(Quinze heures quarante-sept minutes)
Mme Lessard-Therrien : Alors,
bon après-midi, tout le monde. On aimerait revenir brièvement sur la période
des questions.
Dans le dossier de l'arsenic, en fait, je
réitère ma consternation de voir comment la CAQ réagit dans ce dossier-là, consternée
aussi de voir que M. Carmant réitère qu'il m'a invité à une rencontre en Abitibi
au courant de l'été, à laquelle, je vous confirme, je n'ai jamais eu
d'invitation. Donc, on tente de me discréditer sur ce dossier-là en me blâmant
d'avoir été absente, alors que je n'ai jamais eu l'invitation. Et ce qu'on
sait, c'est que, si cette rencontre a bel et bien eu lieu sur l'arsenic, elle s'est
tenue à Val-d'Or, qui est à 100 kilomètres de Rouyn-Noranda. C'est comme si on
voulait gérer une crise à Montréal à partir de Drummondville. Ça ne fait pas de
sens.
Donc, on souhaiterait que M. Carmant puisse
se déplacer à Rouyn-Noranda venir rencontrer les familles, venir rencontrer les
parents, les enfants qui sont imprégnés à l'arsenic. Peut-être qu'il
comprendrait mieux ce qui se passe à Rouyn, qu'il verrait à quel point la
fonderie est omniprésente. Peut-être qu'il gérerait de manière vraiment différente
ce dossier-là qui, jusqu'à ce jour, depuis six mois, vraiment, n'a pas retenu
l'attention qu'il aurait dû de la part du gouvernement.
Donc, je réitère cette grande déception là
et je m'attends à ce que le gouvernement prenne des actions beaucoup plus
robustes dans ce dossier-là, un peu comme il l'a fait avec le plomb la semaine
dernière.
M. Nadeau-Dubois : Pour
ma part, je veux revenir sur l'adoption finale du projet de loi n° 2,
le projet de loi sur le cannabis. La loi qu'on a votée aujourd'hui, c'est une
loi inutile. C'est une loi qui rate complètement sa cible. C'est un projet de
loi surtout qui instaure une discrimination envers les jeunes de 18 à
21 ans. Le gouvernement de la CAQ, dans le dossier du cannabis, a une
attitude paternaliste, une attitude qui n'est pas appuyée sur la science. La
CAQ regarde les jeunes Québécois de haut dans le dossier du cannabis, se
comporte comme un vieux mononcle qui pense mieux savoir qu'eux ce qui est bon
pour eux. C'est un gouvernement qui veut protéger d'eux-mêmes des adultes qui
sont pourtant en âge de prendre leurs décisions sur leur santé.
Qu'on me comprenne bien, là, Québec
solidaire n'est pas en train d'encourager la consommation du cannabis chez les
jeunes. Bien au contraire, notre objectif ultime, et c'est l'objectif que
prétend aussi poursuivre le ministre, c'est la prévention. Or, sur cet
aspect-là, le projet de loi rate complètement sa cible. Les experts en santé
publique l'ont dit, et redit, et répété, tout ce que cette loi-là va avoir comme
effet, c'est de renvoyer les jeunes de 18 à 21 ans dans les bras du
crime organisé. Ça ne réduira pas d'aucune manière leur consommation de
cannabis. Ça fait un an qu'on travaille sur le projet de loi sur le cannabis et
ça fait un an, donc, qu'on perd du temps avec ce projet de loi là parce que c'est
un projet de loi qui va être inefficace.
Si le ministre se préoccupait de
prévention, s'il voulait que la prévention fonctionne, il aurait investi cette
année de commission parlementaire en travail pour créer des campagnes de
prévention au niveau des jeunes et de la consommation du cannabis. Et ce projet
de loi là ne fera pas ça. Ça va tout simplement renvoyer les jeunes vers le
marché noir. Et les chiffres nous le montrent, c'est pourtant chez les adultes
de cet âge-là, de 18 à 21 ans, qu'il y a le plus de consommation de
cannabis. Donc, on ne va rien régler sur le plan de la consommation du cannabis.
