(Dix heures trente-deux minutes)
Le Modérateur
: Donc,
on va débuter ce point de presse. Qui vont vous adresser la parole aujourd'hui :
M. Stéphane Lacroix, directeur des communications du syndicat des Teamsters;
Mme Dorion, députée de Taschereau; et M. LeBel, député de Rimouski. Donc, je
laisse la parole à M. Lacroix.
M. Lacroix (Stéphane) :
Bonjour, tout le monde. Merci d'être ici ce matin. Mon nom est Stéphane Lacroix
du syndicat des Teamsters. Le syndicat des Teamsters, ce matin, prend position,
se réunit à l'Assemblée nationale pour demander à la ministre Marguerite Blais,
la ministre des Aînés et Proches aidants, ainsi qu'à Mme McCann et au premier
ministre Legault, de poser un geste qui va faire en sorte que le quotidien des
travailleurs et des travailleuses des CHSLD et des résidences privées pour
aînés s'améliore.
Alors, ce qu'on demande ce matin au
gouvernement provincial, c'est ni plus ni moins de créer un décret, de mettre
en place un décret qui va faire en sorte que les conditions des travailleurs et
des travailleuses dans cette industrie-là, dans ce secteur d'activité là,
soient équivalentes aux conditions de travail des travailleurs et des
travailleuses qui oeuvrent dans le domaine privé.
À titre d'exemple, et c'est un exemple parmi
tant d'autres, les préposés aux bénéficiaires dans les CHSLD privés ou dans les
résidences privées peuvent gagner entre 13 $ et 15 $ de l'heure,
tandis que les préposés aux bénéficiaires dans le secteur public gagnent autour
de 20 $ de l'heure. Donc, cette disparité de salaire là est inacceptable,
d'une part; d'autre part, crée une pénurie de main-d'oeuvre, pénurie de
main-d'oeuvre qui a un impact sur la qualité des soins qui sont donnés aux
personnes âgées, aux aînés qu'on retrouve dans les résidences et dans les CHSLD
privés et qui a un impact également sur la santé des travailleurs et des
travailleuses.
On demande également au gouvernement
Legault de mettre en place, de faire un changement au niveau des ratios
résidents-travailleurs, c'est-à-dire qu'il va falloir que le gouvernement se
penche sur le nombre de gens qu'on a besoin, qui est décrété pour s'occuper des
personnes âgées dans les CHSLD et les résidences privées de sorte que les
accidents de travail vont diminuer et que les cas d'épuisement professionnel
vont diminuer.
Alors, le syndicat des Teamsters demande
au gouvernement aujourd'hui de cesser de faire des consultations d'experts, de
cesser de faire des évaluations, des commissions d'enquête ou des commissions
parlementaires et de passer à l'action de manière effective, c'est-à-dire de
mettre en place un décret qui va normaliser les conditions des travailleurs et
travailleuses et qui va également changer le ratio résidents-travailleurs-travailleuses.
Alors, voilà.
Le Modérateur
: Mme
Dorion.
Mme Dorion : Merci. Merci
beaucoup. J'aimerais ça qu'on se rappelle tout ce qui s'est fait dans les
15 dernières années, puis on dit : Ah! les Québécois veulent payer
moins de taxes, ou on entendait, dans plusieurs médias ou à travers la bouche
de plusieurs politiciens : Les syndicats prennent trop de place, ont trop
des pouvoirs. C'est ça que ça crée, après 15 ans de ce système-là. Tout le
monde connaît quelqu'un qui habite dans un CHSLD ou qui habite dans une
résidence pour aînés privée, tout le monde a ça autour de lui, tout le monde a
une maman, tout le monde a une matante, tout le monde a un grand-père.
