(Neuf heures trente-deux minutes)
Mme Dorion : Bonjour, tout le
monde. On est là ce matin... je suis là ce matin pour vous parler de la mise à
jour de la politique internationale de la ministre Nadine Girault et du rôle
joué par le Québec à l'international. C'est un sujet qui a longtemps été dans
l'actualité, dans l'histoire du Québec, et qui en ce moment a perdu de sa
force.
Et là, bon, vous suivez l'actualité comme
nous, on est dans une époque de crise à travers le monde. Dans plusieurs pays,
les peuples sortent dehors en masse pour plus de démocratie, plus d'égalité,
pour la justice climatique, et à de nombreux endroits, en ce moment, le pouvoir
répond de façon très autoritaire, avec beaucoup de violence étatique à certains
endroits, plus particulièrement, et, en gros, ça s'envenime.
En Catalogne, au Chili, au Liban, au
Kurdistan, à Hong Kong, à Haïti, et j'en passe, on a entendu parler de Bagdad
ce matin, en gros, qu'est-ce que les peuples revendiquent? Ils revendiquent ce
qu'on est très nombreux au Québec à revendiquer pour nous-mêmes, c'est-à-dire
la liberté politique, la dignité humaine, des conditions de vie qui ont du bon
sens, un environnement sain. Et aujourd'hui ces peuples qui se lèvent nous
appellent à les soutenir, sauf que qui est au bout de la ligne?
Le Canada, qui a depuis longtemps laissé
tomber son aura de Casque bleu, de médiation pacifique, qu'il a déjà eue à une
époque révolue depuis un bon bout de temps, le Canada de la vente d'armes à
l'Arabie saoudite, qui achète un pipeline, qui n'a pas levé le petit doigt pour
les Catalans, pour les Chiliens, pour les gens de Hong Kong ou d'Haïti parce
qu'il choisit maintenant invariablement de ne jamais nuire à ses intérêts
économiques, en bref, le Canada a perdu sa boussole morale, et le monde n'a pas
besoin de ce Canada-là.
Plus que jamais, par contre, le monde a
besoin du Québec. Le monde a besoin d'une voix pour la paix, pour le dialogue,
pour le respect des droits. Évidemment, la voix du Québec à l'international va
être beaucoup plus forte quand le Québec va être libre et indépendant. Vous
savez que c'est ce pour quoi on milite et de plus en plus fort. Mais, en
attendant, la doctrine Gérin-Lajoie nous permet d'intervenir en notre nom
depuis maintenant plus de 50 ans, et la mise à jour de la politique
internationale par la ministre Girault est une occasion d'aller encore plus loin.
Alors, ce qu'on propose aujourd'hui à la
ministre Girault, c'est de bonifier la doctrine Gérin-Lajoie pour instituer une
vraie paradiplomatie québécoise capable d'intervenir de façon concrète, donc,
en ayant des impacts en tête, à l'international.
On a aujourd'hui trois suggestions pour la
ministre. Donc, premièrement, créer, au sein du ministère des Relations
internationales et de la Francophonie, un service de règlement des conflits
internationaux. Ce n'est pas quelque chose qui a besoin de coûter très cher. On
parle de quelques postes qui pourraient être déployés dans les zones de conflit
pour offrir une expertise en règlement de conflits ou pour étudier, pour «monitorer»
ces zones-là. Je vous rappelle que le Québec est très fort en relations
internationales, malgré notre situation de province et de peuple sans État. On
a, à l'UQAM, la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques,
à l'Université Laval la chaire de recherche en diplomatie publique. Et le
Québec est un exemple mondial avec son histoire de résolution pacifique de
luttes entre des peuples sans pays et les États souvent centralisés dans
lesquels ils se trouvent. Ça fait partie de notre identité, ça fait partie de
nos forces. Pourquoi ne pas développer des liens et renforcer notre diplomatie
à l'international pour régler des différends?
Deuxièmement, revendiquer un vrai fauteuil
autour de la table des négociations des accords de libre-échange — ça,
ça fait longtemps qu'on en parle — mais un fauteuil avec un vrai
pouvoir, dans les zones de compétence du Québec, pas l'espèce de petite chaise
à la table des enfants qu'on avait donnée à Pierre Marc Johnson pour négocier
l'AECG. Et pour accompagner ça, on pourrait changer la loi pour obtenir que
tous les traités internationaux s'appliquant au Québec soient soumis à un vote
à l'Assemblée nationale, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Les nouvelles
dispositions législatives pourraient établir que le Québec ne pourrait se
déclarer lié par des traités de sa compétence que s'il a pu participer de
manière structurée et convenue à la préparation et au déroulement des
négociations qui ont abouti à un accord.
