(Dix-sept heures vingt minutes)
M. Barrette : Bonjour. Je
vais commencer en faisant l'affirmation suivante : Quand on perd la
bataille politique, on se cherche un bouc émissaire. Christian Dubé, Simon
Jolin-Barrette, François Legault sont en train de perdre l'appui de l'opinion
publique, et c'est justifié, ils ont couru après. Rémi Nadeau a traité, il y a
quelques semaines, Christian Dubé de charmeur de serpents. Vous en avez des
beaux exemples aujourd'hui.
Que les choses soient claires,
aujourd'hui, là, il y a des centaines sinon des milliers d'entreprises, des
petites et des moyennes entreprises qui ont besoin d'aide. Ils ont besoin
d'aide directe. Le plan d'infrastructures qui est déposé aujourd'hui et discuté
avec beaucoup d'énergie par la CAQ, ce n'est pas ça qui va sauver nos petites
et moyennes entreprises. Les petits et moyens entrepreneurs qui nous écoutent,
là, nous, on les comprend. On a besoin de les aider directement. On ne le fait
pas.
La CAQ a besoin d'infrastructures pour son
programme électoral, puis ça, c'est clair. Et on comprend sa bataille
actuellement. Très bien. Alors, nous, l'accélération ou l'augmentation de
l'activité économique, on est pour, par la construction, on est pour, avec de
l'aide directe aux entreprises, mais on n'en entend pas parler.
Maintenant, aujourd'hui, là, il y a
202 projets sur la table. On ne questionne même pas les projets, quoiqu'on
peut les commenter et les critiquer. Au moment où on se parle, là, là,
maintenant, il y a 202 projets qui peuvent commencer à avancer, mais ils
n'avanceront pas. Pourquoi? Parce qu'un projet, ça se fait de la façon suivante — M Legault
n'a pas l'air à comprendre ça ni M. Dubé, certainement pas M. Jolin-Barrette,
il est peut-être trop jeune pour comprendre la construction — pour
faire un projet d'infrastructures, on écrit un concept, on fait des dessins
préliminaires, on fait des devis, on va en appel d'offres et on le réalise.
Savez-vous pourquoi, là, les 200 endroits,
là, où il y aura des projets dont on connaît la nature, qui peuvent commencer
aujourd'hui à travailler, ne peuvent pas commencer à travailler? On n'a pas mis
le budget à côté de chaque projet. Prenez une maison des aînés. Si aujourd'hui
je dis : Dans telle région, dans telle ville nous allons vous construire
une maison des aînés de — il faut quand même le déterminer — x places,
et on vous donne tel budget pour le faire, cet été, une armée de gens va
travailler, là, comme dans «travailler», des consultants vont être engagés, des
ingénieurs vont être engagés, des promoteurs vont se préparer pour établir un
concept, des plans, des devis, et ils vont attendre avec intérêt les appels
d'offres qui vont se faire en septembre, en octobre au maximum.
C'est comme ça que ça marche, la
construction. Mais savez-vous quoi? Ils ne pourront pas. Ils ne pourront pas
parce que, pour les maisons des aînés, il faut leur dire : Vous, là, qu'on
vous a annoncé «maison des aînés» à telle place, bien, ça va être tant de
places et tant de budget. Le gars ou la fille, là, qui fait la planification,
elle a besoin de ça. Là, elle est là, là. Elle sait qu'elle va l'avoir, cette
personne-là, là. Cette équipe-là, ils ne peuvent pas avancer parce qu'on ne
leur a pas mis les deux conditions fondamentales pour travailler. Vous voulez
accélérer le travail? Mettez les bons paramètres maintenant, demain matin.
Je défis Christian Dubé, pour chacun des
202 projets, de nous mettre sur la table, demain matin, chacun des
éléments nécessaires à partir à la planification. Je le défis. Puis ce n'est
pas compliqué. On le sait ce que ça coûte, 1 kilomètre de route. Les gens
savent comment dessiner une route et quoi écrire sur un concept. Ils peuvent
commencer à travailler demain matin; ce soir, je le défis. C'est ça, la
réalité.
Il y a 25 % des projets qui sont soit
des maisons des aînés ou de la rénovation de CHSLD. On s'entend-tu que les
CHSLD, c'est des centaines de millions de dollars, sinon des milliards pour lesquels
on n'a pas besoin de plans et de devis, là, à rénover, là? On a besoin de
savoir quel budget on nous donne. Vous voulez faire travailler les gens
rapidement? Bien, si vous connaissez vote business un petit peu, là, vous, là,
à la CAQ, dites-leur combien. Les gens vont se mettre à travailler demain
matin. Pas besoin de BAPE pour ça, pas besoin d'expropriation pour ça.
