(Huit heures vingt minutes)
Le Modérateur
: Alors,
bonjour à tous. Bienvenue à ce point de presse de la porte-parole du deuxième
groupe d'opposition en matière d'éducation, Christine Labrie, et du porte-parole
de Québec solidaire en matière de justice économique et fiscale, M. Vincent
Marissal. M. Marissal, à vous d'abord.
M. Marissal : Merci, M.
Gagnon. Bonjour. D'abord, un mot sur la transaction qui nous a été présentée
hier, rapidement, ou le début de transaction concernant le Cirque du Soleil.
Évidemment, comme tous les Québécois, je serais très heureux que nous sauvions
le Cirque du Soleil. C'est un joyau, on l'a dit. C'est important que ça reste
au Québec, on l'a dit aussi. C'est important que ça soit fait proprement, hors
des paradis fiscaux, par exemple. C'est important aussi que, si nous prenions
une participation dans le Cirque du Soleil, nous soyons en partie propriétaires
et non pas seulement débiteurs.
Et ce matin, malheureusement, je suis
devant vous avec beaucoup plus de questions que de réponses concernant ce que
nous a annoncé M. Fitzgibbon hier. Ça s'est réglé, d'ailleurs, en deux coups de
cuillère à pot sur le coin d'une table, en trois, quatre minutes de scrum. Ça
manque un peu de sérieux, d'autant que ça fait des semaines qu'on sait que le
cirque est en demande. On parle de millions de dollars, au moins
280 millions de dollars d'argent public du Québec en prêt pour le moment.
Alors, ce qu'on demande, là, minimalement, c'est
de ne pas se faire replonger dans un autre RONA, qui était la meilleure
invention depuis le pain tranché, là, selon la nouvelle cheffe du Parti
libéral. On demande à ne pas se faire entraîner dans une nouvelle aventure à la
Bombardier, avec les milliards qu'on a fini par mettre là-dedans, ou, par
exemple, Rio Tinto Alcan, qu'on s'est fait passer aussi... on s'est fait rouler
dans la farine. On a joué dans ce film-là, on ne veut pas rejouer dans ce
film-là.
Et on demande la publication des ententes,
des deals qui semblent être faits en... c'est rapidement, avec
M. Fitzgibbon. Et je l'ai dit depuis le début, le danger avec ce ministre,
c'est qu'il prend souvent Investissement Québec pour sa petite caisse. Et là on
parle de 280 millions de notre argent. Alors, on veut voir le fameux deal
avant d'embarquer les Québécois et les Québécoises dans une autre aventure qui
pourrait être désastreuse, coûteuse, ruineuse. On veut avoir les détails. C'est
la moindre des choses, c'est une question de transparence. Merci.
Je passe la parole à ma collègue.
Mme Labrie : Bonjour. Écoutez,
vous savez à quel point la question de la pénurie de main-d'oeuvre cause des
maux de tête, en particulier pendant la crise. Ça complique la gestion de la situation.
C'est vrai en santé, évidemment, mais c'est vrai aussi en éducation. À chaque
fois qu'on propose des solutions pour garantir les services aux élèves, pour
garantir le respect du droit à l'éducation, le ministre nous répond que c'est
très compliqué à cause de la pénurie de main-d'oeuvre en enseignement.
Malheureusement, on a eu hier le résultat
de demandes d'accès à l'information qu'on avait faites il y a assez longtemps
déjà et on a constaté que ce problème-là n'est pas du tout en voie de se
régler, parce que le ministre n'a absolument aucune idée du portrait de la
situation. Le ministère ne détient aucune donnée sur les prévisions d'effectifs
pour les prochaines années, aucune donnée sur les prévisions de départ à la
retraite, aucune donnée sur les prévisions de diplomation dans les facultés
d'éducation.
