(Douze heures quarante-six minutes)
M. Bousquet (Richard) :
Bonjour. Donc, je voudrais d'abord remercier Marwah Rizqy et Gabriel
Nadeau-Dubois de nous accueillir pour cette conférence de presse.
Je suis vice-président de la Fédération
nationale des enseignants et enseignantes du Québec, qui est affiliée à la CSN,
et je représente la majorité des syndicats de chargés de cours des universités
québécoises. Et aujourd'hui, c'est des représentants, entre autres, de six
syndicats de chargés de cours qui sont ici en appui aux tuteurs et tutrices de
la TÉLUQ. Il y a derrière moi effectivement des représentants des chargés de
cours de l'Université de Montréal, de l'ETS, de l'Université Laval, de
l'Université du Québec en Outaouais, à Rimouski et de l'UQAM.
On est inquiets pour l'avenir de la TÉLUQ
parce que la TÉLUQ actuellement est dans un processus de restructuration de son
modèle d'affaires. On parle d'ailleurs de modèle d'affaires, de rentabilité
financière, et on parle beaucoup moins d'enseignement, de services publics et
de l'avenir des citoyens qui fréquentent la TÉLUQ. Ça, c'est autre chose.
Donc, on est inquiets pour l'avenir de la
TÉLUQ parce que son modèle d'affaires, sa restructuration de son modèle
d'affaires est basée, dans le fond, sur une diminution de la qualité de
l'encadrement des étudiants et du remplacement des tuteurs et tutrices qui sont
des enseignants d'expérience par des nouveaux enseignants contractuels encore
plus précaires.
La TÉLUQ est dans une situation financière
assez précaire parce que, dans le fond, cette restructuration-là, au lieu de
remonter la TÉLUQ vers le haut, a de l'air à plutôt à la descendre vers le bas.
Donc, on est inquiets aussi parce que la
TÉLUQ, c'est la porte d'entrée... pour une population, c'est la porte d'entrée
pour l'enseignement supérieur pour une population marginalisée qui, souvent... Bon,
on pourrait prendre l'exemple d'une mère de famille monoparentale qui a deux
enfants à la maison, et qui veut faire un retour sur le marché du travail, et
qui prend quelques cours pour essayer de s'en sortir. Donc, c'est une
population qui, sans la TÉLUQ, ne pourrait pas retourner sur les bancs des
universités.
Donc, les chargés aussi sont ici parce
qu'ils sont inquiets. Parce que la dégradation des conditions de travail des
tuteurs et tutrices de la TELUQ pourrait aussi avoir des répercussions sur
leurs propres conditions de travail, dans le développement de la formation à
distance dans leurs universités respectives.
Donc, c'est un peu pour l'ensemble de ces
raisons-là qu'on appuie les tuteurs et tutrices. Et je cède la parole à Nancy,
qui va vous donner plus de détails sur la situation des tuteurs et tutrices.
Mme Turgeon (Nancy) : Bonjour.
Je suis Nancy Turgeon, je représente quelque 200 tuteurs et tutrices, donc,
des enseignants d'expérience qui font le suivi individualisé des étudiants à
distance de la TELUQ, et ce, depuis 1972.
La TELUQ procède présentement à une réorganisation
qui menace à la fois nos emplois et qui menace également la qualité du service
aux étudiants. C'est pourquoi on a dû déclencher la grève générale illimitée il
y a quatre mois déjà.
Vous les voyez derrière moi, les
enseignants qui sont mis à pied actuellement, ce sont des gens très
expérimentés, d'une moyenne de 50 ans. C'est des gens qui ont une
expertise unique en formation à distance en plus d'être des enseignants très
qualifiés. La grande majorité ont, évidemment, des maîtrises et doctorats dans
le domaine des cours qu'ils encadrent. Malgré tout ça, la TELUQ remplace ces
enseignants par de nouveaux enseignants dans le cadre d'une réorganisation qui
lui permet de faire des économies sur le dos des étudiants. La TELUQ peut ainsi
demander aux personnes nouvellement embauchées de donner moins de services,
moins de disponibilité aux étudiants.
Et pourtant, comme on le soulignait, la
population étudiante de la TELUQ, la majorité, c'est des gens de première
génération universitaire, des gens à temps partiel, qui concilient
travail-famille-études, donc des gens qui ont vraiment bien besoin de notre
accompagnement personnalisé, ce qu'on a perfectionné dans un modèle au cours
des 45 dernières années. On est donc ici pour dénoncer une réorganisation
qui met de côté les besoins de nos étudiants et on est ici pour faire part de
nos craintes pour l'avenir de notre université. Merci.
