(Dix heures quatre minutes)
M. Fontecilla : Bonjour,
MM., Mmes les journalistes. Donc, aujourd'hui, j'aimerais aborder avec vous
deux sujets.
Tout d'abord, ce matin, j'ai... on vient
de finir une réunion d'un comité ministériel avec la ministre de l'Habitation,
Mme Andrée Laforest, où on a discuté avec la ministre et la Régie du
logement et des groupes représentant la société, comme les comités logements,
le FRAPRU, le RCLALQ, ainsi que des groupes représentant les propriétaires. On
a discuté des mesures à prendre afin de corriger une grave incohérence dans le
Code civil qui affecte tout particulièrement les locataires, et cela concerne
les rénovictions.
Donc, c'est un comité qui a été mis en
place suite à une demande, une proposition d'amendement dans le cadre du projet
de loi n° 67 avec... je proposais à la ministre
Laforest. Elle m'a proposé en échange de ne pas voter l'amendement que je
mettais de l'avant afin de corriger l'incohérence dans le Code civil, dans les
procédures pour les évictions par rapport aux reprises de logement, elle m'a
proposé la mise en place d'un comité. Et voilà, c'est la deuxième réunion de ce
comité-là.
Et on a des avancées. La ministre a
profité de notre réunion, et on l'a vu également dans une lettre qu'elle a
publiée ce matin, de nous dire son... de nous affirmer son intention de
corriger cette anomalie-là, qui se fait au détriment des ménages locataires
évincés, qui fait reposer, grosso modo, le fardeau de la preuve de démontrer la
justification d'une éviction pour travaux, alors que ça devrait être sur les
épaules des propriétaires de démontrer que l'éviction pour travaux est
justifiée.
Donc, il y a des avancées, c'est un pas en
avant, mais ce n'est encore que des intentions. La ministre nous a annoncé des
mesures qui seraient annoncées bientôt. On sait que, lorsqu'un gouvernement
annonce des mesures bientôt, le «bientôt» est très élastique, alors que la
situation est urgente. Si la ministre décide d'aller dans un projet de loi
omnibus avec plein d'autres sujets, ça va aller à l'année prochaine, alors
qu'il y a des rénovincés, des ménages qui vont perdre leur logement, qui vont
se retrouver à la rue le 1er juillet prochain, là. Et on n'a pas le temps
d'attendre, soit qu'elle choisit une procédure législative accélérée, soit qu'elle
déclare un moratoire, elle décrète un moratoire pour les rénovictions immédiatement
afin de régler le sort de centaines, voire des milliers de ménages qui sont
menacés d'évincer pour le 1er juillet prochain, là. Donc, ce dossier-là avance,
j'en suis très fier, parce que c'est moi qui a avancé cette question-là, et
c'est la preuve que la pression de Québec solidaire sur la question du
logement, là, fait bouger quand même un certain nombre de choses au sein du gouvernement.
Deuxième élément que je voudrais aborder avec
vous, là, c'est la question de la spéculation immobilière qui fait en sorte
d'augmenter, de façon démesurée, les prix des propriétés un peu partout à
travers le Québec et, évidemment, ça a aussi une incidence sur l'augmentation
des loyers au Québec, là. Donc, ça fait des mois que j'alerte le gouvernement
sur la crise du logement et par tous les moyens possibles, j'ai déposé des projets
de loi, j'ai demandé un mandat d'initiative sur la surchauffe immobilière. J'ai
fait des propositions concrètes afin que ce gouvernement-là agisse. Il y a un
an, j'ai même invité la ministre Laforest à visiter des ménages qui sont
menacés d'éviction dans un quartier comme Parc-Extension, à Montréal, là, où on
retrouve un très grand nombre de familles qui viennent d'arriver au pays.
Mais, cette semaine, on a compris pourquoi
il y a tant de réticence à agir sur ces dossiers-là, ça vient de la tête du
gouvernement, ça vient du premier ministre lui-même qui est complètement
déconnecté et qui démontre un manque d'intérêt sidérant sur la situation des
locataires au Québec, là. Donc, vous l'avez vu, autant que l'ensemble de la
population, le premier ministre du Québec pense que ça existe encore, des
logements à 500 $ à Montréal, je me demande si ça existe des logements à
500 $ ailleurs, au Québec, là. C'est une denrée presque inexistante,
j'attends qu'on me dise qu'est-ce qu'on peut louer pour 500 $ au Québec.
Donc, ce n'est pas étonnant pour le gouvernement actuel, là, et pour le premier
ministre qu'il n'y ait pas de crise du logement alors que tout le monde est
convaincu de cette réalité-là.