Et, troisièmement, mettre sur pied une
commission parlementaire permanente sur les relations internationales à l'Assemblée
nationale pour étudier les traités, les conventions, les accords qu'Ottawa
signe sans nous ou même les accords auxquels on a pu participer, mais pas juste
pour ça, aussi pour agir diplomatiquement quand elle juge que l'image
internationale du Québec est en jeu, quand elle juge qu'on peut avoir un rôle
pacificateur à jouer dont les Québécois tireraient assurément une fierté. On a
une image de nous-mêmes, au Québec, qui n'existe pas à l'international, et ça
serait une fierté pour nous de pouvoir la faire exister. Donc, cette commission
parlementaire permanente pourrait faire des recommandations au ministère.
Je sais que ce n'est pas ça que la
ministre a en tête pour le moment quand elle parle de sa nouvelle impulsion
économique. Le gouvernement nous l'a dit plusieurs fois assez clairement qu'il
va utiliser le ministère des Relations internationales à peu près uniquement
pour développer des nouveaux marchés pour les entreprises québécoises, ce qui n'est
pas une mauvaise idée, on ne peut pas être contre ça. Mais nos délégations
québécoises à l'étranger, ça ne peut pas être juste des bureaux de vente pour
les entreprises québécoises. C'est toute la réputation de tout le peuple
québécois qui repose sur ces délégations-là, et les Québécoises et les
Québécois suivent l'actualité internationale, s'insurgent de certaines
situations à travers le monde, veulent que le mot «Québec» rime avec nos
valeurs de solidarité à l'étranger, nos valeurs d'égalité, de démocratie et de
respect des droits fondamentaux.
Cette semaine, le gouvernement Legault a
fait une déclaration quant à la Catalogne. C'est bien. Mais on devrait pouvoir
aller beaucoup plus loin que de juste lancer des phrases dans l'espace public
comme ça. On devrait être capables d'avoir une diplomatie, de ne faire pas
juste de l'économie avec les autres pays dans le monde, mais de la politique. C'est
ça, la base de l'influence à travers le monde, c'est d'être capable de faire de
la diplomatie, de la politique, de développer des liens sur des valeurs
communes et non pas juste sur est-ce qu'on peut faire de la piastre d'un bord
puis de l'autre.
Les Québécois veulent avoir leur mot à
dire sur ce qui les touche. Les gouvernements nationalistes du passé l'avaient
compris, et on ne peut pas se faire respecter comme nation dans le monde en
faisant comme si le reste du monde n'existait pas.
Mme Ghazal : Donc, bonjour,
tout le monde. Moi, j'ai envie de vous parler de ce que ça veut dire, pour moi,
un Québec qui joue son rôle à l'international.
Ma famille et moi, on a été accueillis au
Québec il y a plus de 30 ans. Je suis née à Beyrouth d'une famille
palestinienne d'origine, et aujourd'hui je suis très fière d'être Québécoise,
de faire partie intégrante de ce peuple accueillant et aussi d'être d'un peuple
qui est ouvert sur le monde. Et on a, donc, une longue tradition d'accueil et
de solidarité internationale.
J'ai de la famille au Liban, des oncles,
des tantes, des cousins qui me parlent de la situation au Liban qui est
extrêmement difficile, ce n'est pas nouveau, et les gens se soulèvent parce que
la vie coûte extrêmement cher. On prend juste l'exemple de l'électricité. À
tous les jours, ils se font couper l'électricité, et ça, c'est depuis de très, très,
très nombreuses années. Et tout ça à cause d'une classe politique extrêmement
corrompue.
Et les gens se soulèvent. Ça fait neuf
jours qu'ils sortent dans les rues de façon pacifique, et malheureusement, en
ce moment, il y a l'armée qui est dans les rues. On leur envoie l'armée. Donc,
ces gens-là, les Libanais ont besoin de notre aide, de la même façon que les
gens de Hong Kong ont besoin de notre aide, de la même façon que le peuple
catalan a besoin de notre aide. Les Kurdes, qui ont été largués par les États-Unis,
ont aussi besoin de notre aide, et on a un rôle à jouer là-dedans.
