(Treize heures dix-huit minutes)
Mme Lessard-Therrien : Alors,
bon après-midi, tout le monde. Donc, aujourd'hui, c'est le début des auditions
sur la commission sur les pesticides. J'ai beaucoup d'attentes à l'égard de la commission,
surtout une attente de collaboration entre les différents partis, le gouvernement
et les oppositions pour jeter les bases d'un plan pour sortir notre agriculture
des pesticides.
Un message super important qu'on veut
envoyer aussi aujourd'hui, c'est que ce plan de sortie là ne doit pas se faire
aux frais des agriculteurs. Il faut définitivement accompagner les agriculteurs
dans cette transition-là, pour une agriculture plus écologique. Pour nous, un
organe fondamental de cette transition-là, c'est évidemment le ministère, donc
le MAPAQ, qui doit retrouver son leadership en la matière pour vraiment
accompagner les agriculteurs.
On le sait, il y a beaucoup de solutions
qui existent déjà au Québec. Il nous manque juste des gens pour les appliquer
sur le terrain. Cet été, j'ai eu l'occasion, là, de faire quelques visites dans
différentes régions du Québec et j'ai été agréablement surprise de voir qu'il y
avait déjà beaucoup de pistes de solution qui sont là. Ce qu'il manque, c'est
un agent de concertation pour s'assurer que toutes les mesures transitoires, si
on peut dire, ou la lutte intégrée, comme on l'appelle en agriculture, se
promène d'une région à l'autre, que cette information-là soit diffusée, et,
pour nous, définitivement, l'agent de... l'organe de concertation par excellence,
c'est le ministère.
Donc, on veut vraiment s'assurer que
l'expertise circule entre les régions, les scientifiques, les agriculteurs, et
que définitivement on retrouve des agronomes qui vont sur le terrain au sein du
ministère. Vous savez, chez moi, au Témiscamingue, ce que les gens me disent,
c'est qu'ils doivent allumer eux-mêmes des lumières quand ils rentrent au
bureau du MAPAQ. C'est dire qu'il n'y a plus beaucoup de ressources qui y
travaillent. Donc, ce qu'on veut ramener, c'est définitivement des ressources
dans les bureaux du ministère.
Le plan de sortie, le plan de transition
pour l'agriculture, oui, c'est pour l'environnement, c'est pour la santé des
gens, mais on pense aussi que les premières victimes de l'utilisation de ces
pesticides-là, au niveau de la santé, ce sont nos agriculteurs. Ce sont eux qui
manipulent les pesticides au courant des différents épandages, qui peuvent
passer des fois jusqu'à 12 heures dans leur tracteur avec l'épandeur en
arrière qui diffuse. Donc, c'est vraiment aussi pour eux qu'on veut amener ce
plan de transition là. On le sait de plus en plus les impacts que les
pesticides peuvent avoir, soit au niveau des cancers ou au niveau des maladies
professionnelles. Donc, c'est vraiment un message de soutien qu'on veut envoyer
aux agriculteurs.
Des pistes de solution, bien, on en a
identifié quelques-unes. Le travail de la commission va pouvoir nous permettre
de valider si nos pistes vont dans la bonne direction, notamment, réorienter
les fonds publics. On sait qu'il y a à peu près 800 millions de dollars
par année qui sont dédiés à l'agriculture au Québec. Là-dessus, il y en a à peu
près 35 millions qui sont dédiés vraiment aux mesures plus écologiques.
Donc, définitivement, il y a un coup de barre à donner à ce niveau-là,
d'augmenter les fonds qui vont être dédiés à l'agriculture et à la transition
écologique de l'agriculture. Donc, voilà, je suis prête à prendre vos
questions.
M. Lacroix (Louis) : Bien,
c'est quoi, au juste, votre plan de sortie? Pouvez-vous nous l'expliquer? Ça
fonctionnerait comment?
