(Quatorze heures cinquante-quatre minutes)
M. Gaudreault : Merci. Alors,
bonjour. Ça me fait plaisir de réagir aujourd'hui au projet de loi n° 44
sur la gouvernance de la lutte contre les changements climatiques et favoriser
l'électrification, déposé par le ministre Benoit Charette.
Je dois vous dire que c'est un projet qui
nous apparaît, à plusieurs points de vue, cosmétique. Pourquoi? D'abord, il ne
répond pas à l'envergure de l'enjeu qui est celui de la crise climatique où on
se serait attendu d'avoir des dispositions dans cette loi visant à assurer le
respect des obligations climatiques du Québec, telles que celles convenues dans
les ententes internationales, notamment de Paris en 2015. Et, au moins, il
aurait pu y avoir cette idée de déposer un budget carbone à chaque année, comme
celui que j'ai suggéré à l'intérieur du projet de loi que j'ai déposé sur le
respect des obligations climatiques.
Deuxième élément, et on commence à le
sentir de façon importante dans de gouvernement, on fait face à un ministre qui
se donne, qui s'arroge tous les pouvoirs. Par exemple, il se dit aviseur, là. Il
va être aviseur des autres ministères sur les enjeux climatiques, sur les
cibles de réduction de gaz à effet de serre en fonction des projets qui seront
déposés par ces autres ministères, mais il n'est pas crédible là-dessus.
Comment voulez-vous qu'il se dise, dans un
projet de loi, qu'il sera consulté, qu'il va donner un avis — là, je
suis en train de lire le projet de loi — alors que sur deux enjeux sur
lesquels il n'y a pas de compromis possible, bien, il tente de les
justifier : troisième lien et GNL Québec.
On ne peut pas être un ministre de
l'Environnement qui s'autoproclame aviseur dans la lute contre la crise
climatique, dans les politiques des autres ministères et tout de suite se
mettre les genoux à terre en disant : Bien, moi, je suis pour le troisième
lien puis je suis pour GNL Québec. Donc, déjà là, manque de crédibilité. Il
s'arroge également les pouvoirs sur le Fonds vert. Donc, il y avait un comité
de gestion du Fonds vert. On sent, dans ce projet de loi n° 44 qu'il
rapatrie entre ses propres mains le pouvoir de décider des projets sur le Fonds
vert.
Il dit également qu'il va créer un comité
consultatif sur les changements climatiques, mais ce comité consultatif, les
membres seront nommés par lui en fonction de ses propres idées.
L'autre élément, c'est qu'il donne tous les
pouvoirs également sur la transition énergétique au ministre des Ressources
naturelles, qui est Jonatan Julien. Alors là, encore une fois, il donne les
pouvoirs à l'appareil politique. Au lieu de se donner des moyens pour que l'État
soit capable d'atteindre ses cibles, il rapatrie ça en ses propres mains ou
entre les mains de son collègue ministre des Ressources naturelles, donc
abolition de Transition énergétique. Et vous comprenez que nous avons raison de
douter de la pertinence de faire ça quand on voit la manière dont le ministre
des Ressources naturelles mène présentement le projet de loi n° 34
sur la Régie de l'énergie.
D'ailleurs, je tiens à souligner une
contradiction flagrante — j'ai hâte de voir qui dit
vrai — entre le projet de loi n° 34 et le
projet de loi n° 44, parce que le projet de loi n° 44, celui qui est déposé aujourd'hui, dit qu'il
maintient la compétence de la Régie de l'énergie pour approuver les programmes
et les mesures des distributeurs d'énergie prévus dans le plan directeur de
transition. Alors, je ne sais pas comment ils vont faire pour combiner ça avec
la loi n° 34 qui vient scraper les pouvoirs de la
régie. Alors là, il m'apparaît une contradiction qu'on aura besoin d'éclairer.
Autre élément cosmétique, c'est qu'il dit
qu'il va permettre au VG, via le Commissaire au développement durable, de venir
vérifier les comptes du nouveau Fonds vert. J'espère, c'est le minimum. On se
serait attendu à un VG et un commissaire au développement durable plus
puissants, plus armés pour être capables de dire si effectivement le
gouvernement du Québec s'en va dans la bonne direction quant à l'atteinte de
ses cibles de réduction de gaz à effet de serre.