Donc, moi, je me demande sincèrement si le
ministre reconnaît que c'est un problème majeur, que ça nous empêche de régler
la crise actuellement. Comment se fait-il que jamais il n'a demandé un portrait
de la situation pour anticiper les besoins de main-d'oeuvre en éducation, pour
élaborer un plan de sortie de cette pénurie de main-d'oeuvre là? Je suis
sincèrement inquiète pour la suite, d'autant plus que, parmi les seules données
qu'on a réussi à obtenir, on constate que l'hémorragie se poursuit, le nombre
de démissions est toujours en augmentation, même depuis l'élection de la CAQ,
même depuis que le ministre s'est proclamé comme le messie en éducation, même
depuis qu'il nous dit que l'arrivée de la CAQ, qui a annoncé des
investissements en éducation, ça rassure les enseignants. Eh bien, visiblement
non, parce que c'est encore en augmentation, le nombre de démissions, à chaque
année, et c'était vrai pour l'année scolaire 2018‑2019.
Le Modérateur
: Très
bien. Alors, si vous êtes prêts à prendre les questions...
M. Laforest (Alain) : M. Marissal,
est-ce que vous pensez que M. Fitzgibbon aurait dû favoriser les
repreneurs québécois?
M. Marissal : Je pense
que M. Fitzgibbon doit, d'abord et avant tout, favoriser les Québécois et
les Québécoises. Avant de mettre de l'argent dans une entreprise, on veut avoir
la plus grande des transparences. Idéalement, si le cirque pouvait demeurer
propriété québécoise, tant mieux, mais ça ne se fera pas sur un coin de table,
régler en quelques minutes des deals à 280 millions et peut-être
davantage, on ne le sait pas encore pour le moment. Un prêt, on ne sait pas
combien il va rapporter. Combien vaut le cirque, le ministre ne veut pas le
dire. De quelle façon pourrons-nous éventuellement être remboursés, on ne le
sait pas non plus.
Ça ressemble malheureusement à la vieille
bobine qui tourne en boucle, là, Bombardier, RONA. À chaque fois, on se fait
rouler dans la farine. À chaque fois, il y a un gouvernement qui arrive en
disant : Eurêka! j'ai trouvé. Facile de dépenser l'argent du monde, mais
je le répète, là, ce n'est pas son argent. Investissement Québec, ce n'est pas
la petite caisse du ministre.
M. Bellerose (Patrick) :
...filiale dans les îles Caïmans, est-ce que, pour vous, ça signifie
automatiquement qu'on fait affaire avec des paradis fiscaux et qu'il y a de
l'évasion fiscale en jeu?
M. Marissal : L'évasion
fiscale, dans ce cas-ci, n'a pas été démontrée. On parle d'optimisation
fiscale, quelque chose qui a été dénoncé ici même par la Commission des
finances publiques en 2017. Ça ne fait pas longtemps, là. C'est quelque chose
qu'on avait demandé de cesser. On avait demandé notamment... les parlementaires
de l'époque avaient demandé notamment que la Caisse de dépôt ne joue plus dans
les paradis fiscaux. Il y a des pays sérieux, là, comme le Danemark, qui ont
dit : Paradis fiscal égale «no, no», il n'y en aura pas, d'aide. C'est ce
qu'on a demandé au ministre. Il m'a répondu que je confondais tout, que je ne
comprenais rien. Cela dit, le fait est, là, que TPG et M. Laliberté, si
jamais il devait revenir, ils sont dans les paradis fiscaux. C'est connu, c'est
notoire.
Encourager la pratique des paradis
fiscaux, c'est encourager des mauvaises pratiques fiscales. Ils sont dans les
paradis fiscaux pour une raison, pas juste pour les palmiers, là, des Bahamas.
Ils sont là pour des raisons de fric, et ce n'est pas acceptable.
M. Lacroix (Louis) : Est-ce
qu'un homme d'affaires comme Guy Laliberté, qui dit maintenant qu'il veut
racheter le Cirque du Soleil, qui est milliardaire, est-ce qu'il a besoin de
200 millions du gouvernement québécois pour acheter le Cirque du Soleil?
M. Marissal : La réponse, net,
frette, sec, c'est non, d'autant que M. Laliberté a fait un sacré bon deal
avec la Caisse de dépôt juste avant que le chapiteau s'écroule. En passant, je
n'ai pas compris ce «move»-là de la Caisse de dépôt, mais M. Laliberté, si
d'aventure, il voulait racheter, je pense qu'il a les moyens de le faire. Si le
gouvernement du Québec doit intervenir, nous devons avoir une participation, pas
juste un rôle de spectateur puis éventuellement de perdre nos billes là-dedans,
parce que ce prêt-là, en ce moment, quant à moi, ça s'écrit plus «subvention
déguisée», parce que le cirque est très, très endetté. Le ministre ne veut pas
dire à combien on prête. On met 280 millions de notre argent là-dedans. Il
n'y a absolument aucune garantie qu'on aura des billes à la fin de l'aventure.
