(Neuf heures quarante-cinq minutes)
M. Charette : Bien, tout
simplement — bonjour — vous mentionner qu'on débute une
étape importante ce matin, l'étude d'un projet de loi sur la modernisation de
la consigne. C'est un sujet qui est attendu depuis le début des années 80.
Mais également tout ce qui est collecte sélective… qui sera modernisé. On
entendra différents groupes au cours de la journée, tout au long de la semaine
également, pour ensuite procéder à l'adoption, là, souhaitons-le, le plus
rapidement possible, de ce projet de loi là, qui va venir corriger des
situations, là, qui traînent depuis plusieurs années, voire quelques décennies
maintenant.
M. Laforest (Alain) : On
facture 0,03 $ pour la consigne. Vous êtes pas mal au-dessus de ça.
Pourquoi ne pas baisser parce qu'en bout de ligne, de l'argent, on n'en imprime
pas?
M. Charette : En fait,
peut-être différents éléments à ce niveau-là. On aime bien vanter le Québec. On
aime bien dire qu'il est un leader en matière d'environnement. Mais, sur le
volet de la consigne comme tel, on part de loin. Il y a deux seules provinces
qui n'ont pas encore instauré ce système-là, notamment le Québec. Donc, on fait
partie malheureusement des derniers de classe. Cependant, avec le projet qui
est à l'étude, on veut corriger cette situation-là.
Il y a des frais qui seront effectivement
internalisés par les entreprises, par les commerçants. Mais la consigne
elle-même sera intégralement remboursée aux consommateurs. Donc, hier, j'écoutais,
à travers votre entremise, là, les commentaires de certains groupes qui peuvent
avoir des craintes, mais ces craintes-là ne sont pas justifiées. Ce qui sera
chargé au consommateur à travers la consigne sera intégralement remboursé au
consommateur.
M. Laforest (Alain) :
…rapporte.
M. Charette : Oui, bien, en
fait, c'est déjà le cas.
M. Laforest (Alain) : Vous
savez très bien que ce n'est pas tout le monde qui va le rapporter.
M. Charette : Bien, c'est-à-dire,
on l'a vu encore dans votre reportage d'hier, ce sera dans l'intérêt des
consommateurs de rapporter ces contenants-là parce qu'au final ça peut
représenter des sommes quand même considérables. Mais c'est déjà le cas avec
les canettes de… c'est-à-dire, les canettes de boisson gazeuse. Avec les
bouteilles de vin, les consommateurs n'auront qu'à rapporter plus de contenants
pour se faire rembourser intégralement.
Et n'oublions pas ceci, on parle de
4 milliards de contenants par année qui sont susceptibles d'être
consignés. La majorité de ces contenants-là, à l'heure actuelle, se retrouvent
tantôt dans les dépotoirs, tantôt dans nos cours d'eau, tantôt dans les fossés
qui bordent les routes. Bref, il faut apprendre à gérer cette matière-là. Et ce
qui est formidable, lorsqu'il est question de plastique et de verre, c'est des
matières qui peuvent être valorisées indéfiniment, donc leur donner de
nouvelles vies… Donc, il faut moderniser nos pratiques à ce niveau-là.
M. Laforest (Alain) : Qui d'autre
qui ne respecte pas, là…
M. Charette : La deuxième
province? Le Manitoba. En fait, actuellement, il y a le Québec et le Manitoba
qui n'ont pas de système de consigne élargie.
Mme Gamache (Valérie) :
M. Charette, pouvez-vous garantir aux consommateurs que le prix du panier
d'épicerie ne va pas augmenter à cause de la consigne?
M. Charette : Bien, à partir
du moment où le consommateur va retourner ces contenants-là, la consigne leur
sera intégralement remboursée. Et il faut savoir que, dans le débat, depuis des
années, il y a tout le temps un joueur qui s'est montré très, très, très opposé
à cette réforme-là, qui l'a fait littéralement renverser à de nombreuses
reprises au cours des dernières années, c'est le Conseil canadien du commerce
de détail. Donc, les arguments qui étaient amenés, à travers les médias, hier
et ce matin, sont de vieux arguments qui n'ont plus leur place. Bref, la
société est prête à faire des changements. Au Conseil canadien du commerce de
détail à se moderniser dans ses pratiques également.
