(Dix heures trente-trois minutes)
La Modératrice
:
Bonjour, merci d'assister à ce point de presse concernant l'état de la santé
mentale chez la population estudiantine du Québec. Prendront la parole ce
matin, dans l'ordre : Philippe LeBel, président de l'Union étudiante
du Québec, Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de Québec solidaire et responsable
de l'éducation supérieure, Marwah Rizqy, porte-parole de l'éducation et de
l'enseignement supérieur pour le Parti libéral du Québec ainsi que Méganne
Perry Mélançon, porte-parole jeunesse au Parti québécois. Monsieur Lebel.
M. LeBel (Philippe) : Bonjour,
tout le monde. Merci d'être présent. Aujourd'hui l'Union étudiante du Québec
lance son rapport sur son enquête Sous ta façade. C'est près de
24 000 membres de la communauté étudiante universitaire qui se sont
prêtés à l'expérience et qui ont répondu à plus de 100 questions sur leur
santé psychologique et sur leurs conditions d'étude. Malheureusement, les
résultats sont alarmants. Quand on pense qu'une personne sur cinq vit des
symptômes dépressifs à un niveau tel qu'il devrait recevoir un suivi de santé
psychologique, quand on pense que le taux d'idéation suicidaire est trois fois
plus élevé que dans le reste de la population et pire encore, que les
tentatives de suicide sont deux fois plus élevées que dans le reste de la
situation, il y a un problème.
L'Union étudiante du Québec
ne cherche pas des coupables, elle cherche des alliés. C'est pour ça que je
suis content aujourd'hui d'être ici en présence de tous les représentants et
représentantes des partis d'opposition pour tendre la main au gouvernement.
Notre rapport est alarmant, mais il offre des pistes de solution. On a
identifié des leviers sur lesquels on peut travailler pour briser le cycle et
améliorer la santé psychologique étudiante. La balle est dans le camp du
gouvernement. Ce qu'on lui demande est simple : de créer une politique
d'amélioration de la santé psychologique étudiante, une politique qui
comprendrait des guides de bonnes pratiques, mais surtout des ressources pour
la communauté universitaire. Le but, c'est que les institutions financées
publiquement arrêtent de nuire à la santé psychologique de la population et
commencent au contraire à y contribuer. Merci.
M. Nadeau-Dubois : Merci,
Philippe. Vous savez, j'ai passé plusieurs années moi-même sur les campus
universitaires, et ce que j'ai lu dans ce rapport m'inquiète énormément. Les
résultats qui sont dévoilés ce matin sont le fruit d'un travail extrêmement
sérieux de l'Union étudiante du Québec. C'est plus de
24 000 étudiants et étudiantes qui ont été consultés dans le cadre de
cette enquête-là, et les résultats sont extrêmement alarmants. Et comme,
moi-même ancien étudiant, j'étais, il y a quelques années à peine, encore à
l'université, c'est des résultats qui personnellement me troublent et
m'inquiètent énormément. On parle de six étudiants universitaires sur dix qui
présentent un niveau élevé de détresse psychologique, une personne aux études
sur cinq qui montre des symptômes dépressifs à un niveau où des soins devraient
être prodigués à cette personne. Les étudiants et les étudiantes, on
vient de le dire, sont trois fois plus nombreux que la moyenne de la population
à avoir des idées suicidaires et ils sont deux fois plus nombreux à avoir fait
des tentatives de suicide.
Ce que ça veut dire, ces chiffres-là, c'est
que les étudiants et les étudiantes du Québec sont en train de péter au frette.
Ce qu'il faut, c'est donner un coup de barre pour renverser la tendance. Le
rapport, oui, met le doigt sur le problème, mais il y a également des recommandations,
et ces recommandations-là, à Québec solidaire, on les appuie totalement.
Il y a des leviers sur lesquels on peut
agir. Cette situation-là n'est pas une fatalité. On peut lutter, bien sûr, et
il faut lutter contre la précarité financière des étudiants et des étudiantes. Il
faut réinvestir dans les services de première ligne, qui ont été sévèrement
coupés par les gouvernements libéraux du passé et qui ne répondent plus aux
besoins. Il faut inclure les soins psychologiques dans la couverture de
l'assurance maladie du Québec. Il faut développer, surtout, c'est une recommandation
importante du rapport, des plans de prévention dans les établissements.
Des solutions, bref, il y en a. Ce rapport
en est bourré, de solutions pour régler ce problème. Il faut se mettre à
guérir, il faut... Pardon, il faut se mettre à prévenir au lieu de guérir en
matière de santé mentale chez les étudiants et les étudiantes du Québec parce
que gérer les problèmes en aval, ça coûte très cher à notre société.
