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Point de presse de Mme Véronique Hivon, porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière d’éducation

Version finale

Thursday, February 14, 2019, 15 h 20

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Quinze heures vingt minutes)

Mme Hivon : Bonjour. Alors, je souhaitais réagir formellement à la présentation du projet de loi n° 5 du gouvernement, le projet de loi qui concerne les maternelles quatre ans.

D'abord, j'ai entendu le point de presse en partie du premier ministre Legault et j'ai envie de dire au premier ministre Legault qu'avoir de l'ambition pour nos tout-petits, ce n'est pas avoir une obsession pour les maternelles quatre ans, avoir de l'ambition pour nos tout-petits au Québec, pour l'avenir de notre société au Québec, ce n'est pas de mettre tous nos oeufs dans le seul panier des maternelles quatre ans, c'est justement de déployer un ensemble de moyens pour les accompagner le mieux possible dès leur plus jeune âge. Et on a beaucoup parlé de la faisabilité de cet engagement-là, mais je pense qu'il faut parler beaucoup aussi de l'opportunité de ce choix-là de société parce que ce n'est pas banal, comme choix, ce qui est en train de se jouer en ce moment, avec cette espèce d'obsession pour les maternelles quatre ans.

Et le gouvernement lui-même, le premier ministre lui-même est en contradiction dans son discours. Pourquoi? Parce qu'il nous dit qu'il faut agir le plus tôt possible. Il nous dit qu'il faut vraiment s'assurer, avec notamment le programme de dépistage que veut mettre de l'avant son ministre des Services sociaux, M. Carmant, dès le plus jeune âge, de tout mettre en branle pour faire en sorte que nos enfants soient le mieux accompagnés possible, qu'on puisse dépister, qu'on puisse arriver rapidement avec les bons outils, les bons remèdes aux problèmes qui sont identifiés.On est complètement d'accord avec ça. On est complètement d'accord sur l'importance d'agir tôt pour nos tout-petits. Où le bât blesse, c'est quand on arrive avec ce remède-là, qui est présenté comme un remède miracle, des maternelles quatre ans mur à mur au Québec, alors que ça ne répond pas à un besoin et ça ne répond pas non plus à une demande, d'avoir cette maternelle-là, quatre ans, mur à mur.

Donc, M. Legault, il est en contradiction avec ce qu'il a annoncé lui-même avec son ministre des Services sociaux il y a à peine quelques semaines. Il est en contradiction aussi avec lui-même quand il dit que, quand les enfants arrivent à l'école à l'âge de cinq ans, il y en a 27 % qui ont un retard au moins dans une des sphères de développement de l'enfant, et qu'il nous dit : Bien là, le remède à ça, c'est la maternelle quatre ans. Mais évidemment le remède à ça, ce n'est pas que la maternelle quatre ans, c'est d'agir beaucoup plus tôt, c'est d'agir quand les enfants, ils ont un an, deux ans, trois ans, en concertation avec les centres de la petite enfance, qui sont un joyau au Québec et qui accueillent ces enfants-là, c'est aussi d'agir en collaboration avec les services sociaux.

Donc, quand il nous dit ce matin que, dans les écoles, il y a des services de spécialistes, est-ce qu'il est en train lui-même de désavouer le plan de match qu'il est en train de mettre de l'avant avec son ministre des Services sociaux, qui fait appel non pas uniquement aux spécialistes dans les écoles, mais à tout le réseau des services sociaux, et aux spécialistes qui s'occupent de nos tout-petits, et à la collaboration avec les centres de la petite enfance, avec les services de garde éducatifs, comme M. Carmant lui-même l'a dit? Donc, il y a un réel enjeu là parce que ce n'est pas vrai qu'on va régler tous les problèmes de dépistage et d'accompagnement de nos tout-petits en arrivant avec une solution mur à mur qu'est la maternelle quatre ans. Il faut agir plus tôt. Le gouvernement lui-même le dit, et il apporte cette solution-là des maternelles quatre ans, qui est loin de répondre aux besoins qui sont identifiés.

