(Douze heures quarante-deux minutes)
La Modératrice
:
Bonjour. Bienvenue à ce point de presse. Prendront la parole tout d'abord Ugo Lapointe,
de la Coalition Pour que le Québec ait meilleure mine!, suivi de Denis Fillion,
promaire de Grenville-sur-la-Rouge, ensuite Raôul Duguay, un artiste, qui est
avec nous aujourd'hui, ensuite, Émilise Lessard-Therrien, députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue
et responsable en matière de développement et de vitalité des territoires, de Québec
solidaire, M. Sylvain Gaudreault, porte-parole en matière d'énergie du
Parti québécois. Sont également présents, sans prendre la parole, Diego Creimer
de la Fondation David-Suzuki, Normand Éthier, de SOS Grenville-sur-la-Rouge,
Pierre Langlois, expert en électrification des transports, Alice-Anne Simard,
de Nature Québec, Louis St-Hilaire, du Regroupement pour la protection des lacs
de la Petite-Nation, et Rodrigue Turgeon, du comité citoyen pour la protection
de l'esker.
Vas-y, Ugo.
M. Lapointe (Ugo) :
Merci. Donc, Ugo Lapointe, Coalition Pour que le Québec ait meilleure mine!,
MiningWatch Canada.
Donc, nous étions ce matin à l'annonce du ministre
de l'Énergie et des Ressources naturelles, M. Julien, concernant les
minéraux critiques et stratégiques pour le Québec, notamment pour l'électricité
des transports. D'un premier chef, je dirais que nous accueillons favorablement
l'idée d'une réflexion panquébécoise sur le sujet des minéraux stratégiques et
critiques.
Cependant, nous demeurons plutôt
préoccupés, je dirais même déçus, par rapport au manque de considération
sociale et environnementale qui a été énuméré ce matin dans le document de consultation
du ministre et du gouvernement. Nous interpelons aujourd'hui le gouvernement du
Québec pour que le développement des minéraux stratégiques et critiques se
fasse de façon exemplaire. Il y a beaucoup de travail à faire au niveau social,
au niveau environnemental. Les défis en électrification des transports sont
immenses.
Donc, nous proposons aujourd'hui une liste
de cinq grandes recommandations pour le gouvernement du Québec afin que
l'électrification des transports ait meilleure mine.
Premièrement, réduire à la source,
prioriser les initiatives de recyclage, initiatives d'économie circulaire, les
investissements dans des infrastructures qui vont soutenir les filières en fin
de vie des minéraux et des métaux, prioriser des modes de transport qui sont à
la fois sobres en carbone, mais sobres en métaux, en matériaux. Le transport
collectif, le covoiturage sont des investissements et des avenues importants.
Deuxièmement, protéger l'environnement,
mieux le faire au niveau du secteur minier. On ne peut pas prétendre faire des
transports propres si on n'a pas nettoyé le passif environnemental du secteur
minier au Québec, duquel dépend l'électrification des transports. À ce titre,
nous demandons que toute nouvelle mine soit assujettie à une évaluation environnementale
du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. Nous demandons également
de prioriser la création d'aires protégées et l'atteinte des objectifs du
Québec et les objectifs internationaux. Beaucoup de travail à faire dans le Sud
du Québec à cet effet-là.
Troisièmement, l'aménagement du territoire
et le respect des collectivités locales. Il faut revoir les lois, les cadres
actuels, la Loi sur les mines, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme du
Québec, afin de s'assurer que les municipalités et les MRC, les collectivités
autochtones aient un mot à dire, aient un pouvoir de décision sur les choix
d'aménagement du territoire afin de protéger les milieux les plus sensibles,
sensibles écologiquement, socialement, économiquement, milieux de villégiature,
récréotourisme, écotourisme, agroforesterie, etc.
Quatrièmement, le principe pollueur-payeur.