M. Larin (Vincent) :
M. Charette, c'est quoi, l'apport de ces écofrais-là qui seront non
remboursables?
M. Charette : En fait, ce qui
a été mentionné au moment de l'annonce de la réforme, en janvier dernier, aux
côtés du premier ministre, c'est que les entreprises auront à internaliser
quelques sous. On peut parler de 0,02 $ à 0,03 $ le contenant. Mais
ça, c'est à l'entreprise de l'assumer dans ses frais de production, dans ses
frais de commercialisation.
Mais, pour ce qui est du volet consigne,
encore une fois 100 % remboursable, le consommateur n'aura pas à payer
quelques sous de plus pour le contenant ou pour le produit qu'il achète. Mais,
en demandant aux entreprises d'internaliser ces quelques sous là, on veut les
inciter aussi à développer des approches beaucoup plus écoresponsables, avec
des contenants qui peuvent être soit réutilisables ou des contenants qui, à
tout le moins, peuvent être récupérables, ce qui n'est pas le cas dans tous les
cas de figure actuellement.
M. Larin (Vincent) : Du 300 millions,
est-ce que vous avez estimé la part…
M. Charette : En fait, le
Conseil canadien du commerce de détail sème, de façon volontaire, je dirais, de
la confusion dans le débat. Les sommes qu'il mentionne sont des sommes liées à
la consigne, des sommes qui peuvent être intégralement remboursées au
consommateur si le consommateur dépose les contenants au bon endroit.
Et c'est le même débat. Cette réforme-là,
au fil des années, a déraillé à plusieurs reprises, toujours sous l'impulsion
du Conseil canadien du commerce de détail. Et même, depuis janvier, nous, on
travaille à mettre en place des projets pilotes. Je peux vous dire que ce même
conseil canadien fait tout pour faire dérailler la mise en place de projets
pilotes. Je peux vous dire que ce même conseil canadien, dans un autre dossier,
celui des halocarbures, donc celui de la REP, la responsabilité élargie des
producteurs, sur les appareils réfrigérants — c'est le gaz le plus
dommageable pour l'environnement — ils font tout aussi pour
contrecarrer les mesures.
Donc, je leur dis bien, bien gentiment :
Il est temps pour eux de revoir leur approche. Ils ont un rôle à assumer. Ils
mettent en marché des produits. Ils doivent en assumer la responsabilité et
faire leur part pour relever nos défis environnementaux.
M. Laforest (Alain) : Vous
êtes en guerre contre eux, là. Vous leur demandez…
M. Charette : En fait, je ne
suis pas en guerre contre eux. Je vais les écouter cet après-midi…
M. Laforest (Alain) : Vous
n'êtes pas en guerre contre eux, mais ça fait 10 minutes que vous leur
envoyez des flèches.
M. Charette : Bien, c'est-à-dire,
je leur demande clairement de changer d'approche. Je vous le disais, il y a des
projets pilotes qui doivent voir le jour. Au départ, on aurait souhaité leur
collaboration. Cette collaboration-là n'est pas venue. Donc, on va confier
cette responsabilité à d'autres acteurs. Mais, clairement, ils ont la même
approche qu'ils avaient il y a 10 ans, qu'il y a 15 ans, qu'il y a
20 ans. Et, moi, ce qui me désole, c'est qu'on évoque ou on met en cause
les consommateurs, alors que ce sont d'abord à eux à changer leurs pratiques.
Je vous donnais l'exemple des gaz
réfrigérants. C'est de loin les gaz à effet de serre les plus dommageables pour
l'environnement. Et, depuis que le règlement a été annoncé l'automne dernier,
là aussi, on fait tout, de leur côté, pour tenter de mettre des bâtons dans les
roues. Donc, c'est une approche à changer. Je leur dis de façon très amicale. Je
suis en conversation constante avec eux, mais il est grand temps qu'ils modernisent
leur façon de voir la situation.
Mme Gamache (Valérie) : J'ai
l'impression que les consommateurs sont prêts, mais pas le conseil du commerce
au détail. C'est un peu ça?
