(Quatorze heures)
Mme Ghazal : Donc, vous
comprendrez que je suis encore en train d'analyser le projet de loi de 200
pages, qui modifie plusieurs lois au Québec. Donc, ça va être juste des
remarques préliminaires, là, des commentaires généraux que je vais faire, parce
que le diable est dans les détails.
À première vue, il y a des éléments, quand
même, qui sont intéressants, notamment une demande historique des groupes en
francisation et de Québec solidaire sur le guichet unique, où les gens n'auront
pas à se garrocher un peu partout. Il y a un seul endroit pour qu'ils puissent
avoir de la francisation, donc ça, c'est quelque chose d'intéressant. Création
d'un ministère pour la langue française, donc d'un ministre, et aussi le
commissaire. Donc, ça, ce sont des mesures intéressantes.
Il y a par contre d'autres mesures, qui
nous paraissent essentielles pour la protection de la langue française, qui ne
se trouvent pas, à première lecture, dans le projet de loi et qui étaient dans
le livre orange de Québec solidaire, notamment d'appliquer le processus de
francisation de la loi 101 pour les entreprises de 10 employés et plus. Là, il
descend un peu jusqu'à 25, mais il ne va pas jusqu'au bout à 10 employés et
plus. Donc, il y a beaucoup d'entreprises qui seront dans l'angle mort de la
loi 101. Le fait d'interdire la connaissance de l'anglais, que ça soit justifié
par l'employeur, que ça soit écrit dans les offres d'emploi, ça, ça n'est pas
renforcé. Toute la question de la francisation en entreprise est importante. Puis
il y avait aussi une mesure, qu'on avait dans notre livre orange, qui ne s'y
trouve pas, c'est de bonifier la loi du 1 % sur la formation de la
main-d'oeuvre pour ajouter un élément de francisation, pour que les
entreprises, aussi, fassent leur effort dans la francisation.
Je veux dire un mot sur la disposition de
dérogation, communément appelée la clause dérogatoire. Écoutez, j'ai cherché,
j'ai cherché dans des articles qui justifient l'utilisation de la clause
dérogatoire et je n'en trouve pas jusqu'à maintenant. Il y en a peut-être, mais
on ne les voit pas. Moi, ce que j'ai l'impression, c'est que le gouvernement a
décidé d'utiliser la clause dérogatoire pour… comme une stratégie de
communication pour dire : Bien, moi, je bombe le torse puis j'y vais fort
pour protéger la langue française. Est-ce que c'est vraiment justifié? Sur quel
article, sur quelle disposition qui le justifie? Ça, ce n'est pas clair. Moi,
je vois derrière ça une stratégie de communication pour dire que nous, on est
plus catholiques que le pape, puis il n'y a personne comme nous qui défend
mieux la langue française.
J'ai écouté le premier ministre et Simon
Jolin-Barrette en point de presse, et ils ont utilisé le mot d'ouverture ou
d'inclure, d'inclure les gens, de rassembler autour de la langue française. Ça
a été répété à quelques reprises. C'est bien de le dire, mais il faut aussi le
faire. Moi, ces commentaires sur Émile Bilodeau étaient tout à fait déplacés,
de dire qu'il y a une personne… d'exclure une personne parce qu'elle est contre
un projet de loi du gouvernement, un projet de loi divise, ce qui n'est pas le
cas, pour le moment en tout cas, pour le projet de loi de langue française, qui
est le projet de loi n° 21, je trouve ça déplacé. Et il devrait même
offrir ses excuses pour M. Émile Bilodeau, un artiste très, très reconnu
au Québec. S'il veut rassembler, il devrait peut-être commencer par changer
d'attitude, et M. Jolin-Barrette et M. Legault.
Alors, dans les prochaines semaines, moi,
je suis prête à de la collaboration, à travailler en collaboration avec le
gouvernement. On a fait des propositions, on va avoir des débats, des
discussions. Puis aussi, ça va me donner le temps... en fait, je vais prendre
le temps, avec mon équipe, de bien, bien analyser le projet de loi pour voir
s'il y a d'autres éléments qui nous auraient échappé pour le moment. Merci. Si
vous avez des questions...
La Modératrice
: Merci.
On va prendre vos questions.
