(Onze heures vingt-huit minutes)
Mme Anglade : Bon, alors,
bonjour, bonjour. On réagit ici à la période de questions que nous avons eue
aujourd'hui. À deux reprises... à quatre reprises, nous avons posé des
questions sur l'économie du Québec et à deux reprises, le premier ministre du Québec
ne s'est pas levé pour répondre aux questions en matière économique de la part
des entrepreneurs. Je trouve ça particulièrement surprenant. Ça fait maintenant
des semaines que l'on demande des aides directes pour les entreprises du Québec
et qu'il n'y a pas de mouvement de la part de ce gouvernement. On voit d'autres
gouvernements agir, que ce soit la Colombie-Britannique, l'Ontario, le Manitoba,
et ce n'est pas le cas pour le gouvernement du Québec.
Alors, particulièrement surprise également
de constater que la réponse du premier ministre a été de nous parler du
fédéral. Je ne pensais qu'on déléguerait l'économie du Québec au fédéral. Je
pense que c'est la responsabilité du gouvernement du Québec d'agir et d'aider
ses entreprises et c'est ce à quoi je m'attendais comme proposition aujourd'hui
de la part du gouvernement. Ce n'est clairement pas ce qu'ils ont répondu à la période
des questions.
M. Chouinard (Tommy) : Si
vous demandez, vous réclamez une aide directe aux petites entreprises en particulièrement,
là, je crois...
Mme Anglade : Oui.
M. Chouinard (Tommy) :
...bon, c'est parce que vous constatez que parmi les programmes annoncés
jusqu'ici, autant à Québec qu'à Ottawa, là, on en échappe. C'est ça?
Mme Anglade : On en échappe...
M. Chouinard (Tommy) : Est-ce
que vous avez des exemples de situations...
Mme Anglade : Absolument, puis
il y a plusieurs entreprises aujourd'hui qui estiment ne pas pouvoir
fonctionner parce qu'elles n'ont pas de liquidités. L'enjeu prioritaire des
entreprises, c'est les liquidités. Ce qu'il y a de disponible aujourd'hui au
Québec, ce sont des prêts ou des garanties de prêts. Il n'y a pas de programmes
spécifiques pour répondre à ça.
L'autre enjeu que l'on connaît, c'est les
entreprises qui doivent maintenant réouvrir, ça coûte extrêmement cher d'aller
chercher le matériel pour respecter les normes sanitaires et, conséquemment,
elles n'ont pas les moyens de le faire et là, elles se disent : Est-ce que
je vais être prête à le faire ou est-ce que je vais devoir déclarer faillite? C'est
exactement là que l'on est.
Si vous voulez des exemples concrets, vous
avez vu les grandes entreprises, les grandes chaînes, que ce soit Aldo ou que
ce soit Lolë, déclarer, donc, qu'elles sont, donc, en difficulté, c'est la même
chose pour les plus petites à leur échelle, et ça, c'est partout, dans toutes
les régions du Québec. Les dernières statistiques qui sont sorties montrent
qu'il y a un impact considérable dans certaines régions, notamment le
Lac-Saint-Jean... le Saguenay—Lac-Saint-Jean, Lanaudière, les Laurentides. Donc
on voit des résultats, on voit des conséquences directes du fait qu'il n'y ait
pas de mécanisme. Et je pense qu'il va falloir qu'on considère un fonds du
gouvernement pour accompagner les entreprises dans l'urgence sanitaire.
M. Chouinard (Tommy) :
O.K. Donc, ce fonds-là... Est-ce que vous êtes capable de définir un peu plus
ce que vous demandez exactement? Est-ce que c'est en fonction de la taille, du
nombre d'employés, de la masse salariale? Comment ça fonctionnerait ce que vous
imaginez, là?
Mme Anglade : Ce qu'on imaginerait...
