(Onze heures seize minutes)
M.
Bérubé
:
Bonjour. Il me fait plaisir aujourd'hui de déposer, au nom du Parti québécois,
le projet de loi n° 591, Loi modifiant
la Charte de la langue française afin de préciser dans quelles circonstances un
employeur peut exiger pour l'accès à un emploi ou à un poste la connaissance
d'une langue autre que la langue officielle , évidemment le français. Ce
projet de loi se veut une réponse à une brèche qu'on retrouve dans la loi 101
suite à un jugement de 2016 qui permet une interprétation plutôt large des
conditions où c'est essentiel.
Je vous rappellerai le débat des chefs de
2014, où cette question-là a été évoquée et où le premier ministre de l'époque,
Philippe Couillard, disait : Tout le monde doit parler anglais, d'un coup qu'il
y a un investisseur américain qui passe par là puis qui voudrait poser des
questions. Ça avait été tourné au ridicule. Je n'avais pas la réponse de
François Legault, maintenant premier ministre du Québec, alors j'ai pris la
liberté de lui poser ce matin, à savoir s'il serait ouvert à appuyer ce projet
de loi, voire même le faire adopter, parce qu'une fois qu'il est déposé, il
peut être appelé, il peut être débattu, il peut être adopté, rien n'empêche le
Parti québécois de faire adopter une législation.
Il s'est montré ouvert à cette suggestion. Ensuite,
je lui ai dit : Bien, écoutez, si la socialisation en français en milieu
de travail, c'est important, bien, rêvez plus grand. Que les entreprises de
moins de 50 employés soient assujetties à la Charte de la langue
française, une autre de nos demandes, et on en a combien d'autres. Donc, un
premier geste dans une année qui se veut tournée vers la langue, notamment. On
ne sait pas quand ça va commencer, mais nous, on sait qu'on est prêts. De René
Lévesque à aujourd'hui, le Parti québécois a toujours fait de la langue un des
dossiers centraux de son action politique. On a une expertise, personne ne
connaît ça plus que nous à l'Assemblée nationale, les dossiers de la langue, et
on va certainement avoir une contribution très positive sur la promotion de la
langue, sur la protection de la langue, sur sa qualité et sur la francisation.
On aura des propositions très concrètes, et
je suis convaincu que la référence en cette matière sera indiscutablement le Parti
québécois, qui n'a cessé de s'intéresser à cette question et qui réalise, comme
bien des Québécois, que le français recule au Québec, qu'il recule à Montréal,
qu'il recule dans les milieux de travail, qu'il y a une anglicisation accélérée
sur l'île de Laval, à Longueuil, sur la Rive-Sud de Montréal, en Outaouais, et
que, si on décide de ne rien faire, bien, c'est le poids des francophones, et c'est
notre langue qui va perdre de l'influence, et ce n'est certainement pas le
souhait du Parti québécois. Nous, on veut que cette grande langue, cette grande
langue de l'humanité, la langue commune, la langue officielle du Québec soit
célébrée, mais elle doit aussi être légiférée pour pouvoir s'assurer qu'elle
protège bien les droits des francophones.
Alors, je suis disponible pour répondre à
vos questions.
Le Modérateur
: Mme
Lamarche, TVA.
Mme Lamarche (Michelle) : M.
Bérubé, pouvez-vous nous expliquer comment ça sera mis en oeuvre? Qui
appliquera la loi, déterminera l'illégalité et quelles pénalités vous voyez?
M.
Bérubé
: Bon,
alors, comme ça n'existe pas, c'est vraiment nouveau, ça va être à établir. Je
dirais qu'essentiellement on aura à déterminer... D'abord, l'employeur aura à
faire une demande, à savoir pourquoi c'est obligatoire de parler anglais, par
exemple — ça pourrait être une autre langue — pour ce
poste-là. Il y aura une démonstration à faire de la nature du travail, de sa
nécessité et ça devra être accepté pour ne pas avoir, par exemple, des amendes,
par exemple, des instances appropriées.
Je vous donne des exemples. Par exemple,
des offres d'emploi présentement sur Emploi-Québec, qu'on retrouve aujourd'hui,
pour des gens qui vont faire de la plonge dans des restaurants, pour des
soudeurs, qui ne sont pas en contact avec la clientèle, on leur demande de
parler français et anglais. Il y a des soudeurs qui sont unilingues français et
qui n'ont pas accès à ces emplois-là en pénurie de main-d'oeuvre. Mais plus que
ça, c'est humiliant de ne pas avoir accès à un emploi lorsqu'on parle le
français au Québec.