Bien au contraire, on va tout simplement renvoyer ces gens-là dans les bras du
marché noir.
Suite à l'adoption de projet de loi là, il
y a une question qui m'habite, une question que j'adresse au ministre. Il est
où, son plan d'action? Elles sont où, ses campagnes de prévention? Parce qu'en
ce moment il n'y a rien sur la table, et c'est très inquiétant considérant les
objectifs qu'il prétend avoir de protéger les jeunes et les plus vulnérables. Dans
la dernière année, on a fait ce qu'on pouvait comme opposition pour faire
valoir ces arguments-là au gouvernement. On n'a pas été les seuls. Il y a toute
une trâlée d'experts qui l'ont fait aussi. On lui a demandé de retirer son
projet. On lui a présenté des amendements. Mais la CAQ n'a fait qu'à sa tête.
Et je pense qu'on commence à voir
ici — comment dire, en anglais, on dirait un «pattern», en français,
on dirait une habitude — une mauvaise habitude se créer chez la CAQ.
Cette mauvaise habitude, c'est de ne pas écouter ce que les experts disent. Ça a
été vrai et c'est vrai dans le cas du troisième lien. C'est vrai dans le cas
des maternelles quatre ans. Et c'est vrai dans le cas du cannabis, où les
experts les plus pertinents en la matière, les experts de santé publique, ont
dit et répété qu'interdire la consommation entre 18 et 21 ans, ça ne réglerait
aucun problème et qu'au contraire ça allait en créer parce qu'on allait
renvoyer des gens, renvoyer des consommateurs vers le marché noir, alors qu'on
était en train de les sortir du marché noir depuis la légalisation il y a un
an. Donc, les experts disent le contraire de ce que la CAQ, par idéologie,
prétend, et ils maintiennent le cap. Ils n'écoutent rien ni personne.
Donc, le bilan de cette année-là, c'est
qu'on a sur la table une loi qui est inefficace. On a perdu un an de temps
précieux qui aurait été mieux investi en prévention, à tenter de convaincre le gouvernement
d'écouter les experts, et ça n'a pas été fait. Et donc le pire dans tout ça, c'est
qu'aujourd'hui on se retrouve avec une loi qui non seulement va être
inefficace, mais qui risque d'être contestée devant les tribunaux, qui risque
de faire face à des contestations judiciaires et annuler tout ce travail qu'on
a fait depuis un an parce que, comme le Barreau l'a bien dit lorsqu'ils sont
venus témoigner en commission parlementaire, le fait d'interdire la consommation
de cannabis entre 18 et 21 ans sans s'appuyer sur des preuves objectives
solides, bien, ça ouvre la porte à des contestations judiciaires du projet de
loi. Voilà.
Mme Gamache (Valérie) : Il y a
déjà, quand même, des contestations judiciaires, notamment sur la culture à
domicile. Vous croyez que finalement ça va se régler devant les... Tu sais, vous
semblez laisser entendre que ça va se finir devant les tribunaux, la
légalisation au Québec?
M. Nadeau-Dubois : C'est en
effet ce que je redoute. Et puis ce n'est pas une opinion personnelle, hein? Le
Barreau a déposé un mémoire qui était très clair à cet effet-là. Si on monte
l'âge légal à 21 ans et qu'on ne le fait pas en s'appuyant sur des bases
scientifiques et objectives, on ouvre la porte à des contestations judiciaires
sous des motifs de discrimination parce que les gens de 18 ans, de 19 ans, de
20 ans sont des adultes en regard de toutes nos autres lois. Donc, créer une
interdiction comme celle-là sans s'appuyer sur des bases objectives, ça ouvre
la porte à des contestations judiciaires. C'est ce que le Barreau a dit. Et
donc il y a fort à parier, oui, que ce projet de loi là va être contesté devant
les tribunaux.