L'autre chose, c'est que le premier ministre et son ministre nous disent : Les parents vont avoir le choix, les parents vont pouvoir décider que leur enfant de quatre ans va aller en maternelle quatre ans ou qu'il va pouvoir rester dans un centre de la petite enfance. Mais, pour avoir un choix, il faut qu'il y ait les places. Avez-vous entendu M. Legault annoncer quelque investissement que ce soit en lien avec les centres de la petite enfance? Avez-vous entendu M. Legault ou son gouvernement dire qu'on allait favoriser les centres de la petite enfance et qu'on n'allait pas continuer à privilégier les garderies privées? Parce qu'on sait que, notamment, la vice-première ministre s'est prononcée abondamment dans le passé sur le modèle d'affaires des garderies privées. Est-ce que vous avez entendu le premier ministre Legault, son ministre de l'Éducation ou son ministre de la Famille redresser la barre à cet effet-là? Pas du tout.

Donc, pour avoir un vrai choix, il faut qu'on consolide notre réseau des centres de la petite enfance, qui est le lieu privilégié par les parents. Puis, encore une fois, cette semaine, il y a eu un sondage qui l'a clairement établi, plus de 50 % des parents d'enfants de zéro à cinq ans, ceux qui sont concernés, favorisent les centres de la petite enfance, versus environ 18 %, 19 % pour les maternelles quatre ans. Donc, ça, c'est parlant. Alors, évidemment, il y a quelque chose qui est très préoccupant là-dedans. Le choix, il n'est pas là à partir du moment où on met tous nos oeufs et tous nos investissements dans les maternelles quatre ans.

L'autre chose, c'est que vous avez vu aujourd'hui que, de toute évidence, le premier ministre, il a un parti pris. Vous avez peut-être vu passer, là, un communiqué de la Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec, appuyé par le conseil des services éducatifs à la petite enfance, qui demandent littéralement des excuses au premier ministre parce que, dans ses réponses aujourd'hui, il a montré une condescendance et une méconnaissance du travail des éducatrices à la petite enfance en disant que ça allait être tellement mieux dans les écoles parce qu'il y avait des spécialistes dans les écoles et des enseignants dans les écoles. Est-ce qu'il sait que les éducatrices en petite enfance, elles ont trois ans de formation spécifiquement pour les enfants de 0-5 ans? Est-ce qu'il sait qu'il y a des passerelles de service que son ministre des Services sociaux veut d'ailleurs bonifier avec les centres de la petite enfance puis les services éducatifs à la petite enfance? Donc, déjà, ça montre une méconnaissance. Puis c'est très inquiétant quand le premier ministre dit qu'il va y avoir un libre choix quand le parti pris semble très clairement assumé pour les maternelles quatre ans.

Puis, en terminant, bien, je veux revenir brièvement sur la question de la faisabilité. Donc, on en a parlé abondamment. Je ne pense pas que c'est par corporatisme, comme on entend parfois, que les commissions scolaires, les directions d'école, les représentants des enseignants rejettent l'idée de la maternelle quatre ans mur à mur. Au contraire, s'ils étaient corporatistes, ils diraient : Ça va être formidable, ça va prendre encore plus d'enseignants, ça va prendre encore plus de développement de notre milieu scolaire. Donc, le cri du coeur qu'ils envoient, c'est que, pour la réussite éducative, il faut consolider puis répondre aux besoins actuels qui sont urgents, les besoins actuels de pouvoir avoir des enseignants en nombre suffisant, des spécialistes en nombre suffisant, des classes en nombre suffisant, des gymnases, des services de garde, puis de ne pas être obligés d'aller prendre ces espaces-là parce qu'on manque d'espaces pour la base de ce qu'on doit faire dans une école, c'est-à-dire enseigner puis avoir des salles de cours.

Donc, c'est l'inverse du corporatisme, ce qui se passe en ce moment. C'est plutôt de dire : Même si notre milieu scolaire pourrait être favorisé, on vous dit : Est-ce que vous pouvez travailler plutôt à combler les urgences et en complémentarité avec le réseau des services éducatifs à la petite enfance, qui font bien leur travail, et les maternelles quatre ans en milieu défavorisé, qui sont un plus et qui font bien leur travail? Et ce qui est très, très surprenant, c'est que, malgré les beaux discours sur le libre choix, bien, l'obligation de s'assurer de la complémentarité, qui était prévue à la loi, elle saute avec le projet de loi qui est déposé devant nous aujourd'hui. On biffe carrément cette obligation-là de s'assurer de la complémentarité des réseaux. Alors, ça donne un signal un petit peu dissonant par rapport au discours du premier ministre.

