(Neuf heures dix-sept minutes)
M. Leitão : Voilà. Alors,
bonjour, tout le monde. Merci d'être là. Je n'ai pas un très grand discours,
vous me connaissez, je ne suis pas le genre à faire de longs discours, mais
nous sommes à la veille d'une mise à jour économique, c'est quand même un
moment important dans notre année financière. C'est une opportunité pour le
gouvernement de mettre à jour son scénario économique ainsi que ses projections
budgétaires. Donc, nous attendons ça avec une certaine impatience. C'est clair
aussi, le gouvernement nous a déjà envoyé plusieurs signaux, qu'ils vont
profiter de cette occasion pour annoncer plusieurs mesures de dépenses et de
revenus. Donc, ça va avoir l'air, dans l'espèce, d'un minibudget.
Moi, j'aimerais juste souligner que, dans
le climat actuel de grande incertitude et volatilité, il faut être prudent, il
faut garder la prudence, on ne sait pas trop comment l'économie mondiale va
tourner. On voit ce qui se passe aux États-Unis, où la croissance est soutenue seulement
par les dépenses de consommation. Les investisseurs, les entreprises
n'investissent pas aux États-Unis, et on sait très bien qu'une économie ne peut
pas être soutenue seulement par les dépenses de consommation s'il n'y a pas d'investissement
privé. C'est ce qui se passe aux États-Unis. Donc, il y a énormément de questions
là-dessus. Donc nous, au Québec, nous sommes dans une bonne position, mais il
faut demeurer prudent, il faut demeurer conscients que les choses peuvent
changer rapidement.
Il y aura aussi publication des comptes
publics. C'est un événement important. On va avoir l'heure juste sur la
dernière année financière, exactement, les dépenses, on va pouvoir comparer
l'actuelle avec ce qui avait été budgété. La seule chose que j'ai à dire à ce
sujet-là aujourd'hui, c'est pourquoi avoir attendu tellement de temps? Les
comptes publics sont prêts probablement depuis le mois de septembre, ils sont
publiés seulement aujourd'hui, ç'aurait été intéressant de les publier plus tôt
que ça. Mais bon, ça, c'est le choix du gouvernement.
Maintenant, comme je l'ai dit tantôt, beaucoup
de promesses, beaucoup d'engagements de la part du gouvernement. À mon avis, il
ne semble pas y avoir une ligne directrice, et ça, c'est préoccupant, parce
qu'on semble aller dans toutes les directions, tous azimuts, et donc ça, c'est
une recette pour des maux de tête plus tard, des maux de tête très importants,
surtout dans ce contexte d'incertitude. Alors, nous, quand on regarde cette
mise à jour, on a certaines attentes, mais, avec ce que je viens de vous dire
d'un gouvernement qui est déjà trop dépensier, on n'a pas non plus une énorme
liste d'épicerie, pas du tout. Nous, on aimerait que le gouvernement se
concentre, en termes de dépenses, se concentre sur ce qu'on appelle le projet
ratio, donc ce qui a été fait en santé... des différents projets pilotes, qui
sont terminés en ce qui concerne les infirmières. Ces projets pilotes ont donné
de bons résultats, et je pense que le moment est venu maintenant de déployer
ces projets-là à la grandeur du système. Nous comprenons que ça coûte cher,
mais ça devrait être ça, à mon avis, la priorité du gouvernement, surtout avec
les données qui sont sorties récemment, encore la semaine dernière, en ce qui
concerne les temps d'attente, etc. Donc, les projets ratio devraient être, à notre
avis, la priorité du gouvernement en santé. On verra. Je ne pense pas qu'il y aura
grand-chose là-dedans, mais bon, on verra.
Aussi, nous avons tous, à l'Assemblée
nationale, souligné les enjeux concernant les autochtones, les Premières
Nations. Il y a eu le rapport Viens, il y a eu l'enquête sur les femmes autochtones
disparues et assassinées. Je pense que, là aussi, le moment est arrivé de
joindre l'acte aux paroles et de réserver des sommes importantes pour que le
travail de la commission Viens puisse porter fruit. Donc, cela aussi est très
important, et je pense que ça devrait faire partie des priorités
gouvernementales.
