(Onze heures vingt-quatre minutes)
M. Zanetti : Alors, je pense qu'aujourd'hui
on a eu somme toute une bonne nouvelle de la part de la ministre de la Santé,
Mme McCann, au sujet des infirmières de pratiques spécialisées. Cela dit, je
pense qu'on ne devrait pas sabrer le champagne trop vite. On parle de moment
historique, là, c'est peut-être très enthousiaste par rapport à là où on en est
rendus. On annonce un projet de loi, c'est une bonne chose, on veut aller dans
la bonne direction. Mais là le diable est dans les détails, alors il faut vraiment
s'assurer, là, avant de déclarer sauvés le système de santé et la première
ligne, etc., qu'on a vraiment pris en compte les choses qui sont essentielles
là-dedans.
D'une part, c'est une annonce qu'on
attendait depuis très longtemps, le milieu attend ça depuis longtemps. Ça fait
13 ans qu'on parle de donner, justement, plus d'autonomie aux infirmières
praticiennes. Et cette action-là, on parle de 500 infirmières environ, ça
ne réglera pas tous les problèmes du système de santé. Il y a encore des
problèmes. Il y a les temps supplémentaires obligatoires qui ne sont pas
réglés. Il y a un manque d'attractivité de la profession. Il n'y a pas assez d'argents
qui ont été mis pour engager du monde. Il y a encore une pénurie de personnel
qui fait qu'on ne peut pas donner un deuxième bain à tout le monde qui en
demande dans la Capitale-Nationale plus qu'ailleurs au Québec. Alors, tout
n'est pas gagné.
Et une chose qui n'est pas claire
là-dedans et qui va être vraiment importante, c'est que, oui, les infirmières
spécialisées aient plus de latitude, mais qu'on mette fin à l'obligation
qu'elles soient surveillées par les médecins. La surveillance de ces infirmières-là
par les médecins, c'est quelque chose qui est inutile, c'est quelque chose qui
coûte cher. Et c'est un pas qu'on doit franchir si on veut vraiment régler le
problème au Québec. Alors nous, on propose donc d'abolir l'exigence de
surveillance médicale dans la pratique des IPS, d'une part, et aussi de mettre
fin à l'allocation mensuelle pour les frais d'exploitation liés à la présence
des IPS dans les cabinets privés.
Alors, voilà nos remarques sur la
question, là, de la sortie de Mme McCann ce matin.
M. Marissal : Je vais y aller
immédiatement sur Air Transat, puis on prendra les questions indistinctement
par la suite. Ce que l'on veut dire, parce qu'il semblerait qu'Air Transat soit
sur le marché, éventuellement, des transactions, évidemment, ça nous inquiète,
et je pense que ça inquiète pas mal tous les Québécois parce qu'il s'agit ici
d'un fleuron, un réel fleuron, en plus dans un milieu qui est très difficile,
qui est très compétitif. Et combien d'entreprises québécoises, dans le domaine
de l'aviation civile, se sont cassé les dents au fil des dernières années?
Transat doit rester un des fleurons québécois, nous en sommes, nous sommes
d'accord avec ça.
Là où ça nous inquiète un peu, c'est de la
façon dont le gouvernement veut intervenir pour éventuellement sauver Transat.
Que Transat soit sauvée éventuellement, soit, que Transat reste au Québec,
reste idéalement une propriété québécoise, soit, mais il y a quand même des
questions à se poser, d'abord, avec la proximité du premier ministre avec
l'ancienne entreprise qu'il a fondée lui-même. Et il avoue lui-même, le premier
ministre, avoir des sentiments par rapport à ça. C'est très bien. Alors, on
l'invite à rester le plus loin possible de ce dossier-là, y compris dans ses
tractations avec ses ministres.
Par ailleurs, je pense qu'il est temps pour
le ministre des Finances de répondre à la question à 1 milliard de
dollars, là. Dans son budget, il y avait une provision de 1 milliard de
dollars — ce n'est quand même pas rien — justement pour
poser des gestes. Et je cite le document budgétaire : «Le gouvernement
s'est engagé à poser des gestes pour mieux accompagner la croissance des
entreprises et assurer la protection des sièges sociaux.» Ça tient, là, sur
quelques lignes à peine, il y a à peine 80 mots ici pour 1 milliard
de dollars. Alors, la question à 1 milliard de dollars, elle est présente,
on demande au ministre des Finances de nous dire qui sera sur ce comité,
comment on va gérer ce milliard de dollars là. Est-ce qu'on considère que Transat,
par exemple, est une entreprise stratégique? Parce qu'historiquement c'est la
norme pour laquelle on doit ou... ne pas intervenir avec des fonds publics. On
veut, en fait, ce n'est pas compliqué, éviter un autre Bombardier.