M. Charette : Bien, en fait,
ce sont les mêmes arguments qu'ils évoquaient il y a 10 ans, il y a
15 ans. Moi, je me souviens, je suis ici depuis 12 ans, à l'Assemblée
nationale, ce n'est pas la première fois qu'on tente cette réforme-là, et c'est
le groupe d'intérêt qui a toujours été le plus militant. D'autres étaient
opposés par le passé. D'autres se sont depuis ralliés. On pense à la Société
des alcools, notamment. Donc, j'invite le conseil canadien à évoluer dans sa
façon de penser, un petit peu comme la SAQ l'a fait au cours des derniers mois
et des dernières années.
M. Carabin (François) : …si
je ne me trompe pas, ce n'est pas mentionné tel quel dans le projet de loi.
Est-ce que l'objectif final, c'est d'avoir une responsabilité…
M. Charette : En fait, c'est
dûment mentionné. C'est un projet de loi à deux volets. Il y a la modernisation…
en fait, l'élargissement de la consigne et la modernisation de la collecte
sélective, et tout le volet responsabilité élargie des producteurs fait partie
de ce volet-là, et avec l'appui des producteurs.
Ça, je vous ramène en février dernier,
lorsqu'on a fait l'annonce. Ça a été deux annonces distinctes : janvier,
celle sur la consigne, quelques jours plus tard, celle sur la collecte
sélective. Et on était au côté des producteurs. On était au côté des
municipalités. Bref, on a mis en place une réforme qui est à l'avantage de
tous.
Les producteurs, il faut le savoir,
financent en grande partie la collecte sélective depuis des années à hauteur de
plusieurs centaines de millions. Mais ils étaient insatisfaits de la
qualité du service qui était rendu par la suite. Donc là, on les implique dans
la démarche. C'est dans le projet de loi. On va leur demander de mettre sur le
marché des contenants qui soient plus faciles à récupérer, donc des contenants
plus faciles à revaloriser. Donc, l'argent qu'ils investiront dans le système,
ils vont en voir, en quelque sorte, les résultats, ce qui n'est pas le cas
présentement.
M. Carabin (François) :
Dans un dossier conjoint, pourquoi ne pas vous être opposé à la décision de la
ville de Montréal de confier à l'entreprise Ricova le recyclage? Est-ce que c'était
Ricova ou rien?
M. Charette : En fait, là
aussi, il y a un beau lien avec l'article de ce matin et le projet de loi qui
est à l'étude. On parle de moderniser la collecte sélective pour éviter ce
genre de situation là. Ce que la loi va permettre, à terme, c'est d'imposer des
normes et des standards de qualité au niveau, notamment, des centres de tri.
Ils seront financés en conséquence. Il y a plusieurs dizaines de millions qui
ont été prévus à cet effet dans les deux derniers budgets. Donc, ils vont
recevoir de l'aide, oui, mais à condition de produire une certaine qualité, ce
qui n'est malheureusement pas le cas.
Et, dans le cas précis, précis que vous
nommez, le grand danger, c'était la rupture de service. On l'a connue avec une
autre organisation à Montréal ces derniers mois… et qui aurait pu menacer
justement tout ce qui est collecte sélective sur un très vaste territoire.
Donc, il fallait aussi avoir ça en tête, c'est-à-dire éviter à tout prix la
rupture du service pour ne pas que les gens ne se retrouvent du jour au
lendemain avec aucun service de collecte sélective.
Une voix
: …
M. Charette : Tout à
fait, tout à fait, et le projet de loi répond à ces inquiétudes-là. C'est un
système qui est malmené depuis plusieurs années. On le sait, les marchés
internationaux se sont refermés. Donc, il faut moderniser nos façons de faire
et s'assurer que la valeur est prise ici même, au Québec, lorsque le produit
quitte le centre de tri.
M. Laforest (Alain) :
Donc, vous garantissez solennellement aujourd'hui qu'il n'y aura pas
d'augmentation de prix?
M. Charette : Qu'il n'y
aura pas d'augmentation de…
M. Laforest (Alain) : De
prix.
M. Charette : Bien,
c'est-à-dire, le consommateur qui fait le libre choix de ne pas retourner son
contenant, effectivement, il ne récupérera pas le prix de sa consigne. Mais,
comme il le fait pour ses canettes de boissons gazeuses, comme il le fait pour
ses canettes de bière ou ses bouteilles de bière, le prix de la consigne lui
est entièrement remboursé. Donc, ce sera un choix du consommateur, tout
simplement. Ce sont des contenants qui pourront toujours se retrouver dans le
bac bleu s'il le souhaite. Mais, à partir du moment où c'est ramené dans un
centre de dépôt ou à l'épicerie directement, la consigne sera intégralement
remboursée.