Finalement, du côté des revenus, écoutez,
depuis le temps qu'on parle de la taxation des géants du Web, je pense que ça
serait un signal tout à fait approprié à donner, à envoyer à tout le monde qu'on
mette en place une taxe temporaire de 3 % sur le chiffre d'affaires des
géants du Web. Cela peut se faire.
Et donc je pense que le gouvernement
devrait profiter aussi de la mise à jour pour annoncer, donc, ces trois choses :
la taxe des géants du Web, l'argent pour mettre en place le comité Viens et,
bien sûr, le projet pilote des projets ratios. Voilà. C'est un peu tout ce que
j'ai à vous dire aujourd'hui. Maintenant, la discussion est ouverte.
La Modératrice
: On va
passer à la période de questions. Alain Laforest, TVA.
M. Laforest (Alain) :
M. Leitão, est-ce que le gouvernement Legault est trop clientéliste dans
son approche?
M. Leitão : Je trouve qu'il
est trop dépensier. Et ses dépenses me semblent être ciblées, mais, en même
temps, pas trop ciblées. C'est contradictoire, mon affaire, mais ciblées dans
le sens où le gouvernement cible vraiment certains groupes comme les familles
propriétaires de maison, avec les taxes scolaires, les allocations familiales,
etc., donc, ça, c'est un aspect de l'approche gouvernementale, mais j'ai dit
aussi, en même temps, pas ciblées parce qu'ils semblent aller aussi dans toutes
les directions. Il n'y a pas de problème qu'on ne peut pas régler tout de
suite, alors on essaie de tout régler en même temps, sans ligne directrice,
sans ligne conductrice, et ça, c'est vraiment la recette pour de très gros maux
de tête plus tard.
M. Laforest (Alain) :
Donc, c'est un gouvernement qui a les deux mains dans l'assiette au beurre et
qui lance le beurre à tout vent?
M. Leitão : Oui, bonne
analogie. Et, quand on lance le beurre comme ça dans le vent, il faut faire
attention que ça ne nous retombe pas sur le visage, ce qui peut arriver quand
on n'a pas une ligne directrice sensible et une approche prudente.
La Modératrice
: Martin
Croteau, LaPresse.
Des voix
: ...
M. Croteau (Martin) :
Ha, ha, ha! Excusez.
M. Leitão : Vous voyez le
beurre qui revient.
M. Croteau (Martin) : J'ai
une question qui n'a pas rapport au beurre. Quels sont les risques... Je fais
appel à l'économiste, là. À quel point est-ce que la menace d'une récession est
sérieuse pour le Québec en ce moment?
M. Leitão : Écoutez, la
menace est sérieuse parce que l'économie québécoise est une économie qui va
bien, est une économie qui est quand même dynamique, et c'est une économie qui
dépend sur sa capacité d'exporter. Notre marché intérieur est relativement
petit. Huit millions de personnes, c'est relativement petit. Donc, nous,
notre avenir, notre niveau de vie dépend de notre capacité de vendre des biens
et des services à l'étranger. Donc, nous, nous dépendons beaucoup du contexte
mondial. Et quand on regarde le contexte mondial, là il y a énormément de questions
qui se posent, énormément de risques : les guerres commerciales
États-Unis — Chine, comme j'ai dit tantôt, le fait que la croissance
économique américaine ne me semble pas soutenable parce qu'elle est seulement
alimentée par les consommateurs, il y a des niveaux d'endettement trop élevés,
et donc, plut tôt ou plus tard, aux États-Unis, ça va ralentir et ralentir sec,
d'un coup. Donc, il y a beaucoup d'incertitude, beaucoup de risques. On doit
gérer les risques et donc on doit être prudents, au Québec.