Les gens qui sont aux études actuellement et
qui sont dans nos universités, c'est l'avenir du Québec. C'est les jeunes qui peut-être
un jour siégeront ici à l'Assemblée nationale. C'est les jeunes qui sont
appelés à construire le Québec de demain. Et de voir que ces jeunes sont dans
une situation aussi fragile psychologiquement, ça devrait inquiéter toute la
classe politique, à commencer par la ministre de la Santé. Merci.
Mme Rizqy : Alors, nous
avons, plusieurs d'entre nous, déjà été étudiants. On sait à quel point qu'une
session universitaire, ça passe vite. Et, lorsqu'on lit que certains d'entre
nous, dans les étudiants, doivent attendre trois mois, six mois pour avoir enfin
de l'aide, bien, la session est déjà passée, et on peut en échapper, malheureusement.
L'heure est aux solutions. Puis je suis
contente de voir que c'est 24 000 étudiants, presque 24 000, qui
ont participé à répondre à ce sondage. Juste par le nombre, ça démontre à quel
point que nous sommes face à un problème alarmant, critique, et que ça... On
doit avoir un ministre de l'Enseignement supérieur qui est dédié à trouver
immédiatement non seulement des réponses, mais surtout de prendre les
recommandations et immédiatement agir pour qu'on puisse dire que nous sommes
véritablement en action et que les étudiants auront toute l'aide nécessaire
dans un délai raisonnable. Et un délai raisonnable, ce n'est pas ni trois mois
ni six mois. La session universitaire est beaucoup trop courte, et sincèrement
ici je tiens à vous dire merci parce que c'est un travail qui a été fait avec beaucoup
de profondeur, la qualité des réponses des étudiants, et maintenant c'est toute
la classe politique qui doit s'unir et parler d'une seule voix pour tous nos
étudiants, universitaires et aussi collégiaux.
Mme Perry Mélançon : Merci.
Alors, je prends la parole au nom du Parti québécois pour les dossiers
jeunesse. Alors, je trouvais important d'apporter cet aspect-là, étant donné
que c'est le premier ministre lui-même qui, par ses fonctions, bon, doit se
charger des dossiers en matière de jeunesse.
Alors, je l'avais questionné, lors de
l'étude des crédits, il y a à peu près sept mois de ça, sur plusieurs dossiers
jeunesse, dont notamment la question de la santé psychologique chez les
étudiants. M. Legault s'était montré sensible au sujet de la santé mentale
des jeunes, et je trouve que sept mois, c'est un délai plus que raisonnable
pour qu'on ait un semblant ou, en tout cas, un aperçu du fruit des réflexions
du premier ministre et de tous les ministres qui sont concernés. Parce que, je
le rappelle ici, il n'y a pas d'enjeu de négocier des pouvoirs au fédéral, là.
On parle de la santé et de l'éducation des jeunes étudiants, qui sont de
compétence purement québécoise.
Alors, là, il n'y a pas d'enjeu de temps,
de négociations, de pouvoirs. On a tous les outils et les moyens à disposition
pour traiter de cet enjeu-là, qui est très urgent, il faut le rappeler, là. Il
y a vraiment une question d'urgence ici. Les chiffres sont alarmants et ce n'est
pas la première fois qu'on a des études qui démontrent vraiment l'aspect très
précaire de nos jeunes, la santé qui est précaire, qui est reliée à toutes
sortes de motifs : on parle du surendettement chez les jeunes, pas
suffisamment de services en soutien psychosocial. Alors, je... Vous voyez,
j'espère que le gouvernement voit ce point de presse là comme étant une main
tendue.
On l'a déjà rappelé, on veut travailler à
s'assurer que cet engagement-là du gouvernement soit réalisé le plus rapidement
possible. On pense que de travailler ensemble, ça va peut-être mettre les
bouchées doubles et faire bouger le gouvernement plus rapidement sur cet
enjeu-là, qui est très important. On parle d'un climat très, très néfaste pour
nos étudiants dans les universités, dans les collèges, beaucoup de compétition.
Alors, ça, ce n'est pas de bien préparer la relève à s'intégrer sur le marché
du travail et à être performant par la suite dans leur métier, dans leur
profession. Alors, il faut vraiment s'attaquer au problème. On a dit :
Prévention. Prévention, je pense que c'est le mot à retenir aujourd'hui.
