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Conférence de presse de M. Simon Jolin-Barrette, ministre de la Justice

Version finale

Thursday, December 10, 2020, 12 h 30

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Douze heures trente-quatre minutes)

Le Modérateur : Bienvenue à cette conférence de presse du ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, accompagné de Patrick-Thierry Grenier, qui est sous-ministre associé, orientation accès à la justice et performance, au ministère de la Justice. À vous, messieurs.

M. Jolin-Barrette : Bonjour, tout le monde. Je suis accompagné effectivement de Me Patrick-Thierry Grenier, qui est sous-ministre associé au ministère de la Justice.

Et aujourd'hui c'est avec une immense fierté, après plusieurs mois de travail et de consultations, que je me présente devant vous afin d'annoncer que le gouvernement a déposé ce matin à l'Assemblée nationale un projet de loi majeur visant à réformer les services d'aide et d'indemnisation offerts aux personnes… d'infraction criminelle.

Au cours des dernières années, des derniers mois, nous avons tous été émus et choqués par les nombreuses histoires bouleversantes. Ces événements vécus par des personnes victimes d'infractions criminelles reflètent bien tristement les nombreuses lacunes du système de l'IVAC. Nous ne pouvons plus tolérer que de telles situations se perpétuent. Nous devons agir, et cette action doit être guidée par un profond sentiment de solidarité et de compassion.

Le régime actuel de l'IVAC, qui, rappelons-le, n'a pas été réformé en profondeur depuis sa création, en 1972, ne permet pas de répondre aux besoins des personnes victimes, en plus de ne pas être adapté aux nouvelles réalités qu'elles peuvent vivre. Ces constats, notre gouvernement n'est pas le premier à les faire. Plusieurs autres avant nous, depuis plus de 25 ans, ont tenté en vain de remédier aux insuffisances de l'IVAC. Le plus récent projet de réforme majeure remonte d'ailleurs à 1993, mais il n'est jamais entré en vigueur.

Très tôt, notre gouvernement s'est montré déterminé à effectuer enfin les changements qui s'imposent et que nous réclamions déjà dans l'opposition. Nous nous étions engagés formellement à ce qu'une réforme de l'IVAC soit réalisée au cours de notre mandat, et ce que nous promettons, nous le livrons. Vous en avez la preuve aujourd'hui.

Déjà, l'an dernier, un montant de 87 millions de dollars sur cinq ans avait été octroyé pour procéder à la réforme. Au cours des derniers mois, pour s'assurer que le projet de réforme réponde aux besoins des personnes victimes et qu'il soit conforme à nos engagements, nous avons décidé d'augmenter ce budget. Ainsi, le montant a plus que doublé, et c'est une somme de 193 millions de dollars sur cinq ans qui sera investie pour la réforme de l'IVAC.

Nous pouvons aujourd'hui nous réjouir de franchir un pas important vers un soutien plus adéquat, plus cohérent et plus équitable des personnes victimes. La nécessité de cette réforme en profondeur, très attendue par les personnes victimes, par les organismes partenaires ainsi que par la population québécoise, n'est plus à démontrer.

La Loi sur l'IVAC devrait permettre aux personnes victimes de s'engager sur la voie de la guérison, mais, trop souvent, elle leur a fait plutôt subir une autre douloureuse épreuve. Quel message envoie-t-on à un proche endeuillé, à une Québécoise ou à un Québécois agressé à l'étranger, à un individu victime d'exploitation sexuelle, victime de menaces de mort ou de harcèlement, quand l'État s'oppose à les reconnaître comme des victimes? Il est primordial de rectifier cette injustice pour l'avenir, car, aussi simple soit ce geste de reconnaissance, il est fondamental dans le processus de guérison des personnes victimes.

La liste des crimes admissibles, qui n'a pratiquement pas évolué depuis 1972, sera donc abolie afin que tous les crimes contre la personne puissent être indemnisables. La réforme que nous déposons aujourd'hui favorisera une conception plus humaine de l'indemnisation, orientée vers cet objectif de guérison et fondée sur l'idée d'accompagnement. Les personnes victimes doivent pouvoir compter sur l'aide nécessaire afin de reprendre le cours de leur vie, si possible... lorsque possible.

Cette aide doit être immédiate et, en cas d'urgence, elle doit permettre aux victimes de subvenir à leurs besoins de base, que les blessures soient physiques ou psychologiques. Nous devons favoriser leur réadaptation, leur réinsertion sociale et professionnelle. Nous devons faciliter leur rétablissement.