M. Croteau (Martin) :
Quelles mesures doivent être prises par l'État québécois pour justement éviter,
là, les pires conséquences d'une récession pour le Québec maintenant, peut-être,
dans la mise à jour de jeudi?
M. Leitão : Bon, les
mesures ont déjà été prises par le gouvernement précédent, et sérieusement, là,
dans le sens où nous nous sommes attaqués à rétablir l'équilibre budgétaire et
à dégager des surplus qui ont fait en sorte que la dette publique du Québec a
beaucoup baissé. Donc, cela nous donne maintenant une marge de manoeuvre, si
jamais quelque chose arrive, une marge de manoeuvre beaucoup plus confortable
que, par exemple, nos voisins de l'Ontario pour faire face à une éventuelle
récession, ralentissement, parce qu'on a baissé la dette au cours des quatre
dernières années assez rapidement, donc ça, ça nous crée un coussin de
sécurité.
Deuxièmement, le gouvernement doit aussi, à
mon avis, mettre l'emphase, mettre l'accent sur l'investissement, des mesures,
des moyens de stimuler l'investissement privé. Et ça, ça passe par toute une
série d'actions, dont, par exemple, faire face sérieusement aux pénuries de
main-d'oeuvre. Donc, dans ce contexte-là, d'avoir une place, une politique
d'immigration raisonnable. Ce que nous avons aujourd'hui, avec les événements
de la semaine dernière, c'est une politique d'immigration qui est une véritable
catastrophe, là. Ça change continuellement, je ne pense pas que les ministres
se parlent entre eux. Moi, j'aimerais bien savoir si le ministre de l'Économie
a été consulté par le ministre de l'Immigration, avec tous ces derniers
changements. Donc, il nous faut une politique d'immigration qui soit cohérente
et qui soit stable, que ça ne change pas tous les jours. Donc, la clé, pour
répondre à votre question, c'est l'investissement. Il faut mettre en place tous
les moyens pour stimuler l'investissement privé.
M. Croteau (Martin) : Si
vous me permettez, je vous amène sur un sujet complètement différent, si vous
le permettez. Vous, vous avez appuyé Mme Anglade dans la course à la
direction. Souhaitez-vous qu'il y ait une course? Parce qu'en ce moment il ne
semble pas y avoir d'adversaire pour Mme Anglade.
M. Leitão : Écoutez, le
futur le dira. Moi, je suis un bon prévisionniste, mais pas sur ces choses-là.
J'arrive à faire des prévisions économiques, mais pas sur ces choses-là.
Écoutez, la course officiellement va être lancée lors du conseil général, le
23 novembre. Après ça, de novembre jusqu'au mois de mars 2020, de futurs
candidats peuvent se manifester. Donc, on verra bien. Je n'ai pas d'autre
commentaire à faire.
M. Croteau (Martin) :
Mais, vous qui appuyez Mme Anglade, vous pensez que ce serait la meilleure
chef pour le Parti libéral?
M. Leitão : Oui, bien,
sûr. Bien sûr...
M. Croteau (Martin) :
Est-ce que vous pensez que ce serait une bonne chose qu'elle affronte un
adversaire pour devenir chef du Parti libéral, ne serait-ce que pour se
préparer à éventuellement affronter M. Legault et les autres chefs de
parti?
M. Leitão : Écoutez,
qu'il y ait d'autres candidats ou pas, ça ne change en rien le fait que
Dominique Anglade est la personne indiquée, à mon avis, pour être chef du
Parti libéral et éventuellement premier ministre du Québec. S'il y a une
course, évidemment, il y aura des débats, il y aura des échanges d'idées, ce
qui est très bien. S'il n'y a pas de course, ça voudrait dire aussi qu'il y a
un ralliement des militants du parti autour de Mme Anglade. Donc, dans un
scénario comme dans l'autre, ce sera aux militants à choisir.
La Modératrice
:
Olivier Bossé, Le Soleil.
M. Bossé (Olivier) :
Bonjour, M. Leitão. Vous parlez de maux de tête, évidemment, récession,
mais concrètement ça peut vouloir dire quoi pour 2020, par exemple?
