(Treize heures cinq minutes)
M. Fontecilla : Bonjour,
mesdames messieurs.
On a vu, le 1er juillet dernier, il y
a eu une crise du logement. Il y a actuellement une pénurie de logements dans
toutes les grandes villes, et moyennes et petites villes, du Québec. On calcule
que, seulement à Montréal, 7 000 logements ont été retirés du marché
locatif pour les donner à des plateformes d'hébergement touristique temporaire
comme Airbnb. Il y en a d'autres aussi. Ça, pas plus tard que cette semaine,
Airbnb a dû retirer des annonces des locataires qui font de la fraude. Et on a plusieurs
exemples qui montrent que c'est une pratique qui commence à se généraliser dans
ce domaine de l'hébergement temporaire pour les touristes. Airbnb se croit
au-dessus des lois. On lui demande de se policer elle-même, mais c'est une
multinationale qui a des ramifications partout à travers le monde, qui refuse
de se policer. Et c'est aux pouvoirs publics d'intervenir pour éviter les abus
de cette multinationale-là.
Aujourd'hui, pendant qu'on est en train
d'étudier le projet de loi n° 16, qui réouvre la
question de la Régie du logement, entre autres, et toute une série de
modifications sur la question de l'habitation, j'ai profité pour introduire un
amendement qui fait en sorte de remplir une brèche béante dans le Code civil du
Québec qui permet à des propriétaires de modifier de façon abusive
l'affectation pour transformer des logements qui ont une affectation résidentielle
à une affectation commerciale afin de pouvoir évincer les locataires et les
louer ensuite à des plateformes d'hébergement touristique temporaire comme
Airbnb. Cette situation arrive à Montréal tout particulièrement, mais ça peut
arriver dans toutes les villes du Québec qui reçoivent une importante affluence
de touristes. Donc, c'est important de profiter de l'ouverture du Code civil
pour remplir cette brèche-là.
Et donc, si la ministre refuse mon
amendement, elle envoie un signal clair aux locataires du Québec qu'elle se
place résolument du côté d'une multinationale comme Airbnb. Je lui demande
d'accepter cet amendement afin d'empêcher que des locataires soient évincés
pour offrir leur logement à des plateformes d'hébergement touristique comme
Airbnb. Merci.
M. Nadeau-Dubois : On voulait
également dire quelques mots sur la proposition ou, en tout cas, l'ouverture
démontrée récemment par la vice-première ministre au sujet des congés parentaux
pour les députés de l'Assemblée nationale du Québec.
Vous savez qu'il y a quelques mois à
peine, dans les tout derniers jours de la précédente session parlementaire, il
y a eu ici un débat sur les conditions de travail et les salaires des députés.
Et, dans ce débat-là, Québec solidaire a systématiquement remis de l'avant une
idée très simple, l'idée selon laquelle les députés ne pouvaient pas être juge
et partie de leurs propres conditions de travail et de leur propre salaire. On
croit donc que l'ouverture démontrée par la vice-première ministre milite en faveur
de ce qu'on a toujours proposé à Québec solidaire, c'est-à-dire la mise sur
pied d'un comité autonome indépendant pour fixer l'ensemble des conditions de
travail et de rémunération des députés de l'Assemblée nationale.
Pour nous, la volonté, donc, affichée de
la CAQ d'améliorer la conciliation travail-famille pour les députés, nous la
saluons. C'est une bonne nouvelle et c'est une raison de plus de mettre en
place rapidement, au sein du Bureau de l'Assemblée nationale, ce fameux comité
indépendant pour fixer les conditions de travail et la rémunération des
députés. Il faut, bref, que la conciliation travail-famille, notamment la
question des congés parentaux, soit en haut de l'ordre du jour de ce comité
indépendant. Et, pour nous, c'est donc une raison de plus de relancer le débat
sur la manière dont on fixe les conditions de travail et de rémunération des
députés. C'est une raison de plus qui milite en faveur de cette idée d'un
comité indépendant qui, dès les prochaines semaines, doit être mis sur pied par
le Bureau de l'Assemblée nationale pour qu'enfin on revoie de manière globale
la rémunération puis les conditions de travail des députés, parce que, oui, il
y a la question des congés parentaux, mais il y a aussi la question des
allocations non imposables, il y a aussi la question des frais de déplacement.
