(Treize heures deux minutes)
M. Fontecilla : Bonjour,
mesdames messieurs. Me voilà ici pour faire la première réaction préliminaire
au projet de loi n° 9 du gouvernement caquiste, de M. Jolin-Barrette.
Pour nous, pour Québec solidaire, le projet de loi n° 9, c'est la première
étape de la mise en place du test des valeurs de la Coalition avenir Québec. On
était contre en campagne électorale, on est toujours contre aujourd'hui.
Le ministre Jolin-Barrette essaie clairement
de noyer le poisson avec ce projet de loi, le projet de loi n° 9. Si vous
lisez le projet de loi, il ne parle jamais de test de valeurs, il ne parle pas
de test d'employabilité, il ne parle pas de l'obligation d'aller s'installer en
région. Il noie le poisson. Il l'a dit lui-même, ce n'est qu'une première
étape, ça s'en vient, les dispositions. La massue va arriver avec un règlement,
et ce règlement ne sera pas soumis aux élus, ne passera pas par l'Assemblée
nationale. Ça va être adopté par règlement, ce qui nous semble hautement
regrettable.
Pour nous, pour Québec solidaire, si on
adopte ce projet de loi, des immigrants pourront vivre ici pendant plusieurs
années et se faire montrer la porte après avoir vécu ici, peut-être fondé une
famille, élevé des enfants, et c'est inacceptable. Ce n'est pas l'image que
nous voulons envoyer du Québec. C'est comme si les immigrants habitaient ici
avec une épée de Damoclès sur leur tête. C'est très déplorable comme situation.
Ça les amène à vivre dans une incertitude permanente qui est difficile à
soutenir et qui ne va certainement pas aider à attirer des personnes
immigrantes d'un peu partout à travers le monde, qui veulent immigrer ici, au
Québec. Parce que, vous savez, aujourd'hui, beaucoup de gens peuvent choisir là
où ils veulent aller, soit en Europe, soit en Allemagne, en Angleterre, au
Québec, aux États-Unis, etc., et ils vont prendre le temps de s'informer sur
les conditions, sur leurs possibilités d'avancement, etc., et cette série de
mesures qui s'annoncent ne vont certainement pas aider à attirer davantage
d'immigrants qualifiés ici, au Québec. C'est supposément le but recherché,
n'est-ce pas?
Sous d'autres aspects, encore une fois, pour
le projet de loi n° 9... est visiblement très axé sur la question
économique. Donc, on vise la spécialisation des immigrants selon des emplois.
On aura des immigrants qui vont être, oui, certes, peut-être plus aptes à
travailler de façon temporaire pendant quelques années dans certains secteurs
d'emploi qui sont en pénurie de main-d'oeuvre. Mais, vous savez, la situation économique,
la dynamique économique est certainement... la dynamique des choses change. Les
besoins d'aujourd'hui ne constituent plus des besoins dans quelques années. Et,
si on a une immigration trop spécialisée, on risque, d'ici quelques années, de
se retrouver avec plusieurs personnes au chômage parce que justement elles sont
trop spécialisées par rapport à ce qui pourrait advenir.
Donc, oui, il faut répondre aux carences, à
la pénurie de main-d'oeuvre. Il faut rechercher un certain niveau de spécialisation,
mais, aussi, il faut chercher la polyvalence de la main-d'oeuvre parce que ces
gens-là vont rester ici pendant le reste de leur vie. En tout cas, c'est ce que
nous, à Québec solidaire, on souhaite, qu'ils s'intègrent complètement, qu'ils
fondent une famille, donc qu'ils puissent occuper différents emplois, s'adapter
à l'évolution de l'emploi à travers les années.
Aussi, oui, écoutez, concernant le test des
valeurs, les candidats à l'immigration doivent déjà signer une déclaration sur
les valeurs communes. Et je vois mal comment, à un moment donné, le gouvernement
va imposer un test des valeurs, parce que c'est en filigrane dans le projet de
loi n° 9, là, la question du test des valeurs. Il faut s'adapter aux
valeurs québécoises, c'est très bien. À Québec solidaire, on est d'accord, il
faut adopter les principales valeurs de la société québécoise. Mais ensuite
comment va-t-on les mesurer d'ici trois, quatre ans? Comment va-t-on savoir
qu'un immigrant adhère de façon précise aux valeurs québécoises? Est-ce qu'il y
a une échelle qui va être... Enfin, il y a beaucoup de questions sous cet
aspect-là. Ça nous paraît hautement problématique aussi. Voilà.