Nous, ce qu'on veut, c'est avancer, c'est
de tendre la main au gouvernement, c'est d'avancer des propositions en mesure
de juguler, de refroidir cette surchauffe immobilière. Et ce qu'on aimerait
proposer aujourd'hui, là, très concrètement, c'est une taxe sur la spéculation
immobilière. Concrètement, c'est une taxe sur le gain en capital qui
s'appliquerait aux biens résidentiels revendus moins de cinq ans après l'achat
initial. C'est une taxe qui s'appliquerait spécifiquement aux spéculateurs qui
font ce qu'on appelle le flip immobilier, c'est-à-dire qui achètent pour
revendre, immédiatement, avec un profit substantiel, il va de soi.
Cette taxe-là ne s'appliquerait pas aux
résidences principales, c'est important de le nommer, donc, elle ne toucherait
pas les familles, les petits propriétaires occupants, là, qui composent en très
grosse partie la classe moyenne du Québec. J'entends déjà François Legault et
le gouvernement du Québec nous dire : Bon! Québec solidaire qui s'en vient
avec une nouvelle taxe, là. Vous savez quoi? Il y a quelqu'un d'autre qui
recommande une taxe immobilière pour refroidir le marché, c'est l'économiste
principal de la Banque de Montréal.
Donc, les amis banquiers du gouvernement
disent, affirment qu'une taxe à la spéculation est un excellent moyen pour
calmer les ardeurs du marché immobilier qui s'emballe de ce temps-ci, là. C'est
une des taxes… c'est une mesure, une taxe immobilière à la spéculation, des
plus efficaces pour lutter contre la spéculation immobilière, là, qui a une
incidence directe sur l'emballement du marché, actuellement.
Donc, on n'a plus le temps de tergiverser,
on n'a plus le temps de niaiser, c'est le temps d'agir, pour le gouvernement.
Nous avons mis de l'avant plusieurs initiatives, mais nous croyons que
celle-là, une taxe aux transactions immobilières spéculatives, là, va donner
des résultats très, très rapidement sur la question de la surchauffe
immobilière qui existe actuellement au Québec. Voilà. Merci beaucoup.
La Modératrice
: Merci.
On va prendre les questions.
M. Lavallée (Hugo) : Oui. On
a une lettre, ce matin, donc, de la Corporation des propriétaires d'immeubles
qui accuse certains politiciens de gauche, là, c'est comme ça qu'on les
qualifie, de contribuer à une espèce d'hystérie, là, qui amplifie une crise qui
n'en est pas une. Est-ce que vous contribuez à une hystérie?
M. Fontecilla : Je suppose que
les députés, les politiciens de gauche, c'est nous. Et, c'est moi,
concrètement, parce que c'est moi qui porte le flambeau de la question du
logement depuis quelques mois, voire depuis des années, ici, à Assemblée
nationale, et j'en suis très fier, là. Donc, nous, ce n'est pas Québec
solidaire, ou les méchantes forces de gauche qui créent la crise immobilière,
c'est plutôt les spéculateurs, entre autres, qui créent cette crise-là. Nous,
tout ce que nous faisons, c'est d'affirmer que cette crise-là existe, la mettre
en lumière, mettre en lumière la souffrance, la détresse que cela suscite chez
des milliers de ménages, des personnes, des personnes âgées, des familles
avec des enfants, là, c'est ça que nous faisons, là. C'est notre travail de
parlementaires. C'est le travail que n'importe quelle personne qui a des
principes doit faire, c'est d'alerter sur les conséquences d'une crise qui
existe véritablement.
Les preuves de cette crise-là, c'est la
rareté des logements à louer, les taux d'inoccupation excessivement bas. La
preuve, c'est l'augmentation faramineuse du prix de vente des propriétés. La
preuve, c'est les centaines, voire des milliers de familles qui sont évincées
pour faire des travaux, pour louer les logements plus cher, là. La preuve,
c'est les tentes sur la rue Notre-Dame qui existaient l'été dernier et qui vont
revenir cette année. C'est ça, les preuves qu'il y a une crise du logement, ce
n'est pas Québec solidaire qui les crée, c'est la crise immobilière, là, créée
par, entre autres, par la spéculation immobilière.
M. Lavallée (Hugo) : Bien
justement, la corporation l'a dit, au sujet des rénovictions, il y a des gens
qui, peut-être, effectivement, agissent de mauvaise façon, mais c'est parce
qu'ils sont coincés, ils ne peuvent pas augmenter les loyers alors que les prix
des matériaux de construction ont beaucoup augmenté, il y a des rénovations à
faire. Est-ce que vous avez quelque chose à proposer pour aider les
propriétaires, là, qui sont coincés avec des coûts de construction ou de
rénovation très élevés?