Si le gouvernement, d'une façon ou d'une
autre, par un bras financier ou par une intervention, doit aider à sauver
Transat, on doit absolument préserver nos billes là-dedans, et les Québécois et
les Québécoises doivent préserver leurs billes là-dedans. Il ne s'agit pas
juste de sauver Transat pour sauver Transat, il s'agit de s'assurer que le gouvernement
ait des garanties en ce sens. Pour le moment, les quelques lignes que l'on lit
dans le budget, notamment sur le fameux milliard de dollars, ne répondent à
aucune question. Merci.
Mme Lajoie (Geneviève) : J'essaie
de comprendre ce que vous avez dit à propos de François Legault et la proximité
avec Air Transat. Que voulez-vous dire, exactement? Il faut qu'il se tienne
loin, dans quel sens?
M. Marissal : Bien, il a dit
lui-même, le premier ministre, hier, que c'était une question, pour lui,
émotive parce qu'il est un des membres fondateurs d'Air Transat. Il a quitté
maintenant Transat il y a presque un quart de siècle, là, si ma mémoire est
bonne. Alors, il doit effectivement ne pas mêler ses émotions. Je ne pense pas
que le premier ministre doit gérer par émotion dans un cas comme celui-là.
Alors, il y a des balises qui existent, il y a des institutions qui existent.
Et je rappelle que le ministre de l'Économie,
qui est visiblement le porteur du ballon, a envoyé tous les signaux hier, et
c'était peut-être très tôt pour le faire, tous les signaux que le gouvernement
va vraisemblablement intervenir et aider. Moi, je me garderais une petite gêne,
là, j'attendrais de voir comment ça se passe. Parce que rappelons aussi que le
même ministre de l'Économie vient de nommer un de ses bons amis à la tête
d'Investissement Québec, et ce bon ami, M. LeBlanc, sera vraisemblablement
appelé à intervenir. Ça fait beaucoup de proximité, là.
On parle d'une transaction certainement de
plusieurs centaines de millions de dollars, on parle de préservation d'un siège
social et d'un fleuron de l'économie québécoise. Alors, le moins qu'on puisse
faire, là, c'est qu'on ne mélange pas les émotions de M. Legault en plus dans
un dossier comme ça.
M. Cormier (François) : Mais
ne faut-il pas le mettre en perspective avec ce que M. Legault a dit, au cours
de la dernière année, c'est-à-dire : Il faut faire en sorte que les sièges
sociaux restent ici? Or, le premier siège social avec lequel il doit se battre,
c'est Air Transat. Mais, quand même, il n'y a personne qui sera surpris qu'Investissement
Québec, que le gouvernement se battent pour garder un siège social ici, là.
M. Marissal : Et nous en
sommes, M. Cormier, nous le souhaitons ardemment. Ce que l'on dit, c'est :
Attention, prudence. Et je répète la question à 1 milliard, là, qui est
ici, là, dans ce document budgétaire : Qu'est-ce qu'on veut faire avec
cette provision de 1 milliard de dollars? Parce que les quatre lignes
qu'il y a là, ça ne dit rien, là. Ça ne me dit pas qui va être nommé sur le
comité, ça ne me dit pas comment on va intervenir. Il n'y a aucune description.
On ne reprend même pas le terme d'«entreprise stratégique».
On nous avait dit, par exemple, dans le
cas de RONA... puis RONA, c'était malheureux, ce qui s'est passé, mais on nous
avait dit à l'époque, le gouvernement libéral : Ce n'est pas une
entreprise dite stratégique. Est-ce que Transat se classe dans la catégorie
dite stratégique? C'est là où on en est.
Et on en est aussi à demander des
garanties. Si nous devons collectivement participer au rachat — il ne
s'agit même pas du sauvetage, mais du rachat — de Transat, on veut
des garanties. On ne veut pas encore du stoff de junior, pour reprendre
l'expression du premier ministre, puis se retrouver avec un autre cas de
Bombardier, espèce de trou sans fond où les Québécois font juste injecter de
l'argent depuis tout le temps, puis on a fini par donner à peu près Bombardier
à Airbus. On ne veut pas ça avec Transat.