À une certaine époque, le gouvernement du Québec,
bien, aurait soutenu nos cousins libanais, avec qui on partage tellement de
choses. Ils font quand même partie aussi de la francophonie. Et aujourd'hui on
a le choix, soit le choix de se taire, de rester silencieux, comme le Canada le
fait honteusement, ou de faire honneur à notre devoir de solidarité.
J'ai des amis québécois d'origine
chilienne, kurde, catalane qui se posent la même question. J'ai été même
interpelée, en tant que Québécoise d'origine palestinienne née au Liban, pour
me dire : Qu'est-ce que le Québec va faire? Qu'est-ce que le Canada va
faire pour appuyer le peuple, les gens qui sortent dans les rues pacifiquement?,
parce qu'ils n'en peuvent plus de leur classe politique corrompue, ils veulent
que les choses changent, et donc on a devoir envers eux.
J'espère donc que Mme Girault va répondre
à la politique internationale que Catherine vient de vous présenter, j'espère
que le Québec va y répondre parce qu'on veut faire honneur à notre longue
tradition de solidarité internationale. Merci.
La Modératrice
: Merci.
On va passer à la période de questions. Je vous demanderais de vous concentrer
à une question, une sous-question et de commencer par le sujet du jour.
Mme Richer (Jocelyne) : Oui. Bonjour.
On voit périodiquement que l'Assemblée nationale n'arrive même pas à adopter
une simple motion, là, sur la Catalogne. Vous n'arrivez même à vous entendre sur
des choses assez simples. Vous ne trouvez pas que la bouchée est trop grosse de
vouloir, pour le Québec, s'immiscer dans le règlement des différends internationaux,
surtout quand on regarde le type d'approche du gouvernement présentement, on
regarde le projet de loi n° 27? Vous ne trouvez pas que la bouchée est
trop grosse?
Mme Dorion : C'est pour ça
qu'on propose des idées qui vont, par exemple, dans le sens d'une commission
parlementaire permanente. En fait, en ce moment, les discussions n'ont pas lieu.
Les discussions ont lieu à l'intérieur des partis, puis là ils se parlent puis
ils disent : Ah non! on ne s'entend pas. Il n'y a pas de réelle
discussion, il n'y a pas de temps mis là-dedans, il n'y a pas d'étude, il n'y a
pas d'experts qui vont sur le terrain québécois, qui peuvent nous rapporter :
Écoutez, basez-vous pas sur le lien que vous avez avec tel politicien ou le
lien que vous avez avec telle compagnie à l'étranger, basons-nous sur ce qui se
passe et sur quelle politique de solidarité, de respect des droits des humains
on veut avoir, sur quelle image du Québec on veut projeter dans le monde.
Si on a une politique de développer une
image, une action qui soit reliée à nos valeurs, aux valeurs fondamentales des
Québécois, bien, on a beaucoup plus de chances d'avoir un impact que si on y va
au cas par cas, selon les liens de tel avec tel puis de tel avec tel,
économiques, etc.
Mme Richer (Jocelyne) : Après
un an de gouvernance caquiste, quel bilan vous faites, justement, de l'approche
du gouvernement Legault, en général, des réalisations de la ministre Girault à
l'international? Quel bilan vous faites de ça?
Mme Dorion : De ce que la CAQ
pense de la ministre Girault?
Mme Richer (Jocelyne) : Non,
ce que vous pensez des réalisations de la ministre Girault jusqu'à maintenant,
de son approche, de ses réalisations à l'international.
Mme Dorion : Bien, la ligne
qu'ils répètent toujours, puis ça a l'air d'être ça, tu sais, c'est l'important...
Bien, ils ont eu l'air de s'être demandé : À quoi ça sert, ça? Ah! ça peut
servir à pousser nos entreprises à l'étranger. Ce qui n'est, comme je le disais
tantôt, pas une mauvaise idée. Mais, que ce soit juste ça, ça n'a pas de bon
sens. On n'est pas juste... ce ministère-là ne sert pas juste à être un bureau
des ventes à l'étranger. Ça sert à exprimer une identité, une personnalité, une
action québécoise qui vient avec toute une réputation, notre réputation à
l'international. Et ça, ça semble être oublié. Ceci dit, peut-être que la ministre
va trouver nos suggestions pas pires puis va s'en inspirer, parce que peut-être...
C'est à nous de suivre si elle va être sensible à ça.
M. Cormier (François) :
Bonjour. François Cormier, TVA. Mais donc vous êtes d'accord avec ce volet-là, quand
même, de la ministre Girault, et du ministre Fitzgibbon, et du premier ministre,
donc, de faire de l'économie aussi avec le ministère des Relations
internationales? Vous êtes d'accord avec ce volet-là, en fait, pas juste qu'il
faut faire de l'économie, mais de l'amplifier, de donner une mission plus économique
au ministère des Relations internationales?