M. Fontecilla : Nous y
travaillons actuellement, nous réfléchissons à des mesures pour aider les
propriétaires à rénover sans porter le coût des rénovations automatiquement sur
les loyers, en seulement quelques années les loyers des locataires. Il y a des
avenues que nous sommes en train d'étudier, là, effectivement, on peut tenter
d'aider. Il y a des programmes d'aide à la rénovation, on pourrait les
améliorer, mais ce qui est certain, là, c'est que… certains porte-parole des
associations de propriétaires avancent beaucoup cela, là, ce n'est pas aux
propriétaires seulement, en quelques années, d'éponger les investissements
faits par les propriétaires. Les propriétaires vont récupérer la mise en
rénovations lors de la vente de leur immeuble. C'est ça, la normalité. Moi, si
je… c'est à la vente de l'immeuble qu'on récupère l'ensemble de la mise qu'on a
faite pendant des années sur un immeuble. Un propriétaire, son obligation
principale, c'est d'entretenir son immeuble, et il va récupérer ses sous à la
vente, non pas en seulement deux, trois, quatre ans, là, sur le dos des
locataires, là. Voilà.
M. Lavallée (Hugo) :
Concernant la crise du logement, donc, justement, est-ce que c'est une crise
qui touche Montréal, parce que, là, la corporation nous dit : À Montréal,
là, c'est mieux que l'année dernière, c'est 4,7 %, c'est mieux que dans
plusieurs autres régions.
M. Fontecilla : 4,7 %,
excusez-moi…
M. Lavallée (Hugo) : …taux
d'inoccupation. Donc, est-ce qu'il y a crise à Montréal, véritablement, alors
que ça va mieux que l'année dernière?
M. Fontecilla : Le taux
d'inoccupation qu'il y a, qui s'est amélioré à Montréal, là, c'est très
spécifique à Montréal. Dans l'ensemble de la province, là, le taux
d'inoccupation est excessivement bas. Dans une ville aussi éloignée que
Rouyn-Noranda, le taux d'inoccupation est à 1,2 %, là, et à Montréal
c'était l'année passée, là, avant la pandémie, c'était des chiffres similaires,
à 1,7 %, là, ce qui est excessivement bas. Ce qui s'est passé, c'est la
pandémie, justement, là. D'une part, la fermeture des frontières, donc des
immigrants ne sont pas arrivés au Québec, qui s'installent en bonne partie à
Montréal, donc ça fait une pression de moins pour la recherche des logements,
et, deuxième élément, les étudiants, étudiantes qui ne fréquentent plus les
établissements postsecondaires à Montréal, les universités locales, McGill,
Université de Montréal, etc., là, et ça fait une pression à la baisse sur le
taux d'inoccupation, là.
Mais c'est une situation momentanée pour
Montréal, là. Dès que la pandémie va finir, dès que les frontières vont
réouvrir, dès que les étudiants, étudiantes vont revenir dans les salles de
classe, on va revenir à des taux d'inoccupation extrêmement bas, comme ça se
vit partout à travers la province.
M. Lavallée (Hugo) : Donc,
il n'y a pas de crise à Montréal, en ce moment, mais ailleurs. C'est ce que...
M. Fontecilla : Il n'y a pas
de crise aujourd'hui, il y a un peu plus d'appartements à louer à Montréal,
mais la crise du logement continue, les loyers continuent à augmenter, les
familles rénovincées continuent à exister, les tentes sur la rue Notre-Dame...
c'est-à-dire, la crise n'est pas réglée, parce qu'il y a un facteur, dans un
territoire, qui s'est amélioré un tant soit peu à Montréal, mais la crise, elle
demeure, là. Elle est là et elle va... et ce chiffre‑là, le taux d'inoccupation
à Montréal va revenir... va redescendre très rapidement une fois la pandémie
finie, là. C'est momentané, cette situation-là.
Journaliste
: Merci.
La Modératrice
: On a
des questions en anglais?
M. Grillo
(Matthew) : You… Good morning. You want
another tax on real estate speculators. Is that correct?
M. Fontecilla :
Yes.
M. Grillo (Matthew) : Can you describe exactly what that would consist of?
M. Fontecilla : It's a tax… Il
me faudrait une traduction. Gain en capital comment on dirait ça, là?
M. Grillo (Matthew) : Capital
gains?
M. Fontecilla :
It's a tax on capital gains... Excusez-moi, là, je ne suis pas en mesure
de...
M. Grillo (Matthew) : C'est
correct. Ça fait que c'est une taxe sur... Bien, il y a déjà la taxe de gains
en capital, n'est-ce pas?