Il faut exiger des garanties financières solides afin que le nettoyage des
sites miniers contaminés se fasse aux frais des entreprises et non aux frais
des Québécois, surtout les sites miniers abandonnés. Encore aujourd'hui,
1,2 milliard de dollars en factures, en dettes environnementales, pour les
sites abandonnés, entièrement refilées aux Québécois. Nous demandons depuis des
années qu'un fonds soit créé et financé en partie par l'industrie, 50 %,
pour nettoyer ce passif environnemental, renforcer la capacité des ministères
et les sanctions pénales lorsqu'il y a infraction aux lois environnementales.
Enfin, dernière demande, dernière
condition, piste d'action qu'on suggère, il faut revoir les critères
d'investissement responsable de nos institutions financières au Québec :
Investissement Québec, Caisse de dépôt et placement du Québec. Il y a beaucoup
d'affaires au niveau social, environnemental, mais également économique. On a
trop investi jusqu'à maintenant au Québec dans des projets miniers mal ficelés
qui ont mené à des pertes de centaines de millions de dollars d'argent des
Québécois. Il faut revoir ces critères-là. Il y a des façons de les revoir. Il
faut que ça se fasse de façon transparente, en collaboration avec des experts
et l'ensemble des parties prenantes.
En terminant, j'aimerais juste conclure
que, sur le format des consultations proposées par le ministre Julien
actuellement, nous privilégions une approche beaucoup plus transparente. Nous
souhaiterions qu'au lieu que ce soient des consultations seulement sous invitation
on ouvre la voie au public de façon beaucoup plus large, que le public puisse
s'exprimer non seulement via les plateformes Internet, mais également en
personne lors d'audiences publiques dans les différentes régions du Québec que
le ministre va parcourir. Merci.
Maintenant, je vais inviter mon collègue
Denis Fillion, promaire de la municipalité de Grenville-sur-la-Rouge.
M. Fillion (Denis) : Merci,
Ugo. Donc, je suis de Grenville-sur-la-Rouge, une municipalité dans les
Basses-Laurentides, située un peu à l'ouest de Lachute.
Donc, nous sommes la municipalité qui est
actuellement prise avec une poursuite de 96 millions de la part d'une compagnie
d'exploration minière qui veut éventuellement ouvrir une mine sur notre
territoire. Et l'histoire a tout simplement commencé quand les citoyens ont
entendu parler du projet. Ils se sont inquiétés, et, là-dessus, tout a déboulé.
Et je fais partie du nouveau conseil municipal qui a mis en place le peu de
moyens dont elle disposait pour préserver le territoire, et surtout protéger
plusieurs milieux sensibles qui sont présents, et évidemment les communautés
qui sont déjà établies sur le territoire.
Et ça nous ramène à un enjeu vraiment important,
qui est toute l'acceptabilité sociale d'un tel projet où est-ce qu'actuellement
on est vraiment en déconnexion entre un projet qui veut aller de l'avant et
l'acceptabilité sociale, et c'est vraiment... Ça découle de cette Loi des mines
qui date du XIXe siècle, où est-ce que finalement les droits des citoyens
sont vraiment en recul sur ce que les minières peuvent faire.
Je vais maintenant donner la parole à M.
Duguay.
M. Duguay (Raôul) : La
question est simple. Est-ce qu'on choisit la vie ou le profit? Est-ce que c'est
conciliable? À mon sens, l'électrification des transports est nécessaire et
c'est la voie du futur, mais avec des conditions très importantes.
L'enjeu ici est la confrontation, est un
questionnement sur l'éthique du gouvernement. Existe-t-il un code d'éthique qui
fait qu'on doit prioriser l'écologie avant l'économie? C'est beaucoup demander,
bien sûr, parce que, dans ce qu'a dit le ministre dans son discours sur le
projet d'électrification des transports, mais en lien avec les métaux rares comme
le lithium, je n'ai vu nulle part mention de la protection de l'environnement,
de l'acceptabilité sociale. Bien qu'elle y demande une consultation générale, j'espère
qu'il va faire appel à ceux qui savent, c'est-à-dire à des scientifiques qui
vont nous donner une lecture de la situation qui est claire et précise, qui est
quantifiée, et qu'on va en tenir compte.