Mme Dorion : C'est réducteur,
disons. Je peux dire que je suis d'accord, je ne peux pas dire que c'est complètement
à jeter aux poubelles. C'est réducteur, ce n'est pas assez. Ce n'est pas ça que
devrait être une politique internationale. C'est un seul volet sur beaucoup
d'autres qui sont extrêmement importants, là. Tu sais, on parle de politique
entre les peuples. C'est comme si nous, Québec solidaire, on arrêtait de parler
au monde, là, puis on disait juste : Bon, comment on peut aller chercher
de l'argent?, puis que ce n'était plus important, les idées, que ce n'était
plus important, les valeurs et ce qu'on veut créer dans le monde, tu sais, ou au
Québec, là, avec mon exemple. Donc, ce n'est vraiment pas suffisant.
M. Cormier (François) : Je ne
suis vraiment pas un spécialiste en accords internationaux, mais corrigez-moi
si je me trompe, mais le Québec vote sur les accords internationaux quand ça
tombe dans ses champs de compétence puis doit donner son approbation. Il y avait
eu un vote, d'ailleurs, sur l'accord avec l'Europe. Le premier ministre
Couillard avait dit qu'il pouvait bloquer l'ALENA si jamais l'accord ne lui
convenait pas. Qu'est-ce que vous souhaitez de plus que ça?
Mme Dorion : Bien, dans les
faits, ce n'est pas tout à fait vrai, là, c'est très symbolique encore, puis on
peut... Il y a de nombreux accords dans l'histoire, parce que le Canada
contrôle tout ce qu'il y a d'économique, là, qui ont juste été appliqués au Québec
puis où on n'a pas eu notre mot à dire ou ça n'a juste pas passé dans le radar.
Mais, dans les faits, quand tu ne peux pas amener des idées, négocier,
influencer le résultat des négociations, c'est quoi? Tu n'es pas un État, là,
tu n'es pas en train de développer une idée, tu ne peux pas protéger les... Justement,
tu sais, on parle d'entreprises québécoises, c'est super le fun, ah! on va
essayer de vendre plus à l'étranger. Mais là nos producteurs de lait et toutes
sortes d'autres, nos producteurs culturels, avec l'ALENA, on a failli se faire
enlever la... culturelle, là. C'est quoi, le mot?
Des voix
: ...
Mme Dorion : L'exception
culturelle. Tu sais, c'est majeur, là. Puis on n'a rien à dire. On peut être là
et regarder. Mais tant qu'à ça, vous aussi, vous pouvez y aller puis regarder,
tu sais, ce n'est pas... En quoi nos élus peuvent représenter puis favoriser
les intérêts du Québec, surtout l'identité et la personnalité du Québec, dans
ces accords-là? En ce moment, ce n'est vraiment rien, là, tu sais?
Mme Ghazal : Ce n'est pas
fait de façon systématique, là. Vous dites que c'est arrivé une fois, mais ce n'est
pas systématique. Nous, ce qu'on veut faire, c'est que ça devienne systématique,
à chaque fois que ça touche le Québec, qu'on ait notre mot à dire, ici, à
l'Assemblée nationale.
Mme Dorion : Pour donner
une image vraiment claire, là, en ce moment, les plus grandes décisions dans le
monde, qui ont le plus d'impact sur nos vies, se prennent à l'OMC, à La Haye, à
New York, dans toutes sortes de grandes villes où on n'est pas parce qu'on n'est
pas dans ces organisations-là. Puis nous, on est là à négocier à Ottawa, alors
qu'il n'y a rien qui se passe à Ottawa, là. Ce n'est pas là que ça se passe en
ce moment. Il n'y a rien de si important que ça qui se passe là. C'est dans les
organisations internationales que les grandes décisions puis les grandes
orientations se prennent. Puis, si on n'est pas là, d'un point de vue
démocratique puis de l'existence du Québec à l'international, on fait pitié,
là.
Mme Crête (Mylène) :
Bonjour. En relations internationales, le Canada est considéré comme un «middle
power», donc un pays qui a...
Mme Dorion : Moyennement
du pouvoir?
Mme Crête (Mylène) :
...un peu de pouvoir, mais pas tant que ça, face à des puissances économiques,
là, comme les États-Unis et la Chine. Donc, qu'est-ce qui vous fait penser qu'une
diplomatie québécoise pourrait obtenir des gains là où le Canada échoue?