Alors, c'est de ça qu'il est question, ce
qui n'empêche pas que les Québécois... et je les encourage d'apprendre plusieurs
langues, mais la langue commune du travail doit être le français.
Mme Lamarche (Michelle) : Mais
pour préciser, là — ce n'est pas ma sous-question, là — c'est
l'Office de la langue française qui sera la police de cette loi?
M. Bérubé : On fera le débat
et on a le principe, je dirais, général, mais oui, il m'apparaît que c'est
l'instance toute appropriée pour ça. Et lorsqu'on avait déposé le projet de loi
la première fois, bien, on s'était dit qu'effectivement cette instance-là
pourrait être appelée à jouer un rôle important et qu'il y aurait, je dirais,
une souplesse pour évaluer les cas où c'est vraiment nécessaire.
Mme Lamarche (Michelle) :
Qu'est-ce que vous comprenez de la main tendue de M. Jolin-Barrette ce
matin, à votre avis?
M. Bérubé : Par
l'entremise du premier ministre, oui. Bien, c'est souhaitable. Alors, si on est
sérieux dans ce qu'on entreprend en matière linguistique, et nous, on l'est,
bien, j'ai quelques indicateurs qui me permettent de le vérifier. Alors, de
colmater cette brèche, ça, c'est important. De voir l'ouverture à ouvrir la
loi 101 pour la renforcer, ça, c'en est un autre. Au début, c'était
contre, hein? Depuis le 1er octobre jusqu'à, je dirais, l'an dernier, ils
étaient contre. Là, ils ont une ouverture, mais là le test s'en vient bientôt.
Il va falloir assujettir les employeurs de 50 employés et moins à la
Charte de la langue française.
Il y aura la question de l'affichage. Il y
a la question des ressources pour la francisation. Il y aura la qualité du français.
Il y aura énormément d'éléments qui nous importent. Il y aura la langue
d'accueil, qui est passée de 84 %, à Montréal, en français, à 75 % en
quelques années seulement, et ça continue de descendre à Montréal, mais aussi à
Laval, à Brossard, à Longueuil, à Saint-Lambert. Et on est vigilants là-dessus,
mais là c'est le temps de légiférer et on est disponibles pour le faire, comme
sur le dossier de la laïcité où le Parti québécois avait une position très
complète, beaucoup plus complète et cohérente que le gouvernement, parce qu'on
avait été les premiers à légiférer là-dessus. Il se trouve que je sens au
gouvernement qu'ils ne sont pas vraiment outillés pour s'aventurer là-dessus. Alors,
on se porte disponibles pour les aider à faire adopter les meilleures lois
possible en matière linguistique.
Le Modérateur
:
Mme Gamache.
Mme Gamache (Valérie) :
Qu'est-ce que vous voulez dire par : Le gouvernement n'est pas
suffisamment outillé? Vous avez l'impression que la CAQ n'a pas suffisamment
d'expérience ou risque de faire un projet de loi brouillon, s'il s'attaque à
cette réforme-là?
M.
Bérubé
:
Depuis la création de la CAQ, le français, ça n'a jamais été un enjeu. Au début
de la CAQ puis jusqu'à tout récemment, la preuve, on avait un projet de loi lorsqu'on
était au gouvernement, projet de loi pour renforcer la Charte de la langue
française, la CAQ a dit non parce qu'ils trouvaient que c'était trop... Ah! c'était
trop déstabilisant pour les entreprises, c'était trop de paperasse.
Alors, il y avait un test, la CAQ, depuis
qu'ils existent, puis ils ont dit non à ça. Alors, ils étaient exactement à la même
place que le Parti libéral du Québec. Là, le test qu'ils ont, c'est d'en faire
mieux, d'en faire plus pour les défis actuels, et on les expose présentement.
Alors, je ne sens pas que c'est une priorité chez eux. D'ailleurs,
souvenez-vous qu'à notre caucus de Valleyfield, l'an dernier, ils nous avaient
annoncé que ça commençait à l'automne. Tu sais, Simon Jolin-Barrette avait
remplacé Nathalie Roy. Il ne s'est rien passé depuis ce temps-là. Nous
autres, on est prêts puis on les attend.
Mme Gamache (Valérie) :
Et vous n'avez pas peur d'avoir la même réponse concernant la bureaucratie?
Bon, il y a déjà eu cette réponse sur les entreprises de 50 employés et
moins : Ça devient trop de paperasse. Vous n'avez pas peur que, là,
d'établir cette espèce de système là où, là, chaque offre d'emploi devra être
scrutée par...