Mme Lessard-Therrien : Bien,
en fait, cet été, quand j'ai fait mes visites, j'ai visité la MRC des Jardins-de-Napierville,
puis, au sein de leur CLD, ils ont développé le Pôle d'excellence en lutte
intégrée. On va avoir l'occasion d'entendre ce qu'ils font jeudi, ils vont
venir parler à la commission. Et eux, ce qu'ils ont fait, c'est qu'ils se sont
dotés eux-mêmes d'un organe de concertation à l'intérieur du CLD pour faire justement
le maillage entre les producteurs agricoles et toutes les chaires de recherche
qui développent la lutte intégrée. Quand on pense à la mouche rose, quand on
parle... aux rotations des cultures, les engrais verts, tout ça, donc, c'est
vraiment un agent de concertation, et les gens qui y travaillent s'assurent que
les agriculteurs puissent entrer en contact avec les autres agriculteurs parce
qu'entre vous et moi il y a juste un bon agriculteur pour convaincre un autre
agriculteur que sa méthode, elle est bonne. Donc, eux, c'est ce qu'ils ont
décidé de faire au sein de leur propre MRC. Moi, j'ai trouvé ça absolument
fascinant, je me demandais comment ça se fait qu'on n'a pas ça dans toutes les
régions du Québec où on mise vraiment sur la lutte intégrée. Et c'est prouvé
que ça fonctionne. Dans les champs d'oignons, par exemple, bien, on a réduit
jusqu'à 50 % l'application des pesticides, donc il y a vraiment une diminution
considérable. Donc, ça, c'est un exemple. Mais, évidemment, c'est d'investir
dans la recherche puis la recherche et développement pour continuer de
développer d'autres types de solutions comme ça.
M. Lacroix (Louis) : Mais
pour être plus... je comprends que vous êtes très spécifique, mais pour être
plus... de façon générale, ça voudrait dire quoi, le plan de sortie? Dans votre
optique à vous, ça voudrait dire élimination complète des pesticides? En
combien de temps?
Mme Lessard-Therrien : Bien,
définitivement, il faut se donner des dates avec des échéanciers. On a nos cinq
agents actifs, en ce moment, qui nécessitent une prescription; réviser cette
liste-là de manière plus régulière pour ajouter davantage de pesticides qui
sont considérés comme nocifs pour l'environnement. Développer de la recherche
aussi, à ce niveau-là, parce qu'en ce moment, ce qu'on se rend compte, c'est
qu'il y a une lacune, à savoir l'impact de ces pesticides-là et des effets
aussi multiplicateurs; plusieurs pesticides utilisés en même temps, les
cocktails, qu'est-ce que ça peut avoir comme impact sur l'environnement. Donc,
il y a encore matière à faire beaucoup de recherche à ce niveau-là.
M. Lacroix (Louis) : Mais ce
serait quand, là, dans votre optique à vous, qu'il faudrait éliminer les
pesticides complètement, pour mettre ça bien simple, là?
Mme Lessard-Therrien : Bien,
écoutez, on n'est pas rendus à avoir... à ce stade-ci de la commission, de dire
est-ce que c'est dans cinq ans, est-ce que c'est dans sept ans.
M. Lacroix (Louis) : ...on
n'est pas rendus là, à la commission, mais vous, vous devez avoir une idée
politique là-dessus? QS, là, vous devez avoir tablé là-dessus. Vous êtes super
forts en environnement, soi-disant. Alors, vous devez vous être assis ensemble,
puis dire : Bien, voici, il faudrait éliminer les pesticides d'ici... combien
de temps?
Mme Lessard-Therrien : Bien,
écoutez, c'est sûr que, dans un horizon plus ou moins moyen terme, j'ai envie
de dire, mais je ne m'avancerai pas aujourd'hui à donner une cible vraiment en
termes d'années, on va se laisser... on va se permettre d'entendre ce que les
groupes ont à dire à ce sujet-là évidemment. Donc, ça commence aujourd'hui. Si
vous avez eu vent un peu des mémoires qui ont été déposés, on a des gens qui
ont des propositions à ce niveau-là, donc on va prendre le temps de s'asseoir
puis de les regarder.
M. Lacroix (Louis) : Plus ou
moins à moyen terme, là, c'est n'importe quand entre trois ans, 10 ans,
15 ans, peut-être 30 ans, on ne le sait pas.
Mme Lessard-Therrien : Bien,
on espère que ça ne sera pas... que ça va être d'ici 15 ans. On peut se le
dire comme ça.
Mme Crête (Mylène) :Qu'est-ce que... Vous avez parlé d'accompagner les agriculteurs.
Qu'est-ce que vous pensez, par exemple, des demandes de l'UPA, qui veut un
programme d'aide pour avoir un incitatif à passer à des méthodes sans
pesticides?
Mme Lessard-Therrien : Oui, bien,
en fait, c'est ce genre de solutions là qui peuvent être mises de l'avant, notamment
au niveau des assurances récoltes, par exemple. Quand on a des agriculteurs qui
utilisent la lutte intégrée plutôt que d'utiliser les pesticides, bien, de
s'assurer que, si jamais en cours de route ils n'ont pas les résultats escomptés,
bien, qu'il va y avoir une assurance reliée à ça, donc. Et ça, ces outils-là,
ils existent déjà, il faut juste peut-être les formuler différemment pour que
ça puisse s'appliquer dans les cas de lutte intégrée ou d'utilisation moindre
des pesticides.