M. Leitão : Ça voudrait dire :
Ralentissement marqué de la croissance des revenus de l'État. Et ça, ça arrive
à un moment qui est particulièrement sensible parce qu'il y a, bon, toutes les
promesses qui ont été faites, les engagements, donc, le gouvernement dépense à
gauche et à droite, et puis il y a aussi, hein, l'éléphant dans la pièce, qui
est la négociation des nouvelles conventions collectives. On voit bien les
demandes des... syndicats, pardon. Bon, ça va se discuter, se négocier, mais il
faut comprendre que la renégociation des conventions collectives vont ajouter
trois, quatre, cinq milliards de plus par années aux dépenses de l'État. Donc, quand
on commence à additionner tous les milliards, là, il risque de manquer de sous
à la fin. Donc, c'est sérieux, notre affaire.
Mme Plante (Caroline) :
Caroline Plante, La Presse canadienne.
Mme Plante (Caroline) : Bonjour,
M. Leitão. J'aimerais vous entendre sur la masse salariale de la Caisse de
dépôt à l'étranger. Elle ne cesse de grimper. On apprend qu'elle est rendue à
60 millions, là, en paies, à l'étranger. Alors, je vous tout simplement
vous demander qu'est-ce que vous en pensez?
M. Leitão : Écoutez, il y
a... oui, il y a ce montant-là, de 60 millions. Il y a aussi 135 personnes
qui travaillent à l'étranger. Bonne question.
Mme Plante (Caroline) :
C'est presque sans limites, là. Ça ne cesse d'augmenter.
M. Leitão : Écoutez,
c'est une bonne question à poser aux dirigeants de la Caisse de dépôt. Nous
avons toujours eu comme ligne directrice qu'on ne se mêle pas de la gestion de
la caisse. La caisse est indépendante, il faut préserver son indépendance.
Depuis un certain nombre d'années, la caisse a fait un virage international,
donc son portefeuille à l'étranger augmente aussi. Bon, il faut qu'il soit géré
comme il faut. Alors, bonne question à poser à la caisse, si ces 130 quelques
personnes font un bon travail ou pas. Moi, je ne commente pas plus que ça.
Mme Plante (Caroline) :
Mais qu'est-ce que vous en pensez, vous?
M. Leitão : La seule
chose que je vais dire, c'est... pour une institution, quelle qu'elle soit, qui
veut avoir, qui a et qui veut avoir un portefeuille diversifié et surtout à
l'étranger, bon, il faut aussi avoir des personnes sur place, des personnes sur
le terrain.
Mme Plante (Caroline) :
Donc, c'était donc sous votre gouverne, là. Les derniers chiffres, ça
remonte... ça va jusqu'à décembre 2018. Alors, on vous sent plutôt
favorable à cette approche-là.
M. Leitão : Quand on
regarde les résultats, le fait que le portefeuille à l'extérieur du Québec, le
portefeuille étranger de la caisse donne de bons résultats... Encore une fois,
pour le détail de qui gagne quoi, ça, c'est une question à poser à la caisse,
ce n'est pas à moi à répondre à ça.
La Modératrice
: Louis
Lacroix, Cogeco.
M. Lacroix (Louis) :
Bonjour, M. Leitão. Juste revenir sur... bon, vous parlez d'une possibilité
de récession éventuelle et vous dites également que le gouvernement Legault
dépense énormément d'argent, dépense beaucoup. Est-ce qu'il y a un risque, à
votre avis, qu'à terme le gouvernement Legault se retrouve dans la même
position économique que celle que vous avez... dont vous avez hérité, en fait,
lorsque vous êtes arrivé au pouvoir en 2014? Est-ce qu'on pourrait se retrouver
dans une situation semblable à votre avis?