Et le ministre, par son opacité, n'a pas beaucoup aidé la cause, en ce moment,
parce qu'il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de questions là-dedans.
M. Lacroix (Louis) : Mais là
les arguments du ministre Fitzgibbon, c'est de dire qu'avec le
200 millions, ça assure, jusqu'à un certain point, un contrôle du cirque
au Québec, avec des gens, des administrateurs au Québec, etc., et payer des
impôts au Québec. Est-ce que vous croyez que ça vaut 200 millions, ça?
M. Marissal : Si on investit
pour 200 millions, il faudrait qu'on en ait pour 200 millions. Ça, c'est
une base assez simple, là — ces gens-là se disent des «deal makers»
puis des gens d'affaires — parce que, si on est pour brûler 200 millions
dans une entreprise qui va revendre puis qu'on ne sera pas capables de
reprendre nos billes, ce n'est pas un gros deal pour nous autres, ve pourquoi
je demande, nous demandons de voir l'entente. Il s'agit de fonds publics.
Alors, qu'on nous donne l'entente, qu'on
ne nous refasse pas le coup qu'on nous a fait si souvent avec les Bombardier,
RONA et autres entreprises de ce monde.
M. Bergeron (Patrice) : Donc,
comme M. Laliberté, donc, est dans les paradis fiscaux, selon vous, il devrait
être écarté de ceux-là qui seraient parmi les repreneurs?
M. Marissal : Il peut vendre,
hein, ce qu'il a dans les paradis fiscaux. Ce n'est pas une obligation que
d'être dans les paradis fiscaux. Il y a de plus en plus de juridictions à travers
le monde, même l'Union européenne s'est avancée là-dessus... Il y a des pays
qui sont allés de l'avant. Je pense que c'est la moindre des choses, en temps
de pandémie, où nos économies s'écroulent, où tout le monde souffre, où les
États sont appelés avec notre argent à investir massivement pour tenir ça à
flot, c'est bien le moins qu'on puisse demander qu'il n'y en ait pas qui
resquillent puis qui s'en aillent se faire du cash dans les paradis fiscaux,
qui sont des régimes douteux, pour ne pas dire le plus.
Alors, oui, notre position là-dessus, elle
est claire, mais celle du ministre Fitzgibbon aussi et du gouvernement, elle
est très claire : ça ne leur fait pas un pli.
M. Bellerose (Patrick) : Un
petit commentaire sur la climatisation des CHSLD? La directive du sous-ministre
Gendron est partie hier. Est-ce que Québec a trop tardé à climatiser les
chambres et les CHSLD?
M. Marissal : Quiconque a déjà
fait des rénovations chez lui sait qu'une soumission, ça ne te refait pas une
cuisine, là. Alors là, tout d'un coup, là, la ministre Blais nous dit :
J'ai envoyé la directive, puis, comme par hasard, il faudrait que les
climatiseurs, là, poussent de génération spontanée en une nuit. C'est ridicule
et c'est dangereux, parce que, là, il va faire très chaud. Il fait déjà très
chaud, et on apprend ce matin qu'il y a notamment des fournisseurs qui avaient
sonné l'alarme bien avant, en disant : Bien oui, l'été va revenir. Sais-tu
quoi? L'été va revenir, c'est comme une certitude, ça, dans la vie, puis ils
n'ont rien fait.
Alors, c'est comme de la pensée magique
assez incroyable, de la part de la ministre et du gouvernement, de dire :
J'ai envoyé une directive, quand on sait quelle tour de Babel ça peut être que
les CIUSSS et autres.
Vous avez envoyé une directive puis vous
pensez que ça va se régler de même? Ce n'est pas sérieux, là. Ce n'est pas
sérieux, puis là on joue vraiment, là, doublement avec la vie du monde, là.