M. Lecavalier (Charles) :
Oui, mais pourquoi juste... pour les gens qui ne sont pas agriculteurs, là, pourquoi,
du jour au lendemain, l'agriculteur ne peut pas tout simplement dire :
Bien, moi, je n'utilise plus de pesticides? Qu'est-ce qui va arriver?
Mme Lessard-Therrien : Bien,
en fait, je veux dire, les pesticides, en ce moment, sont rendus utilisés
beaucoup comme un moyen de gérer le risque, c'est-à-dire qu'on va s'assurer
d'avoir une bonne récolte à la fin de l'été, et pour ça, bien, on va utiliser
les pesticides qui vont contrôler la mauvaise herbe ou qui vont même être
utilisés pour faire mûrir les champs. On l'a vu dans le cas du blé, entre
autres, avec les glyphosates, mais c'est aussi utilisé, par exemple, dans la
pomme de terre où on va faire défaner les plants de pommes de terre pour les
récolter tous en même temps, puis là on s'assure d'avoir vraiment des plants
qui sont tous prêts à être récoltés en même temps. C'est plus facile, ça se
gère mieux, etc. Donc, c'est vraiment... Puis, quand on parle avec les
agriculteurs qui utilisent la lutte intégrée ou qui ont même fait la conversion
biologique, souvent, ce qu'ils nous disent, c'est : Bon, il y a une
transition technique qui prend à peu près trois ans où on change nos méthodes,
mais il y a aussi une transition mentale qui, elle, prend un petit peu plus de
temps, peut-être un cinq ans, de dire : Bon, bien là, il faut que je gère
mes cultures différemment. Tu sais, là, quand on parle de rotation de cultures,
bien, là, il faut se dire : O.K., cette année, bien, je mets du soya ici,
l'année prochaine, bien, je vais mettre une culture de couverture ou je vais y
aller avec une culture de pois ou encore de maïs. Donc, ça nécessite de
réfléchir plus à long terme sur ce qu'on va faire dans nos champs. Donc, c'est
pour ça que...
M. Cormier (François) : Mais
est-ce que cette commission-là, c'est une occasion ratée d'entendre, et de
mettre au défi, et de challenger Monsanto et les autres compagnies du genre qui
n'ont pas été invitées?
Mme Lessard-Therrien : Bien,
je pense qu'on est vraiment en mode solution. En fait, on constate que les
différents plans de lutte phytosanitaire qui ont été élaborés par le passé
n'ont pas donné les résultats escomptés, on n'a pas énormément... on n'a pas
diminué de manière drastique l'utilisation de nos pesticides. Donc, maintenant,
c'est vraiment... Moi, je vois ça comme : on se met en mode solution. Quels
sont l'état des faits par rapport à l'impact de l'utilisation des pesticides
sur la santé, mais aussi sur l'environnement? Et quels sont les
moyens — puis ça, on l'a bien intégré dans le mandat
d'initiative — quels sont les moyens alternatifs qui ont été
développés au fil des dernières années pour faire la transition vers une
agriculture plus durable? Ça fait que moi, je ne vois pas ça comme un affront
pour l'industrie des pesticides, plus que...
M. Cormier (François) : Vous
n'auriez pas aimé les challenger en commission parlementaire et les entendre?
Mme Lessard-Therrien : Bien,
en fait, personnellement, s'ils étaient venus en commission parlementaire,
j'aurais été intéressée de les entendre. En même temps, je ne pense pas que ça
va amener une valeur ajoutée au travail que veut faire la commission, c'est-à-dire
d'utiliser de moins en moins les pesticides. Forcément, ces gens-là n'ont pas
intérêt à ce qu'on les utilise de moins en moins, donc, pour moi, en ce
sens-là, ce n'était pas nécessairement une valeur ajoutée de les avoir autour
de la table.
Mme Gamache (Valérie) : Mais
c'est parce que vous parlez de «on se met en mode solution». Tout le monde
s'entend pour dire qu'on ne peut pas se débarrasser complètement des pesticides
demain matin.
Mme Lessard-Therrien : Absolument.
Mme Gamache (Valérie) : Donc,
il faut que... À votre avis, ils n'ont pas leur place dans la solution, même
s'ils vont devoir continuer à en vendre?
Mme Lessard-Therrien : Bien,
en fait, je pense que la place, ils l'occupent déjà, en fait. Je veux dire, en
ce moment, le réflexe des agriculteurs est davantage tourné vers l'utilisation
des pesticides que l'utilisation de la lutte intégrée. Donc, la place, ils
l'occupent déjà.