Il nous faudra aussi élargir l'accès à l'indemnisation pour le traitement post-traumatique et le suivi psychologique. Nous souhaitons envoyer un message clair aux familles et aux proches des victimes d'actes criminels : Le gouvernement du Québec vous voit, le gouvernement du Québec vous entend. Non seulement l'aide psychologique sera plus accessible, mais le soutien de l'IVAC sera renforcé afin que d'autres soins psychothérapeutiques soient également remboursés.

Notre gouvernement est déterminé à améliorer le sort des personnes victimes, une volonté que nous partageons, j'en suis sûr, avec les différents partis d'opposition. Je les invite donc à travailler avec nous afin de le faire cheminer rapidement. Combien d'histoires tragiques pourrons-nous éviter si nous nous entendons rapidement? Les personnes victimes ont assez attendu.

La Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels est parfois un régime injuste, très dur pour ceux et celles qui ne cadrent pas dans la définition stricte et étroite de victime. Aujourd'hui, je veux saluer le courage de tous les survivants et toutes les survivantes qui se battent depuis plus de 30 ans pour un IVAC plus humain. Votre combat n'a pas été vain, et c'est en raison de votre force et de votre ténacité que l'État québécois amorce aujourd'hui une transformation de son approche vis-à-vis des personnes victimes.

Je vais vous présenter maintenant les différents changements qu'il y a. Vous pourrez les voir sur le téléviseur qui nous accompagne juste ici, au niveau de l'indemnisation des victimes d'actes criminels.

Donc, dans un premier temps, le régime actuel du service d'aide et d'indemnisation. Actuellement, il y avait deux lois qui existaient, une sur l'indemnisation, la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, et une autre loi, sur l'aide à apporter aux victimes d'actes criminels. La définition des victimes n'était pas la même. Dans la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, c'était une définition qui était assez stricte et qui n'était pas aussi large que dans celle sur l'aide aux victimes d'actes criminels. Et, en 2019‑2020 on a consacré 155 millions de dollars à l'indemnisation et 126 millions au niveau de l'aide, pour un total de 281 millions.

Au niveau de l'historique des projets de réforme, la loi a été adoptée, la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, en 1972. En 1993, le Parti libéral avait adopté un projet de loi, mais il n'est jamais rentré en vigueur. En raison des difficultés et des contraintes budgétaires, le gouvernement libéral n'avait pas mis l'argent. Ensuite, en 2006 et en 2013, il y a eu des projets de réforme mineurs. Quelques ajustements ont été apportés à la loi sur l'indemnisation, mais rien qui ne permettait de répondre globalement aux demandes des victimes et des différents groupes.

Alors, avec l'objectif de la réforme que nous proposons aujourd'hui, ça cadre sur trois éléments, le premier, favoriser le rétablissement des personnes victimes afin qu'elles puissent disposer du soutien nécessaire pour reprendre le cours de leur vie. Donc, on veut s'assurer que le régime, maintenant, d'indemnisation des victimes d'actes criminels donne tous les outils aux personnes victimes pour retrouver leur vie pour faire en sorte de les amener et de les accompagner à ce que cette blessure-là qui est la leur, dont elles ont été victimes, ne fasse pas en sorte qu'elles ne puissent pas retrouver le cours normal de leur vie.

On veut également offrir de l'aide de façon cohérente et équitable, chercher à ce que toute personne victime ait accès aux services dont elle a besoin. Donc, on va élargir les services offerts aux personnes victimes d'une infraction criminelle et on va également offrir des services accessibles et efficients, de faire en sorte que des services de qualité soient offerts rapidement.

Dès le début de la dénonciation, dès le moment où la personne va s'adresser à l'IVAC, on veut que les premiers services lui soient donnés et que les services lui soient donnés rapidement, notamment en matière de soutien psychologique. Et on intègre également un programme d'aide d'urgence pour faire en sorte qu'une personne qui se retrouverait dans une situation de dangerosité, de difficulté pour sa sécurité, elle puisse, dès le départ, avoir un programme temporaire d'urgence qui va pouvoir l'aider, notamment en matière de violence conjugale.