M. Laforest (Alain) : Ça vous
dit quoi sur la gestion de ce ministère-là quand l'entrepreneur, là, a envoyé
un avis en avril et qu'il y a des entrepôts pleins, on a vu les images, là, des
entrepôts pleins de climatiseurs et qu'on lui a dit : Attendez. En avril,
il a averti : Avec la COVID, ça va être compliqué, puis on a dit :
Attendez. Puis il y a eu une directive envoyée hier, mais l'entrepreneur, lui,
ça fait au-dessus d'un mois qu'il a avisé.
M. Marissal : Ça vous dit tout
le manque de sérieux, de préparation. Ça vous dit toute l'improvisation de ce
gouvernement-là. Et là c'est grave parce qu'on joue avec la vie du monde. C'est
déjà pénible d'être dans un CHSLD, c'est épouvantable. Ces gens-là vivent dans
des situations pitoyables, et là, en plus, on va les faire mourir de chaleur
parce que quelqu'un, quelque part, n'a pas allumé que l'été allait revenir puis
que ça prenait des climatiseurs.
M. Bergeron (Patrice) :
Est-ce que la ministre responsable des Aînés est encore à sa place?
M. Marissal : La question est
intéressante.
M. Bergeron (Patrice) :
Est-ce que la réponse pourrait être intéressante aussi ou...
M. Marissal : Je vais laisser
M. Legault gérer son cabinet. Là, il y a une crise. Visiblement, les
réponses qu'on nous donne sont loin d'être satisfaisantes, mais, en attendant,
là, la priorité c'est de sauver du monde, c'est de sauver notamment des
personnes âgées qui vont se retrouver dans des fours, là, où il va faire 38,
39, 40 degrés, là, dans des chambres d'hôpitaux puis de CHSLD vétustes. On
réglera le cas de Mme Blais un peu plus tard, mais, pour le moment, il s'agit
de sauver des vies.
Le Modérateur
: Une
dernière en français? On y va en anglais, Cathy Senay.
Mme Senay (Cathy) : You said that, basically, you have an impression that the deal for
the Cirque du Soleil was very spontaneous, that it should have been more
thought through, but why do you think this precipitation is announcing a bad
result? Québec is basically helping the Cirque du Soleil to survive.
M. Marissal : Yes, maybe because it's trendy, but you have noticed that they are
doing absolutely nothing in the larger picture of the cultural industry in
Québec. And every time I speak with Mr. Fitzgibbon about culture, he's answering
about the Cirque du Soleil. So I came to think that, for him, culture, Québec
equal Cirque du Soleil.
The Cirque du Soleil is a
big piece of it, but it's only one piece, and frankly I don't see why we should
precipitate and throw some public money without any transparency in that.
That's what we are asking for. We want to see the deal before we put any more
money in that.
Mme Senay (Cathy) : And public money to basically give out $280 million, in
Canadian dollars, to perhaps players that are involved in «des paradis
fiscaux», I mean, this is... ethically, this is not something that should have
happened in Québec.
M. Marissal : For me, this is an ethical test from the beginning and not only
with the Cirque du Soleil, but with all companies that will knock at the door
of the Government to ask for
money. We should not invest a penny of our money in fiscal paradise, period.
Mme Senay (Cathy) : About CHSLD, the Ombudsman in Québec is starting an investigation. She's planning to have a first step
of her report in the fall. Today, Premier Legault is supposed to make public
the report of the Canadian Army in CHSLD. The situation is very bad as we all know.
How do you think the
Legault Government should
explain or should receive the report from the Canadian Army in the situation in CHSLD in Québec? What should they do with it?
M. Marissal : Well, they should do what they should have done for years, and act,
and stop sending memos about air conditioning. They should act and act quickly.
It's a shame that we have to wait for reports from the Canadian Army to know
that it is going bad and from bad to worse in CHSLD. Come on! We knew it, so
let's do something. Stop sending memos and hoping for fairy tale stories to
happen and suddenly all the CHSLD will be fine in Québec. This is not serious, that's improvisation, but the problem is now
that it is killing people.
So, come on, let's put
your act together and stop just sending memos. Act, do something. Minister
Blais likes to visit CHSLD? Let's go. Let's go, it's time to go.
Le Modérateur
: Thank you very much. Merci.
M. Marissal : Merci.
(Fin à 8 h 35)