Il ne faut pas oublier qu'écologie et
économie ont la même racine grecque, «oikos», qui veut dire «habitation»,
«territoire», «maison», «habitat». Lorsque l'on doit exploiter des ressources
naturelles, on ne peut pas ne pas tenir compte des suites des travaux qui vont
être faits et de l'impact que cela pourra avoir et sur l'environnement et sur
les communautés qui sont en cause. Est-ce que le pouvoir est aux mains du gouvernement
ou aux mains de l'industrie? Bien sûr, il faut favoriser une économie qui soit
rentable pour l'épanouissement du Québec, mais, si on oublie l'humain... Il
faut réhumaniser l'industrie. Il faut revoir ça avec son coeur et non seulement
avec sa raison. Ça prend les deux. Ça prend un équilibre entre l'écologie et l'économie.
Et on a trop souvent d'exemples qui nous prouvent le contraire.
Nous espérons que ce gouvernement va faire
en sorte de respecter la priorité qui est la vie des citoyens, la vie, v-i-e,
et l'avis, a-v-i-s, des citoyens, qui sont concernés par ces chambardements environnementaux
sur leurs territoires. Qui a le pouvoir de faire ces choses en respectant la
nature, en respectant la culture environnante?
Alors, voilà. Moi, la question que je me
pose, c'est une question d'éthique. Est-ce qu'il y a un système de valeurs qui
préside à toutes les actions du gouvernement? Lequel a préséance? Voilà ma
question. Merci.
Mme Lessard-Therrien : Merci,
M. Duguay. Ça me fait plaisir aujourd'hui de me joindre au collègue pour parler
d'une... pour qu'en fait on ait une transition énergétique au Québec qui ait
meilleure mine. On le sait tous, que le statu quo énergétique, ce n'est pas une
option, et que la transition vers les énergies renouvelables est nécessaire et
urgente. Malheureusement, nous ne sommes pas encore sortis de la crise dans
laquelle nous a plongés notre dépendance aux énergies fossiles que déjà nous
fonçons tête baissée dans notre prochaine dépendance, les métaux et les
minéraux nécessaires au high-tech et énergies renouvelables.
La Banque mondiale a sorti récemment un
rapport qui mentionne que l'augmentation de la demande de métaux pourrait être
multipliée par plus de 1 000 % si les pays prennent les mesures
nécessaires pour maintenir les températures à ou en dessous de deux degrés.
Bien évidemment, ce scénario est celui où on ne limite pas la croissance
économique et qu'on continue le «business as usual» en termes de consommation.
Autrement dit, si on transfère toute la demande pour les énergies fossiles vers
les énergies renouvelables, il faudra accroître de 1 000 % notre
demande actuelle pour ces métaux. Si on ne change pas le modèle, ça veut dire
potentiellement 1 000 fois plus d'impacts sur l'environnement.
Ce n'est pas parce que nos métaux sont
destinés à être utilisés pour des énergies propres que ça élimine les risques
d'avoir des cours d'eau contaminés par les déversements miniers, un air pollué
par les mines à ciel ouvert. Et ces mines continueront aussi de générer des
parcs de résidus miniers qui sont encore, pour l'heure, trop souvent
abandonnés, d'impacter les communautés locales environnantes et de bafouer les
droits des autochtones. Il faut revoir nos façons de consommer, mais il faut aussi
revoir nos façons de produire. Nous devons apprendre des erreurs du passé pour
créer une nouvelle économie durable, résiliente, respectueuse de la capacité de
support des écosystèmes et des communautés locales.