Alors, on a le temps, là, il n'y a pas le
feu au manoir, là, prenons le temps, là, de regarder cette transaction venir.
Mais moi, je réclame du ministre des Finances ce que j'appelle la question à
1 milliard, je réclame des détails là-dessus. Ça tombe bien, on est en
crédits, là. Bien, on a besoin de détails maintenant là-dessus.
M. Cormier (François) : Mais
est-ce qu'il faut se concentrer uniquement sur les entreprises stratégiques?
M. Marissal : C'est au
gouvernement de nous le dire, à partir de quel moment on intervient pour sauver
une entreprise ou pour racheter une entreprise québécoise et s'assurer que son
siège social reste ici. C'est sûr que, si Transat est vendue à un fonds d'investissement
chinois puis que le quartier général ou le siège social déménage à Shanghai, ce
n'est pas une bonne nouvelle pour le Québec, ça, c'est une perte, ce n'est pas
un gain. Cela dit, pour le moment, on ne connaît pas, on ne connaît pas les
balises fixées par le gouvernement Legault là-dessus.
Ils se sont vantés, là, d'être le
gouvernement de l'économie, d'être des banquiers, des comptables. Encore ce
matin, à l'Assemblée nationale, le premier ministre était bien fier de dire
qu'il y avait quatre comptables à la tête de son cabinet. Soit. Mais c'est
ironique que ça tombe sur Transat, le premier cas tombe sur Transat, étant
donné la proximité avec le premier ministre. Mais je pense qu'il est temps, là,
il est temps de nous dire comment est-ce qu'on veut intervenir dans l'économie.
Mme Porter (Isabelle) : Mais
de quelle façon est-ce que le gouvernement pourrait intervenir et aider Transat
sans prêter flanc à des accusations de conflit d'intérêts du côté du premier
ministre?
M. Marissal : Bien, il y a
plusieurs façons de le faire. Que ce soit fait dans les règles de l'art, que
les balises soient connues, non pas quelques lignes dans un budget qui dit :
On a mis 1 milliard là-dedans pour préserver les sièges sociaux. Ça, c'est
un discours de campagne électorale. Là, on est dans la vraie vie, là, ils sont
au gouvernement, ils doivent intervenir et ils seront vraisemblablement appelés
à intervenir pour le rachat de Transat.
Il y a des institutions au Québec qui sont
légitimes. La Caisse de dépôt a déjà de l'argent dans Transat. Le fonds de
solidarité, qui n'est pas une branche du gouvernement, mais aussi a des fonds
dans Transat. Alors, si on le fait avec des balises et avec des garanties, des
garanties...
Parce que ça s'est déjà vu aussi, des interventions
de l'État, puis on a fini par perdre les sièges sociaux, les sièges sociaux ont
fini par déménager. Je présume que ça fait aussi partie de ce que M. Legault
appelle le stoff de junior. Bien là, on est dans les grandes ligues, là, puis,
si on veut que Transat reste au Québec et reste propriété québécoise, il y a
des façons de le faire.
Mme Lajoie (Geneviève) : Mais
est-ce que, justement, la proximité de M. Legault avec cette entreprise-là,
justement, ça ne peut pas qu'aider à garder le siège social? Quand vous parlez
de prudence, bien, j'essaie de voir. Parce que votre objectif est le même que
le gouvernement, là, en tout cas, d'après ce qu'on voit.
M. Marissal : Oui, sauf que ça
ne peut pas... La proximité de M. Legault ne peut pas être un facteur dans la
décision d'affaires. C'est une décision d'affaires ici qu'on doit prendre. Et
moi, j'étais heureux au moins d'entendre M. Legault dire hier : Ça me
touche, c'est sûr que ça me touche, c'est là que j'ai commencé ma carrière, que
j'ai pris mon envol — sans vilain jeu de mots. Mais justement il peut
confier ça à son ministre de l'Économie, on peut connaître les balises par
lesquelles l'État devrait intervenir.
Mais ce que je constate, hier, c'est que
le ministre de l'Économie s'est garroché un peu vite devant les kodaks, et il a
envoyé tous les signaux que le gouvernement allait intervenir. Est-ce qu'il a
fait monter les enchères? Possiblement. Il y a des chroniqueurs économiques, ce
matin, qui disent que l'action a grimpé, évidemment, soudainement. Tant mieux
pour les investisseurs. Mais que le gouvernement prenne le temps de faire ça
dans les règles de l'art, dans l'ordre.