Au niveau de la définition de victime, nous élargissons la notion de victime. On est passé d'une interprétation restrictive au niveau de la définition de victime à une interprétation qui dira que toute personne physique qui, en raison de la perpétration d'une infraction criminelle, subit une atteinte à son intégrité ou une perte matérielle… que l'auteur de cette infraction ou non… identifiée, arrêtée, poursuivie ou déclarée coupable.

Donc, lorsqu'une personne est victime d'une infraction criminelle, ses parents, ses enfants et ses proches sont eux aussi victimes du crime perpétré, ce qui signifie qu'on a une interprétation maintenant beaucoup plus large parce que, lorsqu'on a une personne qui est victime, c'est l'ensemble du noyau familial qui est victime de l'infraction criminelle. Donc, les personnes qui accompagnent, qui sont dans l'entourage de la personne victime de l'infraction elle-même, elles aussi, seront considérées désormais comme des victimes d'une infraction criminelle.

L'autre élément majeur de la réforme concerne l'admissibilité. Une des grandes critiques qu'il y avait par rapport au régime de l'IVAC était le fait qu'il y avait seulement une liste fermée, qui avait environ une quarantaine d'infractions criminelles qui étaient indemnisables. Désormais, tous les crimes contre la personne seront couverts, ce qui signifie que le leurre d'enfant, que l'exploitation sexuelle, que le harcèlement criminel seront désormais couverts. Et ça, c'est une demande qui était réclamée par les groupes.

Deuxièmement, le délai pour le dépôt. On passe d'une durée de deux ans à trois ans pour déposer sa demande à partir du moment où la personne a connaissance du préjudice qu'elle subit. Ça signifie que cette augmentation-là est désormais reliée à la prescription normale du Code civil du Québec. Donc, on augmente de deux à trois ans. Et, pour toutes les infractions criminelles qui sont liées à la violence sexuelle, à la violence conjugale et à la violence subie pendant l'enfance, ces infractions criminelles là sont désormais imprescriptibles, ce qui signifie qu'une personne qui aurait été victime d'une agression sexuelle en 1985, en 2000, en 1995 ou en 2010, désormais, elle peut s'adresser à l'IVAC parce que l'infraction criminelle est désormais imprescriptible, à l'image de ce que nous avons fait dans le projet de loi n° 55 qui a été déposé par ma collègue.

Et, autre élément extrêmement important, pour les victimes d'agression sexuelle qui se seraient fait dire par l'IVAC, au cours des années, que leur demande était hors délai, on prévoit une réactivation de leurs droits pendant trois ans, ce qui signifie qu'une personne qui se serait fait refuser uniquement par l'écoulement du temps, parce qu'elle n'était pas dans l'année à l'époque de la demande… ou qui n'était pas dans les deux ans, bien, désormais la personne va pouvoir redemander une indemnisation et du soutien de l'IVAC si elle a été victime d'une agression sexuelle dans le passé.

Au niveau du soutien pour les familles, donc on élargit la notion de personne victime pour faire en sorte que le noyau familial, le noyau de la personne qui a été victime d'une infraction criminelle, soit... puisse bénéficier de davantage de services, et surtout d'accompagnement et de soutien. Donc, pour un enfant d'un parent mineur blessé, il y aura de l'aide pour la réhabilitation psychothérapique. Il y aura de l'aide pour pallier à la perte de revenus, de l'aide également pour la réinsertion professionnelle, parce que, lorsqu'on a enfant qui est victime d'une infraction criminelle, bien, c'est le parent qui s'en occupe. C'est le parent qui subit, entre autres, les contrecoups et qui accompagne son enfant à travers ce processus de guérison là, et lui-même, aussi, ce parent-là, est une personne victime. Donc, désormais, on va aider le parent, qui est une personne victime également dû à la blessure d'un enfant.

Pour le parent d'un enfant mineur décédé, il y aura de l'aide pour la réhabilitation psychothérapique, de l'aide pour une indemnité de décès, de l'aide palliant à la perte de revenus, de l'aide pour la réinsertion sociale et professionnelle, de l'aide pour la réadaptation physique, de l'aide pour l'assistance médicale et un remboursement des frais liés au crime et autres frais. Ce qui est important de souligner, c'est qu'actuellement les parents n'étaient pas considérés comme des personnes victimes, à moins que le crime ait été commis par l'ex-conjoint. Donc, désormais, tous les parents d'enfants mineurs seront considérés comme des personnes victimes si leur enfant est victime d'un homicide.