Mme Rizqy : Moi-même, avant de
faire le saut en politique, j'étais professeure à l'université, et le modèle de
la TELUQ faisait déjà bien des envies parce que c'est un modèle qui existe depuis
plus de 45 ans, qui fonctionne, qui aide justement des jeunes qui n'ont
pas, par exemple, de diplôme universitaire et que leurs parents non plus n'en ont
pas, donc de première génération universitaire, à avoir accès à un diplôme de
cycle supérieur, des parents qui travaillent à temps plein, qui ne peuvent pas
aller à l'école et qui doivent suivre leurs cours à temps partiel, en ligne. C'est
des formations importantes qui sont données.
Et ce sont les tuteurs et tutrices qui
sont derrière nous. Et c'est important que vous les voyiez parce que ces
gens-là assurent le suivi, le succès de l'apprentissage de tous ces étudiants. Et
ce sont des heures qui sont investies, et ces tuteurs et tutrices ne peuvent
pas être remplacés par des auxiliaires à l'enseignement. On parle ici de
14 ans, en moyenne, d'expérience à titre de tuteur et tutrice. Il y a une
madame ici qui a 38 ans d'expérience. Alors, lorsqu'on a des personnes qui ont
à coeur nos universités, c'est important de préserver le modèle de la TELUQ, qui
a fait ses preuves.
Ça fait plus de 45 ans qu'il existe, et
c'est important qu'aujourd'hui nous, on les appuie dans leur démarche parce que
ça fait 17 semaines que la grève perdure. Il y a de l'inquiétude dans le réseau
de l'éducation. Au-delà des tuteurs et tutrices, même nos étudiants nous
écrivent parce qu'ils veulent justement savoir qu'est-ce qui se passe. Et ça
serait important aujourd'hui que le gouvernement prenne conscience de la
réalité à la TELUQ.
M. Nadeau-Dubois : Ce n'est
pas nouveau qu'il y a des inquiétudes sur le modèle de la TELUQ et sur ce qui
est en train d'arriver à la TELUQ. Je vous rappelle qu'il y a à peu près un an
j'étais ici même, avec la présidente du syndicat des tuteurs et des tutrices de
la TELUQ, pour sonner l'alarme quant à des cas inquiétants de sous-traitance au
sein de la TELUQ. Je vous rappelle, il y avait une entreprise privée à but
lucratif qui s'était vu confier des mandats non seulement d'encadrement, mais littéralement
d'enseignement au sein d'une université publique. Suite à l'intervention de Québec
solidaire et du syndicat des tuteurs et des tutrices, il y avait eu des
enquêtes de démarrées, disons, pour faire la lumière sur cette situation-là. Depuis,
le directeur général de la TELUQ a été relevé de ses fonctions, mais, malgré
tout, on est de retour, un an plus tard, ici, à l'Assemblée nationale, avec des
inquiétudes très similaires.
La TELUQ est en train de se transformer,
le modèle est en train d'être revu, et nous sommes très inquiets que ce renouvellement-là
ne se fera pas au profit des étudiants et des étudiantes, mais bien à leur
détriment. C'est très inquiétant pour l'avenir de la TELUQ. Pourquoi? Parce que
la TELUQ est un maillon très important du réseau universitaire québécois. C'est
la TELUQ qui permet à des gens qui autrement n'auraient pas accès à l'éducation
postsecondaire, hein... Plus de la moitié des gens inscrits à la TELUQ ont des
enfants; plus de la moitié... en fait, plus de 80 % des gens inscrits à la
TELUQ sont à temps partiel. Alors, c'est un modèle qui permet l'accès à
l'éducation supérieure à des gens qui, sinon, n'auraient pas accès à
l'éducation supérieure. Alors, de voir un modèle comme celui-là être
menacé — il y a même toutes sortes de rumeurs qui courent sur, à très
court terme, le maintien des activités de la TELUQ — voir toutes ces
rumeurs-là, c'est très inquiétant.
Et ce qu'on demande aujourd'hui au
ministre de l'Éducation, c'est d'annoncer ses intentions quant à l'avenir de la
TELUQ et quant au modèle de la TELUQ. Est-ce qu'il y croit toujours? Fait-il
partie des gens qui souhaitent que la TELUQ continue d'exister dans sa formule
actuelle, c'est-à-dire une formule où il y a un fort encadrement des étudiants
et des étudiantes par des tuteurs et des tutrices? Il faut des réponses à ces
questions-là parce que les inquiétudes sont nombreuses. Et je répète :
elles ne datent pas d'hier. Ce n'est pas la première fois qu'on parle de cette
situation-là à l'Assemblée nationale.
Et je ne peux pas m'empêcher de souligner,
on en discutait tout à l'heure, que les fameuses enquêtes qui ont été
déclenchées, il y a près d'un an, n'ont pas toujours eu... en fait, n'ont toujours
pas eu d'aboutissement public. On ne sait toujours pas où en sont ces enquêtes-là.
Et c'est inquiétant parce que les questions qui se posaient il y a un an se
posent malheureusement encore aujourd'hui.
La Modératrice
: On va
passer à la période de questions.
