(Onze heures trente-sept minutes)
Mme
Hivon
:
Bonjour. Alors, hier se sont terminées, hier soir, les consultations sur le projet
de loi concernant les maternelles quatre ans. Alors, bien, sans surprise, ce
qu'on anticipait s'est concrétisé, dans le sens où, autant sur l'opportunité,
sur le fond des choses, les preuves ne sont pas là que c'est la solution à
mettre de l'avant de manière mur à mur pour tous les enfants de quatre ans
qu'autant sur la question de faisabilité, du réalisme de mettre de l'avant ce
projet-là, les choses ne tiennent pas la route.
Alors, c'est pourquoi aujourd'hui nous
demandons au ministre de l'Éducation de prendre un pas de côté et de mettre une
pause sur le projet de loi n° 5 concernant les maternelles quatre ans, d'une
part pour avoir le temps de vraiment, vraiment regarder, d'écouter tout ce qui
s'est dit, toutes les recommandations qui lui ont été faites et de revenir vraiment
avec une véritable vision pour le développement de nos tout-petits, qu'on
espère voir présentée par l'ensemble du gouvernement, par le ministre des
Services sociaux qui a un plan sur l'agir tôt, par le ministre de la Famille
qui dit vouloir agir pour créer des places en centre de la petite enfance, mais
on ne connaît l'échéancier. Et, de ce qu'il nous annonce, c'est très, très loin
des besoins des familles, des besoins des parents puisqu'il y a 42 000
personnes qui attendent une place sur le guichet unique et que le gouvernement
annonce à peine 10 000 places de plus.
Bref, on a besoin d'un plan de match
concret. On a besoin surtout d'une vision globale, d'une véritable politique
pour encadrer, pour insérer tous ces morceaux du casse-tête pour prévenir les
vulnérabilités et les difficultés d'apprentissage des enfants puis aussi pour
pouvoir dépister et accompagner le plus rapidement possible nos tout-petits. On
a besoin de ce plan de match intégré, parce qu'en ce moment, c'est comme si on
avait trois instruments d'un orchestre qui ne sont pas accordés et qui jouent
chacun dans leur coin, et on essaie de trouver où est l'harmonie dans tout ça
pour produire une belle pièce.
Bien, c'est exactement ça parce qu'on a
trois ministres... On a le ministre des Services sociaux, Dr Carmant, qui doit
travailler pour dépister les enfants, là, dès 18 mois, tout petits, pour voir
les problèmes qu'ils peuvent avoir et ensuite pouvoir les accompagner le mieux
possible. On a le ministre de la Famille, qui nous dit vouloir développer des
places en centre de la petite enfance, mais de manière très, très, très éloignée
des besoins de la population. Puis on a le ministre de l'Éducation, qui arrive
avec son plan mur à mur pour les maternelles quatre ans. Et ce qu'on souhaite,
c'est pouvoir avoir une vision d'ensemble, parce que ce n'est pas vrai qu'on va
juste superposer les projets, développer en double des initiatives. On doit
s'assurer que tout ça est sur un continuum cohérent pour agir le mieux possible
pour nos tout-petits.
Et évidemment vous allez me permettre de
revenir plus précisément sur la question des maternelles quatre ans. Dans les
consultations, force est de constater que ce qu'on dit depuis le début, à
savoir que c'est un projet qui est ni souhaité, ni souhaitable et ni
réalisable, eh bien, ça a été appuyé par une majorité d'intervenants qui sont
soit venus dire carrément qu'il fallait abandonner le projet ou qui sont venus
dire qu'ils avaient de sérieuses réserves quant à la possibilité que ce
projet-là soit un véritable succès dans son implantation tellement les
conditions de réussite du projet ne sont pas remplies à l'heure actuelle.
Alors, c'est pourquoi on demande au ministre
de l'Éducation d'agir de manière responsable, de poser le seul geste
responsable. On demande vraiment au ministre de l'Éducation de poser le seul
geste responsable dans les circonstances, de prendre un pas de côté, d'écouter
tout ce qui s'est dit et d'arriver avec un vrai plan. Et ça fait des mois qu'on
le demande, le plan, le plan de déploiement, le plan de complémentarité avec
les CPE, avec les services sociaux, et on ne l'a toujours pas. Et là, bien, on
a été obligés d'admettre que c'est de toute évidence parce qu'il n'y en a pas,
de plan. Il n'y en a pas. Ce n'est pas parce que le gouvernement ne veut pas
nous le communiquer, de toute évidence, c'est parce qu'il n'y en a tout
simplement pas.