Pour les parents d'un enfant majeur blessé, il y aura désormais de l'aide pour la réhabilitation psychothérapique. Pour les parents d'un enfant majeur décédé, il y aura de l'aide pour la réhabilitation psychothérapique et l'indemnité de décès, sous certaines conditions.

Pour les familles encore, pour les enfants, de l'aide pour la réhabilitation psychothérapique, une indemnité de décès, et pour tous les enfants, et pas seulement ceux à charge, ce qui signifie que, si votre parent... vous êtes un enfant majeur et que votre parent décède, donc un individu qui aurait, supposons, 50 ans, et l'enfant a une trentaine d'années, il y aura des services pour l'enfant de cette personne majeure là.

Pour les conjoints, également, de l'aide pour la réhabilitation psychothérapique, une indemnité de décès. Et, pour les autres proches, lorsqu'on parle du frère ou de la soeur, du grand-parent, du petit-enfant, de l'enfant du conjoint de la personne victime, le conjoint du parent de la personne victime ou l'enfant du conjoint du parent, il y aura de l'aide pour la réhabilitation psychothérapique et de l'aide disponible pour les autres personnes significatives. Donc, on permet aussi de faire en sorte qu'il y ait une personne qui n'a pas nécessairement de liens de sang, mais qu'en raison du noyau familial c'est une personne qui est proche, cette personne-là aussi pourra être soutenue par l'État et recevoir du soutien psychologique, notamment.

Donc, on met en place de l'aide pour répondre aux besoins des victimes, notamment sur le terrain, en offrant une aide financière d'urgence. On va conclure des ententes de service avec des organismes pour soutenir les personnes victimes.

À l'IVAC elle-même, on va améliorer les services au niveau des intervenants de l'IVAC. On s'est souvent fait dire qu'il y avait parfois certaines insensibilités. On veut un IVAC beaucoup plus humain. Donc, il y aura des démarches qui seront faites à ce niveau-là. On va adapter les services de l'IVAC pour les personnes autochtones également. Il y avait des demandes à ce niveau-là, donc on va avoir un programme particulier pour les personnes autochtones. Et, au tribunal, on va mieux aménager les palais de justice au bénéfice des personnes victimes et on va favoriser les mesures facilitant le témoignage des personnes victimes.

Donc, essentiellement, la réforme, ce qu'elle fait, c'est qu'elle amène une vraie reconnaissance du statut, des besoins de toutes les personnes victimes. On amène davantage de soutien psychologique, plus accessible et beaucoup plus rapidement. Dès le départ où la personne contacte l'IVAC, on va lui offrir du soutien psychologique, et la personne n'aura pas à attendre des mois avant que son dossier soit traité. On veut vraiment faire en sorte que dès le départ la personne soit accompagnée par l'État, soit soutenue, qu'elle ait accès au panier de services pour s'assurer qu'elle ne soit pas seule et surtout faire en sorte qu'elle soit accompagnée à travers toutes les étapes de son processus de guérison. Nous avons également une indemnisation plus efficace des victimes et un processus beaucoup plus humain.

Donc, en terminant, je tiens à prendre un moment pour remercier l'ensemble des personnes victimes, des experts et des organismes que nous avons rencontrés tout au long du processus d'élaboration de cette réforme. Je tiens également à souligner le travail colossal des différentes équipes du ministère de la Justice, sans qui cette réforme n'aurait pu vous être présentée aujourd'hui. Un grand merci aux équipes du ministère de la Justice. Je vous remercie.

Le Modérateur : Donc, nous en sommes à la période de questions. Nous commençons avec Mylène Crête, Le Devoir.

Mme Crête (Mylène) : Bonjour. J'aimerais savoir… Vous avez dit que les victimes d'agression sexuelle qui se sont fait dire qu'elles étaient hors délai vont pouvoir présenter une nouvelle demande. Qu'arrive-t-il des victimes dont le crime n'était pas sur la fameuse liste? Est-ce que ces gens-là pourraient présenter une demande aussi après l'adoption du projet de loi?

M. Jolin-Barrette : En fait, les personnes, dans... Ce qu'on doit distinguer entre les deux, c'est que les personnes qui ont été victimes d'une agression sexuelle avant l'entrée en vigueur de la loi, désormais, le crime, il est imprescriptible, donc celles-ci vont pouvoir représenter une demande. Même chose pour les violences subies pendant l'enfance ou les violences conjugales, effectivement, c'est rétroactif. Alors, les personnes pourront demander une... durant une période de trois ans que... Si elles s'étaient fait dire non par l'IVAC parce qu'elles étaient hors délai, on va leur laisser un trois ans pour réactiver leur demande.