Mme Côté (Claudie) : Vous
aviez mentionné qu'une des priorités, pour Québec solidaire, c'était entre
autres de s'attaquer au problème du français au travail. Est-ce que, selon
vous, là, à la lecture préliminaire que vous avez faite du projet de loi, on
s'y attaque assez, assez pour freiner le recul ou renverser la tendance?
Mme Ghazal : Pas assez. C'était
ça que je mentionnais aussi. Il y a beaucoup de mesures. On n'a pas
l'impression qu'ils demandent suffisamment aux entreprises de faire leur
effort. Notamment, l'interdiction de la connaissance de l'anglais, qui est
systématique maintenant, alors que ce n'est pas nécessaire. Je n'en ai pas
trouvé encore en ce moment. Qu'est-ce que les entreprises doivent faire en
matière de francisation, c'est encore des mesures volontaires. Je veux dire, on
facilite ça, avec le guichet unique, ça devient plus facile. Il y a des
programmes... moi, j'ai parlé avec des entrepreneurs qui disent qu'il y a des
programmes, des fois, qui existent, puis on n'est même pas au courant. Des fois
aussi, il faut valoriser aussi, il faut expliquer aux entreprises pourquoi c'est
important qu'ils offrent ça, la francisation.
Mais il y a une mesure que moi, je vous
amenais, qui est la loi du 1 % de la formation de la main-d'oeuvre. C'est
presque obligatoire de faire de la formation de la main-d'oeuvre, sinon
l'argent va aller dans un pot du gouvernement. Donc, c'est obligatoire, c'est
beaucoup plus bénéfique pour l'entreprise, de faire de la formation. Bien, il
faudrait que ça soit la même chose aussi pour la francisation, il faudrait que
ça soit obligatoire ou presque. Parce qu'il y a beaucoup d'entreprises, et il
peut y avoir des programmes, mais elles ne vont pas les utiliser, elles ne
voient pas l'avantage pour leur entreprise.
M. Lecavalier (Charles) :
Est-ce que vous croyez que le projet de loi qui a été déposé aujourd'hui va
permettre d'arriver, là, au barème de 90 % de transferts linguistiques
vers le français, là, tel qu'énoncé par Simon Jolin-Barrette?
Mme Ghazal : Ça, c'est trop
tôt, là, pour moi d'analyser ça, puis de l'utiliser, puis après ça de dire si
cet objectif-là va être atteint, dans combien de temps. C'est gros, là, il y a
beaucoup, beaucoup d'éléments qu'on ne voit pas encore, qu'on va découvrir. Je
vais me donner le temps des débats et des discussions. Ça sert quand même à ça
aussi, les études détaillées. C'est long parfois, mais ça sert à quelque chose
de pouvoir débattre puis faire avancer le gouvernement et nous-mêmes dans notre
réflexion.
Mme Gamache (Valérie) : Mais,
quand vous regardez ça, est-ce que vous avez l'impression, du moins, que ça
peut freiner, en quelque sorte, le déclin? Il y a certains de vos collègues de
l'opposition qui ne le pensent pas. Est-ce que ça vient quand même…
Mme Ghazal : Traîner? Je n'ai
pas entendu.
Mme Gamache (Valérie) : ...freiner
le déclin du français, notamment à Montréal?
Mme Ghazal : Par exemple,
l'OQLF. Moi, j'ai proposé qu'il y ait un bureau de l'OQLF uniquement pour
Montréal, qui ne voit que la situation à Montréal. Le ministre en a ouvert un
peu partout, à Drummondville, et tout ça. Ça fait que, ça, c'est une
proposition que je n'ai pas vue, jusqu'à maintenant, donc je ne peux pas dire est-ce
que ça va freiner, qu'est-ce que ça va faire, prédire l'avenir, alors que je
n'ai pas tout le détail puis qu'il vient d'être fraîchement déposé.
M. Lecavalier (Charles) :
Qu'est-ce que vous pensez du principe que l'on puisse déposer une plainte si on
n'est pas servi en français dans un commerce?
Mme Ghazal : Bien, à Québec
solidaire, c'est très important, à Montréal et partout au Québec, que les gens,
les citoyens puissent se faire servir dans la langue officielle du Québec qui
est le français. Donc, le fait qu'il y ait une possibilité pour les gens de porter
plainte, et tout ça, c'est une bonne chose, je veux dire… C'est-à-dire que le
résultat, à la fin, c'est que, quand on rentre dans un commerce, il ne faut
plus que des gens se fassent servir uniquement en anglais. Puis, quand on
demande de faire servir en français, de dire : Bien, allez voir ailleurs ou
quelque chose comme ça, ça, ça, ne devrait plus exister. Donc, il faut donner
des moyens pour les citoyens.