M. Bérubé : On est au
Québec. M. Legault n'est pas un vrai nationaliste, parce que, quand ça compte,
il n'est pas là. Je vous en parlerai après. Là, il y a une façon de l'affirmer,
là : d'abord, d'arrêter de mettre en opposition ce qu'il appelle la
bureaucratie avec une nécessité liée à notre émancipation collective comme
francophones au Québec. Si c'est important, la langue, on fait ça. Si on ne
fait pas ça, c'est qu'on est affairiste, puis c'est ça qui est en priorité. C'est
ça, le test qu'a M. Legault, puis jusqu'à maintenant, en matière de langue, il
ne passe pas le test. Je suis prêt à le saluer, s'il le passe éventuellement,
mais, pour l'instant, je ne sens pas qu'il a une connaissance du dossier
linguistique, je ne sens pas qu'il y a une volonté politique et je sens probablement
que plusieurs membres du gouvernement, plutôt affairistes, ne sont pas très
entichés à ce que le gouvernement s'en aille dans cette voie-là.
Mme Gamache (Valérie) : Et à
quel point ça presse? Dans le sens où à quel point il y a un nombre... des
dizaines et des dizaines d'offres d'emploi, de jobs comme de plongeur où on
exige le français? À quel point ça presse?
M.
Bérubé
:
Bien, il y a une urgence linguistique, et chaque jour où des Québécois
francophones sont discriminés au travail parce qu'ils ne maîtrisent pas une
autre langue que leur langue maternelle, c'est de la discrimination. Chaque
fois qu'il y a la discrimination au Québec, on est équipés pour des plaintes,
des suivis des organisations. Mais la discrimination linguistique, ça existe encore
au Québec et ça doit cesser. Et, si on adopte cette loi-là, n° 591,
on met fin à une brèche dans la loi 101 puis on règle ça, ce qui ne règle pas
tout. Il y aura d'autres enjeux, mais si on fait ça rapidement dans cette
session parlementaire, c'est un premier signe de bonne foi. Ça relève du leader
du gouvernement.
Le Modérateur
: Oui, sur
un autre sujet.
Mme Lamarche (Michelle) : Guy
Nantel, il se lance ou il ne se lance pas demain? Qu'est-ce que vous savez?
M.
Bérubé
: Je
sais qu'il va faire une activité publique, c'est tout. Je lui ai écrit ce
matin, parce que j'avais noté que c'était le 14 qu'il avait donné. Il m'a dit
qu'il allait faire un événement, puis ça circule depuis tout à l'heure. Je n'en
sais pas plus.
Mme Lamarche (Michelle) :
S'il décide de ne pas y aller... Vous, vous avez tout intérêt, au parti, à ce
qu'il se lance dans cette aventure?
M.
Bérubé
: Je
n'ai pas d'émotion là-dessus. Moi, je dois accueillir toutes les candidatures
et m'assurer que la course se passe bien entre la course entre les candidats
puis notre action parlementaire. Alors, je n'ai pas de réponse ou d'émotion
là-dessus. J'accueille les candidatures, c'est toujours bon signe quand on a
des candidatures, et puis, pour le reste, je leur parle le moins possible,
parce que je veux me concentrer sur ce qui se passe ici.
Mme Gamache (Valérie) : ...on
ne parle pas d'émotion, là, mais on parle simplement d'engouement et
d'augmentation peut-être de sympathisants et de membership, ce ne serait pas
bon que monsieur... Ne souhaitez-vous pas que M. Nantel, là, secrètement, qu'il
se lance pour le bien de la course?
M.
Bérubé
:
Alors, je vais vous... Bien, pour le bien de la course, là, ça dépend de
comment les candidats vont se comporter, leurs idées, leur attitude. Mais je
réitère que je ne commenterai pas les dossiers d'un tel, un tel, un tel ou
Nantel.
Le Modérateur
: Oui, en
anglais.
M.
Bérubé
:
Toutefois, j'aimerais vous parler de Muskrat Falls. Alors, vous savez,
autrefois, il y avait des jokes de newfie, hein? C'était très populaire au Québec.
Alors là, la joke aujourd'hui, c'est sur le Québec. Le premier ministre du
Québec, avec sa passivité face à ce qui se passe à Muskrat Falls... À nouveau,
le gouvernement du Canada va financer des installations hydroélectriques à
Terre-Neuve, ce qu'il n'a jamais fait avec Hydro-Québec. Puis lui, il dit, le premier
ministre des Québécois, là, autoproclamé nationaliste, il dit : Je
comprends, puis nous autres, quand il y a des inondations, ils nous envoient de
l'argent, puis ils ont des gros problèmes à Terre-Neuve.