Une fois cela dit, toutes les infractions de nature criminelle résultant d'une infraction à caractère sexuel, de violence pendant l'enfance et de violence conjugale seront désormais imprescriptibles. Ça signifie qu'elles seront imprescriptibles pour le passé et pour le futur. Donc, une personne qui aurait subi une agression sexuelle en 1990 et qui ne se serait jamais adressée à l'IVAC pourrait, à partir du moment de la sanction de la loi, être considérée comme une personne victime. Donc, c'est ça, l'imprescriptibilité qu'on amène relativement à la disposition.

Mme Crête (Mylène) : Est-ce que vous considérez que l'argent que vous mettez… là, je pense que… si j'ai bien compris, c'était 193 millions de dollars sur cinq ans?

M. Jolin-Barrette : Oui, supplémentaire, sur cinq ans.

Mme Crête (Mylène) :Est-ce que ça sera suffisant pour couvrir les demandes accrues, là, qui pourraient survenir après l'adoption du projet de loi?

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, en fait, nous avons estimé le nombre de demandes que nous pourrions avoir. Ce qui est important de dire, c'est qu'avec l'élargissement que nous faisons on prévoit qu'il pourrait y avoir jusqu'à 4 000 personnes supplémentaires par année qui pourraient bénéficier du régime d'indemnisation de l'IVAC. Donc, on parle notamment des Québécois qui se font agresser à l'étranger, qui subissent que ce soit une infraction criminelle, un homicide ou toute autre infraction prévue à la liste. Désormais, on va les reconnaître, et ça, je pense que c'est important. On élargit le bassin de personnes victimes.

Et, nous, notre objectif est de faire en sorte vraiment d'élargir la notion de victime, de reconnaître le plus de victimes possible et d'offrir surtout du soutien à ces personnes victimes là pour faire en sorte qu'elles puissent recouvrer leur vie. Et surtout il faut s'assurer d'offrir les services dès le départ, dès le moment où la personne est en situation... où elle contacte l'IVAC. Et d'ailleurs, aussi, on a des partenariats et on aura davantage de partenariats avec les CAVAC pour s'assurer d'offrir du soutien dès le départ avec les personnes victimes.

Mme Crête (Mylène) : Qu'est-ce qui vous fait croire que vous allez réussir là où les autres gouvernements précédents ont échoué?

M. Jolin-Barrette : Bien, dans un premier temps, l'argent est là, 193 millions supplémentaires sur cinq ans, pour procéder à la réforme. Ça a toujours été le nerf de la guerre. Je tiens d'ailleurs à remercier mes collègues aux Finances et au Trésor d'avoir accordé ce montant. C'est un montant qui est significatif et ça démontre toute l'importance que le gouvernement du Québec consacre aux personnes victimes. On le sait, à quel point c'est une épreuve de passer à travers une infraction criminelle, à quel point votre vie est chamboulée, à quel point la vie de vos proches également est chamboulée. Et c'est pour ça que le gouvernement du Québec met l'argent, 193 millions sur cinq ans, supplémentaire pour faire en sorte de moderniser le régime, mais surtout d'élargir la notion de victime et la liste des infractions qui sont admissibles désormais.

Le Modérateur : Charles Lecavalier, Journal de Québec.

M. Lecavalier (Charles) : Bonjour, M. le ministre. Qu'est-ce que vous dites aux victimes, aux familles de victimes de crimes qui n'étaient pas dans cette liste-là, donc qui ont subi un préjudice, là, avant l'adoption du projet de loi? Donc, ça ne sera pas rétroactif. Qu'est-ce que vous leur dites, à eux?

M. Jolin-Barrette : Ce que je leur dis, c'est que je ne peux pas réparer le passé. Je sais que c'étaient des situations très difficiles qu'elles ont vécues, ces personnes victimes. Je sais que, durant des années, elles se sont battues pour avoir des indemnisations. Ce que je peux leur dire, c'est que plus jamais ça ne va arriver parce qu'on fait en sorte d'abolir la liste des infractions criminelles. On fait en sorte aussi que le noyau de personnes qui vont avoir accès à de l'aide, à du soutien sera élargi. Mais malheureusement je ne peux pas refaire le passé.