Puis, encore une fois, on n'est plus en
campagne électorale, ce n'est plus le temps de dire, pour la rhétorique :
Nous, on veut sauver les sièges sociaux. O.K. Comment? Avec 1 milliard de
dollars? Comment vous allez faire ça?
M. Cormier (François) : Donc,
pas à tout prix?
M. Marissal : Non,
certainement pas à tout prix, jamais à tout prix. Parce que le «à tout prix»,
là, ça nous a donné Bombardier. Puis c'est malheureux, c'est un drame national
économique, ce qui s'est passé avec Bombardier. Mais justement, le «à tout
prix» puis en faisant ça tout croche, ça donne ce que ça donne. Le «à tout
prix», ça donne aussi le contrat d'électricité puis le lock-out avec ABI. On
est capables, là, de prendre un petit pas de recul, d'expliquer, par exemple,
c'est quoi, une entreprise stratégique, quand est-ce qu'on intervient, pas se
garrocher devant les kodaks. La nouvelle n'était même pas encore fini d'être
imprimée. C'est une entreprise cotée en bourse, là. Il faut quand même faire ça
dans l'ordre puis être prudents avec ça.
Mme Fletcher (Raquel) : ...in English. On the nurse practitioners, you say that, overall,
it's a good idea, but don't break out the champagne just yet. What are you
trying to get across to the Minister, the public, when you say that?
M. Zanetti : That we're looking forward to see that bill, to analyze it. And I'm
just saying that we have to be sure that it goes all the way to give the nurse
practitioners the freedom they need to practice and also to withdraw them from
the surveillance of the physicians so that they can work properly and the
public system can save money also. So, for this measure
to be really effective, there's a lot of details that, yet, are not clear, that
have to be clarified in a bill that we'll see in the autumn.
Mme Fletcher (Raquel) : It sounds like some of your reservations are about administrative
stuff. You said that there are fees that the nurses have to pay or the order
has to pay, I'm not sure, and also there is an allocation for doctors to
supervise nurses. So, should that be taken away?
M. Zanetti :
Yes, it should. Actually, doctors are paid to supervise those nurse
practitioners, and that should be cancelled, this allocation should be
cancelled because it's useless and it costs a lot of money to the public system.
So, yes, we should get rid of it.
Mme Fletcher (Raquel) : OK. Any other... you mentioned some details, but anything specific
that you are concerned about?
M. Zanetti :
For the moment, no, because there's no bill on the table to analyze. But we're
looking forward for it. We agree with the principal, with the idea, but we're
just saying : Let's not celebrate too early because the details can make
it all go wrong. So, we'll have to look at it really closely.
Mme Fletcher (Raquel) : O.K. And on Air Transat...
Une voix
:
...
Mme Fletcher (Raquel) : Ah! OK. Sorry. If you could just maybe summarize your initial
thoughts.
M. Marissal :
Yes. There's some concerns about the fate of Air Transat. It's really a
flagship of the Québec economy, we would like to keep Transat in Québec, the
headquarters, of course, the jobs, of course, and this flagship of the Québec
economy. There's a way to do this. Because, obviously, the Government wants to
intervene in this transaction. Minister Fitzgibbon said yesterday that we will
somehow help Transat or the new owner of Air Transat.
So, I have some questions
for the Government, especially the Minister of Finance, Mr. Girard. There's a
provision in his budget saying basically that the Government put aside
$1 billion to save headquarters and businesses in
Quebec. There are only four lines about that in the budget. So, I would like to
get some more information about that. Are they going to do this? And what's the
frame if the Government is
going to intervene in such a transaction?
Mme Fletcher (Raquel) : You also said that you want Mr. Legault to stay as far away as
possible from this.
M. Marissal : Yes, of course. Mr. Legault said yesterday that he was personally
involved or personally touched by this, emotionally. Because we have to
remember that Mr. Legault was a founder, one of the four founders of Air
Transat. So, yes, we will ask you to stay as far as possible. Emotion and
business don't make great partners in decisions such like this.
Une voix
:
Merci beaucoup.
M. Marissal : Ça fait plaisir.
(Fin à 11 h 40)