Toute la formule de rémunération des députés doit être revue. Elle doit être
modernisée, notamment pour s'assurer d'une conciliation travail-famille qui
soit digne du XXIe siècle. Voilà.
M. Pilon-Larose (Hugo) :
Mais, dans l'absolu, est-ce qu'un ou une députée pourrait s'absenter, comme un
travailleur régulier, pendant six mois à un an en cours de mandat? Tu sais,
mais j'imagine, là, un an, c'est quand même le quart d'un mandat, là. C'est-u possible?
M. Nadeau-Dubois : Ça
existe dans plusieurs autres Parlements. Ça existe notamment à la ville de Montréal.
Est-ce qu'il faut prévoir un régime particulier pour les députés? Peut-être. Est-ce
qu'il faut les inclure au régime universel pour tous les Québécois et les
Québécoises? Peut-être aussi. Toutes ces questions-là, il faut les examiner.
Mais les députés ne doivent pas être ceux qui donnent la réponse définitive. Ça
ne doit pas être les députés qui fixent eux-mêmes leur salaire et leurs
conditions de travail, et ça vaut aussi pour les congés parentaux. C'est sûr
que, devant un éventuel comité qui traiterait ces questions-là, nous, on aurait
des propositions à faire, notamment, et plusieurs propositions en matière de
conciliation travail-famille. Mais, pour nous, dans le cas des congés
parentaux, comme dans le cas du salaire il y a quelques mois, ce n'est pas aux
députés à déterminer eux-mêmes leurs conditions de travail. Mais, oui, on a des
idées puis, oui, on veut participer au débat.
Et vous posez d'excellentes questions. Les
députés ont un rôle particulier. On ne peut pas les considérer comme des
salariés comme les autres. En même temps, si on veut que des jeunes hommes et
des jeunes femmes s'impliquent en politique, il faut parler de conciliation
travail-famille.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Mais justement vous dites un comité indépendant, mais que vous aurez des choses
à dire.
M. Nadeau-Dubois : Bien
sûr, oui.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Est-ce que vous êtes en faveur, vous, d'un congé parental pour les élus de l'Assemblée
nationale?
M. Nadeau-Dubois : Absolument.
Nous, on pense qu'il faut trouver une formule qui permette aux élus de passer
du temps avec leurs enfants dans les premières semaines de vie, mais il faut
que ça soit une formule qui soit à la fois équitable avec ce dont bénéficient
les Québécois et les Québécoises qui ne sont pas députés à l'Assemblée
nationale puis il faut que ça soit une formule adaptée au rôle de député. On a
des idées. On veut contribuer à la discussion. Mais, en dernière instance, ça
doit être un comité indépendant pour une raison très simple. On ne peut pas
être juge et partie de nos conditions de travail. Et je pense que
Mme Guilbault semblait le reconnaître elle-même. C'est malaisant d'être
dans une situation où on revendique des choses pour nous-mêmes. Donc, on peut
faire des représentations, avoir des idées, mais, à la fin, on veut un comité
indépendant pour trancher cette question-là.
Mme Lajoie (Geneviève) :
S'il n'y a pas de comité indépendant, donc...
M. Nadeau-Dubois : Je
vous rappelle qu'il y a quand même eu une motion adoptée à la fin de la
précédente session, une motion qui était un ordre de l'Assemblée et qui
demandait au Bureau de l'Assemblée nationale de mettre sur pied un tel comité.
Vous me direz que ce n'est pas la première fois que de telles motions sont
adoptées. Vous auriez bien raison de me dire ça. On ne peut quand même pas
s'empêcher d'y croire puis d'espérer que, cette fois-ci, on va aller de
l'avant, qu'il va y avoir la mise sur pied d'un tel comité. Nous, on était
contents. À Québec solidaire, c'est ce qu'on a obtenu dans le débat sur le projet
de loi qui venait majorer le salaire des députés. On a réussi à obtenir ce
compromis-là de la part des autres partis. On espère que ça va aller de l'avant.
Puis, pour nous, la question des congés parentaux doit être au sommet de l'ordre
du jour de ce comité-là.
Mme Lajoie (Geneviève) : Pour
la conciliation travail-famille, outre les congés parentaux, est-ce que vous
avez d'autres idées?