M. Larin (Vincent) : …savoir
concernant la consigne élargie, si vous comptez repousser d'un an son entrée en
vigueur.
M. Charette : Bien, en fait,
c'est une autre demande du conseil canadien. Je vous le dis, depuis 15 ans,
toutes les occasions et tous les prétextes sont bons, pour cette instance, de
ne pas revoir sa façon de faire. On le voit aujourd'hui avec la consigne, avec
la pandémie. Et, je peux vous dire, cet été, on a eu toute la misère du monde à
faire en sorte que les membres de cette association reprennent la consigne en
magasin comme la loi l'exige. Là aussi, on prétextait une conjoncture extraordinaire
pour ne pas assumer leur responsabilité.
Moi, je dis poliment à ces gens-là :
S'ils veulent vendre des produits, s'ils veulent bénéficier des profits que ça
génère pour leurs membres, bien, ils ont aussi une responsabilité à assumer, c'est-à-dire
que les contenants soient dûment récupérés. Autrement, on ne peut pas que
vouloir le beurre et l'argent du beurre, c'est-à-dire le profit sur les
contenants vendus sans en assumer une responsabilité. En 2020, c'est une
philosophie qui n'a plus sa place.
M. Larin (Vincent) : Vos
intentions à vous concernant la consigne élargie, ce serait…
M. Charette : L'échéancier, on
le maintient. Puis on ne l'a pas fait en 12 semaines, là, cet échéancier-là. Ça
a été annoncé en janvier, avec une mise en place graduelle à partir de la fin
2022. Donc, on parle de trois années complètes. Et, pour d'autres types de
produits, ça va aller à 2025. Donc, donner six ans à une réforme à s'implanter,
je pense que c'est un délai qui est tout à fait raisonnable. Et, au contraire,
la pression que moi, je reçois, c'est d'aller plus vite. Vous allez l'entendre
de certains groupes d'opposition : Pourquoi trois ans? Donc, donner une
année de plus au conseil canadien, c'est inconcevable. En trois ans, on peut
très bien faire le travail. Et, dans certains cas, on parle même de six ans.
Donc, on est dans des délais plus que généreux, là, dans les circonstances.
Mme Senay (Cathy) :Good morning, Mr. Charette.
M. Charette : Good morning.
Mme Senay (Cathy) : What do you say to Québec consumers, that they won't have to pay… because retailers are
saying that, because of the pandemic, the Québec consumers will have to pay for the extension of the recycling
deposit system. So what do you tell them?
M. Charette : There are only two provinces in Canada without any refund system, and Québec is one of those. So, if it works in the other provinces, I don't
see how it cannot work in Québec also. And, for the consumers, yes, they will have to pay for the
refund system, but as soon as they come back with their different products,
they will be reimbursed. So there's no fees if they do this move. And we are
talking about 4 billion «contenants»…
Mme Senay
(Cathy) : …
M. Charette : Yes, well, we are talking about 4 billion bottles of different
sorts. These products, today, they go in landfills, they go in our rivers. They
go elsewhere but where we want them to go. So we have to make this move. It's
good for the environment, but it's also good for the economy because these
products, plastic and glass, we can recycle them as often as we want. So there
are industries, we will hear some of them during the coming days and hours,
some of these companies have to buy their glass and plastic elsewhere, in other
provinces or in the United States, because they cannot get this quality here, in Québec. So, it's
good, yes, for the environment, but it's also good for the economy.
Mme Senay (Cathy) : You said that you received pressure from the Retail Council of
Canada. But, basically, at the same time, you're saying, well, no, you're not
going to block this project. But how do you explain this pressure you received
from the Retail Council of Canada?
M. Charette : They've been putting this pressure for years now. It's not the
first time that the Government wants to modernize the refund system and the
recycling system. And, if we didn't go through this reform, it's because of
that kind of pressure. But the technology evolved. The mentality evolved also.
I ask them to evolve also because we are there. We need to be there. And
otherwise we will continue to bring this pollution in our rivers, and our
lakes, and all that. We have to think differently.
(Fin à 10 h 3)