Puis on se retrouve dans une situation où
c'est nos propres vies qui se retrouvent finalement attaquées, parce que, quand
on sait que les soins ne sont pas suffisants, quand on sait, par exemple, que
dans des... quand on a parlé, à un moment donné, de cas de maltraitance, bien,
les cas de maltraitance, il y a eu des cas de maltraitance dans des maisons
d'hébergement privées, mais c'est le système qui maltraite les employés puis
qui rend le monde fou, qui rend les travailleurs fous parce qu'ils n'ont pas de
temps, ils ont des tâches qui n'ont pas de bon sens, ça ne finit plus.
Puis on ne sauve même pas d'argent. On a
dit : On va sauver en taxes. Ah! bien, c'est ça, l'austérité, hein, ça va
être mieux comme ça. Mais on ne sauve même pas d'argent. On utilise des
infirmières auxiliaires pour faire le travail de préposé, on utilise des
infirmières pour faire le travail d'infirmière auxiliaire. C'est une
désorganisation complète, et c'est là que nous a mené tout ce discours-là
antisyndical et anti services publics. Ça fait que c'est nos aînés, mais aussi
nos enfants, nos jeunes, nos ados, nos malades, tout le monde autour de nous
qui en souffre.
Ça fait que j'aimerais qu'on ait cette
conscience-là. Les Teamsters sont là aujourd'hui puis ils font un excellent
travail syndical, et il y a d'autres syndicats qui vont devoir se lever et se
prendre en main, parce que c'est tous les services publics et tous les soins en
général à la société québécoise qui sont attaqués, et c'est tout le monde que
ça attaque.
Le Modérateur
: M.
Harold LeBel.
M. LeBel : Merci. Quoi
rajouter? La situation des aînés, moi, je ne juge pas de la mauvaise foi des
gens. Je pense que tout le monde veut aider, mais il faut vraiment une grande
prise de conscience nationale sur ce qui se passe avec les aînés au Québec. Ce
qu'on entend là, c'est un cri du coeur, donc, pas juste du syndicat, mais de
tous les travailleurs qui sont là derrière, qui prennent soin des aînés puis
qu'à un moment donné ils sont débordés, parce que les ratios ne sont pas
corrects. Puis les parents qui viennent voir leurs aînés, ils viennent qu'ils
perdent patience. C'est ça, la situation, là, dans les résidences. Il y a les
gens... la tension est très forte parce que le personnel n'est pas capable de
livrer, ils ne sont pas assez, puis les... puis personne ne veut aller dans ces
métiers-là, les salaires sont... les conditions de travail ne sont pas bonnes.
Ça fait que la pression monte de plus en plus.
La population vieillit, on le sait. Moi,
dans mon coin, une personne sur quatre a 65 ans et plus dans le Bas-Saint-Laurent.
Imaginez, au Québec, on va arriver à ça dans 10 ans. Ça fait que c'est sûr
qu'il faut se virer de bord, il faut s'organiser autrement. Ça fait que moi...
que ça vienne des syndicats, que ça vienne des gestionnaires, puis l'ensemble
des syndicats. Après-midi, on en rencontre d'autres du secteur public. Il faut
une grande prise de conscience nationale, il faut s'occuper de nos aînés puis
il faut leur livrer des soins qui correspondent à ce qu'ils ont droit. Puis ça,
c'est les préposés... ils travaillent fort là-dessus. Il faut améliorer les conditions
de travail, sinon on va manquer de monde demain matin pour prendre soin des
aînés.
Moi, c'est le message que je veux donner
ici. Il faut une grande prise de conscience nationale, d'aider les gens qui
s'occupent de nos aînés, on va avoir de besoin de plus en plus dans l'avenir.
Merci.
Le Modérateur
: Merci
beaucoup. On va prendre les questions. Mme Porter du Devoir.