Mais là c'est une mesure individuelle,
quand même. Faire porter le poids de la protection du français dans les
commerces sur les épaules du citoyen, c'est trop, c'est beaucoup. Ça peut
exister pour ceux qui le veulent. Et c'est là que, l'OQLF, les modifications
qui sont faites, ce n'est pas clair en ce moment. C'est qu'est-ce qu'on leur
donne comme pouvoir — il y a des ressources qui ont été mises — comme
ressources. Puis aussi de leur donner le rôle d'accompagnement, de changer la
perception qu'on a, au Québec, de l'OQLF, d'accompagner les entreprises, de
rendre ça plus facile aussi pour elles et qu'elles ne le voient pas comme un
fardeau.
M. Lecavalier (Charles) : …du
commentaire de M. Legault sur Émile Bilodeau. Quel message ça envoie aux
artistes du Québec, vous croyez?
Mme Ghazal : C'est un message
de division que ça envoie.
M. Lecavalier (Charles) :
Est-ce que ça envoie aux artistes l'idée qu'il faut éviter de critiquer
ouvertement le gouvernement?
Mme Ghazal : Ça envoie un
mauvais message dans tous les sens du terme, et moi, je crois sincèrement que
M. Legault devrait s'excuser parce que ça ne commence pas bien ce qu'on
est en train de faire en ce moment. Il y a un consensus social dans la société,
à l'Assemblée nationale pour réformer cette loi. Ça serait bien qu'on le fasse
dans un bel esprit pour... Je veux dire, c'est une opportunité, ce projet de
loi et la langue française, qu'elle nous unisse. C'est plate que
M. Legault gâche cette opportunité-là dès le premier jour.
Mme Gamache (Valérie) : Est-ce
que M. Jolin-Barrette est la bonne personne pour mener, justement, ce
projet de loi là jusqu'au bout avec toute l'ouverture que ça requiert?
Mme Ghazal : Je vais donner la
chance au coureur. Je ne vais pas regarder ce qui s'est passé dans le passé.
Moi, je suis là dans un esprit de collaboration et je souhaite qu'il soit dans
le même esprit que moi.
La Modératrice
: On va
passer en anglais.
Mme Greig
(Kelly) : You've said something interesting in
French about using de notwithstanding clause to show that it's a strong bill
without… I wonder if you could said that in English
about…
Mme Ghazal :
Yes. Just remind me, the…
Mme Greig
(Kelly) : Notwithstanding.
Mme Ghazal :
Notwithstanding, yes. The notwithstanding clause. I know it but… Yes. So, well,
I don't know why the Government decided to choose the notwithstanding clause in
this bill. I tried to see which article or disposal it will be applied to, and
I didn't see it. So, what I understand, that the Government decided to use the
notwithstanding clause as a strategy of communication, to say that we are
strong to protect the French, so that's why we're going to use this tool to
protect the French language. So, it's a strategy of communication.
Mme Greig
(Kelly) : And what do you think… Do you think
the bill is strong enough? We've been hearing all week : It's going to be
strong, watch out, it's coming, it's going to be very… Did it live up to that
expectation?
Mme Ghazal :
Well, it's a lot. There is a lot of articles, a lot of bills that will be
changed. Now, for the result, it's too early for me to make this analysis.
There is a lot of things that we should… in the future weeks, I will study it
very carefully. We will have debates and, after that, we will see what impact
this law… this bill will have.
Mme Greig
(Kelly) : Was there a measure, when you were
reading it, saying : Oh! That's going to make a big difference, that's
going to…
Mme Ghazal :
Well, there is some interesting measures in this bill. For example, for the
francization, like, to give French courses for new immigrants, there's a
«guichet unique», so one place, if anybody, a company, a person, a new
immigrant wants to learn French, it will be easy, there
is only one place where to go. Because, now, it's, like… it's very hard for
people to find out where to go, and now this is simple. It's an historical
demand of Québec solidaire and
some organisms specialized into give French courses.
And also, to have a Ministry of French Language specifically, it's an
interesting proposal.
Mme Greig (Kelly) : Thank you.
La Modératrice
:
Merci.
(Fin à 14 h 12)