Alors, ce qu'on demande encore, je le
réitère, on demande à déployer des ressources en soutien psychosocial et
d'avoir une politique vraiment plus large, qui va traiter de tous les problèmes
liés à la détresse psychologique chez les jeunes. Alors, je merci de votre attention.
La Modératrice
: Merci.
Pour la période de questions, considérant le nombre d'intervenants, on va s'en
tenir au sujet du jour. Bien sûr, ceux-ci seront disponibles ensuite pour des
apartés.
M. Dion (Mathieu) :
Bonjour. Mathieu Dion, de Radio-Canada. Je suis juste curieux :
Qu'est-ce qui a changé à la base par rapport à, mettons, il y a 10,
20 ans, pour qu'il y ait autant de détresse aujourd'hui?
M. LeBel (Philippe) : C'est
dur à dire. Bien, c'est dur à dire... Premièrement, est-ce qu'il y a quelque
chose qui a été changé? C'est la première fois qu'on sonde la population à ce
point-là sur plusieurs indicateurs de santé psychologique. Ça se peut que ça
ait toujours été comme ça, mais qu'on n'était pas assez ouvert puis qu'on
n'était pas assez sensibilisé à la question dans le fond. Ça pourrait être
aussi simple que ça.
M. Dion (Mathieu) : Mais
ce n'est pas ça qu'il faudrait déterminer d'abord pour qu'on comprenne la
source du problème avant de dire, tu sais, il faut y aller en amont et, etc.
là? Mais, oui, en fait, ça ferait partie de l'amont, mais il faut comprendre la
source du problème pour s'y attaquer de la façon la plus réelle possible.
M. LeBel (Philippe) :
Pour comprendre la source du problème, dans le fond, notre enquête ne faisait
pas juste regarder des indicateurs de santé psychologique, elle regardait aussi
des facteurs qui y sont liés. Donc, à ce moment-là, on a pu identifier des
leviers. Parmi ceux-ci, on identifie la solitude, la compétition entre
collègues, le manque de soutien entre collègues, la précarité financière. C'est
toutes des analyses statistiques qu'on a pu faire qui permettent de démontrer
qu'il y a un lien entre les indicateurs de mauvaise santé psychologique et les
conditions d'études.
M. Dion (Mathieu) : Mais
impossible de savoir si ça s'est détérioré dans le temps, autrement dit.
M. LeBel (Philippe) :
Bien, détérioré dans le temps, non. Par contre, c'est une enquête qu'on a l'intention
de reconduire dans quelques années pour voir, avec les mesures qui seront mises
en place par le gouvernement et par les institutions universitaires, s'il y a
une amélioration.
M. Dion (Mathieu) :
Est-ce qu'il y a un lien avec les réseaux sociaux, pensez-vous?
M. LeBel (Philippe) : On
n'a pas regardé ça étant donné que ce n'est pas quelque chose sur laquelle on
peut avoir un contrôle de toute façon. Donc, on va se concentrer sur ce et sur
quoi on peut travailler pour améliorer les conditions d'études des étudiants et
des étudiantes.
La Modératrice
: Merci.
Patrice Bergeron.
M. Bergeron (Patrice) :
Bonjour à vous tous. Dites-moi, est-ce qu'il est possible d'avoir une idée d'à
quoi ressemblerait le plan de déploiement? Combien de ressources dans combien
de cégeps et d'universités, et combien ça coûterait à peu près?
M. LeBel (Philippe) :
Malheureusement, on n'a pas encore sorti combien ça coûterait. Ce qu'on
aimerait voir, nous, c'est vraiment des guides de bonnes pratiques au niveau du
gouvernement, qui d'abord identifierait ce sur quoi on peut travailler. La
phase I, c'est un rapport panquébécois. Dans la phase II, nous, on
sort des rapports spécifiques pour chaque université et chaque association
étudiante qui ont participé, qui vont permettre d'identifier les facteurs
directement sur lesquels on peut travailler dans chaque université. Puis, à
partir de là, on va pouvoir commencer à parler d'un montant d'argent et de
ressources nécessaires pour améliorer la situation. Mais, d'abord, je pense qu'il
faut commencer à mettre la machine gouvernementale en branle pour qu'on puisse
commencer à parler d'une politique panquébécoise de santé psychologique
étudiante.
M. Bergeron (Patrice) :
Donc, je dois vous avouer que ça fait longtemps que j'ai quitté les bancs
d'école, mais je voudrais savoir quel genre de ressources il existe déjà,
actuellement, pour aider des jeunes qui sont en détresse. Est-ce qu'il y a déjà
des travailleurs sociaux ou des psys dans les écoles?