M. Leitão : Quand je
parlais, tantôt, votre collègue donnait l'analogie du beurre, lancer du beurre
dans le vent, c'est ça, le beurre qu'on a retrouvé sur le visage, et c'est exactement
ça. Je pense, pour l'année 2019‑2020, il n'y a pas de problème, le budget est
sous contrôle. Même l'année 2020‑2021, bon, on verra bien, mais, après ça,
après ça, il y a de sérieux risques. Il faut planifier à moyen et à long terme.
On ne peut pas planifier, gérer au jour le jour. Ça, c'est la recette pour de
sérieux problèmes plus tard. Et, quand on parle de sérieux problèmes plus tard,
écoutez, on a qu'à regarder pas très loin, regarder ce qui se passe autour de
nous, regarder ce qui se passe présentement en Ontario, où ils doivent faire
face à une situation qui n'a pas été adressée pendant de nombreuses années. Là,
maintenant, ils doivent le faire dans un contexte qui est beaucoup moins favorable
que celui que nous avions fait face en 2014‑2015.
M. Lacroix (Louis) :
Bon. En 2014‑2015, quand vous êtes arrivé au pouvoir, vous avez été nommé ministre
des Finances à l'époque. Il y avait eu quand même un resserrement des dépenses,
là, en tout cas, un fort ralentissement des dépenses, si on peut dire, appelons
ça comme ça.
M. Leitão : Oui, on peut
dire.
M. Lacroix (Louis) :
Est-ce que le gouvernement Legault devrait commencer à agir de cette façon-là maintenant
pour prévenir ce qui pourrait arriver dans quelques années? Et là je fais
référence, entre autres, aux négociations avec les employés de l'État, là, qui
demandent évidemment énormément d'argent compte tenu de la situation économique
actuelle. Vous, à l'époque, vous aviez quand même donné des augmentations qui
étaient extrêmement limitées sur cinq ans. Alors, est-ce qu'il faudrait
prévenir le gouvernement de ne pas ouvrir la caisse?
M. Leitão : Ce que je vais
regarder très attentivement dans la mise à jour, ce sont les projections de
croissance de revenus autonomes et les comparer aux projections de croissance
des dépenses de programmes. Il va y avoir un écart. Ça veut dire, on dépense
beaucoup plus rapidement que nos revenus autonomes. Je vais voir quelle est la
grandeur de cet écart. Il va falloir qu'à un moment donné cet écart se réduise.
Il va falloir qu'à un moment donné nos dépenses de programmes soient en ligne
avec nos revenus autonomes. Sinon, sinon, on va avoir de sérieux problèmes. Les
revenus autonomes de l'État québécois augmentent peut-être de 3 %,
4 % par année, pas plus. Sauf que ce gouvernement a des prévisions
d'inflation beaucoup plus élevées. Ça, c'est une autre discussion. Ce serait
intéressant de l'avoir.
Mais, en tout cas, 3 % à 4 % par
année, croissance de revenus, je ne pense pas qu'on puisse avoir plus que ça,
même un petit peu moins parce qu'ils vont baisser certaines taxes. Alors, les
dépenses de programmes ne peuvent pas être plus fortes que ça. Ce n'est pas de
la physique nucléaire, c'est de l'arithmétique très, très simple. Donc, pour
éviter de gros problèmes plus tard, il faut s'assurer que cet écart entre les revenus
et les dépenses soit le plus petit possible.
M. Lacroix (Louis) :
Donc, est-ce que vous invitez justement le gouvernement Legault à être prudent
dans les augmentations qu'il va consentir aux employés de l'État?
M. Leitão : Très prudent,
très prudent. Et je vous mentionne d'ailleurs qu'en 2015 le gouvernement de
l'époque avait négocié des conventions collectives. Donc, il y avait eu une
entente. Il y a eu quelques grèves, mais pas beaucoup. Donc, on a réussi à
négocier un package avec toute la fonction publique, pratiquement. Donc,
j'incite le gouvernement à faire la même chose et à être très prudent quant à
la facture totale de cette négociation-là.
La Modératrice
:
Charles Lecavalier, Journal de Québec.