Donc, évidemment, en terminant, simplement rappeler aussi les coûts. Le plan, il est où? Et les estimations solides, où sont-elles également?

Alors, le plan, je me demande vraiment où il est puisque tout semble dépendre de la volonté des parents de vouloir envoyer leur enfant à la maternelle quatre ans. Comment on va pouvoir mettre en place un plan clair, solide puis déployer les maternelles quatre ans correctement, en plus de toutes les embûches, dans le concret des choses, si on n'a pas cet estimé-là? Est-ce qu'on va marcher par sondage? Mais on en a déjà deux, sondages qui viennent dire que ce n'est pas ça, la priorité des parents. Donc, comment on va pouvoir faire pour mettre en place cette réforme-là, alors qu'on semble nous dire que tout ça va dépendre du bon vouloir puis du signal envoyé par les parents? C'est inquiétant, pour le moins.

Puis l'autre élément, c'est les coûts. Aujourd'hui, vous avez sans doute vu en conférence de presse le premier ministre qui dit : Entre 400 millions et 700 millions, ça va dépendre. C'est quand même toute une fourchette de différence, 400 millions et 700 millions. Mais surtout comment ça se fait que, pendant la campagne électorale, dans le cadre financier, on parlait de 250 millions? C'était ça, le montant qui était budgété pour les maternelles quatre ans. Là, on est rendus entre 400 millions et 700 millions. Et, selon nous, c'est même conservateur parce que, selon notre estimé, quand le gouvernement parlait de 5 000 nouvelles classes, c'était, au bas mot, en infrastructures, 900 millions. Et ça, c'est sans compter les coûts d'embauche de nouveaux enseignants, de fonctionnement, de temps supplémentaire, évidemment, pour avoir des spécialistes pour ces enfants-là.

Alors, il y a beaucoup, beaucoup de questions qui se posent. C'est évidemment un projet qui est très mal engagé. Et on souhaite que le gouvernement ne force pas dans la gorge du réseau scolaire et du réseau des services éducatifs à la petite enfance cette réforme-là, qu'il est vraiment le seul à vouloir, à peu près, au Québec, de cette manière-là, et qu'il batte en retraite parce que, des fois, c'est la chose à faire quand on veut être responsable puis répondre adéquatement aux besoins de nos tout-petits.

M. Lecavalier (Charles) : Bonjour. M. Legault fait un parallèle entre les maternelles cinq ans et les maternelles quatre ans. Il dit qu'à l'époque, lorsque ça a été implanté, les maternelles cinq ans pour toute la journée, qu'il y avait beaucoup de résistance, les gens ne voulaient pas. Puis, finalement, bien, quand on regarde aujourd'hui, c'est un succès. Je pense, il utilise la statistique de 98 % des enfants qui vont à la maternelle cinq ans toute la journée. Donc, il dit : Ça va être la même chose, dans le fond, dans le futur, pour les maternelles quatre ans. Puis il dit que les critiques, par exemple vos critiques, c'est de la simple résistance au changement. Est-ce qu'il y a un parallèle à faire avec les maternelles cinq ans?

Mme Hivon : Bien, je pense que non parce que la maternelle cinq ans, elle existait. Elle n'était pas à temps plein, et on n'était pas dans une logique où elle cohabitait avec un réseau qui existait déjà, qui est un réseau unique au monde, les centres de la petite enfance. Donc, on peut bien s'inspirer du modèle ontarien, mais le modèle ontarien, il n'a pas de centres de la petite enfance. Et il y a plusieurs provinces canadiennes qui nous envient ce réseau-là. Il y a plusieurs pays dans le monde qui nous envient ce réseau-là, cette manière de faire.

Et donc, quand j'entends M. Legault faire ce parallèle-là, c'est un parallèle qui ne tient pas la route parce que la maternelle cinq ans, elle existait, sauf qu'elle était à demi-temps. Elle est devenue à temps plein et elle n'était pas en train, je dirais, d'être en parallèle avec un autre réseau de services de garde éducatifs. D'ailleurs, ça s'est fait à peu près en même temps, où les deux, le réseau des services éducatifs et des centres de la petite enfance... s'est mis en place, et donc la maternelle cinq ans à temps plein. Donc, non, ce n'est pas un parallèle qui tient la route.

