(Neuf heures vingt minutes)
M. Arseneau : Merci. Alors,
bonjour, mesdames et messieurs. Aujourd'hui, je voulais parler de transport
aérien.
Comme vous le savez, depuis quelques
semaines déjà, Air Canada a annoncé qu'il délaisserait les régions, qu'il
suspendait ses liaisons régionales dans une grande partie du Québec, des
régions. Depuis le mois de juillet, le 3 juillet en fait, nous demandons
au gouvernement de tenir une commission parlementaire pour faire le tour de la
question et définir un nouveau modèle pour le transport aérien régional. On a
formulé cette demande-là le 3 juillet. On l'a formulée à nouveau le
13 juillet.
Le gouvernement n'avait pas fermé la porte
initialement, puis a décidé de créer ce qu'il a appelé un groupe d'intervention,
auquel il a invité des parlementaires, le représentant de chacun des partis
d'opposition, pour assister à ces rencontres-là. On a obtenu la deuxième
rencontre du groupe d'intervention vendredi dernier. Et je vous dirais
qu'actuellement, là, on a un problème avec la tour de contrôle dans ce dossier-là.
On manque d'informations de vol et on craint que la destination soit encore
bien lointaine. Il y a encore beaucoup de turbulence à venir dans le transport
aérien.
Et on pense qu'à l'heure actuelle il
faudrait revenir à l'idée de la commission parlementaire avec un mandat
d'initiative pour les raisons suivantes. C'est qu'une vingtaine de mémoires ont
été présentés au gouvernement par différents intervenants, à travers le Québec,
des régions, aussi l'association des aéroports, et ainsi de suite, et le groupe
d'intervention n'a pas accès à ces mémoires. Donc, nous n'avons pas
l'information pour juger de la validité ou de l'intérêt de l'ensemble des
mémoires.
Donc, la discussion tourne un peu autour
de ce que le gouvernement va choisir de nous présenter lors de la prochaine
rencontre, qui est prévue pour le 24 septembre prochain. On trouve que
cette démarche-là manque grandement de transparence. Et on ne peut pas faire un
débat qui se tienne et qui soit porteur si on n'a pas l'ensemble de l'information
et des propositions qui sont amenées de l'avant et qu'on en fasse, donc, une
discussion ouverte et publique. Ce que le gouvernement nous a dit… Le ministre
nous a dit qu'à la prochaine rencontre il aurait fait le choix de trois, quatre
ou même cinq propositions dont on pourrait discuter de façon plus approfondie.
Or, pour nous, on pense que c'est une
façon de détourner un peu le débat qu'on aurait l'occasion de faire parce que c'est
une occasion, disons, extraordinaire dans le domaine du transport aérien. Depuis
une vingtaine d'années qu'on vit toutes sortes de turbulences, et là,
maintenant, avec la décision d'Air Canada de se retirer pour un an, deux ans,
peut-être trois ans, on a un espace de discussion pour développer un nouveau
modèle, encore faut-il qu'on aille au fond des choses. Et là la crainte qu'on a,
au Parti québécois, c'est qu'on ne puisse pas justement voir quel est
l'ensemble des propositions et que le gouvernement nous impose un peu ses choix
sans savoir quelles étaient les autres options.
Alors, aujourd'hui, encore une fois, moi, je
veux faire un appel à François Bonnardel pour lui dire : Mettons sur pause
le travail du groupe d'intervention, qui ne peut pas intervenir s'il n'a pas
toute l'information, et convoquons plutôt une commission parlementaire avec un
mandat d'initiative qui permettrait d'approfondir l'ensemble des mémoires, des
propositions, ouvrir le débat de façon beaucoup plus large. Et, une fois qu'on
aura tracé certaines lignes de consensus, bien, on pourra essayer de développer
des pistes d'atterrissage intéressantes pour le transport aérien en région.
Voilà.
M. Bergeron (Patrice) :
M. Arseneau, le groupe d'intervention en question, c'est un écran de fumée?
Il ne sert à rien? Il sert à quoi au juste?
M. Arseneau : Écoutez, moi, je
pense qu'il peut servir à quelque chose dans la mesure où l'ensemble de
l'information est déposée aux membres. Si ce n'est que pour cautionner une
décision du ministre à venir, on n'a pas besoin d'un groupe comme celui-là. Et
il est très mal nommé parce que le groupe ne peut pas intervenir s'il n'a pas
les moyens de le faire. Et, à l'heure actuelle, ce qu'on voit, c'est qu'on va
certainement frapper un mur. Le ministre nous a même dit qu'il ne pourrait pas
plaire à tout le monde, qu'il y aurait certainement des gens qui seraient
déçus, qu'il ferait un premier tri dans les propositions et qu'il nous
imposerait un peu, là, sa vision sur la base de deux, ou trois, ou quatre
scénarios.