Mme Cloutier (Patricia) :
Comment est-ce que vous réagissez au fait que, par ce projet de loi là, on
jette 18 000 dossiers d'immigration qui s'empilaient sur les bureaux
pour recommencer à zéro puis prendre de nouvelles demandes d'immigration?
M. Fontecilla : C'est très
regrettable. D'une part, cette décision-là d'effacer cet inventaire-là, comme
l'appelle le ministre, ou cet arriéré-là fait en sorte que les espoirs de
18 000... Au moins 18 000 personnes, mais on calcule que c'est
beaucoup plus. Certains chiffres nous disent qu'il s'agit de
60 000 personnes qui se cachent derrière ces dossiers-là. Donc, c'est
des personnes qui n'ont pas été traitées équitablement à cause des carences, de
l'inefficacité du système migratoire au Québec. Donc, nous portons la faute de
ne pas avoir traité à temps ces dossiers-là, et maintenant on s'en lave les
mains, on vous retourne l'argent, puis, voilà, c'est fini.
Le ministre Jolin-Barrette parle de
19 millions de dollars, quelque chose comme ça. Peut-être que cet argent-là
aurait été mieux investi à embaucher des ressources nécessaires pour
effectivement traiter ces dossiers-là. Mais, encore plus important, c'est qu'il
y a une partie significative des 18 000 personnes, des 18 000
dossiers, qui ne sont pas à l'étranger. Ils se retrouvent au Québec, en ce
moment même, depuis plusieurs années dans différents programmes, des gens qui
sont en attente d'une décision dans différents programmes. Mais que va-t-il se
passer avec ces personnes-là? C'est notre inquiétude. Nous ne connaissons pas
les intentions du ministre.
Nous avons même des cas, dans nos bureaux
de comté, à Québec solidaire, de nos députés, de gens qui attendent un permis,
mais là ils se retrouvent devant le néant : Est-ce que mon dossier va être
effacé, on va me renvoyer mon 1 000 $, et puis, voilà, prends le
billet d'avion et retourne dans ton pays? Pourtant, la personne travaille en ce
moment, ici, au Québec, depuis plusieurs années. C'est une inquiétude que le
ministre Jolin-Barrette doit expliquer au plus vite. Que va-t-il arriver avec la
part des 18 000 dossiers qui se retrouvent en ce moment au Québec?
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Le ministre semble dire que ces personnes-là ont le loisir de déposer une
nouvelle demande en fonction des nouveaux critères. Vous craignez l'expulsion
de personnes qui sont déjà établies au Québec, vous, sérieusement, là?
M. Fontecilla : Mais ces
personnes-là sont rentrées en vertu d'un programme x. Aujourd'hui, on leur dit :
Bien, ce programme x est aboli, on va analyser ton dossier en fonction du
programme y. Mais la personne est rentrée en fonction du programme x, donc son
dossier devrait être évalué en fonction de ce programme-là. Donc, pour nous,
l'étude de ces dossiers-là devrait être faite en fonction des anciens critères.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Est-ce que vous avez une évaluation du nombre de personnes qui pourraient être
touchées, qui sont au Québec à l'heure où on se parle et qui pourraient...
M. Fontecilla : Tout ce
qu'on sait, c'est que, dans nos bureaux de comté, il y a des cas qui concernent
ces personnes-là. Je ne peux pas vous dire le nombre total, mais il y en a. Il
y a une certaine proportion qui arrive à nos oreilles, mais on aimerait bien savoir
l'amplitude du problème.
Mme Cloutier (Patricia) :
C'est le Programme des travailleurs qualifiés dont on parle. Donc, il y a des
jeunes qui ont fait application pour le Programme des travailleurs qualifiés,
qui n'ont pas eu de réponse, mais vous dites : Ils sont déjà au Québec.
M. Fontecilla : Oui.
Mme Cloutier (Patricia) :
Pourquoi? Parce qu'ils ont utilisé un autre programme?
M. Fontecilla : Bien, ils
sont arrivés en vertu du Programme des travailleurs qualifiés, et, à un moment
donné, est arrivée l'échéance. Ils ont fait une demande de résidence
permanente, de CSQ, et, voilà, ils se retrouvent dans cette situation-là, entre
deux étapes bureaucratiques, et l'avenir, bien, est compromis. Ils ne savent
pas à quoi s'attendre.
