
réduction des GES, dans la transition énergétique, dans l'électrification des
transports. Alors, je laisse, en fin de compte, les Québécois et les
Québécoises analyser chacun des programmes des partis par rapport à
l'environnement.
Mme
Sioui (Marie-Michèle) : …serait prêt à faire passer un oléoduc au
Québec, êtes-vous d'accord avec ça?
M. Julien : Alors, encore là,
il n'y a pas de projet sur la table. Quand le projet arrivera, on regardera le
besoin. Il y a la Régie de l'énergie qui doit passer dessus, le ministère de
l'Environnement, et moi, comme ministre, peux donner l'autorisation. Mais il
n'y en a pas, de projet sur la table.
M. Chouinard (Tommy) : Est-ce
que ça vous inquiète, l'intention d'Erin O'Toole, s'il devient premier
ministre, de revoir le programme de péréquation, qui, selon les provinces de
l'Ouest, Terre-Neuve également, finalement, désavantage ces provinces-là? Le
Parti conservateur, donc, adhère à ces arguments-là en disant que la
fluctuation du prix des ressources naturelles, ça vient contrebalancer toute
l'affaire, il faut revoir ça, il y a des milliards de compensations à donner
pour toutes ces années de désavantages. Est-ce que ce point-là vous faire dire
que, oups! pour le Québec, il y a là un risque?
M. Julien : Bien honnêtement,
je ne suis pas au courant de cette affirmation-là donc je ne m'étendrai pas sur
celle-ci. Juste la notion de péréquation, c'est une notion hypercomplexe. Et je
n'ai pas entendu ça, donc je ne pourrai pas prendre acte de ce que vous me
demandez puis prendre une position là-dessus.
M. Lavallée (Hugo) :
…justement, votre collègue, M. Fitzgibbon, lui, a déjà annoncé qu'il
allait se représenter l'année prochaine. Vous, est-ce que vous avez pris une
décision par rapport aux gens de Charlesbourg?
M. Julien : Écoutez, j'adore
mon travail et j'ai beaucoup de plaisir à le faire. Eh! merci tout le monde.
(Fin à 09 h 44)