Tout ce qu'on a pu apprendre lors de la
dernière rencontre, c'est que les mémoires allaient un peu dans tous les sens.
Les propositions qui étaient faites, dans certains cas, favorisaient le
maintien de la libre concurrence dans le transport aérien en région. D'autres
voudraient réduire les frais aux usagers soit par des programmes de réduction
des tarifs aériens comme celui qu'on a actuellement ou encore en réduisant, par
exemple, la part de taxe qui est imposée aux voyageurs actuellement sur le
billet d'avion.
La démonstration qu'on nous a faite, c'est
qu'il y a au-delà de 25 % du prix du billet d'avion qui va en taxes et en
prélèvements de toutes sortes. On sait que Nav Canada veut augmenter
également ses frais de 30 % dans les prochaines semaines. D'autres
évaluations font état de 30 % à 35 % du prix du billet d'avion payé
par les passagers, qui sert essentiellement à payer l'ensemble des fournisseurs
de services ou les gouvernements, en impôts et en taxes, alors que le prix du
billet réel, bien, évidemment, il serait beaucoup moindre.
L'autre option qu'on nous a présentée,
mais on ne sait pas qui défend ces propositions-là, c'est de subventionner
certaines routes, certaines liaisons qu'on juge essentielles, comme ça se fait
dans certains pays. On a parlé des États-Unis, de l'Europe ou de l'Autralie.
Et puis enfin il y a une autre option, de
favoriser un nouveau transporteur, une nouvelle structure de gouvernance ou
encore une nouvelle plateforme pour mutualiser des coûts qui seraient
actuellement assumés par les transports aériens.
Mme Lévesque (Fanny) : Est-ce
que vous craignez… Parce que, depuis le départ d'Air Canada, évidemment,
il y a des transporteurs qui ont levé la main, qui vont assurer la desserte dès
maintenant ou depuis le mois d'août, je crois. Est-ce que vous avez peur que le
gouvernement prenne une espèce de solution facile pour éviter d'avoir un débat
sur, vraiment, la révision du modèle? Est-ce que vous craignez que, par
exemple, Pascan, Air Liaison restent en place et qu'il n'y ait pas de
changement en profondeur?
M. Arseneau : Bien oui. En
fait, je crains effectivement que le gouvernement choisisse la solution facile,
et évite de faire un débat en profondeur, puis que ce soit, au final, un autre
soubresaut dans le transport aérien régional, et puis qu'on se magasine une
autre crise dans cinq ou dans 10 ans.
Que les transporteurs, actuellement,
prennent le relais à Air Canada, c'est une bonne nouvelle. On l'a vu pour Gaspé,
on l'a vu pour Baie-Comeau, on l'a vu également pour Val-d'Or, des
transporteurs qui prennent la responsabilité, avec un soutien gouvernemental
possible, parce qu'il faut quand même se souvenir que la première demande qu'on
avait faite lorsque la crise a éclaté, c'est que le programme de soutien aux
transporteurs aériens, en mode pandémie, pendant l'urgence sanitaire, soit
prolongé du mois de juin jusqu'à ce qu'on trouve une solution. Le ministère a
accepté de le prolonger jusqu'au 31 octobre. On a posé la question, à
savoir si on envisageait de le prolonger davantage, parce que le ministre admet
lui-même que le 1er novembre, là, il n'y a rien de réglé. Alors, il s'est
dit ouvert à ça. Ça, c'est un plus, ce qui fait que, dans un horizon
prévisible, on n'est pas en mode crise. On a des transporteurs qui font le
travail.
Ce qu'on veut bâtir, c'est un nouveau modèle
qui nous projette vers l'avenir, qui empêche, par exemple, Air Canada de
revenir dans le décor. Et le ministre semble vouloir négocier une entente avec
Air Canada, un pacte de non-concurrence. C'est comme ça qu'il appelle sa
démarche. On ne sait pas si ça va donner des résultats. On n'est pas présents
aux négociations. On pourrait le souhaiter. Mais moi, je trouve que l'approche
du ministre est particulièrement naïve lorsqu'on sait qu'Air Canada n'a
toujours travaillé que pour ses actionnaires. Est-ce que la pandémie peut avoir
à ce point agenouillé Air Canada qu'il accepte de se retirer de certains
marchés qu'il pourrait juger lucratifs pour les beaux yeux du ministre? J'en
doute beaucoup. Et la question qui se pose : Qu'est-ce que le ministre
mettra sur la table pour convaincre Air Canada de se retirer?