Donc, voilà, c'est pour l'instant les
premiers commentaires que j'ai à faire sur ce projet de loi. Nous allons
évidemment faire les auditions qui vont venir éventuellement avec les groupes,
on espère entendre plusieurs groupes à cette occasion. Ça va nous permettre de
raffermir, de raffiner nos idées et nos suggestions pour bonifier le projet de
loi.
Je veux profiter du fait que je suis
devant vous pour vous informer, si vous ne l'avez pas déjà vu passer, qu'on
s'enligne pour avoir la COP25 à Madrid, en Espagne. Il faut croire qu'il y a eu
une entente qui est intervenue entre le Chili et l'Espagne dans les dernières
heures, donc peut-être que le deal était déjà arrangé, au fond, entre le
Chili et l'Espagne, de sorte que la conférence de l'ONU sur les
changements climatiques sera probablement organisée, dans les mêmes dates qui étaient
prévues à Santiago, au Chili... ce sera organisé à Madrid, en Espagne, ce qui
nous pose une autre question : Est-ce qu'on veut aller dans un pays qui
bafoue les droits de leaders indépendantistes catalans?
Alors, vous voyez, qu'on soit au Chili, qu'on
soit en Espagne, il y a des problèmes sociaux, il y a des problèmes politiques,
ce qui doit nous ramener sur l'enjeu climatique en lien avec les enjeux de
droits de la personne, de justice sociale. Et on aura l'occasion d'y revenir, éventuellement,
quand la décision sera confirmée, que la conférence de l'ONU sur les changements
climatiques aura bel et bien lieu à Madrid, Espagne. Voilà.
Mme Crête (Mylène) :
Quand vous parlez d'un commissaire au développement durable qui aurait pu être
plus armé, vous pensez à quel type de pouvoir que le projet de loi aurait pu
lui accorder?
M. Gaudreault : Oui. Bien, en
fait, c'est d'avoir un commissaire au développement durable qui viendrait dire
à chaque année, pas juste sur la gestion des comptes du Fonds vert, mais sur la
politique climatique, si le gouvernement s'en va dans la bonne direction.
On s'est fixé des cibles de 37,5 % de
réduction de gaz à effet de serre sur la base de 1990 pour 2030. Ça, ça se
mesure. Ça, ça s'évalue. Présentement, c'est laissé à la discrétion du gouvernement
qui, quand ça fait son affaire politiquement, rend publics les inventaires de
GES. Alors là, je n'ai pas eu le temps de regarder dans le détail, mais ça va
faire partie des questions qu'on va poser au ministre, à savoir quand vous
allez déposer les inventaires de GES, là. Et ce n'est pas juste à votre bonne
convenance, il faut que ça soit à un moment précis dans l'année, qu'on ait le
portrait le plus juste, un.
Et deux, un commissaire au développement
durable plus armé aurait été capable de dire : Bien, vous voyez, dans l'objectif
d'atteindre les cibles de réduction de gaz à effet de serre pour 2030, vous
vous en allez dans la bonne direction au gouvernement. Bonne tape dans le dos,
continuez d'aller par là, ou, au contraire, votre projet de troisième lien,
c'est un projet qui est complètement fou, qui va augmenter les GES. Et là, à ce
moment-là, on aurait une véritable reddition de comptes de la part du gouvernement
sur le dossier qui doit être prioritaire présentement dans l'État québécois,
qui est celui de la lutte contre la crise climatique.
Mme Crête (Mylène) :
Alors, c'est le ministre qui va jouer le rôle de dire : Votre projet
untel...
M. Gaudreault : Bien, c'est ça...
Bien, écoutez, quand je vois l'article 1...
Mme Crête (Mylène) :
...répond ou ne répond pas à nos orientations ou notre politique-cadre.
M. Gaudreault : Bien, c'est ça.
Ça ne marche pas, là, déjà, au point de départ. C'est l'article 1. On n'est quand
même pas loin, là, tu sais, c'est juste le premier article : «Le ministre
assure la cohérence et la coordination des politiques, des plans d'action, des programmes,
des processus de concertation et des autres mesures du gouvernement [...] qui
concernent la lutte contre les changements climatiques et est associé à leur
élaboration. Chaque ministre ou organisme public concerné demeure responsable
du choix et de la mise en oeuvre de moyens pour atteindre les résultats.