Mme Porter (Isabelle) : Oui,
bonjour. Moi, j'aurais une question peut-être pour certains d'entre vous, là,
qui êtes dans ces situations-là au jour le jour. Une question qu'on peut se
poser, étant donné que les salaires sont quand même plus intéressants dans le
secteur public puis qu'il y a beaucoup de postes qui s'ouvrent dans le secteur
public, pourquoi ne pas tout simplement aller travailler dans le secteur public
plutôt que de demander, mettons, un décret pour augmenter les salaires, tout
ça? Je ne sais pas si certains d'entre vous pourraient témoigner ou...
M. Lacroix (Stéphane) : Il y
a effectivement deux secteurs, secteur public, secteur privé. Moi, je pense que
c'est un faux débat, dans la mesure où y a-t-il deux catégories de travailleurs
et travailleuses au Québec : celles et ceux qui travaillent dans le privé
et celles et ceux qui travaillent dans le public? On a autant besoin du privé
qu'on a de besoin du public. Donc, si tel est le cas, et c'est démontré, bien,
il faut offrir les mêmes conditions de travail aux gens qui oeuvrent dans un
secteur par rapport à l'autre secteur.
Alors, je pense qu'à quelque part la question
est pertinente, mais je pense, c'est un faux débat, dans la mesure où si les
gens veulent travailler dans le privé pour une raison x, y, z, tant mieux. Mais
pourquoi sont-ils payés 5 $ de moins de l'heure que ceux qui travaillent
dans le public? Alors, voilà, moi, c'est la réponse que j'ai à vous offrir.
M. LeBel : Mais on a besoin
des résidences privées. On a besoin de ces résidences-là. Le public n'arrivera
pas à offrir la place pour tous les aînés. Ça fait qu'on a besoin des
résidences privées, on a besoin que ce soit des services de qualité, on a
besoin aussi que les gens qui travaillent dans ces résidences-là aient des
conditions de travail qui sont humaines, là, puis qui fait en sorte qu'on donne
des bons services. Mais on a besoin de nos résidences privées.
Mme Porter (Isabelle) : Sur un
autre sujet, donc, comme vous le savez, ce matin, il y a trois ministres du
gouvernement qui ont annoncé la création d'un comité d'experts pour élaborer
une politique d'hébergement dans les soins pour personnes âgées. Je
souhaiterais savoir, bien, ce que vous pensez de ça. Est-ce que c'est une bonne
chose, c'est une bonne stratégie?
M. LeBel : Bien, moi, ça fait peut-être
cinq ou six ans que je suis porte-parole du dossier des aînés. J'ai vu des
tournées de députés dans les CHSLD pour aller voir les bonnes méthodes. J'ai vu
un forum à Montréal pour analyser les bonnes méthodes. J'ai vu, ici, à côté, un
ministre inviter les gens à venir manger de la bouffe de CHSLD pour montrer que
c'était bien. J'en ai vu, des affaires, là, des comités de créés, des comités
de parlementaires, des comités, des comités, des comités.
Là, on parle d'un comité... puis les
experts qui sont là, c'est bien, là, j'ai vu, c'est des super de personnes.
Bon, un rapport en 2020, un plan d'action en 2021. Dans le fond, ce qu'on est
en train de préparer, c'est la plateforme électorale du prochain mandat, là, tu
sais. Ça fait que ce que je trouve, c'est que, pendant ce temps-là, sur le
terrain, on a besoin d'action rapide, et je ne comprends pas qu'on repousse. C'est
toujours des comités, des comités. Ça fait que moi, je ne juge pas de la... tu
sais, je pense que ces gens-là sont de bonne foi, j'espère qu'ils vont nous
déposer un rapport qui a du bon sens, mais on est encore dans les comités.
Et quand j'ai regardé la composition du
comité — c'est une observation — c'est beaucoup Montréal, Québec.
Les aînés qui vivent en région périphérique, ils ont des situations bien
différentes. Quand tu es aîné sur la Côte-Nord, des résidences, c'est plus
rare, c'est plus le maintien à domicile. Quand tu es aîné en Gaspésie, c'est...