Christian Dubé, notre charmeur, il n'y a
même pas une demie heure, vous a dit, à une question que... je pense que c'est
vous, M. Bellerose, qui l'avez posée, il y a-tu eu une question
d'expropriation? Peut-être vous, Mme Crête, je ne me rappelle pas. Il a
dit : Non, c'est au municipal. Au municipal, on n'a pas de problème.
Alors, O.K., bon, on vient de déterminer qu'il n'y a pas de problème
d'expropriation pour le quart des projets, il n'y a certainement pas de
problème de BAPE, là. Je ne pense pas qu'on va aller construire une maison des
aînés dans une zone humide à l'extérieur de la ville. Donc, qu'est-ce qu'il
leur manque? Un budget, un nombre de places. Ils commencent à travailler demain
matin et ils construisent leurs maisons des aînés. Ils commencent à l'automne.
Franchement, là, rire du monde, là, puis ça, c'est comme la même affaire.
La meilleure que j'ai entendue, là, c'est
François Legault ce matin qui a dit : Écoutez — scandale! — construire,
là, au Québec, ça prend en moyenne quatre ans. Alors, M. Legault, là, je
vais vous demander de revenir demain en Chambre puis nous dire quel projet
d'infrastructure hospitalière, par exemple, s'est construit en moins de trois
ans au Québec. Est-ce qu'à la CAQ, on a le pouvoir de visser les visses plus
vite, de faire couler le ciment plus vite à partir de la bétonnière, de poser
les bardeaux d'asphalte sur les maisons des aînés plus vite? Aïe! Le ciment
va-t-il sécher plus vite avec la CAQ? Voyons donc! Le quart des projets,
mesdames et messieurs, peut commencer maintenant.
Ah! Arrive la question du BAPE. En
consultations publiques, le directeur du BAPE est venu nous dire :
Écoutez, là, mesdames et messieurs, un BAPE, ça ne dure jamais plus que quatre
mois; la majorité se règle en moins de quatre mois. Mais, oui, il y a des
délais, et il nous a expliqué, exemples à l'appui, que la raison pour laquelle
il y avait des délais, c'est parce que les ministères ne faisaient pas
correctement leur travail. Les documents que les ministères présentent au BAPE
pour faire avancer leurs projets sont presque toujours ou certainement trop
souvent inadéquats.
O.K. On va juste vous révéler quelque
chose : les ministères, ce sont les employés du gouvernement sous la
responsabilité des ministres actuels du gouvernement majoritaire. Le directeur
du BAPE nous dit, là : Si vous faites bien votre travail et que vous nous
présentez des documents qui sont adéquats, vous n'attendrez jamais plus que
quatre mois. Alors là, ça, il me semble que, là, il y a une pression incroyable
sur les ministres pour que leurs équipes travaillent correctement, pour que les
ministres surveillent ces travaux préparatoires là de la bonne façon. Ça, c'est
à peu près un autre 25 % des projets, qui sont sous la responsabilité des
ministres.
En quoi 61 est nécessaire? 61... Où est la
provision, dans 61, qui amène les ministres à mieux faire travailler leurs
équipes? Bien, demain, ils pourraient nous répondre. Pas besoin d'aller voir en
commission parlementaire... à l'étude détaillée du projet de loi, de débattre
ça, pas besoin de ça. C'est ridicule. L'autre moitié, c'est à peu près la même
chose.
Le projet de loi n° 61,
là, c'est un projet de loi inutile, tout le monde nous l'a dit. Ce n'est qu'un
prétexte pour que le gouvernement se donne des pouvoirs exorbitants de façon
permanente.
Pourquoi on ne va pas au principe?
Justement, le principe, c'est un mot qui a une valeur, c'est simple comme ça.
L'étude détaillée, M. Legault, M. Dubé, c'est pour peaufiner un
projet de loi à propos duquel on s'entend sur le fond, le principe. Ne nous
demandez pas de peaufiner quelque chose qui n'est pas bon. Nous sommes en 2020.
La société québécoise a changé. L'enjeu de l'environnement, vous ne pouvez plus
y faire abstraction. Vous attaquez les principes que nous avons mis dans nos
lois dans le secteur de l'environnement. Nous vous avons demandé de ne pas le
faire. Vous nous proposez des amendements qui continuent à le faire.
Tous les groupes, hein, qui sont venus
nous parler d'environnement, il n'y a pas un groupe exalté qui est venu, là.