M. Fontecilla : Il y a une
taxe sur les gains en capital à 50 % sur les revenus que vous recevez, que
ça vienne de votre salaire, que ça vienne des actions... les gains que vous
avez faits sur des actions, sur n'importe quel revenu. Mais nous, on demande
une taxe spécifique sur les gains... sur la vente de la maison. Si vous avez
vendu votre maison… vous avez vendu votre maison, vous avez fait un profit de
100 000 $, nous, on propose… si vous la vendez un mois après, nous
demandons à ce qu'il y ait une taxe de 60 % sur votre profit de
100 000 $ donc, 60 000 $ de taxes. Si vous la vendez… à
chaque mois, cette taxe-là, elle est dégressive, elle décroît de 1 %, là,
et au bout de cinq ans, cette taxe-là sera rendue à zéro. C'est pour justement
empêcher que les acheteurs revendent leur propriété à l'intérieur de
cinq ans.
M. Grillo (Matthew) : Mais si
c'est une maison principale…
M. Fontecilla : Exemptée. On
ne touche pas aux résidences principales.
M. Grillo (Matthew) : Ça fait
que c'est juste des investissements, en fait.
M. Fontecilla : C'est juste
pour les immeubles que vous avez en plus de votre résidence principale.
M. Grillo
(Matthew) : Maybe you could just explain a
little bit in English how difficult the situation is in terms of the housing
crisis in Montréal and across
the province?
M. Fontecilla : Si j'avais du
vocabulaire, je vous le dirais, là, mais je ne l'ai pas devant moi, là.
M. Grillo (Matthew) : C'est
correct. Comment est-ce que tu penses cette taxe-là va aider la situation?
M. Fontecilla : Ça va faire en
sorte d'éliminer et de décourager fortement le flip immobilier donc, le fait
d'acheter des immeubles pour les revendre très rapidement avec un profit, et
cette activité immobilière qui n'apporte absolument rien à la société, sauf de
l'argent dans les poches des spéculateurs, là. Cette activité… restreindre
cette activité-là va faire en sorte que les prix ne vont pas monter aussi
rapidement.
M. Grillo (Matthew) : Ça fait
qu'en gros, pour les cinq premières années, ça serait une taxe gain-capital qui
est plus élevée, c'est-u ça?
M. Fontecilla : Oui,
dégressive. Ça commence à 60 %, à chaque mois, on réduit de 1 %. En
cinq ans, il y a 60 mois, donc à chaque mois, on fait décroître cette
taxe-là pour arriver à zéro. Et c'est un signal, enfin, très concret qu'on
envoie aux spéculateurs, entre guillemets, aux investisseurs, en leur disant
que si vous faites des activités… si vous revendez rapidement la propriété,
vous allez payer beaucoup, beaucoup d'argent au fisc.
M. Grillo (Matthew) : Donc,
après cinq ans, ça devient la règle normale pour le…
M. Fontecilla : Voilà.
M. Grillo (Matthew) : O.K.
Qu'est-ce que vous dites aux propriétaires… aux petits propriétaires qui ont un
duplex, un triplex? Les coûts de rénovations qui montent, mais les prix aussi.
Ça fait que s'ils achètent quelque chose très cher puis ils veulent rénover,
mais il y a des locataires qui habitent encore, ce n'est pas une situation
facile à gérer…
M. Fontecilla : …ce n'est pas
facile. Il est envisageable, nous étudions la question en ce moment, là,
d'offrir des programmes de subventions pour aider les propriétaires à rénover.
Et ce qui est certain, c'est que, pour nous, les rénovations qui doivent être
faites, c'est le devoir du propriétaire d'entretenir son actif, là. Et, donc,
pour aider les propriétaires à assumer ces dépenses-là. Par exemple, j'ai un
bungalow, je n'ai pas de locataires, il faut refaire mon toit, ça va me coûter
15 000 $, 20 000 $. Sur qui je peux reporter ça? Sur personne?
C'est moi-même qui va l'assumer, là. Donc, et c'est la récupération de ces
montants-là, se fait normalement à la vente de l'immeuble.
M. Grillo (Matthew) : Et pas
sur le dos des locataires?
M. Fontecilla : Et pas sur le
dos des locataires, en seulement quelques années, là, parce que c'est sûr
qu'ils réclament, certains représentants du lobby des propriétaires, c'est
seulement en quelques années récupéré par les loyers, l'investissement
effectué. L'investissement, en soi, c'est un investissement à long terme, et
les rénovations sont faites aussi sur le long terme.
M. Grillo (Matthew) : Merci
beaucoup.
M. Fontecilla : Merci.
(Fin à 10 h 22)