Et, pour ce qui est du volet d'agression sexuelle, de violence subie pendant l'enfance, bien, ça, on l'a couvert notamment par le fait que, souvent, ça prend des années avant qu'une personne qui est victime d'une agression sexuelle puisse le dénoncer. Donc, c'est important, à partir du moment où elle le dénonce, de la soutenir, et c'est en cohérence avec le projet de loi n° 55 qu'on a adopté.

M. Lecavalier (Charles) : Peut-être juste une petite question technique, là. Les gens qui vont être... on ne le souhaite pas, là, mais qui vont être victimes d'un acte criminel, à quel moment ça va s'appliquer? Est-ce que c'est à l'adoption du projet de loi ou c'est dès maintenant, au dépôt du projet de loi?

M. Jolin-Barrette : Non, ce sera à partir du moment où la loi sera adoptée. C'est prévu qu'au plus tard cinq mois après l'adoption de la loi le régime entre en vigueur. Donc, ce sera entre le moment de la sanction de la loi, de l'adoption de la loi et cinq mois plus tard parce que les règlements doivent entrer en vigueur. Donc, on va essayer de faire ça le plus court possible, mais, au plus tard, c'est l'adoption de la loi plus cinq mois.

M. Lecavalier (Charles) : Et, juste sur le budget, vous nous avez dit d'entrée de jeu, bon, 193 millions, vous avez dit que ça doublait le budget. Mais juste pour comprendre, parce que tantôt, les chiffres que vous avez montrés, c'est à peu près 190 millions par an... Non? Je me trompe? Je veux juste que vous m'expliquiez ça.

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, au départ, actuellement, l'aide que nous offrons relativement au régime actuel, donc, dans le cadre des deux lois, c'est un montant d'à peu près 280 millions. Mais ce qu'on fait, c'est qu'on rajoute 193 millions. Dans le dernier budget, on avait mis une somme de 87 millions supplémentaire, mais ce 87 millions là, il est doublé à 193 millions. Plus que doublé, on rajoute, dans le fond, 106 millions de dollars, pour les cinq prochaines années, sur ce qui avait été annoncé dans le dernier budget, pour s'assurer de couvrir le plus largement possible les personnes victimes.

M. Lecavalier (Charles) : Donc, ce qui est doublé, c'était votre intention?

M. Jolin-Barrette : Exactement.

M. Lecavalier (Charles) : O.K., O.K., je comprends.

M. Bergeron (Patrice) : Une petite question, maintenant, que je m'accorde. Patrice Bergeron, LaPresse canadienne. Vous avez parlé à de nombreuses reprises de la question des soins psychothérapeutiques ou thérapiques, comme vous dites. Est-ce que ça comprend un nombre d'heures limitées ou de séances limitées, par exemple?

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, exemple, pour la personne victime elle-même, non, il n'y a pas de séances limitées. Pour ce qui est de certains proches, il y a certaines séances. Je vous donne, à titre d'exemple, le parent d'un enfant mineur décédé, lui, aurait 30 séances de soutien par parent. Actuellement, ce n'était qu'un seul parent qui avait des séances. Et c'est à hauteur de 25 séances. Donc, on fait plus que doubler parce que maintenant les deux parents vont avoir 30 séances chacun.

M. Bergeron (Patrice) : Vous avez également évoqué des indemnités de décès. À quoi ça pourrait ressembler, dans une fourchette, là, par exemple?

M. Jolin-Barrette : Bien, exemple, je donne l'indemnité d'un parent d'un enfant mineur décédé, ça serait environ... autour de 60 000 $, 57 000 $.

Le Modérateur : Nous reprenons la tournée des questions si Mylène Crête en a d'autres.

Mme Crête (Mylène) : ...j'en ai d'autres. Je voulais savoir, M. Jolin-Barrette, puisque vous êtes leader parlementaire, sur le projet de loi n° 66, est-ce qu'il sera adopté demain sans aucune mesure d'exception?

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, l'étude détaillée est terminée. Aujourd'hui, on prévoit faire la prise en considération et probablement l'adoption finale aujourd'hui. Alors...

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Oui, même aujourd'hui... Bien, en fait, on va laisser les parlementaires débattre au salon bleu, mais, selon toute vraisemblance, le projet de loi n° 66 sera adopté de façon régulière d'ici demain, 13 heures.

