(Onze heures trente-cinq minutes)
La Modératrice
: Donc,
bienvenue à ce point de presse conjoint. Prendront la parole : tout
d'abord, M. Rodrigue Turgeon, porte-parole du Comité citoyens de la protection
de l'esker St-Mathieu-Berry; suivi de Paul Lafrenière, citoyen de La Motte et
porte-parole de Nouvelle vision; ensuite il y aura Raôul Duguay, poète et
philosophe originaire de l'Abitibi-Témiscamingue; Émilise Lessard-Therrien,
députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue; Marie Montpetit, porte-parole en
matière d'environnement et de lutte contre les changements climatiques et en
matière d'agriculture pour le Parti libéral du Québec; et finalement, M.
Sylvain Gaudreault, porte-parole en matière d'environnement et de lutte contre
les changements climatiques du Parti québécois. Il y aura également M. Ugo
Lapointe qui sera disponible pour répondre à vos questions, qui est cofondateur
et porte-parole de la Coalition Pour que le Québec ait meilleure mine!.
Pour la période de questions, on vous
demanderait de vous concentrer sur ce sujet et on pourra prendre des questions
d'actualité par la suite avec les attachés respectifs. Merci.
M. Turgeon (Rodrigue) : Alors,
bonjour tout le monde. Merci tout d'abord aux trois formations politiques de
l'opposition de nous accueillir aujourd'hui. Bon, pour nous, faire la route
pour venir jusqu'ici, ce n'était même pas une question qui se posait.
Ça fait des mois, ça fait plus d'un an qu'on
s'attend à une chose très simple dans le cas de ce dossier-là, c'est que le
dossier, le projet Authier de la minière Sayona Mining passe au BAPE. Vous
voyez, on arbore ici un logo, là, à l'effigie d'une goutte d'eau. Ce n'est pas
anodin. En Abitibi, il y a un mouvement qui en ce moment prend place depuis
plusieurs mois. C'est vraiment pour démontrer le soutien de la population.
Donc, c'est ça, je suis porte-parole du
comité citoyens de protection de l'esker. Dans le fond, nous, on se mobilise
depuis le début, il y a plusieurs milliers de personnes qui ont signé notre
pétition. Tous les partis présents en ce moment, qui nous représentent à
l'Assemblée nationale, et même avant pour l'ancien gouvernement, étaient
d'accord pour que ce projet-là passe au BAPE. Nous avons également fait récemment
une demande d'accès à l'information, et cette demande d'accès à l'information
là a révélé que la minière dépasse le seuil de 2 000 tonnes par jour, qui
devrait l'assujettir automatiquement à la procédure d'évaluation du BAPE. On ne
comprend pas pourquoi que le ministre tarde à se saisir du dossier. C'est des
informations qu'il a en sa possession depuis plusieurs mois. Donc, nous, on est
aujourd'hui ici, on est rassemblés, on démontre fermement cette volonté à ce
que ce projet-là soit soumis au BAPE.
Écoutez, c'est plate à dire, mais cette
minière-là, vraiment, on ne peut pas lui faire confiance. J'ai été présent à
toutes les séances de consultation publique, il y a… ça a pris neuf mois avant
qu'on sache la distance exacte entre son projet et l'esker. Et vraiment, ce
processus-là indépendant du BAPE va nous permettre d'obtenir des informations
de qualité, claires, transparentes. C'est ce que la population désire. Et, dans
le fond, la réplique de la minière qu'on voit dans les… qui a été diffusée
depuis hier ne fait qu'encore une fois alimenter la nécessité que ce projet-là
soit soumis au BAPE. On ne peut pas lui faire confiance. Il y a des experts
indépendants qui se sont prononcés, de l'Ontario, pour appuyer la même position
que nos avocats du Centre québécois du droit de l'environnement.