Bien, moi, tout ce que je voudrais, dans leur comité, au moins, qu'ils prennent
compte des réalités des aînés partout au Québec.
Mme Dorion : Bien, c'est comme
aussi s'il n'y avait pas eu... Un cri du coeur comme aujourd'hui, il y en a eu
plein, là. Il y en a eu des tonnes, on en a eu régulièrement. Moi, ça ne fait
pas si longtemps que ça que je suis en politique, ce n'est pas comme Harold,
puis déjà je m'occupe des aînés, puis je le vois déjà, sans arrêt, il y a du
monde partout sur territoire qui se lève, qui dépose des mémoires, qui font des
conférences de presse comme ça. Il y en a qui sortent des livres anonymes parce
qu'ils ont peur de se faire mettre dehors de l'hôpital où ils travaillent. Il y
en a... Tu sais, le monde se mobilise sur le terrain. Les gens qui travaillent
auprès des aînés sont tous là en train de nous dire, depuis des années :
On a besoin de soins, on a besoin d'êtres humains, on a besoin de ratios qui
ont du bon sens, on a besoin de pouvoir prendre le temps de prendre soin. Sinon,
au lieu de soigner, on tombe malade, puis tout le monde est malade, puis on
perd de l'argent en plus, puis c'est...
Bon, ça fait que tout est là déjà. Pourquoi
est-ce qu'on achète du temps, on ralentit encore? On vient d'annoncer qu'il y a
plus de surplus que prévu. C'est un enjeu national urgent, puis je ne sais pas
si c'est parce qu'on parle des aînés, on dit : Ah! ce n'est pas grave. Je
ne sais pas c'est quoi, la raison pour laquelle on ne fait pas ça maintenant,
mais là le blabla, c'est assez, là. À un moment donné, là, il faut des actions,
là. C'est ça, l'idée d'un gouvernement, c'est qu'il agit. S'il n'est pas
capable, il y a un problème.
M. Lacroix (Stéphane) : Bien,
nous, au syndicat des Teamsters, on n'est pas contre la vertu, là. Je veux
dire, c'est bien que le gouvernement mette en place des mesures pour mieux
accueillir les gens dans les CHSLD ou autres, là. Je veux dire, c'est
formidable, sauf que moi, ça fait 20 ans que je fais mon métier, ça fait 20 ans
que les problèmes, les enjeux que vivent mes confrères et consoeurs dans les
CHSLD puis dans les résidences privées sont connus, sont documentés, sont
réfléchis, et que les solutions sont connues également, puis il n'y a rien qui
s'est passé, concrètement, rien.
Ça fait que là, là, l'époque des experts,
puis des commissions parlementaires, puis des évaluations, puis on va parler à
Pierre, Jean puis Jacques pour essayer de comprendre ce qui se passe dans les
CHSLD, c'est terminé. Là, il faut agir. Il faut agir maintenant, puis
incidemment, nous, là... moi, le message que je lance à la ministre Blais, là,
c'est : Venez rencontrer nos préposés aux bénéficiaires, venez rencontrer
nos infirmières et infirmiers auxiliaires. On va s'asseoir avec vous, là, on va
vous le dire, là. En 15 minutes, on va vous le dresser, le portrait; puis 15
minutes plus tard, on va vous le rédiger, votre projet de loi; puis 15 minutes
après, ça va être fait, ça va être réglé de même.
Mais là il faut qu'il y ait un courage politique
qui s'installe, il faut qu'il y ait de la vision, il faut qu'il y ait du
leadership. C'est ce qu'on demande au gouvernement Legault en ce moment. Et
j'espère... Et c'est formidable, ce qu'ils ont fait, là, ce matin. L'annonce, c'est
formidable, mais là il faut aller plus loin, il faut agir concrètement sur le
terrain.
Le Modérateur
: Est-ce
qu'il y avait d'autres questions? Merci beaucoup.
Des voix
: Merci.
(Fin à 10 h 43)