M. Nadeau-Dubois : Bien, il y
a, par exemple, la question des déplacements. En ce moment, l'Assemblée
nationale rembourse — je pense que c'est cinq ou... — en
tout cas, quelques déplacements par année pour la famille d'un député. Donc, ma
collègue, Émilise Lessard-Therrien, par exemple, qui est députée dans
Rouyn-Noranda—Témiscamingue, après deux allers-retours de son conjoint et de
leur fille, elle doit payer de sa poche les déplacements, qui sont des
déplacements en avion dans son cas. Donc, c'est extrêmement coûteux, surtout
avec les prix des billets d'avion au Québec.
Donc, la question de favoriser le
déplacement des familles avec les députés, c'est aussi une question qu'on veut
étudier. Est-ce qu'on veut penser, par exemple, à une forme de halte-garderie à
l'Assemblée nationale du Québec pour les députés et les employés de
l'Assemblée, pourquoi pas également les membres de la Tribune de la presse? Toutes
ces choses-là, il faut en discuter. Nous, on a des idées. Andrés pourrait
peut-être vous en parler. Il est lui-même père d'un jeune garçon. On a plein
d'idées. Il faut mettre en place ce comité-là pour qu'on en parle, tout en se
retirant à la fin, lors du moment de détermination des conditions de travail.
M. Pilon-Larose (Hugo) :
Est-ce que l'Assemblée nationale est encore administrée par des gens d'une
autre génération pour qui, peut-être, ces enjeux de conciliation
famille-travail, c'est moins important?
M. Nadeau-Dubois : Non. Ce qui
a manqué dans les dernières années, c'est la volonté politique. Les partis
politiques ont eu peur de s'attarder à la question de la rémunération et des
conditions de travail des députés.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Pourquoi?
M. Nadeau-Dubois : Parce que
c'est dangereux politiquement, parce que les partis ont peur de se faire taxer
de se donner des privilèges. Et c'est ironique qu'il y ait eu tout ce tabou et
tout ce jeu de tourner autour du pot parce que la solution, on la connaît
depuis les années 80, c'est la création d'un comité indépendant. Depuis les
années 80, on a créé une série de commissions pour étudier les salaires des
députés, et, à chaque fois, depuis les années 80, tous ces comités-là ont
conclu la même chose. Il faut un processus indépendant et exécutoire pour fixer
les conditions de travail des députés. Le dernier rapport, c'est le rapport
L'Heureux-Dubé, en 2015, mais c'est le dernier d'une longue série de rapports
depuis les années... En fait, le premier est dans les années 60. Je me corrige
moi-même.
Donc, tout le monde connaît la solution,
mais tout le monde a peur de l'appliquer, et c'est un manque de courage
politique. Donc, ça n'a rien à voir avec les gens qui administrent l'Assemblée
nationale. Les partis qui siègent à l'Assemblée depuis longtemps ont eu
systématiquement peur de régler cette question-là. Et, nous, ça fait depuis
maintenant 2015 qu'on le dit, la manière de sortir du cul-de-sac, la manière de
sortir du malaise généralisé, c'est un comité indépendant.
Mme Plante (Caroline) :
Qu'est-ce que vous pensez de la CECM qui va finalement respecter la loi n° 21?
M. Nadeau-Dubois : Nous, on a
toujours dit depuis le début qu'on souhaitait que les institutions de l'État
appliquent la loi même si c'est une loi avec laquelle on est en désaccord sur à
peu près toute la ligne. Ceci étant dit, j'ai envie de dire presque bonne
chance parce que c'est une loi qui est contradictoire, qui va être
inapplicable. Donc, je crois qu'on n'est pas sortis du bois quand va venir le
temps d'appliquer cette loi-là.
Mme Plante (Caroline) : Et
puis, dans un autre dossier, le dossier du remboursement des dépenses des
New-Yorkais et des Ontariens, à partir du moment où le ministre s'excuse,
reconnaît son erreur, est-ce qu'il doit donc maintenant rembourser?
M. Nadeau-Dubois : La
question, c'est rembourser à qui et à partir de quel fonds. Moi, je pense que c'est
des dépenses qui n'auraient pas dû être faites. Donc, oui, le remboursement est
une bonne idée. Est-ce que ça doit venir de la caisse de la CAQ? Est-ce que ça
doit venir d'ailleurs? Je ne pourrais pas vous dire. Mais c'est une dépense qui
est venue vicier le processus d'une commission parlementaire, commission
parlementaire qui est censée être autonome, administrer elle-même ses
activités.