Mme Dorion : Parce qu'on
est dans une posture d'avancement de l'influence du Québec, nous, là, avec
notre proposition aujourd'hui, avancement de l'influence du Québec dans le
monde. Tu sais, Québec solidaire a juste 10 députés à l'Assemblée nationale,
et on a réussi à amener énormément d'enjeux, à rallier des gens à toutes sortes
de choses, à populariser des idées auprès de la population québécoise. Bien, à
l'international, ça se passe de la même manière.
Si on décide qu'on agit, si on décide qu'on
prend une position qui n'est pas juste surfer sur la vague, de : Ah! il y
a des accords économiques qui se font au-dessus de nos têtes, puis on va
aller... ça doit être bon, si on décide qu'on prend une position puis qu'on
dit, bon, bien, par exemple, sur la Catalogne : Qu'est-ce qu'on fait?, on
fait-u juste une motion ou, une fois qu'on s'est entendus, qu'on a jugé qu'il
fallait que les valeurs de démocratie et d'autodétermination des peuples soient
respectées, bien, on fait de la diplomatie? Ça, c'est faire de la politique,
dans le fond. C'est appeler du monde puis c'est dire : Est-ce que vous les
appuyez avec nous?, que dites-vous si on faisait telle action? Pas pour
s'ingérer, pour influencer, comme ça se fait en politique, amener des idées,
les pousser, finalement, faire exister l'identité du Québec dans des conflits
politiques qui prennent place en ce moment à l'international.
Et ça a un impact, qu'on soit petit ou
grand. On peut décider de ne pas avoir d'impact à la hauteur de notre...
Mettons qu'on serait un «small power», on peut décider qu'on n'utilise pas ce
«small power» là qui est existant toutefois, on peut décider qu'on l'utilise
puis on peut même décider qu'on le fait grandir sur la scène internationale. C'est
ce que beaucoup d'États qui se sont placés en médiateurs ont réussi à faire
parce qu'ils développaient une espèce de pouvoir, disons, pas symbolique, plus
fort que symbolique. Les gens faisaient confiance à la position de tel État
parce qu'il a toujours une position pas juste relativement à ses intérêts
économiques, mais à des valeurs profondes, puis, quand il parle, ça a plus
d'impact que quand tel autre parle, qui pense juste à : Combien d'argent
je vais faire, tu sais?
Mme Crête (Mylène) :
Je vois mal comment le Québec, par exemple, aurait pu faire reculer, dans les
négociations de l'ALENA, les États-Unis qui demandaient des concessions sur la
gestion de l'offre, par exemple, avec ce que vous proposez...
Mme Dorion : Bien, c'est
ça, la politique. Mais c'est de la diplomatie, là. C'est ça, la politique...
Mme Crête (Mylène) :
Mettons que vous voulez une influence, mais jusqu'à quel point est-ce que cette
influence-là peut avoir un impact réel pour une province comme le Québec?
Mme Dorion : C'est sûr
que ça va avoir plus d'impact, si on est à la table des négociations, que si on
n'y est pas. Peu importe l'impact qu'on va avoir, c'est sûr qu'on va en avoir
un plutôt que pas.
Mme Crête (Mylène) :
J'avais une question pour M. Zanetti, concernant le plomb dans l'eau.
Qu'est-ce que vous avez pensé des propos de M. Legault, hier, qui
semblaient remettre en question le lien qu'il y avait entre les concentrations
de plomb et les impacts sur la santé?
M. Zanetti : Je comprends
que le premier ministre essaie d'être rassurant, hein? Mais ce qui va nous
rassurer, c'est des données, c'est des études et puis c'est des plans d'action
qui sont suivis d'argent. Parce que juste nous dire : Inquiétez-vous pas,
je pense que cette époque-là est passée, là. Il faut de l'action, il faut de
l'argent. Puis je pense que le resserrement des normes annoncé est une bonne
chose, là. Cela dit, il faut s'assurer que ça se mette en place puis que les
gens aient les moyens de le faire.
L'initiative de la ville de Montréal est
une bonne idée, de favoriser l'accessibilité en soutenant financièrement les
propriétaires, là. Mais ce n'est pas toutes les villes qui ont les moyens de
faire ça. Les petites municipalités, en particulier, de toutes les régions du
Québec, là, ils n'ont pas ces moyens-là. Puis, pour ces municipalités-là, il
faut que le gouvernement dise : Nous, on va vous soutenir, on ne va pas
laisser le monde boire du plomb parce qu'ils n'ont pas d'argent. Et ça, c'est
un signal qu'on n'a pas entendu encore et ça, ce n'est vraiment pas rassurant.