Puis là, je m'excuse à l'avance, là, Dominic Champagne n'est pas venu nous
faire, mettons, un spectacle à l'Assemblée nationale. On a eu des gens
rigoureux. Je parle en particulier du... CPEQ, pardon, qui sont venus nous
faire une démonstration cartésienne, implacable qu'il est possible de respecter
l'environnement, de respecter nos lois tout en accélérant les travaux. Même les
gens, là, qu'on pense des gens exaltés de l'environnement, sont venus nous dire :
On n'a pas de problème avec vos projets. On n'a pas de problème avec
l'accélération. On considère qu'on peut le faire en faisant bien nos choses. C'est
ça qu'on demande. 2020, Québec, dans une société où il y a plusieurs intérêts,
ceux qui ont à coeur la protection de l'environnement, qui viennent nous dire
qu'on peut accélérer les choses tout en respectant nos lois, bien moi, je les
ai entendus.
Puisqu'on personnalise le débat, moi, je
les ai entendus, et ce que vous n'avez pas entendu de Christian Dubé dans son
point de presse il y a quelques minutes... il n'a pas prononcé le mot
«contrôle». Pourtant, tous les organismes qui font de la vérification, la vérificatrice,
le Barreau, le Comité de suivi sur les recommandations de la commission
Charbonneau, la Protectrice du citoyen, tout le monde est venu nous dire, même
l'industrie est venue nous dire qu'il fallait plus de contrôle. Me Bishop,
de Montréal, Jacques Duchesneau et d'autres sont venus nous dire : Il ne
faut pas faire ça après, il faut faire ça pendant, à la case départ. J'ai posé
cette semaine neuf questions là-dessus. Et, encore aujourd'hui, là, Christian
Dubé refuse de s'engager à ce que le niveau de contrôle augmente en augmentant
les pouvoirs de l'AMP au même niveau que le BIG à Montréal. Ce n'est pas la fin
du monde, là.
Bien, moi, ça me fait conclure que
M. Dubé, là, fondamentalement, bien, ce qu'il veut, là, bien, c'est dans
le sens de M. Legault. Nous, là... hein, il l'a dit, M. Legault, il y
a trop de freins, là, dans le gouvernement. Les commissions parlementaires, les
parlementaires, les règles, là, il y en a trop. On le sait depuis le début,
François Legault veut une réforme parlementaire, et 61 est un outil
là-dedans. 61 n'est pas nécessaire pour faire les projets, je vous l'ai
expliqué. Et les contrôles, c'est quoi? C'est des bâtons dans les roues
d'individus qui veulent contrôler le gouvernement, considérer le gouvernement
comme étant leur outil, point. Ils sont propriétaires de l'État. Bien non!
Alors, dans une société démocratique,
l'enjeu est celui du pouvoir et du contre-pouvoir. On veut les enlever, les
contre-pouvoirs. Et, si Christian Dubé était sérieux, déjà, aujourd'hui, il
aurait dit : Oui, on va mettre les mêmes pouvoirs à l'AMP que le BIG. Mais
c'est non, la réponse. Et là il nous dit : Bien oui, bien oui, bien oui,
on y a répondu, aux choses qu'on nous a... Bien, non, il n'a pas répondu.
Mme Crête (Mylène) :
Mais il a quand même dit qu'il avait... qu'il voulait présenter un projet de
loi à l'automne.
M. Barrette : Bien, oui,
un projet de loi. Pourquoi il ne nous dit pas simplement : Oui, on va...
Moi, j'accepterais, Mme Crête, l'argument selon lequel on me dirait :
Écoutez, c'est compliqué, ce projet de loi là, mais je m'engage à ce que les
pouvoirs de l'AMP soient équivalents au BIG. C'est une autre affaire, ça. Mais,
non, il ne s'engage pas à ça. Alors, je le connais, Christian Dubé, là.
C'est un charmeur. Il vient devant vous, là, puis il fait des sourires, puis il
fait des analogies, puis là il dit : C'est le Parti libéral, c'est Gaétan
Barrette. Pendant ce temps-là, il ne prononce pas : On va donner plus de
pouvoirs à l'AMP.
Il va vous dire : Ah! bien oui, bien
oui, bien oui, on va faire un projet de loi. Bien oui, il va en faire un, un
projet de loi, mais, comme il ne s'engage pas, on sait bien qu'à la fin, comme
ils sont majoritaires, bien ça va être : Il n'y aura pas de pouvoir
additionnel. Pourquoi il n'y en aura pas? Il ne veut pas de bâton dans ses
roues parce que monsieur, avec son parti, est le propriétaire de l'État.