Maintenant, nous, ce qu'on veut mettre de
l'avant, c'est comment on peut faire en sorte d'en utiliser moins. Quelles sont
les alternatives qui existent, avec la lutte intégrée? Donc, ça va nous donner l'occasion,
nous, aux parlementaires de savoir tout ce qui se fait, puis comment on
pourrait le faire mieux, puis comment on pourrait diffuser aussi les actions
qui sont déjà sur la table.
Mme Cloutier (Patricia) :
Est-ce que les agriculteurs ont mal réagi au départ à cette commission
parlementaire là? Parce que là, aujourd'hui, vous nous dites : Ah! il faut
tout faire ça avec eux, c'est eux, les premières victimes sur la santé, et tout
ça, mais il y a eu des commentaires difficiles au départ, là. Comment est-ce
que vous allez vous assurer de la collaboration des agriculteurs là-dedans?
Mme Lessard-Therrien : Bien,
on va en entendre déjà à la commission, des agriculteurs qui vont intervenir.
Bon, il y a l'Union des producteurs agricoles aussi qui va être là, qui est quand
même un joueur non négligeable quand on parle d'agriculture. Je pense que les
gens sont de plus en plus conscients, en fait, que la population en général est
préoccupée par le contenu de son assiette. Je pense qu'ils veulent faire partie
de la solution. Maintenant, moi, je comprends leurs inquiétudes, de dire :
Bien là, allez-vous nous dire que demain matin, il ne faut plus les utiliser,
les pesticides? Parce qu'en ce moment, on n'a pas d'alternative. Ça fait que
c'est là où moi, je veux les rassurer puis dire : Non, non, on veut faire
ça ensemble. On va s'assurer que la transition se fait avec vous, puis moi, je
compare souvent un peu avec un plan de sortie du pétrole. Je veux dire, on ne
peut pas sortir du pétrole demain matin, comme ça, mais, en même temps, il faut
se donner des dates, il faut se donner des échéanciers, il faut se donner un
plan d'action clair pour faire en sorte d'y arriver.
Et moi, j'espère que le rapport qu'on va
produire à la suite de la commission ne sera pas tabletté, comme beaucoup de
rapports qui ont été faits par le passé, puis que finalement, bien, on s'est
donné un peu des grands objectifs, des grandes ambitions, mais que finalement
il n'y a rien qui s'est traduit sur le terrain en termes d'action, en termes
d'accompagnement. Donc, c'est ça qui est le plus important pour moi
aujourd'hui, puis je pense que ce dialogue-là, il est possible, puis il est
déjà en cours avec les agriculteurs, puis c'est un dialogue qui est très
constructif, là.
Mme Johnson (Maya) :
Bonjour. Je peux vous poser quelques questions en anglais?
Mme
Lessard-Therrien : Yes, of course.
Mme Johnson
(Maya) : Thank you. So, first of all,
if you could just give us a general idea of what you're hoping will come out of
these hearings?
Mme
Lessard-Therrien : Yes. Well, I really hope
that we will collaborate, all the different parties around de table, to have a
plan to get out of the pesticide industry with the agriculture. But it's also
very important for us that
farmers don't have to pay the price of the transition. So, we need to
«accompagne» the farmers and we say it goes by the MAPAQ. And we need that the
MAPAQ «retrouve»...
Une voix
: Find.
Mme
Lessard-Therrien : ...finds back its leadership to help...
Mme Johnson
(Maya) : ...
Mme
Lessard-Therrien : Yes, regains its leadership to «accompagne» the...
Mme Johnson
(Maya) : To accompany.
Mme
Lessard-Therrien : ...to accompany the farmers
in the transition. Sorry.
Mme Johnson
(Maya) : That's OK. Do you want to maybe repeat that phrase?
Mme
Lessard-Therrien : Yes. So, the Québec Government... sorry. We need a plan to withdraw from
pesticide use, and farmers don't have to pay the price
of the transition. And we need that the MAPAQ go back to its leadership in the transition.
Mme Johnson
(Maya) : OK. So that
they can help along...
Mme
Lessard-Therrien : Yes. So they can...
Mme Johnson
(Mia) : Accompany.
Mme
Lessard-Therrien : ...accompany. So, they can
accompany the farmers in the transition.
Mme Johnson
(Maya) : And is it reassuring to you that
we're now going to hear from Louis Robert, the whistle-blower who
obviously went through his own ordeal when it came to this industry?
Mme
Lessard-Therrien : Yes, of course. I'm very
glad to hear him. I think he has a lot of knowledge about this topic and I
think he is pertinent, and he can help us to find solutions to this transition.
So, I'm looking forward to hear him. Thank you.
Merci.
(Fin à 13 h 32)