Mme Crête (Mylène) :
Mais pourtant, Mme Laforêt a dit que le gouvernement serait là pour
accompagner les municipalités.
M. Zanetti : Bien, tant
mieux. Mais accompagner avec de l'argent ou juste avec une petite main dans le
dos? On ne sait pas encore, là. Tu sais, moi, ce que je veux voir, c'est un
plan qui est élaboré avec les municipalités, là, pas juste imposé du dessus
avec des considérations du Conseil du trésor uniquement, là. On veut qu'ils
aillent voir les municipalités, qu'ils leur disent : Qu'est-ce que vous
êtes capables de faire?, dans quel laps de temps?, comment avez-vous besoin de
nous?, puis que le gouvernement réponde présent à ça. Puis ça, ça n'a pas été
fait encore.
Mme Gamache (Valérie) :
Je veux vous amener, moi, sur la partielle dans Jean-Talon. M. Zanetti,
Mme Dorion, tous les deux, vous êtes allés chercher des comtés dans la
région de Québec. Comment on va s'y prendre pour Jean-Talon? Et quelle importance
a cette partielle-là pour Québec solidaire?
M. Zanetti : C'est clair
que, dans une partielle, ce qui fait la grosse différence, c'est la sortie de
vote, c'est la mobilisation militante. Puis Québec solidaire a la force de
mobilisation militante la plus grosse dans la région de Québec, là, clairement.
On l'a démontré dans des comtés comme Jean-Lesage, où on partait, six mois
avant, en quatrième position à 11 %, puis on a fini par gagner par
699 voix. Dans Taschereau, on partait aussi quatrième, je pense, là, six
mois avant... troisième, et puis on a bouleversé les paradigmes.
Là, en ce moment, on part deuxième dans
Jean-Talon, dans un contexte où ce qui va faire la différence, c'est la
mobilisation. Puis on a la force de la mobilisation la plus forte, avec des
candidatures superintéressantes, que choisiront les membres de Jean-Talon. Puis
moi, je suis vraiment très... j'ai très hâte. D'ailleurs, cet après-midi,
je m'en vais sur le terrain avec Amir Khadir pour commencer à
faire du travail, rencontrer les gens. Même si on n'a pas encore la
candidature, on va faire la promotion des idées pour que les gens se préparent
à aller voter Québec solidaire.
Mme Gamache (Valérie) :
Vous parlez de mobilisation. Il y a quand même des gens qui accusent, là,
l'establishment d'ingérence pour avoir présenté... en tout cas, dit
publiquement soutenir un candidat. Comment on va réussir à mobiliser les gens?
Parce qu'on a l'impression qu'il y a quand même des divisions, là.
M. Zanetti : Il
y a des échanges normaux qui ont lieu chaque fois qu'il y a plusieurs
candidatures à une investiture. Puis tout ce que le parti Québec solidaire a
fait, dans le cas du «recrutage», là, du recrutement, je dirais, c'est des
choses qui sont tout à fait conformes aux règles qu'ont choisies les membres de
Québec solidaire. Puis il y a beaucoup de membres qui, en voyant la candidature
de M. Poitras, ont dit : Wow! c'est une excellente nouvelle, une grande
candidature.
Cela dit, c'est les membres
de Jean-Talon qui vont vraiment décider, dans des assemblées, qui va être la
candidature, puis nous, on va se rallier à toutes les candidatures. Parce que
toutes les candidates et candidats que j'ai vus jusqu'ici, pour moi, je les
trouve très enthousiasmants, c'est tous des gens superengagés qui ont vraiment
des belles qualités de communication aussi. Ça fait que...
Mme Gamache (Valérie) :
Vous misez beaucoup sur les étudiants. Nous avons un débat au cégep
Garneau, soirée d'investiture à l'Université Laval. Souvent, les étudiants ne
vont pas voter là où ils étudient. Il y aura du travail d'éducation à faire
aussi à ce niveau-là?