M. Lecavalier (Charles) :
Bonjour. Sur un autre sujet, M. Jolin-Barrette a annoncé hier qu'il
souhaitait que le gouvernement, que l'État du Québec cesse de donner des
services en français aux immigrants. Il veut réserver ça uniquement à la
majorité historique anglophone. Alors, comment est-ce que vous recevez ça,
cette nouvelle annonce de la CAQ?
M. Leitão : Oui, bien,
encore une fois, les annonces de M. Jolin-Barrette nous laissent toujours
très perplexes. Là, il annonce quelque chose. On dirait qu'il veut faire un peu
diversion de ce qu'il avait annoncé avant la mise à mort du programme PEQ, qui
est un programme qui est très, très utile et très, très humain, donc des
milliers de personnes se sont engagées à venir étudier au Québec dans cette
optique-là et qui pourraient obtenir le certificat de sélection. Là, du jour au
lendemain, on l'a aboli rétroactivement. Pour faire un peu diversion à ça,
maintenant, il nous parle de cette histoire de communication en français, mais
la communauté anglophone pourrait, elle, continuer à y avoir accès.
Écoutez, moi, je vois... Comment on va
mettre ça en oeuvre? Quelqu'un appelle au gouvernement, quoi, il y aura une
espèce de mot de passe secret qui va identifier : moi, je suis un
anglophone, donc je pose la question en anglais, mais moi, je suis un immigrant,
je pose la question en français? Comment ça va marcher, là, en pratique? Comme
beaucoup de mesures de M. Jolin-Barrette, comme les fameux
18 000 dossiers de son projet de loi n° 9, comme la question du
PEQ, quand on arrive au moment de les mettre en application... C'est ça, il va
y avoir un mot de passe secret qui va identifier les anglophones des
immigrants.
M. Lecavalier (Charles) :
Et est-ce que vous trouvez que c'est discriminatoire? Je pense, par exemple, en
santé, comment ça va... comment on va procéder pour donner juste des services
en français si les gens ont besoin de soins, par exemple?
M. Leitão : Ça a toujours
été la question pour laquelle les gouvernements, les gouvernements précédents
de toutes les couleurs avaient jugé utile de garder les services en anglais,
surtout en région, où la minorité anglophone est quand même présente, et
surtout en santé, où les gens sont vulnérables. Donc, comment on va mettre tout
ça en oeuvre? Grosse interrogation.
La Modératrice
:
Alexandre Robillard, le Journal de Québec.
M. Robillard (Alexandre) :
Moi, c'est Montréal, mais c'est un compliment en même temps de m'associer à une
équipe aussi dynamique.
La Modératrice
: Oh!
parfait. Je m'excuse.
M. Robillard (Alexandre) :
Alors, M. Leitão, j'aimerais ça savoir à combien vous chiffrez les
ressources additionnelles qui seraient nécessaires pour la mise en oeuvre du
rapport Viens.
M. Leitão : Le rapport
Viens?
M. Robillard (Alexandre) :
Oui.
M. Leitão : Ah! écoutez, pour
commencer, je pense que le gouvernement devrait réserver un minimum de
50 millions de dollars. Ça ne sera pas dépensé tout d'un coup, bien sûr,
mais je pense qu'il devrait y avoir un fonds ou une réserve à la hauteur de
50 millions pour pouvoir commencer à déployer les recommandations du
rapport Viens.
M. Robillard (Alexandre) :
Puis est-ce que vous avez chiffré le total des coûts de la mise en oeuvre du
rapport?
M. Leitão : Non, je ne
suis plus au gouvernement, je n'ai pas accès à toute l'information, mais, de ce
que je comprends de ce qui était déjà mentionné dans le passé, il me semble,
donc, que ce montant-là de 50 millions serait utile et nécessaire, et pas
seulement... Ce n'est pas seulement un fonds «one-shot» deal, il faudrait que
ce soit récurrent.
La Modératrice
: On va
y aller en anglais. Cathy Senay, CBC.