C'est parce que de la manière dont ça fonctionnerait, on imaginerait que ça
sera en fonction des dépenses associées à l'entreprise. Il y a des entreprises
qui vont avoir beaucoup de dépenses pour aller mettre... acheter le plexiglas,
revoir leur chaîne de fabrication. Donc, dépendant des entreprises, il va y
avoir des montants associés à ça. Donc, ce que l'on veut faire, c'est proposer
un fonds. Mais, même avant de dire ça, même avant d'arriver à ce fonds-là, il y
a plusieurs mesures, depuis quatre.... depuis huit semaines, que l'on propose
au gouvernement pour donner plus de liquidités, qui n'ont jamais été mises en
place. Là, on est rendus à une étape où on va se retrouver avec plusieurs
faillites si on n'agit pas aujourd'hui.
M. Chouinard (Tommy) :
Quelle est, selon vous, la solution pour éviter l'exode de préposés du secteur...
privé, pardon, vers le secteur public en raison des nouvelles conditions
annoncées par le gouvernement?
Mme Anglade : Je pense
que c'est une très bonne question. Je ne sais pas si, Monsef, tu veux réagir
par rapport à ça, parce qu'on l'a soulevé également au niveau économique.
M. Chouinard (Tommy) :
...comme cheffe, quand même.
Mme Anglade : Bien sûr.
Depuis le départ, je pense qu'il n'y a pas des comparaisons qui ont été faites,
et je ne peux pas vous dire exactement comment est-ce qu'on va être capables
d'éviter la situation, mais il est évident que le travail initial n'a pas été
fait. On nous a présenté la situation puis on n'a pas évalué qui pouvait partir
d'un endroit à l'autre, puis ça pouvait provoquer un exode. Donc, le plan nous
est présenté sans même qu'il n'y ait cette analyse qui ait été faite.
M. Chouinard (Tommy) :
Est-ce qu'il faudrait décréter un plancher salarial pour les préposés du privé
ou est-ce qu'il faudrait, je ne sais pas, moi, rendre permanente la prime COVID
de 4 $ l'heure? Qu'est-ce qui...
Mme Anglade : Je n'ai pas...
je ne peux pas vous répondre directement à cette question-là présentement parce
qu'on est en train de justement d'avoir des conversations par rapport à ça. Ce
qui est clair, encore une fois, c'est que dans les... toutes ces mesures-là
n'ont pas été mises de l'avant.
Je reviens, par contre, encore à la
question des ratios par rapport aux propositions qui ont été faites, ce que je
ne comprends pas, c'est qu'on ne soit pas capable de dire que, dans les
endroits où nous avons des enjeux très spécifiques, des CHSLD qui ont été
étudiés et où on sait qu'on a des grands problèmes, pourquoi est-ce qu'on n'est
pas capable de réappliquer les projets pilotes dans ces CHSLD là pour réduire
la pression au niveau des...
M. Chouinard (Tommy) : ...capable
de les appliquer, les ratios, si...
Mme Anglade : Si on les
cible, si on cible par secteur les CHSLD qui ont des difficultés, à ce
moment-là, le même projet ratio peut être appliqué dans... pour ces
endroits-là. Là, ce qu'on essaie de faire, c'est quelque chose qui est très
large. On dit : Ah! on va recruter plein de personnes. Mais on a des
enjeux très spécifiques auxquels on devrait répondre. Et plus on va aller dans
les projets ratios que l'on capable de tester, plus on va être capable d'aller
stimuler aussi une demande.
M. Chouinard (Tommy) :
Mais il y a un point où... oui, oui, allez-y.
M. Derraji : En fait, c'est
pour répondre à votre question, moi, ce qui me vient à l'esprit aujourd'hui,
c'est l'improvisation du gouvernement. Je vous explique c'est quoi
l'improvisation. C'est que, pour faire face à cette pénurie de main-d'œuvre,
qui est devenue un fait, ce n'est plus du «fake news», c'est une réalité. Le gouvernement
essaie de trouver des solutions. La solution que le gouvernement a mise sur la
table hier, c'est techniquement, on est rendus là, qu'il va y avoir un
mouvement de personnel, pas uniquement du privé vers le secteur public. Hier,
j'ai interpellé... j'ai reçu des appels, mais d'autres secteurs d'activité.