M. Zanetti : C'est clair que
ça fait partie de notre stratégie, là, de faire en sorte qu'il y ait... notre
électorat soit là, actif, mobilisé, inscrit sur la liste électorale. Donc, ça
fait partie de notre défi. Et, en même temps, je pense que ce qui va faire
sortir les jeunes pour aller voter, c'est les projets de société qu'on propose,
entre autres, entourant les changements climatiques, la question de
l'indépendance, qui sont intrinsèquement liés, la réduction des inégalités, tout
ce projet.... toutes ces idées-là qu'on porte, puis l'opposition au troisième
lien, aussi, à Québec. Ça répond à une soif qu'on voit très, très forte chez
les jeunes de voir à comment on peut penser le monde différemment, comment on
peut penser l'organisation de nos villes différemment. Et ça, il va y avoir un
écho, c'est sûr.
Journaliste
: J'aurais peut-être
une petite question à ajouter par rapport à ça, toujours l'investiture dans Jean-Talon.
M. Zanetti, selon vous, est-ce que tout le monde part avec les mêmes chances,
sur la ligne de départ, pour l'investiture?
M. Zanetti : Pour
l'investiture, tout le monde a... Bien, l'investiture va être très courte,
hein, c'est dans sept jours. Alors, dans une période courte comme ça, il y a des
candidatures qui se sont présentées, il y a déjà longtemps, qui font un travail
depuis longtemps auprès des membres de Jean-Talon, des candidatures qui ont
commencé avant et qui ont eu le temps de recruter des nouveaux membres. Donc,
je pense qu'il y a des forces différentes, parmi les différentes candidatures,
puis qu'au bout du compte ce qui est certain, là, et moi, ce en quoi j'ai entièrement
confiance, c'est le jugement des membres de Québec solidaire dans Jean-Talon,
qui, eux, suivent ça de très près, puis ils regardent toutes les candidatures
avec un jugement qui est bon, puis qu'ils vont choisir la meilleure candidature
pour le parti.
M. Cormier (François) : Mme
Dorion, peut-être une petite dernière sur l'île d'Anticosti. Le gouvernement a finalement
donné son accord à ce qu'il y ait une bande de protection de 1 kilomètre.
Comment est-ce que vous réagissez à ça? Est-ce que c'est une bonne nouvelle? Est-ce
qu'il aurait dû faire plus? Puis est-ce que ce n'est pas positif pour la
candidature à l'UNESCO?
Mme Dorion : Bien, oui, je
pense que, s'il a donné son accord à ce qu'il y ait ça, c'est sûr que ça aide.
Puis ce qui est intéressant là-dedans, là, c'est que, tu sais, le gouvernement
qui dit : Les régions, les régions, les régions, bien, si on écoute la
communauté anticostienne, qu'est-ce qu'ils veulent? Est-ce qu'ils veulent avoir
le choix entre deux industries dans la vie? Est-ce que les gens qui vivent sur
la Côte-Nord veulent avoir le choix entre deux industries, dans la vie, ou est-ce
que ça ne leur tenterait pas, tu sais, de diversifier leur économie puis
d'avoir une autre façon de travailler, de vivre, en disant : Bien, on va
miser aussi sur la beauté du territoire? Puis, en tout cas, beaucoup de monde
qui reste là reste là pour ça. Ça fait que, là, c'est assez enthousiasmant pour
eux, si ça peut continuer. Mais il faut enlever toutes les... il va falloir
enlever, au fil de ce travail-là, tous les obstacles à ce que ça le devienne. Il
faut une vraie volonté politique.
M. Cormier (François) : Puis
vous, sur la partielle dans Jean-Talon, est-ce que vous pensez que Mme Massé a
fait erreur en soutenant publiquement un candidat?
Mme Dorion : Il n'y a pas
d'erreur ou pas d'erreur. Chaque élu, à Québec solidaire, que ce soient des assos
locales, régionales, que ce soient les porte-parole, peuvent s'exprimer sur
leurs choix, puis c'est ce qu'elle a fait. Ça fait que c'est-u une erreur ou ce
n'est pas une erreur? C'est une expression, c'est un... C'est juste un
«statement», mettons. Puis, même c'est plus ouvert, tu sais, ça montre que, tu
sais, il n'y a pas de cachette, il n'y a pas rien, tout se fait de façon très,
très sans gêne, là, de façon tout à fait claire.
La Modératrice
: Il va
y avoir des questions en anglais?
Mme Fletcher (Raquel) : Yes. Do you have an opening statement in English?
Mme Dorion :
...
M. Zanetti :
An opening statement in English.
Mme Ghazal :
Ah! Ils veulent que tu fasses... tu résumes en anglais ce que tu as dit.
Mme Dorion :
Oh shit!
Des voix
:
Ha, ha, ha!
Une voix
:
C'est ça, le résumé!