Mais que c'est ça? Même Jean-Marc Fournier
du Parti libéral disait que c'est de la concurrence déloyale. Je veux dire, il
est-u si impressionnant que ça, le premier ministre de Terre-Neuve, Dwight
Ball? Je ne comprends pas. Alors, le premier ministre du Québec n'est pas un
nationaliste, en tout cas pas là-dedans, puis il ne m'a pas impressionné, puis
c'est révoltant. Ça mériterait d'être dénoncé fortement, que lui, ah, ce n'est
pas un problème. On a la péréquation. On est plogués sur le gros câble. Bien
non. Moi, ça ne marche pas avec nous autres, puis il va y avoir des suites à ça.
Ce n'est pas fini.
Le Modérateur
: Oui, en
anglais.
M.
Bérubé
:
Les jokes de newfie inversées sur nous, très peu.
Le Modérateur
: Mme Greig, CTV
Mme Greig
(Kelly) : Good morning.
M.
Bérubé
: About the newfie jokes.
Mme Greig (Kelly) : Yes. I'll stay away from that for a second. But how prevalent is
this issue of having a requirement for another language, in your opinion?
M.
Bérubé
: It's a matter of respect. If your mother tongue is French, and you only speak French, you should
be able to work in Québec
without knowing a second language, mostly English, but it could be another
language. It's about respect and it's about fighting discrimination in an era where we need everybody to work in Québec. So there is a hole in the law, and
we fix this hole with this new bill. And I hope the Government is going to be open-minded about it, and this is what I felt this
morning when Premier Legault responded to my questions.
Mme Greig (Kelly) : In terms of how this would actually apply, there's thousands and thousands of job applications out there in Québec today. How do you determine who needs
another language versus who doesn't and can only speak French?
M.
Bérubé
: If you work in a shop and you're not in front of people, you don't
have to respond to those people in a front office and you do a hard job, I
don't think you need to speak English, only if an American investor passes and
ask you questions, like Premier
Couillard told us in 2014. I think it's a matter of common sense. If you don't
need to speak English, why the people offer jobs that ask to speak English? So
we're going to clean this thing and make sure that no one from Québec speaking only French is going to be
discriminated again.
Mme Greig (Kelly) : So would this fall under the purview of the Office québécois de la langue française
or... How would this be actually enforced?
M.
Bérubé
: I think it's the best place to run this, and people could co991 mplain as well. And this is the way it's going
to work. We need to stop this discrimination, and towards everywhere in Québec, people come to... they have
qualification, they want to work, and people told them : You should speak
English. Why? I don't need to speak English here, I know what my job is, I work
in a shop, in an office, only me, I don't talk to anyone in English. No, that's
discrimination, and we should fight that.
Le Modérateur
: Oui, Mme Senay.
Mme Senay (Cathy) :
Even though, Mr. Bérubé, Premier Legaultwas positive about your bill today at questions' period, don't...
Are you disappointed about the fact that...
Une voix
:
...
Mme Senay (Cathy) : Sorry? No, that the CAQ hasn't tabled yet. It's on policy...
M. Bérubé :
They're not ready, for sure. They are not ready about this major issue for the
Parti québécois. We feel that we can help them, because we know for years how
to work those issues, French language. We have some positive and constructive
propositions to do. This is one, there's going to be more. If they need us, we
are going to be there to help them, but I don't feel that in the Government
right now, in the members of Parliament of the CAQ, in the staff, they don't
have anyone who knows how to manage this debate about French in Québec, as good
as we can do it, in the Parti québécois.
Mme Senay (Cathy) : Just because Simon Jolin-Barrette is supposed to table like a
policy... We don't know if it's going to be a bill yet, we don't know if
they're going to reopen Bill 101...
M. Bérubé :
We don't know nothing. Bring something to the table, we are ready to discuss
it. And that's a couple of times he comes to me and says like : Ah! what
are going to propose and when? What about you? You're the minister. What's
going on? We're ready. It was supposed to be last fall, maybe this spring,
maybe next fall... The sooner is the better.
Mme Senay (Cathy) : My last question would be : How do you understand those
delays?
M. Bérubé :
They are not ready. They don't know how to manage that. They don't used to talk
about those issues. We're used to. We're the reference. They can copy us, but
the original is always better than the copy. Thank you.
Le Modérateur
: Merci
beaucoup.
(Fin à 11 h 33)