Quand le gouvernement met sur la table une formation payante et à des
conditions salariales à 26 $, c'est normal. Il fallait s'attendre que ça
va créer un mouvement au niveau de la société, sachant qu'il y a d'autres
secteurs d'activité où le Québec vit une pénurie de main-d'œuvre, une
exacerbation de la pénurie de main-d'œuvre.
Donc, c'est ça, le constat, maintenant.
C'est que le gouvernement, au lieu de faire un plan clair et être prêt avant
d'annoncer des mesures, bien, on voit l'effet brouillon, on voit de
l'improvisation et des mesures non bâclées, et c'est normal que vous avez ce
genre de questionnement. Bien, moi, hier, j'ai reçu des appels d'entrepreneurs,
que leur salaire qu'ils offrent à certains employés, c'est autour de 20 $,
22 $, rien que sur la Rive-Sud de Montréal. Donc, il fallait s'attendre...
le gouvernement n'était pas prêt, il voulait pallier à un problème instantané
avec une vision uniquement très court terme. On le dit depuis le début, il y a
un effet d'absence et de rareté de main-d'œuvre, et ça s'amplifie avec la
COVID.
Je peux revenir par rapport à votre
question sur les PME?
M. Chouinard (Tommy) : Oui.
M. Derraji : Oui. Comme ma
collègue l'a mentionné au début... notre cheffe l'a mentionné au début, la
situation, elle est très problématique. C'est qu'aujourd'hui, nous avons en
face de nous un blocage au niveau de la restauration et les bars. Donc, les
restaurateurs étaient sur la rue, hier, pour manifester. Pourquoi? Parce que le
gouvernement pense que la même façon avec laquelle il a mis une stratégie en
place pour ouvrir les autres secteurs d'activité, c'est la même chose pour la
restauration et les bars. Or... que ce n'est pas du tout vrai. La restauration,
déjà, vivait des problématiques. Rareté de main-d'œuvre, on le voyait, beaucoup
de restaurants qui n'arrivaient pas à trouver de la main-d'œuvre. Deux, les
frais de fonctionnement. Trois, la marge bénéficiaire, elle est très minime. Et
on leur demande de s'adapter aux nouvelles règles de la CNESST, il n'y a pas
assez d'agents de la CNESST pour les accompagner, pour mettre en place les
bonnes pratiques. Ils doivent rassurer leurs employés, ils doivent acheter le
matériel sanitaire. Pour une petite unité, bien, ça varie entre
5 000 $ et 10 000 $. Qui a les moyens aujourd'hui pour
acheter, sans les frais courants, du matériel sanitaire pour équiper sa PME ou
son restaurant?
Rajoutez sur ça que depuis le mois de
mars, ils n'ont plus de revenus : mars, avril, mai, juin et on tend vers
juillet. Et on leur demande d'ouvrir, d'acheter de la matière première et
fonctionner à capacité réduite, ils ne peuvent pas revenir à 100 %, et
avec une baisse d'achalandage. C'est pour cela qu'aujourd'hui nous questionnons
le gouvernement s'il prend vraiment au sérieux le secteur de la restauration,
des bars et l'hôtellerie.
M. Chouinard (Tommy) :
Mme Anglade, peut-être sur deux autres éléments. Ottawa a envoyé le
signal, et là je ne sais pas s'il y a eu une mise à jour depuis, mais en tout
cas, ça semble... il semble que ça ne sera pas possible de prolonger la mission
des militaires dans les CHSLD du Québec, de la même façon, jusqu'au
15 septembre. Est-ce que c'est une réaction qui vous déçoit ou vous
comprenez la position du fédéral dans cette...
Mme Anglade : Bien, c'est sûr
qu'on aimerait... c'est sûr qu'on veut avoir le soutien le plus longtemps
possible parce qu'on sait qu'on a des enjeux en matière de pénurie. Donc, tout ce
qu'on est capables de faire pour avoir... Puis c'est nous qui avions
initialement demandé à ce que l'armée vienne pour qu'ils amènent un soutien.