Puis l'autre chose qui ne tient pas la route, c'est quand M. Legault nous dit : Bien, en ce moment, il y a juste entre 20 % et 30 % des enfants qui sont dans des CPE, donc c'est formidable, les CPE, mais il n'y en a peut-être pas assez qui les fréquentent. Mais justement pourquoi il ne veut pas renforcer puis consolider ce réseau-là et qu'il continue à s'entêter à mettre sur le même pied tous les services de garde, comme les garderies privées à but lucratif et les centres de la petite enfance, alors que les centres de la petite enfance, étude après étude, il est démontré qu'ils sont les endroits les plus performants pour accompagner les enfants? Puis je l'invite à aller les voir, les centres de la petite enfance. Ils ont des programmes éducatifs pour les tout-petits. Ils ont des éducatrices formées. Ils ont des ratios plus petits que la maternelle quatre ans.

Ça fait que l'idée, ce n'est pas de les opposer. Nous, la maternelle quatre ans en milieu défavorisé, pour certains besoins, on est tout à fait d'accord avec ça. Mais pourquoi vouloir venir faire du mur-à-mur, sans prévisibilité, sans plan, en déconstruisant et en mettant à risque un réseau des services de garde éducatifs à la petite enfance et le réseau scolaire, qui crient à l'aide pour plein d'autres besoins, en leur rentrant dans la gorge cette réforme-là?

M. Lecavalier (Charles) : Sur les coûts, bon, M. Legault parle maintenant de 400 à 700 millions, puis ça, c'est pour les coûts de programme, là. Donc, il ne parle pas du tout, là, des infrastructures. Donc, juste pour les programmes, il disait 250 millions, je pense, en campagne. Est-ce que vous craignez une explosion des coûts?

Mme Hivon : Bien, c'est clair. Déjà, on est dans l'explosion des coûts, parce que moi, de ce que je me souviens de la campagne, c'était 250 millions dans son cadre financier, et ça, c'étaient les coûts de fonctionnement parce que M. Legault n'avait pas déposé son plan d'investissement en infrastructures. Donc, on est passés de 250 millions à, maintenant, entre 400 et 700. Il y a quand même toute une fourchette aussi entre 400 et 700. Donc, quand est-ce que ça va se préciser puis comment on va être capable d'évaluer les besoins? Je n'ai aucune idée.

Puis, par ailleurs, bien, en infrastructures, là, 5 000 nouvelles classes, puis même s'il revoit ça à la baisse parce qu'il va probablement se rendre compte que la demande n'est pas là, 3 000 classes, nous, en tout cas, on l'a évalué à autour de 900 millions. Donc, c'est quand même beaucoup d'argent. Et est-ce que c'est là qu'il faut mettre la priorité tous azimuts pour créer un droit à tout enfant de quatre ans, plutôt que de dire : On va y aller pour des enfants qui ont des besoins spécifiques et pour qui la maternelle quatre ans, ça fait toute la différence parce qu'ils ne fréquentent pas un centre de la petite enfance, parce qu'ils ont des retards qui vont être aidés par la maternelle quatre ans? Mais non. Il faut agir beaucoup plus tôt pour beaucoup d'enfants. Donc, c'est ça, je dirais, le noeud gordien de l'équation.

M. Lecavalier (Charles) : Dernière petite question. Est-ce que vous avez l'impression que M. Legault, ce matin, en période de questions, a eu un ton paternaliste?

Mme Hivon : Écoutez, je vais laisser les gens juger du ton de M. Legault. Il a certainement eu un ton condescendant à l'égard des éducatrices en services de garde éducatifs. Et puis, bien, c'est ça, à mon égard, franchement, je vais laisser les gens juger de son ton. Selon moi, je vous dirais que c'était d'abord un aveu qu'il avait du mal à répondre sur le fond des choses, donc qu'il se sentait coincé, et je pense que le coeur des enjeux et le coeur de la discussion doivent justement être sur le fond des choses puis j'invite M. Legault à répondre sur le fond des choses.

M. Lecavalier (Charles) : Vous avez apprécié la sortie de Mme Rizqy?

Mme Hivon : Bien, écoutez, moi, vous me connaissez. Donc, la transpartisanerie ou la solidarité entre partis, c'est quelque chose que je trouve toujours sympathique. Donc, voilà.

M. Lecavalier (Charles) : Merci.

(Fin à 15 h 36)

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