Mme Cloutier (Patricia) :
Mais là ce n'est pas pour la résidence permanente, là, qu'on repart à zéro, là,
c'est pour ceux qui n'ont pas eu de réponse dans le Programme des travailleurs
qualifiés.
M. Fontecilla : Il y a
plusieurs cas qui sont dans différents types de programmes. Je ne peux pas vous
faire un portrait d'ensemble. Nous, on en connaît quelques-uns, mais on
aimerait bien avoir ces portraits-là.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Bon, l'opposition ici est minoritaire. Le parti au pouvoir a 75 députés. Donc,
il pourrait adopter, sans grands amendements, le projet de loi que vous avez
sous les yeux. Par contre, Ottawa, lui, semble avoir une certaine capacité de
faire barrage à certaines mesures en n'adoptant pas le règlement souhaité par
M. Simon Jolin-Barrette. Est-ce que vous demandez à Ottawa de refuser la
demande de modification réglementaire qui est faite et qui pourrait permettre
un grand nombre des mesures que vous dénoncez aujourd'hui?
M. Fontecilla : Nous, à
Québec solidaire, on prône que le Québec devrait posséder tous les pouvoirs en
matière d'immigration et autres sujets. On n'ira jamais demander au gouvernement
canadien d'imposer la volonté fédérale au gouvernement du Québec. Une fois ceci
dit, on peut très bien obtenir des pouvoirs, mais il faut les utiliser
intelligemment, et c'est ça qu'on demande au gouvernement de M. François
Legault.
M. Duval (Alexandre) :
Qu'est-ce que vous pensez, M. Fontecilla, de la disposition qui va
permettre au ministre d'envoyer les immigrants dans certaines régions du Québec
et de leur dire : Bien, c'est là qu'on a besoin de toi, c'est là que tu
vas aller?
M. Fontecilla : Écoutez, en ce
qui me concerne, en ce qui concerne Québec solidaire, on préfère toujours
l'approche incitative à l'approche par obligation. Effectivement, si on dit aux
personnes issues de l'immigration... si on les oblige à aller en région, certainement
que la volonté de s'installer au Québec peut diminuer. Et ce n'est pas une
bonne façon de faire les choses, d'obliger les gens. Par contre, il y a d'autres
façons d'inciter les immigrants à aller s'installer en région.
Moi-même, j'ai vu, par exemple, des programmes
où on incite des jeunes diplômés du Québec nés au Québec d'aller se réinstaller
en région. Je l'ai vu, par exemple, à Rimouski. On leur fait un tour
touristique. On leur montre les beautés de la région, les possibilités
d'emploi, de résidence, etc. Donc, on attire des gens, et ça fonctionne très
bien, ce programme-là, beaucoup de jeunes s'installent en région parce qu'ils y
trouvent une belle qualité de vie, des bons salaires, etc. Donc, pour moi,
c'est la méthode qui est à privilégier, c'est la carotte plutôt que le bâton.
Mme Senay (Cathy) : Il y a
des expériences extrêmement positives, ne serait-ce que parmi les Chiliens qui
ont décidé de venir immigrer au Québec. Il y a des réussites. Est-ce qu'avec ce
projet de loi là on fait fi des réussites, au Québec, d'immigration?
M. Fontecilla : Bien, il me
semble que oui. Pas seulement chez les Chiliens, mais il y a beaucoup, beaucoup
de gens issus d'autres communautés qui se sont très, très bien intégrés au Québec
en n'utilisant nullement des méthodes coercitives, des méthodes autoritaires
pour intégrer les immigrants.
Mme Senay (Cathy) : Donc, ça
vous dit quoi aujourd'hui qu'on en soit là? Est-ce que c'est une dérive?
M. Fontecilla : Ça me dit qu'on
prend la mauvaise voie. Ça me dit que l'immigration est avant tout une affaire
de coeur, de volonté et de désir de s'intégrer, de participer, de contribuer au
développement d'une société, et cela ne se commande pas, ne s'ordonne pas. Ça
doit venir des personnes elles-mêmes avant tout.
Le Modérateur
:
D'autres questions? Merci.
M. Fontecilla : Merci.
(Fin à 13 h 15)