Mme Dorion :
That was a pretty long... So, you want me to tell this all in English? O.K.
Mme Fletcher (Raquel) : You don't have to... Maybe you could just summarize it in English.
Mme Dorion :
O.K. So, the three measures we're asking Mrs. Girault to include in her foreign
policy thing, well, is create inside the Ministry a «service de règlement des
conflits internationaux», so a way to... — I'm so not into it this
morning, I'm sorry — a conflict resolution service. It could be like
one, two, three, some people that go in the world. And we have a lot of experts
in international relations here, in Québec, we have universities that develop
this pretty well, we're interested in what's happening around the world, in
Québec, among our scholars. So, it would be to send people to really know
what's happening on the ground and be able to take positions or suggest
positions for the Ministry about : So, are they respecting human rights?,
are they respecting fundamental rights?, and what position we are going to have.
Second, we want to have a
real seat for international negotiations, in order to make Québec able to really influence the outcome. And third, have... Comment on
dit ça en anglais?
Des voix
: ...
Mme Dorion : «Commission parlementaire permanente», what would it be?
Mme Fletcher (Raquel) : Is it in Ottawa or
here in...
Mme Dorion : No, here.
Mme Fletcher (Raquel) : A National Assembly...
a commission at the National Assembly. Yes.
Mme Dorion : So, third, to have a commission at the... a permanent commission at the National Assembly on international relations, in order to be able to really see
what's going on in each treaty that's being negotiated and, in some cases, to
really influence them. And also to be able to act diplomatically, when this commission judges that what's happening
around the world in some countries and some crisis is something that we should
act or... yes, act upon.
Mme Fletcher (Raquel) : And how do you think Ottawa will respond to these demands? Do you think that they would be open
to hearing from a committee that is based in Québec City?
Mme Dorion : Well, if they are not interested at all in it... I mean, it's a
thing we have to try. And, where they are not interested, it just gives us a
real image of what's our position inside Canada and where are we unable to act and present our identity to the rest
of the world. So, it's interesting to see what are the real boundaries of our
expression in the rest of the world.
Mme Fletcher (Raquel) : I have a question
about health. I don't know if one of you will be sitting in the «interpellation»
this morning.
Mme Dorion : In the what?
Mme Fletcher (Raquel) : The «interpellation».
Mme Dorion : Une interpellation ce matin? C'est quoi, ça?
M. Zanetti : Yes. C'est moi qui vais y aller.
Mme Fletcher (Raquel) : Oh! OK. I'm just
wondering what your main priority is or your main question that you're going to ask is.
M. Zanetti : It's a weird «interpellation». What's the name in English?
Mme Fletcher (Raquel) : I don't know what it is, in English.
M. Zanetti :Ah non? OK. Well, it's a weird «interpellation»,
because essentially we have this liberal deputy, Member of the National
Assembly, who's asking the Health Minister : How... In fact, Mr. Fortin is
accusing the Minister of not being able to repair the problem that the Liberal
Party did. Because the lack of services in different regions in Québec didn't
come from this year, it came from the 15 years of Liberal Government. So, I
don't know what's the expression, the right expression in English to say so,
but in French I would say : «Il a du front tout le tour de la tête», hein,
to go and have this position and trying to have those
debates on how can you not be able to give services to people when we put
everything in fire in the last 15 years. That's a weird accusation, that's a
weird thing.
Mme Fletcher (Raquel) : So, where do you see your own role in this debate this morning?
M. Zanetti : What?
Mme Fletcher (Raquel) : What do you see as your own role representing Québec solidaire? How are going to participate?
M. Zanetti :
My role is to make sure that people don't forget about what happened. Because
that's what the Liberal Party has been trying to do, in the last year, always
accusing the Government of what he has caused himself when he was in the
Government. So, I just want to make sure that everybody doesn't misunderstand
what the Parti libéral... Liberal Party of Québec is where he is, you know? It's
not a good Government, they did so much things wrong, and now they are accusing
the actual Government of what they, themselves, did. So, I want to make sure
that everybody remembers that.
Mme Fletcher (Raquel) : So, are you defending the CAQ Government?
M. Zanetti : What?
Mme Fletcher (Raquel) : Are you defending the CAQ Government?
M. Zanetti :
Not completely defending it because, of course, we think that they should do
more on many subjects. But on that issue, I want to make sure that the Parti
libéral du Québec gets his own part of the trouble because they deserve it.
La Modératrice
:
Merci beaucoup.
(Fin à 10 h 2)