Donc, tout ce que le fédéral est en mesure de faire pour poursuivre, c'est sûr
que ça ne peut qu'aider à ce moment-ci.
Je reviens encore, c'est la même question
par rapport au projet de dire qu'on va aller chercher
10 000 personnes alors qu'il n'y a pas véritablement de plan de match
pour le faire, alors qu'on refuse d'essayer de voir de quelle manière bonifier
des conditions pour vraiment être attractif. Ça, c'est véritablement un enjeu.
Donc, on ne veut pas se retrouver à la fin, à dire : Bien, on n'a pas été
capables parce qu'on n'a pas mis les ratios en place. C'est un peu la poule ou
l'oeuf, mais ça nous apparaît essentiel d'aller tester ces questions de ratios
sur le terrain.
M. Chouinard (Tommy) : Vous
avez un député qui, un peu plus tôt, a dénoncé la confusion du gouvernement
quant à la réouverture, là, de l'industrie touristique, les campings, puis tout
ça, sur les déplacements, le fait qu'au fond on essaie de... D'un côté, la
Santé publique dit : Il ne faut pas trop se déplacer entre les régions
puis, de l'autre, la ministre dit : Bien oui, bien, dans une certaine
mesure. Mais c'est quoi votre position? Qu'est-ce que...
Mme Anglade : On veut toujours
respecter la Santé... On va toujours respecter ce que dit la Santé publique. Ce
que l'on pose comme question, c'est de savoir : Pourquoi il y a de la
confusion dans les messages qui sont envoyés? Est-ce que oui ou non, on est
capables... on doit rester dans notre région? Est-ce que, si on déplace, il y a
des règles à appliquer? Et les deux discours n'étaient pas identiques.
Alors, ce que l'on souhaite, c'est de la
clarté par rapport aux positions qui sont présentées, puis je pense que ce à
quoi faisait référence mon collègue, c'est, justement, la confusion qui a régné
dans les annonces qui ont été présentées.
M. Chouinard (Tommy) : Mais
vous vous attendez à quoi? À ce que la Santé publique, qu'ils disent
véritablement c'est quoi la position, disons, d'un point de vue sanitaire, là...
Mme Anglade : D'un point de
vue sanitaire, il faut qu'on soit capables de dire exactement ce qui est
attendu. Est-ce que les gens doivent rester spécifiquement dans leur région et
ne pas bouger d'un point de vue touristique? Est-ce qu'ils peuvent se déplacer
dans une autre région? S'ils se déplacent dans une autre région, quelles sont
les règles qui sont associées à ça? Et, dans un cas, il y avait des règles qui
ont été dictées qui disaient que si tu allais dans une autre région, il fallait
rester en confinement, il fallait faire un certain nombre de choses, et dans l'autre
cas, on nous disait : Non, il va falloir que vous restiez dans vos
régions. Que nous dit la Santé publique pour pouvoir procéder cet été?
M. Chouinard (Tommy) : Selon
vous, est-ce qu'il faut être prudent au maximum, dans le contexte actuel, ou
est-ce qu'il faudrait laisser aller, là, par exemple, les Montréalais confinés
quand même depuis un bout de temps...
Mme Anglade :
Bien, je
pense que la prudence est de mise. La prudence est de mise. On est dans une
situation où on a vu qu'il y avait des décisions qui avaient été prises. Regardez
simplement, juste aujourd'hui, encore une fois, dans les CHSLD, la confusion
qui règne sur le fait que... est-ce que les gens sont testés, pas testés, qui
devrait être testé, est-ce que c'est tous les employés qui devraient être
testés, ne pas l'être? Encore une fois, la ministre n'a pas été capable de
répondre en Chambre aujourd'hui. Donc, il reste encore passablement de
confusion, il va falloir le clarifier. Donc, prudence dans ces cas-là.
M. Chouinard (Tommy) : O.K.
Merci.
Mme Anglade : Merci beaucoup.
(Fin à 11 h 40)