Mme Gamache (Valérie) :
Pourquoi la CAQ agit en vieux mononcle, selon vous?
M. Nadeau-Dubois : Parce
qu'ils prétendent savoir mieux que des adultes ce qui est bon pour eux. La CAQ,
à travers ce projet de loi là, crée deux catégories d'adultes, donc les adultes
de plus de 21 ans, qui sont capables, en leur âme et conscience, de faire des
choix pour leur santé, et les adultes d'entre 18 et 21 ans, qui, eux,
deviennent, en matière de cannabis, des demi-adultes, donc des gens qui ont le
droit de vote, qui ont tous les privilèges de la majorité, sauf celui de
prendre des décisions qui ont trait à leur santé sur leur consommation de
cannabis. Donc, on crée deux catégories d'adultes.
Et je vous invite à également être
attentifs au vocabulaire qu'utilise le ministre. Quand il parle de son projet
de loi, il parle de protéger les enfants, il parle de protéger les adolescents.
Je suis désolé, là, les gens de 18, 19 et 20 ans, au Québec, ce n'est ni
des enfants ni des adolescents. C'est des adultes en regard de la loi. C'est
des gens qui ont atteint la majorité et qui ont la capacité de prendre des
décisions pour leur santé. Et le ministre ne reconnaît pas ça et parle de ces
gens-là sur un ton paternaliste, comme si l'État savait mieux que ces gens-là
ce qui est bon pour leur santé.
Et je vous ferais remarquer que c'est quelque
chose... c'est une attitude qu'on voit beaucoup chez le ministre Carmant, hein?
Il est même déjà allé, une fois, jusqu'à sous-entendre que, sur la question de
la consommation d'alcool, il y aurait des questions à se poser. Mais je pense
que, là, il y a aussi une habitude du ministre Carmant, comment dire, à passer rapidement
sur une notion qui est fondamentale, le fait que, quand les gens ont
18 ans, ils sont réputés, dans notre société, être capables de faire leurs
choix par eux-mêmes.
Mme Crête (Mylène) :
J'aimerais vous entendre sur le refus d'Immigration Canada de permettre à
Carles Puigdemont de mettre le pied au pays sur la base des accusations
criminelles, là, qui ont été portées contre lui par le gouvernement espagnol, par
la justice espagnole.
M. Nadeau-Dubois : Ce
qu'on reproche à M. Puigdemont, c'est quelque chose que plusieurs politiciens
québécois ont fait par le passé, c'est d'avoir consulté son peuple sur son
avenir politique. Si, pour le gouvernement de Justin Trudeau, c'est une
raison suffisante pour interdire son entrée au Canada, là, c'est extrêmement
inquiétant pas juste sur le plan de la diplomatie internationale, c'est
inquiétant en ce qui a trait aux orientations du premier ministre du Canada sur
l'État de droit, sur la possibilité d'avoir un débat sur l'autodétermination
des peuples dans une démocratie. M. Puigdemont est accusé d'avoir consulté
son peuple sur son avenir politique. Si ça, c'est jugé suffisant pour qu'il
soit persona non grata au Canada, c'est inquiétant en ce qui a trait à la
compréhension des droits fondamentaux de la part du premier ministre Trudeau.
Mme Crête (Mylène) :
Mais croyez-vous que le ministère de l'Immigration... ceux qui ont pris cette
décision doivent s'expliquer aujourd'hui?
M. Nadeau-Dubois : Bien
sûr. Il y a énormément de questions qui se posent. Il faut des explications. Et,
je le répète, là, ce qui est reproché à M. Puigdemont, c'est d'avoir tenu
une consultation démocratique sur l'avenir de son peuple. Si c'est ça, le
critère maintenant pour ne plus pouvoir rentrer au Canada, il y a plusieurs
politiciens québécois et canadiens qui n'auraient pas... Je veux dire, c'est
complètement illogique. Et, pour un premier ministre qui se prétend être le
chantre des libertés individuelles, là, c'est complètement contradictoire.