Mme Senay (Cathy) :Good morning, Mr. Leitão. I would love to hear your reaction
regarding what the Immigration Minister responsible for the French language,
Simon Jolin-Barrette, says about having Anglophones, but only the historic Anglophones,
receiving services in English. What do you think of this?
M. Leitão :
Well, as many, many measures that have been announced recently by M. Jolin-Barrette,
this one makes me smile a little bit, but it's not
funny. In fact, it's quite sad. It's quite sad because he doesn't appear to
understand how the real world works. I'd like for him to explain to everybody
what is the difference, where does he set the line between an Anglo, an
historic Anglo, and I guess another kind of Anglo, and what kind of test will
have to be put in motion so when somebody calls Services
Québec and says : I'm an Anglophone, so please
answer my questions in
English... And then what? Then, have some sort of a secret password, a secret
handshake that will identify that person as a real Anglo vis-à-vis someone that is not a real Anglo?
So, it's a little farfetched, what has been announced. Again, in my opinion, it
shows a certain disconnect between the minister of Immigration and society, the real world in which we live.
Mme Senay (Cathy) : Is it something that you would qualify as delicate, dangerous,
even, to build up categories like this?
M. Leitão : Oh! I think it's always inappropriate. But again, it's not new, the
CAQ has been doing this kind of thing, divisive politics,
for quite a while, even when they were in the opposition. So, it's not new. I
think, in this particular case, what you're referring to, it also comes in the
context of what was announced last week, in terms of putting an end to the PEQ,
to the program that allows foreign students to get a diploma, a course in
Québec to get a fast track to obtain permanent residency. And I guess, to make
some sort of diversion to kind of stop talking about that, he comes up with
this business of French only, which is difficult to put in place.
Mme Senay (Cathy) : And this morning, Simon Jolin-Barrette said, when he was asked
whether first generation immigrants should be given a break... and
Jolin-Barrette said : All immigrants should have the opportunity to learn
to speak French, and that Québec has invested a lot ensuring this. Is it too
strict, this approach? Is this approach too strict?
M. Leitão :
It's disconnected. He doesn't have a clue, he really... honestly, he does not
have a clue what the reality of an immigrant family is in the 21st century,
he has no clue. And I can give you... all I can do is give you my own personal
case. I came here some years ago. As a young man, it was relatively easy to
learn French and English, no problem. My parents, on
the other hand, always struggled with the language. My mother —my father passed away— my mother, still today, to this
day, speaks a French that is «approximatif».
So, in the «grille
d'analyse» of M. Jolin-Barrette, my mother is a failure. She hasn't been
able to integrate, I guess. But look at her children, I mean her son was
Finance Minister, «quand même». I have two other brothers and two other sisters.
My mother has grandchildren. They're all integrated, they all participate in
society. So, I think M. Jolin-Barrette has to come down to the real world and
really appreciate what life is for an immigrant family.
Mme Senay (Cathy) : And regarding the economic upgrade... (Interruption) Excuse-moi,
cher, ça ne sera pas long...
Une voix
:
Pas de problème.
Mme Senay (Cathy) : The economic upgrade, you want to have more resources for the Viens
report. I mean, concretely...
M. Leitão : «Bien sûr». Yes,
and the nurses.
Mme Senay (Cathy) : And nurses. But, concretely, what do you want to see?
M. Leitão :
Well, we'd like to see the... so the recommendations of the report put in
practice. For that, we believe that there should be at least 50 million,
50 million, five-zero, 50 million dollars set aside to start working
on those recommendations. We understand that, you know, solutions cannot be put
forward, you know, overnight. It's going to take some time but we also think
that the time is now to go from, you know, promises and things like that to
real, concrete action, and real, concrete action, if he does not have the
sufficient financial resources, he won't be taken seriously.
La Modératrice
: Antoine Robitaille.
M. Robitaille (Antoine) :
Est-ce que c'est un objectif légitime, quand même, pour vous, qu'on donne une
chance au français dans l'accueil des immigrants, dans le service?
M. Leitão : Ah! bien sûr!
C'est plus que légitime, je pense que c'est même nécessaire et je pense que
l'État doit mettre en place les mesures nécessaires pour favoriser la
francisation, absolument.