Il y a une autre option que j'ai demandé
au ministre d'analyser, celle du prix plancher, dont on discute depuis nombre d'années,
et, à ce jour, on ne sait même pas si la solution est réalisable. On ne sait
pas si, sur le plan réglementaire, le gouvernement du Québec peut fixer un prix
plancher en deçà duquel un transporteur pourrait être, par exemple, poursuivi
en justice pour avoir fait du dumping, pour avoir coupé les prix en brimant un
marché concurrentiel.
Alors, c'est des pistes qu'on doit
absolument explorer, puis on va le faire à visage découvert, en public, devant
public.
M. Bergeron (Patrice) : …s'est
prononcé clairement en faveur d'un modèle, la semaine dernière ou il y a deux
semaines, coopératif, là. Je pense, c'est des gens d'affaires. Je ne sais pas
trop, là. Vous, là, vous vous positionnez où là-dedans, là? Est-ce que vous
favorisez un modèle en particulier?
M. Arseneau : Bien, je
voudrais dire que ma collègue de Québec solidaire, Mme Ghazal, appuie
entièrement la proposition qu'on a faite de tenir une commission parlementaire.
Elle a déjà exprimé une préférence en même temps que son parti pour le modèle
coopératif. La proposition est certes intéressante. Mais comment se prononcer
si on ne connaît pas les 22 propositions qui ont été déposées au gouvernement?
Et c'est là où moi, je pense qu'avant de choisir un modèle il faut savoir l'ensemble
des options, l'éventail de toutes les propositions qui ont été déposées au ministère.
Mme Lévesque (Fanny) :
Vous devez avoir des préférences, là, M. Arseneau. Vous connaissez bien le
dossier.
M. Arseneau : Bien, en
fait, moi, je vais vous dire, ma préférence ne va pas vers un modèle ou vers un
transporteur, elle va pour un service aux citoyens qui soit fiable, qui soit
régulier et qui soit à prix abordable. Et le transporteur ou le modèle qu'on
pourra développer, qui nous permettra d'atteindre ces objectifs-là, en évitant
de se requestionner sur le modèle à tous les trois, les cinq ou les 10 ans,
selon le bon gré d'un transporteur, mais c'est ce modèle-là qui devra
prévaloir. Mais moi, je n'ai aucune garantie à l'heure actuelle qu'il n'y a pas
un modèle absolument extraordinaire qui a été présenté au gouvernement, qui
pourrait peut-être nécessiter davantage d'investissements de sa part, mais qu'il
va préférer éliminer au final parce qu'il préfère se retirer, idéologiquement,
favoriser, par exemple, la libre concurrence aux dépens du transport régional
et des citoyens qui vivent en région.
Alors, je ne dis pas que c'est ce qu'il va
faire. Je dis simplement que, ne sachant pas sur quelle base le gouvernement va
prendre des décisions et ne sachant pas quels sont les projets ou les propositions
qu'il va éliminer, bien, l'exercice est voué à l'échec. À mon point de vue, si
on veut vraiment faire le travail comme il faut, qu'on le fasse à visière
levée.
Mme Lévesque (Fanny) :
Une dernière question là-dessus. On a parlé de Pascan, Air Liaison, qui ont
levé la main, comme je disais tout à l'heure. Vous dites que ça ne peut pas
être que ça, la solution. Comment on va arriver à réconcilier ça? Parce qu'eux
restent là le temps que, bon, évidemment, Québec trouve une décision, mais, si
on arrive avec un autre modèle, ils vont vouloir rester quand même, là.
M. Arseneau : Absolument.
Les transporteurs aériens, actuellement, vous avez nommé Pascan, on pourrait
parler effectivement d'Air Creebec aussi, il y en a d'autres, je dirais, offrent
un service essentiel à prix fort. Le prix des billets d'avion, ces derniers
mois, a augmenté de 25 % à 30 %. Donc, ce modèle-là, il n'est pas
viable pour les citoyens. Il peut permettre à certaines personnes de se
déplacer. Mais le modèle, il doit comporter non seulement un service régulier
et fiable, mais c'est la portion de l'accès au transport aérien pour les
citoyens qui, actuellement, n'est pas réglée avec l'offre qui est présentement
sur la table, d'où l'idée qu'il faut continuer à y travailler.
Le transport aérien en région, là, c'est
le transport collectif. C'est un élément qui s'apparente, là, au transport en
commun dans les grandes villes. Les gens, pour toutes sortes de raisons, ont
des besoins de se déplacer pour des raisons, justement, économiques, pour des
raisons familiales, pour des raisons d'affaires, pour des raisons de santé. Et
on ne peut pas constamment laisser cette mobilité-là, essentielle pour les gens
des régions, au bon gré des transporteurs.