Mme Crête (Mylène) : Et je pense qu'aujourd'hui aussi il y a beaucoup de restaurateurs qui attendent après l'adoption du projet de loi n° 72, là, qui contient toutes sortes de mesures, mais dont celle sur la livraison d'alcool. Est-ce que, ça, vous avez bon espoir que ça soit adopté d'ici la fin des travaux demain?

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, moi, je le souhaite profondément. D'ailleurs, Québec solidaire a présenté une motion que nous avons appuyée aujourd'hui, qui a été bloquée par le député de Chomedey, qui demandait aux parlementaires d'adopter le projet de loi d'ici demain, 13 heures.

Alors, moi, bien entendu, je suis favorable à ce que le projet de loi n° 72 soit adopté parce que c'est un projet de loi qui permettrait d'aider les restaurateurs. Donc, nous, on est disponibles pour siéger et même dépasser 13 heures, demain, si on est en mesure d'adopter le projet de loi n° 72. Il n'y a aucun problème pour nous. Vous savez, de consentement, on peut tout faire à l'Assemblée. Alors, si c'est le souhait des oppositions, nous, on va être disponibles.

Mme Crête (Mylène) : Pourquoi avoir choisi d'ajouter cette mesure-là dans un projet de loi omnibus? C'était le cas avec le n° 61 en juin. C'est le cas avec le n° 72. Est-ce qu'il n'y avait pas une autre avenue peut-être plus rapide pour changer ces dispositions-là?

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, le projet de loi n° 72 a quand même été déposé rapidement. Vous savez, il y a des consultations. Là, il y a l'étude détaillée, tout ça. Je ne peux pas aller plus vite que le Parlement. Moi, je souhaiterais aider les restaurateurs vraiment rapidement. C'est une mesure qui est dans le projet de loi, et, comme on dit, je ne peux pas aller plus vite que les parlementaires.

Mme Crête (Mylène) : ...d'autres mesures sur d'autres choses qui ne font pas l'unanimité.

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, vous savez, c'est un projet de loi mené par la ministre de la Sécurité publique. Alors, c'est dans le cadre du... Ce n'est pas la première fois que dans un projet de loi il y a plusieurs mesures. Alors, je pense que la ministre de la Sécurité publique travaille fort et rondement, et elle veut aider les restaurateurs, notamment. L'ensemble du gouvernement veut le faire. Alors, c'est un véhicule législatif approprié.

Le Modérateur : Charles Lecavalier, Journal de Québec.

M. Lecavalier (Charles) : Oui, bien, je rebondis sur ce que vous venez de dire, là. Vous dites : Je ne peux pas aller plus vite que le Parlement. Est-ce que ça a avancé, votre réforme parlementaire que vous avez présentée l'an passé? Est-ce qu'il y a des... Vers quoi on se dirige?

M. Jolin-Barrette : Bien, le ministre des Affaires autochtones a fait voter une motion à l'Assemblée qui a repris un élément de la réforme parlementaire que j'ai présentée relativement au fait pour les parlementaires de suivre une formation sur les réalités autochtones. Ça, ça verra le jour d'ici une année. Il y a des discussions, il y a eu une première rencontre entre leaders avec la présidence. Nous, le gouvernement, on a présenté, dès février 2020, notre projet de réforme parlementaire. Nous sommes prêts, et je suis disponible, pour moderniser et améliorer le Parlement. Donc, c'est dans les mains du président présentement. Mais moi, je suis disponible et le gouvernement est disponible pour améliorer l'efficacité du Parlement, et surtout nos façons de faire, au bénéfice des citoyens.

M. Lecavalier (Charles) : Changer le code d'éthique, ça, est-ce que ça va dans la réforme parlementaire?

M. Jolin-Barrette : Non, changer le code d'éthique, ça ne relève pas du ministre responsable de la Réforme parlementaire, ça relève de la ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques.

M. Bergeron (Patrice) : Vous avez aussi évoqué tout à l'heure, dans votre allocution, la question de l'aide financière d'urgence. Ça, ça ressemble à quoi, au juste, comme montant, là?