M. LeBel (Philippe) : Il
y a des universités qui ont des services de santé psychologique, ce n'est pas
toutes les universités évidemment. Alors, on a des grosses, des petites
universités qui ont des ressources différentes. Il y en a plusieurs universités
aussi qui vont se fier avec les ressources qui sont disponibles dans la
communauté autour. Il y a certaines universités qui ont mis en place des
initiatives intéressantes, comme des groupes de soutien entre pairs, donc qui
donnent des formations à certains étudiants, étudiantes, puis qui vont
permettre, après ça, d'amener un soutien entre étudiants, étudiantes. C'est le
genre de chose qu'on peut évaluer puis qu'on peut voir si on peut les mettre en
place pour que ce soit mis en place partout.
Journaliste
: Est-ce
que vous avez quelque chose à rajouter?
Mme Rizqy : Surtout le
délai...
M. LeBel (Philippe) : Oui, les
délais de traitement, ils sont vraiment problématiques.
Mme Rizqy : C'est vraiment au
niveau des délais de traitement. Lorsqu'un étudiant fait une demande pour pouvoir
rencontrer un psychologue ou le temps d'attente par la suite, si le suivi... on
voit que certains peuvent attendre, la session est déjà terminée, il est rendu
dans une autre session. Alors, il faut agir beaucoup plus rapidement, puis
c'est-à-dire qu'il faut déployer davantage de ressources.
M. Bergeron (Patrice) : Donc,
le temps de réaction, si je comprends bien, c'est qu'une fois qu'on pose une
demande, ça prend des semaines, voire des mois avant que quelqu'un fasse un
suivi.
Mme Rizqy : Ça va dépendre si,
par exemple... l'état d'urgence aussi. Donc, si, par exemple, on voit si la
personne, on voit que c'est un classement hyperimportant, ça va être quand même
24, 48 heures. Par exemple, l'Université de Sherbrooke, il y a une ligne
de premiers répondants en 24 heures, mais, après ça, le suivi peut être
plus long, dépendamment des universités puis aussi au niveau collégial, ça va
dépendre, le nombre de ressources, alors, toute la question aussi : Est-ce
qu'on a assez de psychologues au Québec? Toutes ces questions-là qu'il va
falloir qu'on regarde comme il faut. Et, si on n'en a pas assez encore, il va
falloir qu'on forme davantage de gens, c'est-à-dire des ressources
additionnelles, mais il va falloir qu'on commence à avoir véritablement plus de
ressources en matière d'enseignement supérieur.
La Modératrice
: Merci.
Est-ce que vous avez des questions en anglais?
Journaliste
: ...
La Modératrice
: Seulement
sur le sujet, les intervenants seront disponibles ensuite. Merci.
Mme Fletcher (Raquel) : Do you speak English?
M. LeBel (Philippe) : Yes.
Mme Fletcher (Raquel) : Could you just summarize your main opening points in English for
us?
M. LeBel (Philippe) : Yes, sure. So, we made this study. In English, it's Behind the Mask.
We have an overwhelming problem in students' mental health. One out of five
students needs to be followed for depressive symptoms. There is three times
more suicidal ideation among the student community. So, what we are asking the Government is to make a politic of students' mental health to make sure that it gets
improved over the time.
Mme Fletcher (Raquel)
: And compared to years previous, did this
report look at whether or not that increased or decreased among students?
M. LeBel (Philippe) : So, it's the first time we do such a study, so we want to do another
study in a couple of years to make sure that... well, to see which measures
that were implemented have an impact on students' mental health. So, we don't
know if it's going better or worse. The only thing we know is, right now, the
situation is alarming.
Mme Fletcher (Raquel) : What is your main concern? Is it the fact that students are feeling
depressed or have signs of depression or is it a lack of access to importantresources for mental health?
M. LeBel (Philippe) : I think that the main problem in there is the number of factors
that will affect mental health that students are exposed to everyday. So, we
identified a lot of levels on which we can work and this points out the fact
that there's a lot of factors that will have an influence on students, so I
think that's the worst part of all this study.
Journaliste
: Just quickly, you spoke about it in French a little bit, but do you
think it is ultimately just because we're more comfortable talking about mental
health issues now that we're getting these results?
M. LeBel (Philippe) : It's really hard to say, because, as I said, we haven't had a
previous study to compare it. It's definitely a factor. But we also got to take
into account the fact that there is more and more knowledge to be put into,
let's say, for example, one bachelor degree that will last three years and
lasted three years before. That's one thing, but whether or not it's getting
worse or better, the situation is now alarming and something has to be done.
La Modératrice
: Merci
beaucoup.
(Fin à 10 h 49)