Mme Cloutier (Patricia) :
Oui, bonjour. Patricia Cloutier, journaliste pour Le Soleil. Ce que
je veux savoir, pour Mme Rizqy et M. Gabriel Nadeau-Dubois, c'est :
Est-ce que vous demandez au ministre de s'interposer dans le conflit de
travail, dans le sens où de prendre position soit pour un ou pour l'autre ou
d'essayer de régler les choses?
Mme Rizqy : Si vous le
permettez, ce matin, on s'est entretenu. Évidemment, j'ai demandé au syndicat
qu'est-ce que... c'est quoi, leurs demandes. Évidemment, ils ne veulent pas
s'interposer dans le conflit, mais ils interpellent le ministre pour qu'il
prenne conscience qu'il y a un problème de gouvernance.
Et aussi, M. Nadeau-Dubois l'a
mentionné, le précédent gouvernement, bien, il a déclenché trois enquêtes. Par
la suite, il y a eu les élections. Le ministre Roberge n'est pas uniquement le
ministre de l'Éducation, il est aussi le ministre de l'Enseignement supérieur.
Il doit se rappeler que son rôle, c'est de veiller au grain. En ce moment, les
trois enquêtes, on demande aussi où en sont-elles rendues.
M. Nadeau-Dubois : Bon,
voilà. Exactement, Marwah a dit l'essentiel. On ne demande pas aujourd'hui au
ministre de l'Éducation d'aller écrire la convention collective des tuteurs et
des tutrices de la TELUQ, là, soyons bien clairs. Mais ce qu'on lui demande, c'est
de s'impliquer quant à l'avenir de la TELUQ et quant à son modèle. Parce que,
justement, ce n'est pas qu'un conflit de travail. C'est un débat sur l'avenir d'une
institution publique, d'une université publique. Et, à titre de ministre de
l'Enseignement supérieur, M. Roberge doit prendre la parole et nous dire
quelle est sa vision pour l'avenir de la TELUQ parce que c'est sur ça que pèse
beaucoup d'inquiétude en ce moment.
Mme Cloutier (Patricia) :
Avez-vous l'impression que ça prend trop de temps avant qu'on ait des réponses,
là? Il est là depuis le mois d'octobre, là. Comment vous qualifieriez son silence,
si on veut, là, sur cette question-là.
M. Nadeau-Dubois : C'est
trop long. Trop long. C'est trop long. C'est un conflit qui dure depuis quatre
mois maintenant. Mais les inquiétudes sur le modèle et sur la gouvernance de la
TELUQ datent de bien avant, même, l'élection de M. Roberge. Alors, on
s'attend à avoir l'heure juste parce qu'en ce moment... Ce n'est pas pour rien
qu'il y a des syndicats de chargés de cours ici, aujourd'hui, qui proviennent
de d'autres universités. Il y a une inquiétude qui se répand, à travers le
milieu universitaire, sur l'avenir de ce modèle fondamental qui est celui de la
TELUQ.
Mme Cloutier (Patricia) :
Selon vous, par rapport au modèle, on parle d'études à distance, aujourd'hui,
toutes les universités en font, des études à distance, ils ont ouvert des
cours, ça fait que ça vient comme en pétition avec les cours de la TELUQ.
Qu'est-ce que vous pensez qu'on devrait... Qu'est-ce qu'on devrait faire à ce
niveau-là ? C'est quoi, votre vision à vous?
Mme Rizqy : Je suis moi-même
professeure et j'ai lancé, avec mon ancien département, des programmes à
distance, mais ce n'est pas comparable avec qu'est-ce qui se fait avec la
TELUQ. Il faut savoir, il y a des programmes synchrones et asynchrones. Pour
ceux qui nous écoutent, là, c'est des étudiants, là, qui peuvent avoir toute la
vidéo au complet, seule, et d'autres que le professeur est en arrière.
Il y a un modèle qui a été créé par la
TELUQ, qui existe depuis plus de 45 ans, qui est vraiment, là, un joyau pour le
Québec en matière d'éducation. On l'a tous dit, ça permet justement à des gens,
là, qui n'ont jamais fréquenté le réseau universitaire de pouvoir y avoir
accès. Les autres universités ne sont peut-être pas toutes au même niveau. Il y
a d'autres programmes qui sont vraiment bien avancés.
Mais ça ne veut pas dire qu'on doit
aujourd'hui démanteler ce qui se fait à la TELUQ. La TELUQ fonctionne. Et, au
contraire, on peut aller encore plus loin, on a l'expertise, de toute évidence,
avec des tuteurs et tutrices qui s'assurent que les étudiants ont le suivi
adéquat. Parce que la formation à distance, ce qu'il faut savoir, c'est plus
difficile de faire une formation à distance que de le faire en présentiel, en
classe. Et c'est pour ça que ça prend un accompagnement pour s'assurer que les
étudiants seront en mesure de graduer en bout de ligne.
Une voix
: Merci.
M. Nadeau-Dubois : Merci
beaucoup.
(Fin à 12 h 58)