Au bout de la ligne, tout le monde veut un
BAPE. On s'entend là-dessus, c'est le consensus régional, c'est le consensus
ici dans les partis de l'opposition. Puis le plus beau là-dedans, c'est que le
ministre… ce n'est même plus un choix, ce qu'on lui demande, c'est d'appliquer
la loi. À notre sens, on ne comprend pas pourquoi que ça tarde encore. Comme ça
a été dit ce matin, c'est qui que le ministre veut écouter? C'est-u une
compagnie multinationale étrangère qui ne reçoit pas l'assentiment de la
population ou c'est la population qui l'a porté au pouvoir, sa formation
politique, avec des engagements clairs en ce sens?
Donc, on fait ça au nom de quoi? La
protection de l'eau, la protection de l'esker, mais également de plein
d'écosystèmes vulnérables. Là-dessus, je céderai la parole aux autres
intervenants.
M. Lafrenière (Paul) :
Bonjour, tout le monde. Merci d'être ici. Mon nom est Paul Lafrenière. Je suis porte-parole
du comité Nouvelle vision de La Motte. Peut-être préciser, notre comité s'est
formé suite aux différentes présentations de la minière puis aussi à la
position du conseil municipal qui a appuyé ouvertement le projet de la mine
sans passer par les audiences du BAPE. Puis ça, ça a été fait avant que les
experts comme le CCAT, le CREAT du milieu puissent sortir leurs rapports puis
sans vraie audience publique citoyenne. Il y en a eu une au mois d'août, mais vraiment
elle était contrôlée par la minière, puis c'était bien difficile de poser des questions.
Pour nous, l'enjeu est drôlement important.
Je veux dire, on a une mine à ciel ouvert qui est tout près d'un esker, un
milieu très, très sensible. Les informations techniques qui ont été émises par
la minière, bien, on pense qu'il faut aller plus loin. Puis les enjeux, bien, il
y a l'environnement, l'acceptabilité sociale, il y a les citoyens puissent
s'exprimer, puis en fin de compte, bien, il y a une industrie. C'est sûr que,
dans le village, on n'est pas à 100 % pour le BAPE. C'est partagé puis
c'est correct. Mais nous, on pense que c'est drôlement important d'aller plus
loin puis, avec le BAPE, on pense qu'on va pouvoir concilier tout ça. Je veux
dire, les citoyens vont pouvoir s'exprimer. Les experts techniques vont pouvoir
poser des questions, recevoir les meilleures réponses. Parce que, pour le
2 000 tonnes et moins, je veux dire, c'est la minière qui gère les
rencontres, donc tu ne peux pas les challenger tant que ça. Puis après ça,
bien, si tout le monde est sécurisé, l'acceptabilité sociale va venir d'elle-même,
si c'est le cas. Puis après ça, bien, on va avoir un projet qui couvre l'aspect
économique, ce que les gens du milieu aussi sont intéressés.
Donc, le BAPE, c'est le moyen
démocratique, parce que la démocratie, on ne l'a pas vraiment vécue dans les
étapes qui ont été faites à date. Donc, c'est pour ça qu'on demande un BAPE.
Puis en plus, bien, avec les informations qui ont sorti cette semaine, les
informations qui disent que, selon les documents de Sayona, la septième année,
ils dépassent le 2 000 tonnes, bien là, ça devient, selon nous, quasi
automatique, là. Ça fait qu'on se demande pourquoi que le délai... le ministre,
il ne s'engage pas. Parce qu'il faut être honnête, dans un village comme le
nôtre, là, plus que c'est long, plus que le monde commence à se chicaner un
peu, puis ça devient pas facile de gérer tout ça dans le village. Un coup que
la décision va être prise, bien, au moins, on va savoir dans quelle direction
aller puis on va avoir toutes les informations, je pense, qu'on a besoin.
Merci.
M. Duguay (Raôul) : Moi, je
viens de l'Abitibi. L'Abitibi, c'est ma patrie chérie. La dimension du cœur
dans tout cet événement-là me fait me porter à la protection de l'esker, parce
que l'esker, c'est un trésor, c'est l'or bleu, l'eau la plus pure en Amérique
du Nord.
Et on a actuellement un conflit. On a l'or
blanc qui est le lithium, qui bien sûr est nécessaire à l'électrification des
transports et à tout le système numérique des communications. Ce que j'ai
constaté quand j'ai analysé le dossier et qu'on m'a demandé, la raison pour
laquelle je m'engage, c'est que je veux porter la voix de l'eau. La voix de
l'eau, c'est la voix du peuple, c'est la voix des citoyens qui doivent vivre
avec la crainte que ce joyau de la nature soit contaminé.