M. Robitaille (Antoine) :
Mais quelles seraient ces mesures-là, d'une part, d'autre part, est-ce que le
Parti libéral, au pouvoir dans les 15 dernières années, en a fait assez?
Il y avait la loi n° 104, qui n'a jamais été
appliquée.
M. Leitão : Regardez, je
pense qu'on peut toujours faire mieux. On peut toujours apprendre de nos
échecs, de nos erreurs, certainement. Je pense que la francisation passe... Ce
qu'on a appris, c'est que la francisation, pour qu'elle soit vraiment efficace,
doit se faire... devrait passer par le milieu de travail. C'est dans le milieu
de travail qu'on devrait mettre en place les mesures, donc les cours, pour que
les personnes puissent apprendre à maîtriser la langue en milieu de travail. D'avoir
une approche où on prend les personnes, on les envoie dans une salle de classe
pendant x nombre de mois, déconnectées de la société dans laquelle elles
habitent et elles travaillent, cette approche-là, que vous avons essayée, ne
semble pas porter fruit. Donc, je pense que l'autre approche, de mettre les
ressources nécessaires sur le milieu de travail, est la plus porteuse.
M. Robitaille (Antoine) :
Donc, un gouvernement Anglade, mettons, ferait en sorte qu'il y ait des cours
sur les lieux de travail?
M. Leitão : Oui, je pense
que oui. D'ailleurs, mon collègue Monsef Derraji insiste beaucoup sur ce
point-là, que l'intégration passe par le marché du travail, et la francisation
passe elle aussi par le marché du travail.
M. Robitaille (Antoine) :
Et vous avez parlé d'échec, tout à l'heure. Pendant vos quelque 15 années
au pouvoir, qu'est-ce qui n'a pas marché?
M. Leitão : Un échec
relatif, échec relatif parce que...
M. Robitaille (Antoine) :
Qu'est-ce qui n'a pas marché?
M. Leitão : Parce que je
pense que, quand même, l'immigration au Québec est un succès. Ce n'est pas un
échec.
M. Robitaille (Antoine) :
Mais est-ce que c'est un succès sur le plan de la francisation?
M. Leitão : Je pense que
oui. Regardez, je pense que oui parce que, quand on parle d'immigration et de
français, je ne pense pas qu'on puisse faire abstraction de la loi 101 et
du fait que les enfants des immigrants doivent aller à l'école française, et
ils vont à l'école française, et ils se francisent rapidement. Et donc, quand
vous avez des enfants qui apprennent le français assez rapidement, le reste de
la famille finit par s'intégrer.
La seule chose que je déplore dans
l'action gouvernementale, c'est cette insistance, cette espèce de phobie que
M. Jolin-Barrette semble avoir, comme quoi la francisation doit se faire
rapidement, deux, trois ans, et, si ça n'arrive pas en deux, trois ans, c'est
un échec. Je dis qu'il faut regarder... L'immigration, c'est un processus
d'intégration. La francisation, c'est un processus, un processus qui dure
plusieurs années, et surtout un processus qui englobe plusieurs générations.
Quand on parle de succès ou échec... (Interruption) pardon, échec de
l'immigration, regardez les enfants, regardez les petits-enfants. Ne vous
attardez pas seulement à la première génération, qui peut avoir plus ou moins
de difficulté à apprendre une langue, ça dépend de l'âge auquel on est arrivé,
ça dépend de beaucoup de facteurs. Mais, si on regarde les enfants et les
petits-enfants, écoutez, je pense qu'en 2019 on peut arriver à la conclusion...
M. Robitaille (Antoine) :
J'aurais plein d'autres questions, mais vous viendrez à QUB Radio.
La Modératrice
: C'est
ce que je partais pour dire.
M. Leitão : On ira chez
vous, si vous voulez, en parler, de ces choses-là. Merci beaucoup.
La Modératrice
: Merci.
(Fin à 9 h 48)