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, en fait, ma collègue la ministre responsable de la Condition féminine en a annoncé une partie la semaine dernière. Donc, pour la première année, c'est financé par Condition féminine, et par la suite ça sera financé par le régime d'indemnisation de l'IVAC. Alors, on parle d'aide d'urgence, on parle d'aide au logement temporaire, on parle de nourriture, on parle de transport, d'hébergement, des soins de première nécessité. Vraiment, l'idée, là, c'est de faire en sorte que, lorsqu'une personne est en situation de détresse ou sa sécurité est menacée, prenons le cas d'une personne qui subit de la violence conjugale, on ne souhaite pas que la personne reste dans son milieu, et il faut qu'elle ait tous les outils pour se sortir de ce milieu-là.

Alors, le programme, justement, d'urgence va servir à ça, de faire en sorte de donner les outils, où on pourra déjà avancer l'argent, et la personne, très, très rapidement, pourra se retrouver un logement temporaire, que ça soit à l'hôtel, que ça soit un appartement, rapidement. C'est vraiment une mesure de transition avant d'arriver sur le régime de l'IVAC comme victime, comme personne victime d'infraction criminelle. C'est un régime qui est avant et qui a beaucoup de souplesse, beaucoup d'agilité, justement, pour répondre aux cas, notamment, de femmes qui subissent de la violence conjugale.

M. Bergeron (Patrice) : Et, quant à l'adoption de ce projet de loi là, quel est votre... quelles sont vos attentes, en fait? Quand espérez-vous que puisse se terminer le processus législatif? D'ici juin, par exemple, la prochaine session parlementaire?

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, ça fait des années et des années que les personnes victimes attendent une réforme de l'IVAC. Et, surtout, le projet de loi va permettre en moyenne environ à 4 000 personnes par année de bénéficier de davantage de soutien de l'État en termes de soutien financier ou de soutien psychologique. Alors, je vous dirais, le plus rapidement sera le mieux. Il faut bien faire les choses. Il y aura des consultations publiques pour entendre les différentes personnes victimes, les différents groupes. Mais je suis à la disposition des oppositions rapidement pour étudier le projet de loi, pour l'adopter aussi.

M. Lecavalier (Charles) : Juste une précision. Sur les... Ça a piqué mon attention quand vous dites que les échanges de l'IVAC avec les victimes, ça soit plus humain. J'imagine qu'il y a eu des plaintes, que vous avez entendu... de plaintes à ce sujet-là. J'aimerais ça vous entendre. Puis comment est-ce que vous voulez changer l'attitude des gens qui travaillent à l'IVAC? Ça va être des formations?

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, dans un premier temps, de la façon que le régime, actuellement, était constitué, la responsabilité du régime, dans le fond, était sous la CNESST. Alors, dans le cadre du projet de loi, maintenant, on rapatrie cette responsabilité-là, et c'est désormais le ministère de la Justice qui va gérer les réclamations.

Et donc on pourra donner des ententes de services, supposons, avec la CNESST, mais ça va donner le levier et les outils au ministère de la Justice pour s'assurer que la prestation qui est offerte aux bénéficiaires de l'IVAC soit une prestation de qualité et qu'on s'assure qu'il n'y ait pas de cas où, si vous appelez... et qu'on vous dise : Bien, vous ne rentrez pas dans la définition ou vous ne rentrez pas comme victime.

L'idée, là, que nous souhaitons avec le projet de loi, c'est vraiment de faire en sorte de s'assurer que chaque victime, chaque personne victime soit considérée, qu'on soit empathique avec elle, et qu'on s'assure de bien l'outiller, et qu'on la dirige vers des services, qu'on lui donne les ressources appropriées.

Alors, les groupes de victimes ont souvent parlé de la rigidité de l'IVAC. Entre autres, c'était dû notamment au fait de la loi actuelle parce que la définition était très, très, très restrictive, donc les personnes ne pouvaient pas aller au-delà de la loi. Mais, en amenant une réforme de la loi, ça va faire en sorte que ça va donner de la latitude, entre autres, aux personnes qui administrent la loi.

Mais moi, je tiens à confirmer mon désir qu'on accompagne et que le soutien soit humain. Parce que, lorsqu'une personne lève la main pour demander de l'aide, il faut savoir tout le courage que ça prend parce qu'elle-même, il ne faut pas qu'elle revive un parcours du combattant pour qu'on puisse l'aider puis pour qu'elle puisse être indemnisée financièrement. Alors, c'est le sens de la réforme que je présente, un IVAC plus humain.

Le Modérateur : Bien, c'est ce qui met fin à la conférence de presse. Alors, merci, M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Merci beaucoup.

(Fin à 13 h 5)

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