Bien sûr, on ne vit pas sur une autre
planète. On sait qu'il y a des partis politiques qui sont représentés. On sait
que les commissions où il y a une majorité de députés du gouvernement, il y a
un lien avec le gouvernement. Mais de là à dire : Un ministère paie de sa
poche des experts pour venir plaider en faveur de son projet, on ne peut pas
ouvrir la porte à ça. Imaginez ce que ça peut donner si ça se généralise. Ça
peut donner deux catégories d'intervenants en commission parlementaire :
les gens invités par les oppositions, qui doivent payer ça sur leur bras, et
les gens invités par le gouvernement, qui, eux, dorment au Hilton de l'autre
bord de la rue. Je veux dire, c'est absolument impossible comme manière de
fonctionner.
Et tant mieux que le ministre se soit fait
taper sur les doigts par le président de l'Assemblée nationale. Nous, on attend
avec impatience aussi la réponse de la Commissaire à l'éthique parce qu'on
pense que c'est également en contradiction avec le code d'éthique et de
déontologie des élus de l'Assemblée nationale, qui dit qu'on ne peut pas
utiliser les sommes qui sont mises à notre disposition pour des fins
partisanes.
M. Pilon-Larose (Hugo) : J'aimerais
juste préciser votre réponse parce que je ne suis pas sûr si c'était de
l'ironie ou non que vous faisiez. Mais suggérez-vous que le ministre rembourse
à partir des fonds du parti politique de la CAQ?
M. Nadeau-Dubois : Disons que
je pose la question. Je me demande... Parce qu'en effet c'est une dépense qui
n'aurait pas dû être faite. La question du remboursement est pertinente. D'où l'argent
pourrait-il venir? On ne peut quand même rembourser des fonds publics avec des
fonds publics, là, ça sort d'une poche pour entrer dans l'autre. Mais qu'il
trouve une manière de rembourser, puis, si c'est les fonds du parti qui s'est
fait élire en proposant des maternelles quatre ans, bien, ça pourrait être une
option.
Mme Lajoie (Geneviève) : M.
Roberge a répondu ce matin, là, suite à cette histoire, là, de président de
l'Assemblée nationale qui lui tape sur les doigts, en disant : Bien,
écoutez, vous savez, de toute façon c'est bien, cette décision-là, parce qu'il
y avait un flou. Ça fait qu'au moins... Est-ce que, selon vous, il y avait
vraiment un flou dans les règles?
M. Nadeau-Dubois : Non, il n'y
avait pas de flou. La pratique, elle est claire. Les commissions parlementaires
doivent faire leur travail de manière indépendante du gouvernement. Il n'y a
aucun flou là-dessus. Ça s'appelle la division des pouvoirs. Donc, il n'y a
aucun flou. La vérité, c'est que M. Roberge, et ça, on le dit depuis longtemps,
le ministre est tellement obsédé par son idée d'imposer les maternelles quatre
ans à tout prix, coûte que coûte, qu'il est prêt à dépasser des frontières qui
ne devraient pas être dépassées. Il veut tellement répandre la bonne nouvelle
qu'il a enfreint une règle fondamentale de notre institution, qui est celle de
la division des pouvoirs. C'est un ministre dont l'enthousiasme, là, commence à
devenir un problème pour son projet des maternelles quatre ans.
Mme Plante (Caroline) :
Pouvez-vous croire qu'il n'y a personne au ministère qui a levé la main pour
dire : Écoutez, ça pourrait être problématique?
M. Nadeau-Dubois : C'est une
excellente question. J'aurais aimé ça être là. Moi, ça ne fait pas très longtemps
que je suis député, là, mais, quand j'ai vu ça, je me suis tout de suite dit :
Bien, voyons, ça n'a pas de sens. Donc, j'ai de la misère à croire qu'il n'y a
pas quelqu'un quelque part qui n'a pas levé un petit drapeau pour dire :
M. le ministre, vous ne pouvez pas faire ça. Mais, bien sûr, je n'étais pas là,
donc je ne peux pas présumer que c'est arrivé. Mais c'est tellement une erreur
grossière et manifeste que j'ai de la misère à croire qu'il n'y a personne qui
n'a rien vu passer. Et, si personne n'a rien vu passer, on se demande qui
travaille dans les cabinets de la CAQ.
Des voix
: Merci.
(Fin à 13 h 20)