Mme Crête (Mylène) :
Est-ce que vous y voyez une manoeuvre politique? C'est ce qui est soupçonné par
l'équipe de M. Puigdemont.
M. Nadeau-Dubois : Bien,
je vais reconnaître que je ne connais pas la procédure exacte, là, qui a été
utilisée. Donc, est-ce qu'il y a eu ingérence politique? La question se pose.
Moi, je n'ai pas réponse à cette question-là. Mais je comprends M. Puigdemont
et son équipe de la poser, cette question, parce qu'en effet, là, je veux bien
que M. Trudeau n'a pas de sympathie pour l'indépendance. Ça, c'est une chose. Mais
il serait censé au moins avoir un respect de l'État de droit, et des droits et
libertés fondamentales, puis au moins une reconnaissance que les peuples ont le
droit de prendre des décisions sur leur avenir, puis de prendre ces
décisions-là démocratiquement. Moi, ça m'inquiète beaucoup.
Mme Senay (Cathy) : Hi, good afternoon. I would love to ask you a question about Bill
2, well, now, that on Saturday will become a law. How do you react regarding
the fact that, on January 1 2020, the age will be raised from 18 to 21 in
Québec?
M. Nadeau-Dubois :
Well, in this whole issue of cannabis, the Government of Mr. Legault had, since
day one, a paternalistic approach towards young people in Québec. And it's very
interesting to see what words the Minister uses when he talks about his bill. He
talks about protecting children. He talks about protecting adolescents. But he
seems to forget that Quebeckers aged 18 years old, 19 years old and 20 years
old are adults in Québec and Canada. They are recognized as full citizens with
the full rights of citizens that have the majority. So, in fact, what this bill
is doing is creating two classes of adults, adults over 21 years old and adults
under 21 years old.
So it's a useless bill. It's
a weak bill that will certainly be challenged in front of the courts. So,
instead of losing a whole year here talking about that useless bill, we should
have invested our time and our money in prevention campaigns to talk to young
Quebeckers about the risks of the consumption of cannabis. And, at the time
where we speak, there is seemingly no plan from the Minister to do such a
campaign. He prefers to have that paternalistic approach where he says: I will
forbid those adults from buying cannabis. But, by doing so, he's just pushing
them into the arms of the black market. I mean, those ages of consumers are the
ones statistically that consume more cannabis. So it's completely useless. It
will just put them back on the black market. There will be no advantage in
terms of public health. There will be only more money in the pockets of
organized crime.
Mme Senay (Cathy) : But, the black market, we had different articles, you know,
dressing the «bilan» one year after the federal law was put into effect and the
black market is still there for 40% of people that are buying cannabis.
M. Nadeau-Dubois : It is still there, but it is decreasing. And that's the proof that
those types of policies can work if they are put in place in a comprehensive
manner. There has been a shift, not a complete shift, but a shift, from the
black market towards the legal market, and that's something we should underline
and celebrate. And, like I said, it's not about encouraging consumption from
the black market or the legal market. It's about saying: If you want to protect
those adults, just as Mr. Carmant is pretending that he wants to do, the thing to do is prevention,
not prohibition. It does not work, it never worked, it will never work.
Mme Senay (Cathy) : Do you still have doubts about the scientific
proof of raising the age from 18 to 21 years old?
M. Nadeau-Dubois :
The public health experts have been unanimous on that issue. It's not up to
debate. I mean, public health experts have been unanimous about the fact that
the best policy to fight drug abuse is a public health approach, and it is true
for cannabis. If you want to prevent drug abuse, especially for the consumers,
for young consumers, the best approach is a public health approach, is a
prevention approach. You know, forbidding those people to buy cannabis on the
legal market will not solve any problem. It will only create other problems and
put more money in the pockets of organized crime.
Mme Senay
(Cathy) : Thank you. Merci.
M. Nadeau-Dubois :
Thank you.
(Fin à 16 h 2)