Le Québec possède des ressources minérales
essentielles à la transition d'une énergie propre qui nous permettraient de
faire des batteries avec une empreinte écologique moindre. Il faut rapidement
un nouveau contrat social entre les minières et la société québécoise. Le Québec
doit être un leader et montrer l'exemple. Le gouvernement ne doit pas laisser
la main invisible lui dicter les règles du jeu et doit tracer la voie et
s'impliquer à chaque étape, de l'extraction au recyclage, en passant par la
transformation et l'économie circulaire. On demande au gouvernement caquiste
d'avoir de la vision et de penser aux générations futures, de ne pas juste
saisir l'opportunité économique de la transition, mais de saisir l'opportunité
sociale et environnementale de faire mieux. On peut même tendre la main et
offrir la collaboration de Québec solidaire pour développer ce nouveau contrat
minier solidaire.
En ce sens, nous présenterons demain matin
une motion qui se lit comme suit :
«Que l'Assemblée nationale demande
au gouvernement du Québec de s'engager à développer une politique de production
et de consommation responsable des minéraux stratégiques visant
l'électrification des transports dans le cadre du plan d'électrification et de
changements climatiques;
«Que l'Assemblée nationale demande au
gouvernement du Québec de prioriser la réduction à la source, l'économie
circulaire, la protection de l'environnement, le respect des populations
locales et l'application du principe pollueur-payeur.»
J'appelle le gouvernement à être conjoint
sur le dépôt de cette motion demain matin. Merci.
M. Gaudreault : Alors, bonjour
à tous et à toutes. Ça me fait extrêmement plaisir d'être ici aujourd'hui avec
les gens de la coalition, mais surtout des citoyens et des citoyennes qui
vivent directement à proximité de mines ou de projets miniers, donc des gens
qui sont sur le terrain et qui connaissent particulièrement cette réalité.
On a une occasion unique de faire les
choses différemment au Québec. Nous sommes dans un contexte de transition
obligatoire vers une économie sans carbone, vers une transition écologique qui
est durable. Alors, s'il vous plaît, je suis un historien, mais il y a des limites
à s'inspirer du passé. Alors, regardons plutôt vers le futur ou inspirons-nous
du passé pour ne pas commettre les mêmes erreurs.
Donc, oui à des métaux rares qui
contribuent à l'électrification des transports, oui à des métaux qui vont nous
permettre d'avoir des biens de consommation électroniques, mais qui sont
responsables. On a ce qu'il faut au Québec pour tracer la voie. On a ce qu'il
faut au Québec pour être un des leaders mondiaux à cet égard. Les cinq critères
énoncés par la coalition sont des minimums. Alors, on va plaider à cet effet. On
va être d'accord avec la motion présentée par le deuxième groupe d'opposition.
Et, moi, il y a un élément sur lequel je
veux insister, sur le cinquième critère qui s'appelle le critère
d'investissement responsable. Un des éléments que nous devons nécessairement
ajouter, c'est la recherche et développement, l'innovation technologique, le
soutien, de l'État québécois, des universités, de la recherche pour s'assurer
que les métaux sont retirés dans les meilleures conditions et qu'ils sont le
mieux exploités, dans le respect évidemment de l'ensemble des conditions qui
sont là, avec celle la plus importante, qui est en amont, qui est la réduction
à la source.
Alors, dans cet esprit, nous, on est prêts
à travailler. On est prêts évidemment à collaborer et à avoir une consultation
comme celle qui a été annoncée par le ministre Julien, qui est la plus large
possible, la plus ouverte possible, pour se préoccuper de la vie et de l'avis
des citoyens et des citoyennes qui sont directement concernés. Et, bien, les
citoyens et citoyennes qui sont directement concernés, ce n'est pas compliqué,
il y a ceux qui sont à côté des mines, mais c'est l'ensemble des Québécois et
des Québécoises. Alors, merci.
La Modératrice
: Merci.
M. Lapointe (Ugo) :
Est-ce qu'on a présenté les gens qui étaient ici?
La Modératrice
: Oui,
je l'ai fait.
M. Lapointe (Ugo) :
Alors, questions? Non? O.K. Bien, tout a été dit, je pense. Il y a-tu des
questions de la part des journalistes, s'il y en a? C'est bon.
M. Gaudreault : Merci.
(Fin à 12 h 59)