M. Bellerose (Patrick) :
C'est un peu évident, après tout ce que vous venez de dire, mais est-ce qu'il
reste toujours une possibilité de s'entendre demain si des amendements sont
présentés par le gouvernement?
M. Barrette : Je l'ai
dit, moi, je vais le redire, O.K.? Je peux travailler tout l'été, là. On vient
de passer, maintenant, trois mois de confinement, là. Je suis reposé, O.K.?
J'ai trouvé ça plate, là, je vais vous le dire, là, comme tout le monde qui
nous écoutent. Je suis prêt à travailler, moi, cet été. On ne voyagera pas, cet
été, à l'extérieur du Québec. On va peut-être même voyager peu à l'extérieur de
Montréal, pour ceux qui sont de Montréal. Vous voulez travailler? Pas de
problème. Mais, je le répète, nous allons travailler avec plaisir. On va aller
en commission parlementaire avec plaisir pour une étude détaillée qui est le
peaufinement d'un projet de loi dont on accepte le fond, le principe. Ce n'est
pas ce qu'on nous présente.
Ce matin, ce qu'on nous a envoyé très tôt
le matin, là, c'est trois, quatre mots ici et là. Pour les sujets qui sont les
plus litigieux, dont, pour moi, l'AMP, pas un mot. Ah! on va faire un projet de
loi éventuellement. Voyons donc, là! Ça peut se régler, ça, pour l'AMP, là, en
une demi-journée, là, même pas, de consultations... d'étude détaillée. C'est
une banalité sur le plan législatif, ça. Voyons! Franchement! Alors, si vraiment,
là, il est rigoureux, là, puis qu'il nous dit la vérité, ce dont je doute, bien,
là, qu'il le fasse. Nous autres, on est prêts.
Et je reviens sur la question de
l'environnement. Ils veulent toucher à l'environnement. Les mots qui ont été
changés dans les amendements, vous les avez vus, là, ça ne change pas
grand-chose à ce qui a été présenté initialement.
Mme Crête (Mylène) :
Est-ce que vous seriez prêts, par exemple demain, à adopter les dispositions
qui concernent les restaurants puis les locataires commerciaux?
M. Barrette : Ah! quelle
belle manoeuvre politique. Il y a-tu quelqu'un, là, qui est tombé dans le
panneau? Alors, regardez, là, je vais vous le dire. Bien facile : on va
scinder le projet de loi, on va garder tout ce qui touche la restauration, là,
on va régler ça, là, un, deux, trois, demain — O.K., lundi.
Scindez-le. Mettez la restauration d'un bord puis le reste de l'autre. Allez-y.
Nous autres, on n'a aucun problème. Peut-être qu'il y a un peu de peaufinement
à faire, là, mais c'est un bel exemple, Mme Crête. Le principe des
segments de cette loi-là sur la restauration, sur le fond, on est d'accord.
Peaufinement, étude détaillée. Scindez-le. Lundi, c'est réglé. Vous voyez la
mauvaise foi? Vous voyez? Ils ne feront pas ça. Ils ne feront pas ça. C'est une
manoeuvre politique.
Puis vous l'avez entendu, Simon
Jolin-Barrette : Ah! les restaurateurs, c'est de la faute à Gaétan
Barrette, ta, ta, ta. On partage peut-être le même nom, on ne partage peut-être
pas la même rigueur intellectuelle. Je ne dis pas qu'il n'est pas bon, Simon
Jolin-Barrette, je dis que, là, il manipule. Puis, avec le charmeur, ça va bien
ensemble, hein? Les deux ensemble, là, écoutez, là, c'est de la musique, là. Je
ne sais pas comment je fais pour rester réveillé. C'est ça, la réalité, là.
C'est ça, la réalité.
Scindez-le. Tout ce qui est restauration,
vous allez voir, ça va aller vite en titi, là, parce qu'on est tous d'accord
avec ça. J'attends. Bien hâte à demain matin. Vous allez voir, je vous prédis
qu'ils ne voudront pas, hein, ils l'ont entendu, là. M. Legault, Simon,
Christian, scindez le projet de loi. Vous allez voir comment ça va aller vite
pour la partie restauration. Mais ils vont le garder attaché pour pouvoir aller
sur toutes les tribunes dire : Ah! le Parti libéral, Gaétan Barrette en
premier, et ainsi de suite.
Alors, voilà. C'est ce que j'ai à vous
dire. C'est bien plate, là, mais il n'y aura pas grand-chose à répondre à ça,
puis on verra bien comment ça va finir. C'est bon?
Une voix
: Merci.
M. Barrette : Ça m'a fait
plaisir. Bonne journée. Bien, bonne soirée, plutôt.
(Fin à 17 h 39)