Mme Senay (Cathy) : J'aurais une
question en français puis ensuite en anglais.
Le Modérateur
: Une dernière
parce qu'il s'en va en commission.
Mme Senay (Cathy) : On va se
dépêcher. Sylvain Roy disait hier à quel point c'est crucial que la cimenterie
McInnis demeure québécoise. À quel point c'est réaliste d'en avoir…
M. Arseneau : Bien, en fait, c'est
réaliste dans la mesure où le gouvernement Legault est nationaliste et veut
justement aller de l'avant, avec des déclarations qu'il a faites encore ce
matin dans les journaux, en disant que la deuxième partie de son mandat sera
encore axée sur un nationalisme économique plus fort. Et actuellement il n'a
pas brillé par l'exemple.
On a vu ce qui s'était passé dans
plusieurs cas. Velan est un dossier où les emplois, 200 emplois, se sont
retrouvés en Inde, et le gouvernement s'en félicitait au départ, en trouvant
que c'était une bonne idée, pour ensuite s'excuser. On a le REM, encore aujourd'hui,
qui fait construire ses poutres… C'est la Caisse de dépôt qui gère ce
dossier-là. Les poutres de béton sont construites aux États-Unis. Et les
exemples sont nombreux.
Alors, si le gouvernement veut se
ressaisir puis être pragmatique, il va dire : On a une usine qui, actuellement,
est installée en Gaspésie, qui crée de l'emploi, qui est de plus en plus
performante. Plutôt qu'aller céder, comme un cadeau, à des intérêts brésiliens
une usine comme celle-là, bien, on va s'assurer qu'elle puisse bénéficier au
Québec. À ce que je sache, on a encore besoin de ciment. On a des milliards à
investir dans les infrastructures. Je pense que le modèle peut être revu à
l'avantage des Québécois et des Gaspésiens.
Mme Senay
(Cathy) : Is it realistic to think that
McInnis can stay and remain a Québec business?
M. Arseneau : It is realistic if we have the political will. And the Government says that he is nationalistic. I
implore him to be pragmatic and say that we have a cement production
installation that can be more «performant», that creates jobs in the Gaspé, and
that we can revaluate our options and make sure that it stays under Québec
rule. And I don't see why they're in such a hurry in wanting to sell the
production… What makes the Government think right now… What makes la Caisse de
dépôt et placement want to have this fire sale, as we
say in French, and get rid of something that, you know, we could keep for a
while and see how it evolves? And there's even a Québec company that would like
to acquire it. So I think we should stay calm, and take our time, and do the
right thing, and make the right decisions for Québec.
Mme Senay (Cathy) : And do you have… for air travel right now?
M. Arseneau : No, no, no. Honestly, people are not in a state of panic because we have service right
now. The service is expensive. People want air travel to get cheaper and the
service to be regular, stable. And they understand that we're still in a state
of pandemic and that it can take some time. That's the reason why I think we
should allow ourselves to discuss the matter a little further. We know that Air
Canada is not going to come back and, you know, perturb the market for another
year, so we've got some time to make the right decisions.
Mme Senay (Cathy) : But you're proposing to the Transport Ministry to put in place a
parliamentary committee. Do you have the impression that would be one…
M. Arseneau : Because there's no information given to the committee members. So how can we possibly choose the
best possible proposal if we don't have access to the information, to the proposals? So the greatest virtue of the parliamentary
committee is that all of the proposals would be presented and debated in front
of the public and in front of the parliamentarians. So, from then on, we can
have a healthy debate on what's best for Québec's regions.
Mme Senay (Cathy) : In your mind, air travel, regional air travel, this is an essential
service and…
M. Arseneau : Definitely, and we've seen that in other constituencies, in other
countries where air travel is essential, such as Australia, or in some parts of
Europe, or in the United States.
But here, in Québec, you can't
let people from the Gaspé, Magdalen Islands, or the Lower North Shore, or
Abitibi without any transportation. How can we possibly develop our economy or
make sure that our population's
well-being is taken care of if we don't have air travel that is accessible? And
that's the key word, it has to be accessible. We can have air travel, but, if
we can't afford to buy a ticket, there you go… So that's why I think the Government recognizes that it has a role to
play, but to what extent? Will it play it the right way, so we have a stable
model for the years to come and not be faced with more and more crises as time
goes on?
Le Modérateur
:Merci beaucoup.
M. Arseneau : Thank you very much. Merci.
(Fin à 9 h 39)