Actuellement, on ne croit pas... il n'y a
pas d'acceptabilité sociale du côté des électeurs, du côté des citoyennes et
des citoyens, et la bienséance sociale des délégués de Sayona pour la
consultation publique est vraiment faible, et c'est là que le bât blesse. Moi,
je défends la démocratie, je défends la beauté de la nature et je défends ce
joyau-là qui est vraiment la fierté, qui est une fierté dans le patrimoine de
l'Abitibi. Alors, j'espère...
Et je ne suis pas très, très content de ce
que j'ai entendu de M. Charette tout à l'heure, qui reste dans le vague. Ça
serait tellement simple d'appliquer la loi puisque toutes les preuves sont là
pour dire qu'il faut passer par un BAPE. Ainsi, seul le BAPE peut avoir une
analyse transparente, indépendante, exhaustive qui permet l'accessibilité à la
sensibilité des citoyens vis-à-vis ce fameux esker et la contamination
possible. C'est vraiment très simple. Alors, je lève mon verre à l'esker.
Mme Lessard-Therrien : Merci,
Raôul. Écoutez, je suis très heureuse d'être ici avec la porte-parole de
l'opposition officielle en matière d'environnement et de lutte aux changements
climatiques, Marie Montpetit, et le porte-parole du Parti québécois en matière
d'environnement et de lutte aux changements climatiques, aussi en matière
d'agriculture, Sylvain Gaudreault. Mme Montpetit, M. Gaudreault et le député de
Chomedey Guy Ouellette ont présenté avec moi la motion suivante :
«Que l'Assemblée nationale demande au
gouvernement de tenir une évaluation environnementale et des consultations
publiques par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement du Québec
concernant le projet minier Authier de la compagnie australienne Sayona
Mining.»
Comme vous voyez, tous les partis
d'opposition unissent leur voix à celle de la vaste coalition citoyenne qu'on
accueille aujourd'hui à l'Assemblée nationale, pour demander au ministre
Charette de suivre la procédure prévue par la loi et de soumettre le projet
minier Authier à l'examen du BAPE. J'aurais aimé voir mes collègues d'Abitibi,
élus de la CAQ. J'espère qu'ils interviendront auprès de leur ministre pour
défendre la meilleure source d'eau potable au monde.
C'est vrai, notre région a la mine dans le
sang, le ventre en or, comme dirait Raôul Duguay, mais je veux être bien comprise
par le ministre Charrette, l'Abitibi-Témiscamingue, ce n'est pas un far west.
On est des gens fiers et on ne se laissera pas passer un sapin par une
multinationale qui maquille ses chiffres pour échapper au BAPE. Je ne sais pas
comment ça marche en Australie, mais ici, au Québec, l'acceptabilité sociale,
ça ne vient pas en option, c'est une obligation.
Le gouvernement caquiste doit commencer à
respecter l'environnement et la volonté des citoyens. Notre région veut un
BAPE. Merci.
Mme Montpetit : Merci. Alors,
bonjour, tout le monde. Bien, ça me fait extrêmement plaisir effectivement
d'être avec mes collègues des autres partis de l'opposition. Ça fait quelques
conférences transpartisanes que je fais dans les dernières semaines, parce que,
visiblement, on n'a pas de réponse des ministres qui sont concernés par le
dossier de l'environnement, dont le ministre de l'Environnement. Très contente
d'accompagner également les gens de l'Abitibi, le comité aussi.
J'avais eu l'occasion, au mois de
novembre, de poser une première question en Chambre à la première ministre de
l'Environnement, qui était restée très évasive sur ses intentions. J'ai eu
l'occasion aujourd'hui de requestionner à trois reprises, de nouveau, le
ministre de l'Environnement qui a non seulement été évasif, laconique, un
déluge de mots, mais absolument aucune indication de la suite des choses. Que
ce soit la loi ou que ce soit sa légitimité, il a toute la possibilité, à
l'heure actuelle, la loi lui permet, l'oblige, lui permet de demander un BAPE,
si c'est sous 2 000 tonnes, l'oblige, si c'est au-dessus de 2 000
tonnes. Il a la possibilité de le faire.