Et, quand on voit à quel point les chiffres
ont fluctué, le nombre de classes, comment on allait les développer, tout ça a
varié de 5 000 à 3 300, maintenant à 2 600. Et le ministre
lui-même ne semble pas connaître ses chiffres, parce que, ce matin, je lui ai
dit que ça voulait donc dire qu'il faudrait embaucher 4 000 nouvelles
ressources, et il semblait remettre ça en question. Mais oui, il va falloir
embaucher au moins 4 000 ressources parce qu'il va falloir créer au moins
2 200 nouvelles classes. Ça, ça veut dire 2 200 nouveaux enseignants,
enseignantes. Le ministre nous dit que, dans chaque classe, il va y avoir à
demi-temps une éducatrice à la petite enfance ou une éducatrice spécialisée
pour soutenir l'enseignant, l'enseignante. Donc, ça veut dire au moins,
puisqu'ils sont à demi-temps, 1 000, 1 100 éducatrices. Puis il va
falloir avoir autant de ressources pour les services de garde scolaire pour
accueillir ces nouveaux élèves là de quatre ans qui vont avoir besoin de garde
scolaire, parce que l'école au préscolaire finit en plus très tôt, plus tôt que
pour les autres classes.
Donc, tout ça pour dire que ça sent
beaucoup l'improvisation. Et comme je le disais à la période des questions,
quand on investit un montant aussi important que 2 milliards de dollars
dans un seul projet et qu'on décide d'en faire la grande priorité, bien, la
moindre des choses, c'est de ne pas être dans l'improvisation, c'est de ne pas
avoir un gouvernement qui navigue à vue, c'est d'avoir un gouvernement qui est
ancré sur du solide. Et là le solide n'est pas là.
Donc, la chose responsable à faire, c'est
de prendre un pas de côté, et de nous revenir avec du solide, et de ne pas
poursuivre dans cette voie-là qui n'est pas appuyée par un consensus
scientifique. Au contraire, plusieurs experts sont venus nous dire que c'est
sur les centres de la petite enfance qu'il fallait miser pour le développement
global et la réussite des tout-petits, que c'est là qu'on pouvait prévenir le
mieux possible plutôt que de juste répondre aux vulnérabilités, mais de les
prévenir.
Donc, ça, c'est fondamental que le
ministre, d'abord et avant tout, s'arrête pour regarder ce fait-là, cette
absence de consensus là. Il doit aussi entendre la voix des parents qui, en
forte majorité, lui disent qu'ils préfèrent pouvoir avoir une place en centre
de la petite enfance parce qu'ils veulent le mieux pour leur enfant, pas juste
à quatre ans, mais dès leur plus jeune âge. Tous les sondages le montrent. Et
aussi, ce n'est juste pas réalisable concrètement compte tenu de la pénurie
qu'on vit en ce moment et du nombre incalculable... dont plus de 4 000
nouveaux professionnels qui devraient entrer dans le réseau de l'éducation
primaire uniquement. Et aussi, en termes de locaux, ça ne fonctionne pa. À Laval,
à Montréal, dans la couronne, il y a une pénurie de locaux et d'espace. Alors,
on doit s'assurer, quand on s'en va dans une voie comme celle-là, qui est aussi
controversée, qui ne fait pas consensus, qu'au moins on sait où on s'en va et
que le gouvernement nous donne l'heure juste.
C'est pourquoi on lui demande de ne pas poursuivre
dans la voie du projet de loi n° 5 sur les maternelles quatre ans, de
prendre un pas de recul. Et j'ai juste envie de dire au ministre de l'Éducation
et au gouvernement de manière générale que personne ne va leur reprocher ce pas
de recul là. Tout le monde va applaudir le fait que le gouvernement ait
entendu, ait écouté ce qui lui a été dit et qu'il agisse le mieux possible pour
les enfants, c'est-à-dire pas en navigant à vue et en s'en allant dans une
réforme majeure, qui va mobiliser tout le monde, toutes les ressources
financières, matérielles et humaines, vers un objectif qui n'a pas, en ce
moment, les conditions de réussite pour pouvoir s'implanter correctement. Merci
beaucoup.
(Fin à 11 h 46)