«Le ministre doit être consulté lors de l'élaboration
des mesures qui pourraient avoir un impact significatif en matière de lutte
contre les changements climatiques.» Après ça, il donne son avis. On parle
d'avis. C'est insuffisant. C'est insuffisant.
Les pays présentement qui sont sérieux
dans la lutte contre la crise climatique, et là je ne parle pas de n'importe
qui, là, exemple le Royaume-Uni, exemple, les pays de la Scandinavie ont des
lois sur le respect des obligations climatiques, où on ne remet pas entre les mains
d'un seul ministre qui va être influencé par les autres et parce que... En même
temps, c'est paradoxal, puis ça vient... c'est même pire, parce qu'avec cette
loi-là, quand il va venir dire que GNL Québec, c'est bon, quand il va venir
dire que le troisième lien, c'est bon, bien, finalement, ça va venir dédouaner
ses collègues ministres qui vont vouloir passer des projets plus nuisibles dans
la lutte contre les gaz à effet de serre.
Alors, il n'y a pas d'oeil externe qui
vient dire : Oui, on s'en va dans la bonne direction ou, non, on ne s'en
va pas dans la bonne direction. Et, quand on parle de cohérence dans l'action
gouvernementale, il ne faut pas que ce soit remis juste entre les mains d'un
ministre, aussi ministre de l'Environnement soit-il. Il faudrait que ce soit
entre les mains du premier ministre, parce que c'est lui qui est au sommet de
l'État, c'est lui qui coordonne l'action gouvernementale, donc, normalement, ça
devrait être le premier ministre qui se voit responsable de la coordination gouvernementale.
Ce ne sera pas lui à tous les matins qui va se lever, qui va regarder chaque
règlement de chaque ministère, mais, avec son équipe au Conseil exécutif, il
devrait avoir cette vision pour une cohérence dans l'action gouvernementale en
matière de climat, et ce n'est pas ça que fait le ministre Charette.
M. Bossé (Olivier) : Plus
d'adaptation et pas moins de réduction de GES, mais dire que 90 %, en ce
moment, du Fonds vert, était à la réduction des GES et 8 % à
l'adaptation... veut dire, on veut mettre plus d'emphase sur l'adaptation aux
changements climatiques. Ça vous dit quoi?
M. Gaudreault : Bien, ce n'est
pas mauvais. Effectivement, il faut certainement avoir plus de mesures en
adaptation. Le premier à le dire, c'est le groupe Ouranos, qui est spécialisé
en adaptation sur les changements climatiques, qui est un groupe de
scientifiques reconnus internationalement, qui est basé ici, au Québec. Ça, je
suis d'accord avec plus d'adaptation, mais encore faut-il que les projets
soient bien choisis.
Ma crainte, c'est que le ministre, seul
dans son bureau ou avec ses conseillers, dise : Oui, tel projet; non, tel
autre projet; on approche de l'élection, on va accorder tel projet, parce que
c'est dans un comté qu'on veut gagner, puis on ne donnera pas l'autre, parce
que c'est dans un comté qu'on sait qu'on ne gagnera pas, de toute façon. Alors,
ça, ça ne marche pas.
Donc, ça prend une évaluation qui est
neutre, qui est indépendante et qui... Autrement dit, le ministre est là pour
établir les grandes lignes, pour établir le programme. Après ça, on remet ça
entre les mains d'experts justement spécialisés en adaptation aux changements
climatiques puis là on voit que, par exemple, à Sainte-Marthe-sur-le-Lac, bien,
ça mérite des mesures d'adaptation aux changements climatiques, parce qu'avec
les inondations régulières, récurrentes, avec les pluies diluviennes qu'on a,
il faut des mesures d'adaptation. Ce n'est pas parce qu'on se retrouve dans un
comté qui est de telle couleur politique qu'on va accorder la mesure ou pas.
Donc, c'est ça qui manque. En tout cas,
encore une fois, là, on va attendre de voir les consultations puis on va faire
se prononcer le ministre là-dessus, mais il y a des enjeux importants.
C'est bon? Merci.
(Fin à 15 h 6)