Et son premier ministre se dit le premier
ministre des deals. On commence à se demander, c'est quoi, le deal qu'il y a en
arrière de ça, parce que je ne vois aucune raison, à l'heure actuelle, de ne
pas demander un BAPE pour une mine de lithium d'un kilomètre de long, qui borde
le cours d'eau, qui a une réputation internationale, qui est l'esker. On
avait... Nous, on s'est engagé, le Parti libéral du Québec, à tenir un BAPE
pour ce projet, pour s'assurer de l'évaluation environnementale des risques
qu'il pourrait y avoir pour que ce soit la nappe phréatique, que ce soit la
qualité de l'eau également. Donc, on redemande, par la présence, encore une
fois, et on ne cessera de talonner le gouvernement là-dessus. Il ne reste pas
beaucoup de temps avant qu'il rende sa décision, mais il y a absolument un bureau
d'audiences publiques qui doit se tenir pour donner la parole aux citoyens, aux
organismes également de faire valoir leurs inquiétudes, mais aussi pour
entendre les réponses qui sont nécessaires pour s'assurer d'avoir toutes les
données pour bien évaluer les impacts environnementaux de ce projet.
M. Gaudreault : Bonjour à tous
et à toutes. Ça me fait extrêmement plaisir d'être ici aujourd'hui. Nous avons
devant nous un gouvernement qui a un très gros déficit de crédibilité en
matière d'environnement. Là, il aurait une belle occasion de poser un geste
fort qui pourrait redorer un peu sa crédibilité. Il a devant lui un dossier qui
fait consensus du côté des partis d'opposition, mais aussi consensus social
avec la population du côté de l'Abitibi et même du côté du Québec. En plus de
ça, il a une obligation législative. Alors, s'il ne veut pas être soumis à des
poursuites judiciaires, il faut qu'il aille de l'avant.
Alors, je ne peux pas comprendre autrement
que par du dogmatisme ou de l'entêtement pourquoi ce ministre, qui doit tout de
suite envoyer un message fort en matière d'environnement, parce que les
derniers mois de la CAQ... puis durant la campagne électorale, ils n'ont pas
dit un mot en matière d'environnement, pourquoi il ne saisit pas ça. Je veux
dire, j'ai une petite leçon, là, de politique à lui donner, là. Il a un dossier
consensuel devant lui, qu'il aille de l'avant.
Je sais qu'il va nous dire que ses
fonctionnaires sont en train d'analyser si c'est réellement 2 000 tonnes
par jour ou non que la mine veut exploiter. Mais c'est parce que j'ai des
petites nouvelles, là, sur le site même de Sayona Mining, ils le disent. Je ne
vous le dirai pas en anglais, parce que vous allez rire de mon accent du
Saguenay, mais la traduction, c'est que leur approche, présentement, de la
compagnie, c'est de dire que c'est 2 000 et moins par jour et que ça
permet d'aller plus vite au niveau des autorisations environnementales. Puis
après ça, ils disent : Une fois qu'on va avoir eu nos autorisations, là,
on va augmenter la cadence, puis on va augmenter beaucoup plus que 2 000
par jour. Je veux dire, c'est un aveu. Je peux vous le donner, là, c'est
sur leur site Web, c'est un aveu de la compagnie. Je ne sais pas ce que ça
prend de plus au ministre pour dire : Bien là, regarde, on va arrêter de
calculer, là. C'est direct dans le champ de la loi puis de l'application
automatique du BAPE.
Alors, s'il vous plaît, écoutez le bon
sens, M. le ministre, mais surtout écoutez, s'il vous plaît, les citoyens qui
se préoccupent de cet enjeu et surtout de la préservation d'une source
extraordinaire, unique d'eau potable qui s'appelle l'esker. Merci.
La Modératrice
: Est-ce
qu'il y a des questions sur le sujet? Merci beaucoup.
(Fin à 11 h 51)